L’Héritage en matière de réglementation du travail

Les premières mesures prises en matière de règlementation du travail en Afrique occidentale française concernaient essentiellement l’amélioration des conditions de travail, mais surtout l’emploi, la main-d’œuvre et le contrôle du travail. Cette règlementation visait aussi à réconcilier deux intérêts : celui de l’employeur européen et celui de l’employé « indigène » . Aussi, les textes intervenaient-ils pour régler tout ce qui pouvait accorder la protection aux travailleurs de l’AOF, souvent sans défense. Ainsi, cette règlementation avait mis le législateur dans une situation telle qu’il se retrouva devant un dilemme. Est-ce qu’il fallait établir une règlementation du travail efficace capable de garantir la liberté des travailleurs indigènes et de les mettre à l’abri des ignorances auxquelles ils étaient exposés ? Autrement dit, quelle solution le législateur devait-il adopter pour réconcilier employeurs et employés?

Le Sénégal était l’un des rares territoires où s’opéraient en premier lieu ces mesures concernant la règlementation du travail. A partir de 1918, un décret organisait l’emploi et la main-d’œuvre dans le port de Dakar. Mais le décret du 22 octobre 1925 et l’arrêté du 29 mars 1926 demeuraient la base de la règlementation des conditions d’exercice du travail indigène en AOF . Ainsi, des aménagements ont été faits pour combler les nombreuses lacunes soulignées par ce texte. Cette situation justifiait les fréquentes révisions que les différents régimes ont pu apporter aux premiers textes.

La règlementation du travail devenait effective à la suite des mesures prises pour normaliser le recrutement des travailleurs. Les législateurs avaient aussi pris des directives qui visaient à calquer la règlementation du travail indigène sur les recommandations de l’Organisation internationale du Travail (O.I.T) . Mais, l’applicabilité de cette législation, qui comportait 13 décrets et 36 arrêtés, était remise en question par les rapporteurs du Conseil Supérieur de France d’Outre-mer, qui la jugeaient mal adaptée à la réalité de l’époque. De plus, une certaine condensation et une certaine codification des textes posent un problème d’application et de compréhension. Sous ce rapport, le rapporteur du Conseil Supérieur de la France d’Outre-mer Blondel affirme que

« Les projets ne comblent en réalité aucune lacune essentielle, la législation en vigueur ayant presque réglé tous les problèmes envisagés dans les projets ; ceux-ci ne constituent pas une codification réelle car d’une part ils innovent, et d’autre part ils laissent subsister une partie importante des textes antérieurs. C’est dire que seule une législation complète du travail, marquant une rupture avec le passé, peut être associable avec le suffisant, en tenant compte de l’expérience aussi bien qu’en AOF que dans les autres colonies…».

Dans la plupart des colonies, la majorité des chefs d’entreprise ignorait la notion de législation du travail. En plus, ils ne se souciaient guère de son utilité sociale ou politique et prétextaient même qu’ils réservaient un bon traitement à leurs travailleurs. Cette situation montrait leur désaccord avec du l’organisation du travail comme les textes l’avaient défini. Ainsi, pour combler les lacunes découlant de la réglementation de 1925-1926, de nouvelles mesures ont été prises. En effet, un arrêté général du 20 janvier 1932 institue l’Inspection Générale du Travail et de la main-d’œuvre de l’AOF. Dans la même année, le décret du 2 avril 1932, promulgué le 30 juillet 1936, établit la règlementation des accidents du travail D’autres textes étaient arrêtés. Le décret du 21 aout 1930, qui réglemente le travail obligatoire, est promulgué dans toute l’AOF par l’arrêté du Gouverneur Général du 18 février 1933. Le décret du 18 septembre 1936 qui protège le travail des femmes et des enfants pour toute l’AOF entre aussi en vigueur. Au Sénégal, une loi du 22 avril 1937 interdit formellement le travail des femmes et des enfants et leur emploi dans les établissements dangereux et insalubres. Cette loi n’était pas conforme avec le décret du 21 juin 1921 sur le travail de nuit des femmes et des enfants dans l’industrie.

Situation du marché du travail

La question de la main d’œuvre avait constitué obstacle pour le colonisateur dont l’une des préoccupations majeures est le contrôle effectif du marché du travail. Les rapports politiques des administrateurs coloniaux le montrent avec force. A partir de 1918, un décret organise le recrutement de la main-d’œuvre dans le port de Dakar. Ce recrutement devient officiel par l’instruction du 9 octobre 1926. La question de la main-d’œuvre avait par la suite favorisé la création des offices du travail qui exerçaient aussi un contrôle sur la rémunération de la force du travail. Sous ce rapport, les conventions collectives constituaient une « sorte de feuille de route » pour la signature des contrats du travail tout en traduisant une volonté de mettre fin  aux discordes observées sur la fixation des salaires, seule garantie pour une meilleure condition de travail. Cette série de mesures avait favorisé le contrôle de l’administration sur le marché du travail en AOF.

L’organisation du marché de la main-d’œuvre 

Le travail salarié a connu un lent développement en Afrique occidentale. Puis que la majorité de sa population ouest africaine était rurale, il était difficile de fournir la maind’œuvre nécessaire aux entreprises. En effet, la question du recrutement des travailleurs s’est très vite posée dans la fédération. Dans un territoire comme le Sénégal, par exemple, on avait une organisation différente par rapport au reste des territoires. La main-d’œuvre sénégalaise avait évolué dans un contexte particulier dans son mode recrutement et sa circonscription spatiale. Elle est concentrée au niveau du secteur public et le chef du service portuaire de Dakar mit les caravansérails de Médina à leur disposition. Cette mesure répondait au besoin d’avoir sur place des travailleurs qui pouvaient charger les navires à tout moment. Ainsi, les maisons de commerce n’hésitaient pas à augmenter les salaires des manœuvres pour les inciter à rester .

Les autorités firent appel aussi aux territoires voisins (Soudan). L’entreprise du port de Dakar, pour sa part, recrutait ses travailleurs parmi la population ouvrière.Au niveau des entreprises privées de Dakar, une rude concurrence était dressée aux travailleurs français. Devant cet afflux de main-d’œuvre étrangère, le gouverneur général prit une mesure pour limiter la proportion des travailleurs étrangers. En effet, le bassin arachidier constituait un véritable pôle économique qui tirait un important effectif de cette main-d’oeuvre composée des travailleurs saisonniers des colonies limitrophes .Cette mesure fut rendue applicable par la loi du 10 août 1932. En 1933, on assista à une reprise du recrutement de main-d’œuvre favorisée par l’amélioration des conditions économiques et l’orientation de certaines entreprises vers des productions plus rentables nécessitant l’embauche de nouveaux travailleurs .

L’administration générale exerçait un contrôle strict sur les étrangers qui venaient chercher du travail en AOF. En effet, des conditions étaient fixées pour mettre ces derniers en règle. Cela voudrait dire que l’autorité se souciait beaucoup de la sécurité du territoire. Le gouverneur du Sénégal avait recommandé aux commandants de cercle frontaliers de bien distinguer les indigènes étrangers attirés par la culture de l’arachide. Ces derniers devaient disposer de laissez passer délivrés par leur cercle d’origine . L’autorité comptait aussi se conformer aux recommandations de l’Organisation Internationale du Travail qui s’attendaient beaucoup à ce que les puissances coloniales respectaient les normes du travail. Par ailleurs, l’organisation de la main d’œuvre des travailleurs de la deuxième portion du contingent militaire fut rendue officielle au Sénégal par un arrêté du 04 décembre 1926. Cette forme de main-d’œuvre fut cependant limitée dans le territoire bien que les travaux avaient déjà été entamés à Dakar et à Ziguinchor en 1923.

En outre, l’arrêté local du 29 février 1929 avait prescrit l’emploi de détenus pour renforcer la main- d’œuvre. Dans cette perspective la main-d’œuvre pénale de Louga avait été utilisée dans le cadre de la construction de la route Louga-Saint-Louis et de la chaussée à la sortie de la ville . Cette mesure qu’avait prise était impérieuse car il était nécessaire de trouver la main d’œuvre pour entamer les travaux et combler ainsi les insuffisances notées à ce niveau. Par ailleurs, dans les entreprises privées de Dakar, la main- d’œuvre française subissait une rude concurrence que lui opposait celle étrangère. C’est dans ce sens que la circulaire du N° 347 T.P du 11 août 1932 était prise pour fixe le pourcentage maximum d’employés étrangers.

Face à l’inquiétude provoquée par cette main-d’œuvre étrangère, le département de la France d’Outre-mer avait soumis au gouverneur général un projet de loi pour limiter cette question . En définitive, même si le Sénégal a toujours été favorisé par rapport aux autres colonies, les employés étaient réduits à quatre catégories.

Le contexte du recrutement

La main-d’œuvre sénégalaise, par rapport aux autres territoires de la fédération, était comme l’une des plus déficientes qui soit non pas en qualité mais en rendement. Selon Hélène D’Almeida Topor « un tel fait trouvait en partie son explication dans une mesure ou les textes règlementaires de 1925-1926 sur les conditions de recrutement des travailleurs ont tardivement été appliqués ». La main-d’œuvre en Afrique faisait absolument défaut. Des difficultés observées dans son recrutement .

Avec les besoins des exploitations agricoles et industrielles en main-d’œuvre devenant de plus en urgents avec la mise en valeur du Sénégal, on faisait appel annuellement à environ 1000 navétanes venus du Soudan . Cette demande était formulée par la Chambre de Commerce de Kaolack qui a voulu ravitailler le SineSaloum ainsi que toutes les plantations d’arachides du Sénégal. Le recrutement de ces ouvriers agricoles était motivé par cette volonté de l’autorité locale de remplacer le travailleur italien qui courait trop de risque en travaillant sous le soleil sénégalais. Pour les mêmes raisons, le recrutement des russes dans certaine colonies avait posé des problèmes car ces derniers n’étaient pas adaptés au climat . Mais, l’administration locale s’était montrée sévère à l’endroit des étrangers pour trouble à l’ordre public. Le recrutement des travailleurs indigènes était autorisé dans toutes les colonies par l’arrêté de 1925. Les opérations de recrutement et de suspension relevaient souvent de la compétence du gouverneur général.

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Table des matières

Introduction générale
Première Partie : L’Héritage en matière de réglementation du travail
Chapitre I : Situation du marché du travail
I/ Organisation de la main-d’œuvre
A/ Le contexte de recrutement
B/ La place des offices du travail
Chapitre : Rémunération du travail et conventions collectives
A/ Rémunération des travailleurs
B : l’Introduction des conventions collectives
Conclusion
Chapitre II : La codification du travail
I/ Les formes d’engagement du travailleur
A/ La souplesse des contrats
B : La protection des travailleurs par contrat
II/ Durée du travail et protection du travailleur
A/ La loi du 23 avril 1919 sur la journée des huit heures
B / La protection sanitaire des travailleurs
C / La déclaration des accidents du travail
Conclusion
Deuxième Partie : Le contrôle du travail (1932-1946)
Chapitre I : L’Inspection Générale du Travail et de la Main-d’œuvre
I/ La création de l’inspection du travail
1 / Rappel historique
2/ La création
A / Présentation de l’inspection du travail de Dakar
B/ Les attributions de l’inspection du travail
C/ L’appui des conseils d’arbitrage
Conclusion
Chapitre II : La nouvelle organisation du service
I / Le contexte général
A/ La Conférence de Brazzaville
B/ Les contestations syndicales de 1945-46
C/ L’impact de la suppression du travail forcé
II/ La réorganisation de l’Inspection Générale du Travail
A / La création du corps des inspecteurs du travail
B / Les installations internes
C/ Les compétences de l’inspection du travail
Conclusion
Troisième Partie : L’Inspection du travail et les conflits sociaux de post-guerre (1946- 1958)
Chapitre I : Les désaccords entre employeurs
A/ Les grèves
B/ Les licenciements abusifs d’après grève
C/ Le règlement des conflits du travail
Conclusion
Chapitre II : Les conséquences des tensions sociales d’après guerre
I/ Une réglementation d’après guerre
A/ La création des commissions consultatives du travail
B/ Le code du travail indigène ou l’officialisation de la réglementation du travail indigène
C/ Le renforcement du pouvoir des inspecteurs du travail
II – La mainmise des autorités coloniales
A/ L’appui des tribunaux du travail
B/ La question du travail au parlement
C/ Les rapports de l’inspection du travail avec l’Administration coloniale
Conclusion
Conclusion générale

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