Définition
La drépanocytose est l’hémoglobinopathie structurale la plus fréquente, causée par la production d’une hémoglobine anormale « HbS » ; celle – ci résulte de la mutation ponctuelle d’un gène situé sur le chromosome 11. Cette mutation se traduit par la substitution de l’acide glutamique par la valine en sixième position de la chaîne bêta de la globine [chatpfe.com]. Il s’agit d’une maladie rhéologique et vasculaire, qui associe à une anémie chronique des atteintes viscérales multiples. La grande variabilité clinique de la drépanocytose est l’une des caractéristiques de la maladie. Les formes expressives sont les syndromes drépanocytaires majeurs qui sont très majoritairement de types SS, SC, S/ß- thalassémies et exceptionnellement de types S/OArab, S/DPunjab S/E.
Historique
L’histoire de la drépanocytose est émaillée de quelques dates qui rappellent les principales étapes dans la compréhension de la maladie, dans sa description clinique et sa physiopathologie. La drépanocytose semble être connue depuis très longtemps dans la médecine africaine traditionnelle sous des termes correspondant à un « rhumatisme de la saison froide ». Le mot drépanocytose vient du grec « drépanon » qui signifie « faucille », désignant la forme que prennent les globules rouges des malades dans certaines circonstances [14]. La première description clinique fut faite par un cardiologue J. Herrick en 1910 [15]. Son attention avait initialement été attirée par une cardiomégalie associée à un souffle chez un étudiant enscience dentaire noire venant de l’île de grenade dans les caraïbes. Il décrivit la maladie comme une nouvelle entité clinique caractérisée par des hématies en forme de faucille qui par leur hémolyse donnait lieu à une anémie.
1917 : Emmel démontre la falciformation in vitro des globules rouges .
1923 : Tallifero et Huck proposent à la lueur des faits cliniques, la notion d’anomalie héréditaire à transmission semi-dominante [25].
1927 : Hann et Gillepsie notent que la falciformation n’apparait qu’à basse pression d’oxygène (Pa O2<50mmhg) et est réversible [18].
1933 : Diggs introduit la notion de « trait drépanocytaire » état clinique totalement différent retrouvé chez les parents où aucun trouble spontané n’existe spontanément et les anomalies cellulaires n’apparaissant qu’in vitro [19].
En 1942 Klinefelter, soulignait que les anomalies cardiaques étaient plus fréquentes dans la drépanocytose que dans les autres anémies chroniques [19].
En 1949, Pauling, met en évidence l’existence d’une hémoglobine anormale par l’électrophorèse de l’hémoglobine, signant ainsi la première maladie moléculaire [20]. Vers les années 50, Diggs, établit la description clinique de la maladie et les différentes manifestations cliniques [19].
En 1956, Ingram, fait ressortir les anomalies biochimiques de la maladie par la méthode « Finger – print » ou peptide lapping [chatpfe.com].
En 1966, Robinson, ressort la susceptibilité des sujets au pneumocoque.
En 1969, Pearson individualise le concept d’asplénie fonctionnelle [22].
En 1971, Barrel Connor souligne la fréquence des infections dans la drépanocytose [21].
Depuis la découverte de James Herrick en 1910 de nombreuses études ne cessent d’être réalisées sur les différents aspects de la drépanocytose.
La gélification
En atmosphère oxygénée, l’hémoglobine S est aussi soluble que l’hémoglobine A. Par contre,lorsque l’hématie est soumise à certaines conditions (hypoxie, acidose, déshydratation, hyperthermie) les molécules d’hémoglobine « S » qu’elle contient, s’accolent les unes aux autres pour former de longues chaines de polymères d’hémoglobine ou gel d’hémoglobine. Cette gélification de l’hémoglobine S désoxygénée est réversible. Ainsi les molécules d’hémoglobine S (Hb S) ont la propriété, sous leur forme désoxygénée, de se polymériser pour former des fibres intracellulaires. Ces dernières déforment le globule rouge en lui donnant son aspect caractéristique en faucille. La polymérisation n’est pas instantanée, mais précédée d’une période de latence variable. Le temps de latence dépend essentiellement de la concentration en désoxyhémoglobine S, la moindre augmentation de concentration à un effet considérable sur celui-ci. La polymérisation est inhibée par l’hémoglobine F et l’hémoglobine A2.
La falciformation
Conséquence directe de la gélification, elle correspond à la déformation des globules rouges en « faucilles » ou « croissants de lune » ; ce sont les drépanocytes. La falciformation peut être réversible ou irréversible si les facteurs déclenchants persistent ou s’il existe une altération progressive du globule rouge secondaire à des cycles répétés de désoxygénationoxygénation. Le globule rouge perd ses propriétés d’élasticité nécessaires pour passer à travers les petits vaisseaux de l’organisme et entraine l’occlusion du vaisseau, avec une thrombose aggravant la désaturation en oxygène (O2) et source d’infarctus. Le drépanocyte est ainsi plus rapidement détruit qu’un globule rouge normal. Ce qui explique l’anémie hémolytique. Le globule rouge anormal augmente la viscosité du sang qui s’écoule mal dans certains organes expliquant les complications vaso-occlusives de la maladie. A long terme se développent des lésions de nécrose avec altérations tissulaires atteignant certains organes parmi lesquels :
– L’œil réalisant à la longue un décollement de la rétine qui peut aboutir à la cécité.
– L’os : aboutissant à une nécrose aseptique des têtes fémorales et humérales du fait d’un défaut d’irrigation.
– Le poumon : réalisant un infarctus pulmonaire.
– Le rein : évoluant vers une anomalie glomérulaire (protéinurie et syndrome néphrotique) Plusieurs facteurs ont été identifiés comme susceptibles de favoriser la polymérisation. On décrit la baisse de la pression en oxygène en dessous de 45 mmHg (désoxygénation), le froid (source de vasoconstriction), l’acidose, la déshydratation cellulaire, l’augmentation de la température, l’effort physique prolongé et intense, les facteurs iatrogènes (diurétiques, anesthésiques généraux, vasoconstricteurs).A l’opposé certains facteurs inhibent la gélification et la falciformation: l’oxygénation, l’alcalinisation du milieu ambiant, certaines Hb (F, alpha-thal, D)
Association de l’hémoglobine S aux thalassémies
Les thalassémies ou syndromes thalassémiques sont des affections génétiques dues à la réduction ou à l’absence de synthèse d’une ou de plusieurs des chaînes de la globine. Les deux principaux syndromes thalassémiques sont les bêta-thalassémies et les alphathalassémies, en fonction du type de chaîne de globine dont la synthèse est anormale. Si les chaînes alpha ou bêta de la globine étaient synthétisées de manière insuffisante, il serait impossible de produire des quantités normales d’hémoglobine. La bêta-thalassémie est due à un défaut quantitatif de synthèse des chaînes β de la globine. Lorsqu’elle est associée à la drépanocytose, nous avons la forme hétérozygote composite S-β où l’un des parents est porteur du gène thalassémique et l’autre porteur du gène S. Le tableau clinique est comparable à celui d’une drépanocytose (SS) [33]. Quant à l’α-thalassémie, elle se caractérise par un défaut de synthèse des chaînes α dû à la délétion des gènes α-globine. Plus le nombre de gènes délectés est important, plus l’affection est grave. Une coexistence de l’α-thalassémie et de la drépanocytose (SS) est possible, ce qui diminue la concentration intra-érythrocytaire en hémoglobine S et peut ainsi atténuer les effets cliniques de la maladie [33]. L’α-thalassémie peut également être associée au trait drépanocytaire.
La phase critique
C’est la crise aiguë vaso-occlusive qui se traduit par la douleur. Le début remonte à l’enfance, il est variable selon les sujets. La durée varie de 1h à 6jours. Le siège varie selon l’âge. Chez le nourrisson : la crise réalise le « syndrome pied main » (hand foot syndrome). C’est une nécrose ischémique des petits os des mains et des pieds réalisant une dactylite aigue. Elle s’accompagne d’une tuméfaction douloureuse des parties molles du dos des mains et des pieds dans un contexte fébrile. Chez les enfants et les adolescents : la douleur est abdominale ou ostéo-articulaire. Elle est provoquée par des infarctus viscéraux (mésentère, rate, foie) et souvent accompagnée de fièvre. Elle peut simuler un tableau d’abdomen chirurgical aigu. Chez l’adulte, la douleur est ostéo-articulaire et siège au niveau des os longs, du thorax et du bassin. La périodicité: elle alterne avec une accalmie relative de durée variable. Cette répétition de la douleur est caractéristique de la drépanocytose. Les facteurs déclenchant des crises sont : l’hypoxie, l’acidose, l’hyperthermie, la déshydratation, le froid, l’effort physique, la haute altitude, la fièvre, les facteurs iatrogènes (diurétiques, vasoconstricteurs, anesthésie générale). La connaissance et la maitrise de ces différents paramètres constituent le point focal pour la prise en charge de la maladie.
Numération formule sanguine
Elle montre une anémie constante avec un taux d’hémoglobine moyen allant de 6-11g/dl [35]. Il est important de connaître le taux d’hémoglobine basal afin d’évaluer les variations par rapport au taux habituel d’un patient. Il s’agit d’une anémie hémolytique, normo chrome, normocytaire et fortement régénérative. Lors de la crise de séquestration aigue, l’anémie est arégénérative et profonde avec un taux d’hémoglobine entre 2 et 5 g/dl. Une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles esthabituelle et résulterait d’une hyperplasie médullaire associée à une démarginalisation permanente du pool marginal vers le pool circulant. Le taux moyen de leucocytes est de 12 000 ± 3000/mm [chatpfe.com]. Une discrète thrombocytose est fréquente.
Test d’EMMEL ou Test de falciformation
Le principe repose sur l’apparition de la déformation en faucille des hématies contenant l’hémoglobine S, lorsqu’elles sont privées d’oxygène in vitro. Il consiste à placer une goutte de sang entre lame et lamelle, puis recouvrir de paraffine ou de vaseline qu’on laisse reposer 24-48h avant la lecture au microscope. La réaction peut être accélérée en utilisant du méta bisulfite de sodium à 2% permettant d’observer la falciformation en 15-30min. C’est une méthode simple, rapide et très utilisée, cependant elle ne permet pas de différencier les drépanocytaires homozygotes(SS) des hétérozygotes(AS), ni des doubles hétérozygotes(SC, Sβ). Il peut être positif dans d’autres hémoglobinoses rares (Hb C Harlem) et peut être négatif dans les premiers mois.
Les complications vasculaires ischémiques
-Au niveau pulmonaire, le syndrome thoracique aigu traduit un infarctus pulmonaire à la suite d’une thrombose pulmonaire. Il est identifié comme la cause du décès dans 15% des cas recensés par la CSSCD (Coopérative Study of Sickle Cell Disease) [37]. Son incidence est difficile à établir faute de définition consensuelle. Les présentations cliniques et radiologiques diffèrent chez l’adulte et l’enfant. L’enfant présente fièvre et polypnée associée à une image lobaire supérieure ou moyenne, tandis qu’on retrouve chez l’adulte une douleur thoracique avec une image lobaire inférieure multi lobaire voire un épanchement pleural. Chez l’enfant il semble avoir un pronostic immédiat moins dramatique que chez l’adulte, mais il importe de savoir dans quelle mesure il favorise le développement d’une atteinte respiratoire ultérieure. Les étiologies en dehors de la dysrégulation du NO et la dysfonction endothéliale sont les infections, l’embolie graisseuse, l’inflammation chronique, l’hypoventilation.
-Au niveau cérébral, les accidents vasculaires cérébraux sont responsables de déficits neurologiques ou sensoriels. La lésion principale est une sténose progressive des artères de la base du crane touchant surtout le système carotidien aboutissant à l’obstruction et s’accompagnant du développement d’un réseau de collatérales. Ce dernier siège au niveau des vaisseaux lenticulo-striés et réalise l’aspect de moya-moya décrit en artériographie qui expose secondairement au risque d’hémorragie [40]. Le doppler transcranien (DTC) est une technique d’exploration non invasive des artères cérébrales. Les premières applications à l’enfant drépanocytaire en 1992 font suite aux travaux d’Adams [41] qui constate que les enfants ayant des vitesses élevées supérieures à 2m/s au niveau des artères cérébrales moyennes ou carotides internes avaient un risque accru d’AVC. Par ailleurs, dans 30% des cas, il n’existe pas de lésions des gros troncs artériels et on invoque un mécanisme touchant les petits vaisseaux avec troubles hémodynamiques [40]. En effet les modifications hémodynamiques réactionnelles à l’anémie chronique comportent une augmentation du débit cardiaque et du débit sanguin cérébral et une diminution des résistances vasculaires périphériques par vasodilatation [40]. En l’absence de traitement préventif, l’AVC récidive dans 67% des cas dans les 12 à 24 mois suivant le premier épisode. Les transfusions au long cours réduisent ce risque à 10% [43].
– Les thromboses des corps caverneux entrainent un priapisme. Il s’agit d’une complication potentiellement grave sur le plan fonctionnel définie comme une érection douloureuse, prolongée et n’aboutissant pas à l’éjaculation. Le risque majeur à long terme est l’impuissance qui peut être partielle ou complète. Les épisodes de priapisme grave aigu sont très souvent précédés par des priapismes intermittents qui doivent être recherchés à l’interrogatoire. L’âge moyen de survenue est entre 22-24 ans.
– Au niveau rénal, les thromboses rénales sont classiques mais très rares. Elles se traduisent par une hématurie et parfois une douleur lombaire aigüe. Les hématuries sont le plus souventtotales et unilatérales. Elles sont de résolution spontanée, avec une tendance à la récidive et sont le plus souvent dues à une nécrose papillaire. La médullaire rénale est exposée aux infarctus rénaux du fait des conditions locales prédisposant à la falciformation (taux bas d’O2, acidité, hyper osmolarité,) stase circulatoire et ischémie chronique. La micro albuminurie représente un marqueur précoce de l’atteinte rénale.
– Au niveau oculaire, les rétinopathies prolifératives dont le dépistage doit être fait régulièrement à partir de 12-14ans pour intervenir à temps. Elles augmentent de fréquence avec l’âge du malade. La rétinopathie drépanocytaire concerne les homozygotes S/S (40 %), mais surtout les doubles hétérozygotes S/C (70 %) avec dans cette population une certaine électivité masculine [28]. Les doubles hétérozygotes S/β ne sont pas épargnés, malgré une faible documentation à ce sujet. Les rétinopathies drépanocytaires sont souvent bilatérales, symétriques et suivent une classification évolutive ; La classification de Goldberg fait référence en individualisant cinq stades [75].
– stade 1 : occlusions artériolaires périphériques,
– stade 2 : anastomoses artériolaires périphériques,
– stade 3 : néo vascularisation préretinienne périphérique,
– stade 4 : hémorragies intravitréennes ;
– stade 5 : décollement de rétine.
-Au niveau osseux on assiste à une nécrose d’abord asymptomatique, puis des douleurs et une gêne fonctionnelle [44]. Les lésions peuvent être bilatérales et intéressent volontiers les têtes fémorales et humérales aboutissant à des nécroses céphaliques souvent asymptomatiques. Ceci explique leur découverte le plus souvent fortuite. Les troubles osseux, associés aux carences alimentaires observées dans les zones d’endémie drépanocytaire, ont à long terme un retentissement péjoratif sur la croissance staturo-pondérale [13].
-Les ulcères de jambe sont extrêmement douloureux et entrainent une gêne fonctionnelle. Ils se localisent au tiers inférieur de la jambe et à la face antérieure du coup de pied. Ils surviennent spontanément, mais le plus souvent à la suite d’un micro- traumatisme. Ils peuvent se compliquer d’ankylose des articulations tibio-tarsiennes. Leur guérison est difficile et la récidive est de règle [45, 46].
Les complications chroniques
– Les complications cardiaques sont représentées par le cœur anémique, l’hypertension artérielle pulmonaire, la cardiomyopathie ischémique, les complications liées aux dépôts de fer, les endocardites et les dysfonctions diastoliques; pouvant représenter jusqu’à 25% des décès [47, 48].
– Les complications pulmonaires en dehors du syndrome thoracique aigu sont le syndrome restrictif et obstructif ainsi que le poumon embolique chronique.
– Les complications hépatobiliaires se résument aux lithiases vésiculaires pigmentaires qui sont le plus souvent asymptomatiques, diagnostiquées à l’échographie des voies biliaires.
– Les complications rénales se manifestent sous la forme d’une néphropathie tubulaire pouvant évoluer vers l’insuffisance rénale chronique.
– Les complications neuropsychiques se traduisent par un retard scolaire, plus lié à l’absentéisme engendré par l’affection qu’à une baisse de l’efficience intellectuelle. Les céphalées sont la complication neurologique la plus fréquente. Les vertiges sont extrêmement variables et surviennent isolément au cours des crises de déglobulinisation.
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Table des matières
Liste des abréviations
Liste des figures et tableaux
I. INTRODUCTION
II. OBJECTIFS
III. GENERALITES
IV. METHODOLOGIE
V. RESULTATS
VI. COMMENTAIRES ET DISCUSSION
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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