L’histoire de la phytothérapie
Depuis toujours, l’homme s’est appuyé sur son environnement, dont les végétaux, pour sa nourriture et ses remèdes. L’usage des plantes à des fins médicales est une pratique ancestrale et culturelle qui a accompagné toutes les civilisations à travers les âges.
La médecine par les plantes : depuis l’origine de l’Homme ?
La datation exacte du début de l’utilisation des plantes, en particulier dans un but thérapeutique, est difficile. Les découvertes archéologiques émettent l’hypothèse que l’Homme savait s’en servir dès la Préhistoire. En effet, une étude publiée en 2012 indique que l’Homme de Néandertal, à l’époque paléolithique, aurait été capable de reconnaître les valeurs nutritives et médicales de certaines plantes.
Cette étude a été menée sur cinq squelettes datant de 47 300 à 50 600 ans trouvés sur le site d’El Sidrόn en Espagne. Les analyses du matériel moléculaire présent dans le tarte dentaire ont mis en évidence la présence de plantes au goût amer et à faible valeur nutritive. Les chercheurs ont donc émis l’hypothèse que ces plantes ont été choisies pour leur vertu thérapeutique. Par ailleurs, ils rappellent que les grands primates possèdent une grande connaissance de la flore environnante et de la valeur médicinale de certaines plantes. Il serait donc étonnant que les Hommes de Néandertal ne partagent pas un tel savoir.
Les documents les plus anciens attestant de l’art de guérir placent la maladie et le remède dans un contexte magico-divin. Les effets des plantes médicinales sont attribués à des interventions mystiques et leur récolte, leur préparation ainsi que leur administration seront souvent ritualisées.
Les premières traces de l’utilisation des plantes médicinales
A l’origine, il semble que la transmission du savoir se fait de façon orale et se perpétue avec la tradition.
La première preuve directe de la médecine par les plantes a été gravée près de 3000 ans avant J.-C. sur des tablettes d’argiles par les Sumériens. Elles ont été trouvées dans les ruines de Nippur (ville de la Mésopotamie antique, Irak actuelle). Sur des tablettes figurent des remèdes à base de substances animales, minérales et végétales. Les produits végétaux sont les plus représentés avec par exemple le pavot, le saule et la jusquiame. (2) Si cette pharmacopée traduit l’utilisation d’un certain nombre de remèdes issus de préparations plus ou moins complexes, aucune notion de dose ou de fréquence d’administration, ni pathologies dans lesquelles ils étaient utilisées ne sont indiqués. Un autre témoin de l’utilisation antique des plantes médicinales provient d’Égypte : le Papyrus d’Ebers. Datant d’environ 1500 ans avant J.-C., c’est l’un des plus anciens traités médicaux de l’Égypte ancienne connu. Il décrit environ 700 remèdes et contient une importante pharmacopée, principalement élaborée à partir de plantes. Contrairement aux tablettes sumériennes, la durée du traitement, de même que les proportions des ingrédients utilisés pour la fabrication des remèdes sont renseignés. (3) Cependant, l’utilisation des plantes médicinales (et des autres remèdes en général) est intrinsèquement liée aux considérations sacrées et mythologiques de l’époque : la plante possède un pouvoir curatif qui provient d’un dieu au même titre que la maladie est le résultat d’un châtiment divin. Plus tard, alors que la médecine va se défaire peu à peu de sa dimension mystique avec l’expérimentation et le développement des connaissances d’anatomie et de physiologie, la thérapeutique reste incomprise et confuse : elle trouve alors son interprétation dans les lois des similitudes et des contraires. Portées par des personnalités dont l’influence est considérable à cette époque, ces théories se dogmatisent et deviennent la base des travaux sur la thérapeutique.
L’Empire Gréco-Romain
La Grèce Antique : de la mythologie à la médecine
Les connaissances médicales se transmettent à travers les siècles par oral et grâce aux traditions.
Considéré comme le père de la médecine, Hippocrate est un médecin grec dont la pratique s’est basée sur l’observation du malade : il considère la maladie comme ayant une origine naturelle et non mystique. Il écrit le Corpus Hippocraticum qui dénombre environ 230 plantes médicinales parmi lesquelles la bryone, la jusquiame, l’opium ou la mandragore. Dans cet ouvrage apparaît la théorie des quatre humeurs (théorie selon laquelle la santé repose sur l’équilibre entre les quatre humeurs présentes dans l’organisme : le sang, la bile, la pituite et l’atrabile). Les remèdes sont utilisés selon la thérapeutique des contraires, dans le but de rétablir cet équilibre (par exemple les cholagogues sont utilisés pour éliminer un excès de bile). Dans l’Empire grec, les siècles suivants seront marqués par une progression de la science dans la médecine avec un approfondissement des connaissances des plantes et de leurs propriétés médicinales. Aristote, scientifique et philosophe, s’intéresse à l’anatomie et à la physiologie. Son disciple, Théophraste le « divin parleur », est considéré comme le botaniste le plus marquant de l’Antiquité. Il est l’auteur d’ouvrages considérables tels que « Historia Plantarum » et « De Causis Plantarum » dans lesquels il réalise la première tentative de classification de plantes : leur description, leurs propriétés et lesdangers qu’elles présentent.
L’Empire romain : le rayonnement de Dioscoride et de Galien
De l’époque romaine, deux personnalités sont à retenir : la première est Dioscoride (Ier siècle). Dans son ouvrage « De Materia Medica », qui restera un ouvrage de référence en matière de plantes médicinales pendant près de deux millénaires, il décrit plus de six cents plantes dont le genévrier, l’orme et la pivoine. Sa contribution à la « Théorie des Signatures » est importante : théorie selon laquelle la forme ou l’aspect de la plante ou d’une de ses parties évoquent par analogie son intérêt thérapeutique (par exemple le haricot destiné aux maladies rénales et les noix à celles du cerveau). La seconde grande figure médicale sera Galien (fin du IIème siècle) dont les influences sont en grande partie hippocratique puisqu’il reprend, en la complexifiant, la théorie des quatre humeurs. Par ailleurs, il attache une importance toute particulière à la préparation des médicaments, c’est pourquoi il est considéré comme le père de la pharmacie. Le terme de « galénique » désigneaujourd’hui l’art de la formulation desmédicaments. (5)Pendant des siècles, médecine et pharmacie restèrent confondues et furent exercéespar le médecin qui prescrivait et préparait les médicaments.
Le Moyen-âge
Le début du Moyen-âge et l’héritage des sociétés arabomusulmanes
Au début du Moyen-âge, en Occident, le Clergé a la mainmise sur la médecine «savante » au travers des ouvrages médicaux hérités de l’Antiquité, qui sont conservés et recopiés au sein des monastères. La maladie et la santé sont à nouveau considérées comme ayant une origine divine. Les couvents possédaient souvent un jardin botanique ou « jardin des simples » où étaient cultivées les plantes médicinales.A cette époque, Hildegarde VON BINGEN, une bénédictine,s’est distinguée par sacontribution à l’art de guérir, notamment par son apport à la phytothérapie grâce à la rédaction d’ouvrages avec de nombreuses descriptions de plantes médicinales. Il semble que la progression significative de l’art médical au Moyen-âge est, au moins en partie, due à Constantin l’Africain. Ce moine de l’abbaye du Mont-Cassin (Italie) consacre une partie de son travail à la compilation et la traduction d’ouvrages issus des civilisations arabo-musulmanes. Les traductions arabo-latines marquent un tournant important dans l’évolution de la médecine occidentale. Parmi les traditions phytothérapiques au Proche-Orient, il est important de citer « le Canon de la médecine » d’Avicenne. Cette célèbre encyclopédie décrit près de 800 monographies de médicaments simples et 600 formules de médicaments composés. D’autre part, Avicenne développe la notion de totum selon laquelle « le tout est supérieur à la somme de ses parties ».
Séparation de la corporation des médecins et des apothicaires
Le XIIème siècle est marqué par la création de nombreuses écoles de médecine parmi lesquelles celles de Salerne en Italie et Montpellier en France. Ces dernières sont des foyers pour la diffusion et le développement des connaissances. De plus, elles ont contribué à la laïcisation et la séparation de la médecine et la pharmacie. En 1258, le roi Louis IX (Saint-Louis) donne un statut aux apothicaires : ils deviennent responsables de la préparation et la vente des remèdes ainsi que du contrôle des marchandises. Cette profession reste cependant mal définie : elle est en concurrence avec les charlatans et les épiciers. Au XVIème siècle, Paracelse (médecin et chimiste suisse) contribue à la théorie des signatures initiée par Dioscoride. Il développe la notion de principe actif en recueillantle « fluide vital » de la matière par voie chimique : c’est ainsi qu’il est considéré comme le père de lachimie. La célèbre citation « Tout est poison, rien n’est poison, tout est une question de dosage » lui est attribuée. Ce n’est qu’en 1777 que Louis XVI, par une déclaration royale, sépare les corporations d’apothicaires et d’épiciers reconnaissant ainsi le monopole de la vente des médicaments aux seuls membres du Collège royal de pharmacie. La pharmacie étaitainsi officialisée comme unebranche de la médecine nécessitant des études et desconnaissancesapprofondies.Dans le même temps, en 1778, le premier diplômed’herboristerie est créé. Il apparaîtque le manque de considération dont asouffert la profession, pendant que le statut depharmacien gagnait ses lettres de noblesse, a affaibli le corps des herboristes.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. L’histoire de la phytothérapie
I. 1. La médecine par les plantes : depuis l’origine de l’Homme ?
I. 2. Les premières traces de l’utilisation des plantes médicinales
I. 3. L’Empire Gréco-Romain
I. 3. 1. La Grèce Antique : de la mythologie à la médecine
I. 3. 2. L’Empire romain : le rayonnement de Dioscoride et de Galien
I. 4. Le Moyen-âge
I. 4. 1. Le début du Moyen-âge et l’héritage des sociétés arabo-musulmanes
I. 4. 2. Séparation de la corporation des médecins et des apothicaires
I. 5. La Pharmacie et la phytothérapie en France depuis le XIXème siècle
I. 6. Vers un retour du diplôme d’herboriste ?
II. Définitions et principes de la phytothérapie
II. 1. Définitions
II. 1. 1. Le niveau traditionnel
II. 1. 2. Le niveau pharmacologique
II. 1. 3. Le niveau clinique
II. 2. Les grands principes en phytothérapie
II. 2. 1. Le totum
II. 2. 2. La synergie
II. 2. 3. Notion de terrain
II. 2. 4. Drainage
II. 2. 5. Tropisme
III. Législation de la phytothérapie
III. 1. Plantes médicinales
III. 1. 1. La Pharmacopée
III. 1. 2. Les plantes médicinales
III. 2. Médicaments à base de plantes
III. 2. 1. Médicaments d’un usage médical bien établi
III. 2. 2. Médicaments traditionnels à base de plantes
III. 2. 3. Huiles essentielles
III. 3. Compléments alimentaires
III. 4. Dispositifs médicaux
IV. Formes galéniques
IV. 1. Formes liquides
IV. 1. 1. Tisanes
IV. 1. 2. Teintures mères
IV. 1. 3. Extraits fluides
IV. 1. 4. Macérâts glycérinés
IV. 1. 5. Suspensions intégrales de plantes fraîches
IV. 1. 6. Extraits de plantes fraîches standardisés
IV. 1. 7. Huiles essentielles
IV. 1. 8. Hydrolats
IV. 1. 9. Huiles végétales
IV. 2. Formes solides
IV. 2. 1. Poudres de plantes sèches
IV. 2. 2. Extraits secs
IV. 3. Correspondance entre les différentes formes galéniques
V. Phytothérapie à l’officine
V. 1. Qualité, sécurité et traçabilité à l’officine
V. 2. Phytovigilance
V. 3. Place de la phytothérapie dans la prise en charge thérapeutique
CONCLUSION