L’herbier de Jurassica Museum
C’est à l’époque de Jules Thurmann (1832 – 1854) qu’un herbier commence à voir le jour au sein des collections scientifiques de l’Ecole cantonale : les premières investigations botaniques de celui-ci débutent en 18276 ; en 1834, il obtient un crédit pour l’élaboration d’un herbier et, en 1848, il indique qu’ «à l’heure qu’il est, un herbier s’organise par les soins de M. Feusier». L’herbier ne cesse de s’accroître durant cette période et, en 1863, quelques années après la mort de Thurmann, sa famille lègue à l’Ecole cantonale sa collection privée qui comptabilise environ 600 espèces. L’herbier de Jules Thurmann, ainsi que tous les apports de ses successeurs jusqu’à Frédéric-Louis Koby inclu, constituent le noyau historique de l’herbier.
Outre les herbiers de Thurmann et Koby, on peut citer les principaux auteurs d’herbier que le muséum conserve, comme celui de Bonami (1854 – 1894), collaborateur du jardin botanique, l’herbier de Ducommun (1849 – 1869), Butignot (1865 – 1954), l’herbier de mousses et hépatiques du vallon de Saint-Imier de Alber Eberhardt (1875 – 1952) ainsi que l’herbier de Jean-Pierre Moeckli (1923 – 1996).
L’herbier du musée est donc constitué de manière générale par le noyau historique, ainsi que de nombreux dons de botanistes locaux. La flore représentée est, dans son ensemble, issue du paysage jurassien. L’herbier compte actuellement environ 25’000 spécimens inventoriés.
A partir des années 1980, un important travail d’inventorisation et de rénovation est mené par François Guenat sur l’ensemble de l’herbier. Vingt ans après, en 2000, tous les spécimens de l’herbier sont inventoriés, leur nomenclature* ayant été mise à jour et tous les spécimens «pas forcément en bon état» ont été remontés sur du papier permanent et fixés grâce à des bandelettes de papier gommé de qualité d’archive .Le stockage des planches a également été adapté : celles-ci sont triées selon la systématique en vigueur, indépendamment de leur datation ou de l’auteur (sauf deux herbiers d’auteur). Les boîtes dans lesquelles les planches sont stockées représentent les familles et, à l’intérieur, des onglets épais séparent les genres, et les espèces sont isolées par des chemises de papier permanent.
Nature d’un herbier et sensibilités
Elaboration d’un herbier
Une planche d’herbier est constituée de 3 éléments principaux : le spécimen séché, les matériaux de montage (comprenant le support et les fixations), ainsi que les données relatives au spécimen. Les planches sont habituellement séparées les unes des autres, empilées et triées selon la systématique ou les besoins du botaniste.
Selon les propriétés morphologiques de la plante ou du mycète à étudier, un herbier peut se trouver sous différentes formes : de manière générale, le spécimen séché est fixé sur un support papier, mais il peut également être conservé en fluide, les spécimens épais ou les parties plus petites peuvent se trouver simplement dans une pochette et les lichens peuvent se trouver encore sur leur substrat , etc.
Séchage :Une collection de plantes vivantes n’est pas pratique à entretenir ; c’est pourquoi, dès le XVIIe siècle, les botanistes prirent l’habitude de récolter et sécher les plantes pour les étudier après les avoir déterminées. Le séchage permet d’inhiber le processus de décomposition naturelle ainsi que les attaques de ravageurs ; cela permet une conservation de très longue durée du spécimen. Un séchage correctement exécuté permet de conserver les principales caractéristiques physiques et chimiques du spécimen ; seuls une perte de souplesse et souvent un aplatissement du spécimen sont à déplorer.
Montage :Un montage du spécimen sur un support peut s’avérer nécessaire pour la conservation et la consultation du spécimen séché et afin de le lier à ses données38. La fixation au support doit être suffisamment solide afin de sécuriser le spécimen, mais elle doit également être réversible afin de permettre l’étude plus approfondie d’une partie du spécimen.
Le matériau largement utilisé comme support est le papier : à la fois souple pour accueillir et fixer le spécimen mais relativement rigide pour le maintenir et le consulter, il joue également un rôle de régulateur d’humidité autour du spécimen. Le spécimen est fixé à l’aide de deux méthodes principales : la fixation par lien ou par collage. Une fixation par lien peut être réalisée grâce à des bandelettes collées, du fil cousu ou des épingles ; le collage, quant à lui, fixe toute la surface du spécimen à son support (collage en plein) ou seulement partiellement (collage partiel). Le choix de la méthode est surtout influencé par les caractéristiques morphologiques du spécimen.
Apposition des données :Les données essentielles liées au spécimen sont ensuite reportées sur le support. Les données sont soient manuscrites ou imprimées directement sur le support, soit sous la forme d’une étiquette collée sur celui-ci. Une planche peut également être accompagnée de notes de terrain, de photographies, d’illustrations ainsi que de préparations sur lamelles pour l’observation au microscope.
Présentation de la numérisation
Objectif et valeurs de la numérisation
La numérisation est l’action de «convertir une information analogique sous forme numérique». Ainsi, après le traitement numérique d’une planche, les données résultantes se trouvent sous deux formes : l’image numérique de la planche, ainsi que les métadonnées.
L’objectif de la numérisation d’un herbier est bivalent : elle joue à la fois un rôle de conservation matérielle d’un herbier, ainsi que sa mise en valeur scientifique potentielle en cas de mise à disposition en ligne.
En matière de conservation matérielle, une numérisation peut devenir un outil de conservation préventive : la consultation de planches numériques uniquement peut réduire la manipulation, le transport ainsi que les risques liés à la dissociation. La numérisation agit également comme une sauvegarde numérique partielle des données scientifiques.
Concernant la mise en valeur scientifique, la numérisation d’un herbier permet de mettre au jour et en réseau un grand nombre de données scientifiques, scellées dans les «boîtes noires» des réserves de muséums. Intégrer une collection scientifique à un réseau global de partage de connaissance augmente considérablement l’usage scientifique de celle-ci. En outre, l’usage de données numériques rend le travail des biologistes ou d’autres disciplines bien plus aisé, de par l’accessibilité des données.
D’un point de vue pratique, cette accessibilité permet également aux scientifiques d’être beaucoup plus précis dans leur demande de prêt à un muséum. Insistons toutefois sur le fait qu’un fichier numérique représente une copie figée de la planche à un instant donné. La pérennité des fichiers numériques dépend de la lisibilité optimale de la planche à cet instant. Si le spécimen ou les données présentent une lisibilité réduite sur les fichiers numériques, ceux-ci peuvent ne pas être scientifiquement exploitables.
Critères de lisibilité
Partant du principe qu’une numérisation de haute qualité reproduit numériquement un document en deux dimensions de manière fidèle, nous nous pencherons plutôt sur les critères qui induisent une lisibilité optimale des planches d’un point de vue de leurs éléments constitutifs. Une lisibilité adéquate d’une planche peut donc être établie selon plusieurs critères :
Aucun élément ne doit se chevaucher et/ou cacher une partie du spécimen ou des données, y compris les données d’origine ;
Les fixations doivent être discrètes et ne pas cacher une partie unique ;
Le support doit être visuellement neutre (matière, couleur) et facilitant l’accès au spécimen ;
L’état visuel du spécimen doit se rapprocher au mieux de son état naturel ;
Le spécimen ne doit pas dépasser du support ;
La planche doit être la plus plate possible.
Quelques remarques cependant sont à observer. Tout d’abord, une image numérique étant en deux dimensions, il est idéal que toutes les informations se trouvent sur une seule face de la planche et sans chevauchement. Ensuite, concernant les parties uniques et importantes du spécimen, celles-ci fluctuent évidemment d’une espèce à l’autre, et selon quelles parties ont été récoltées ; ce critère est donc à observer au cas par cas. Ensuite, le spécimen doit se rapprocher au mieux de son état naturel afin que son étude ultérieure ne conduise pas à une mauvaise interprétation ou à une ambigüité. Enfin, lors de la numérisation par scanner, la planche est mise à plat : le dernier point des critères indique donc qu’elle doit être la plus plate possible afin que la mise au point soit régulière dans toutes les zones de l’image. Le même problème se pose pour les spécimens épais (en-dessus de 1.5 à 2 cm de hauteur).
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Table des matières
Introduction
1 Présentation de l’institution
2 Présentation de la collection
2.1 L’herbier de Jurassica Museum
2.2 Fonction, usage et valeurs culturelles
2.3 Nature d’un herbier et sensibilités
2.3.1 Elaboration d’un herbier
2.3.2 Matériaux constitutifs
2.3.3 Sensibilités aux agents de dégradation
3 Présentation de la numérisation
3.1 Objectif et valeurs de la numérisation
3.2 Critères de lisibilité
3.3 Présentation du processus
4 Examen diagnostique des planches
4.1 Echantillonnage
4.2 Identification du corpus
4.3 Description des matériaux constitutifs
4.3.1 Description des matériaux de montage
4.3.2 Description des spécimens
4.3.3 Description des données
4.4 Description des altérations
4.5 Diagnostic des altérations
4.6 Pronostic
4.6.1 Evolution des altérations sur le court terme
4.6.2 Evolution des altérations sur le long terme
4.7 Bilan de l’examen diagnostique
5 Projet d’intervention pour la numérisation
6 Projet d’intervention pour le long terme
7 Synthèse et discussion
Conclusion
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