L’hème, son métabolisme et ses précurseurs

L’hème, son métabolisme et ses précurseurs 

Définition et variétés de molécules d’hème 

Hémoglobine et chlorophylle sont les « pigments de la vie » qui font que le sang est rouge et les plantes sont vertes selon (Battersby 1987). Dans l’antiquité déjà les Grecs extrayaient un colorant rouge des coquillages de la famille des murex et l’utilisaient comme pigment de la couleur pourpre. Cette pourpre, teinture rouge violacé profond, est un des éléments culturels majeurs de l’Antiquité méditerranéenne, poursuivi jusqu’à nos jours dans des vêtements religieux. D’un point de vue chimique, la molécule principale est un dibromoindigo, molécule à noyau phénolique. Aujourd’hui le terme grec porphureos, qui signifie pourpre, a donné son nom à une classe de pigments la plus abondante dans la nature, les porphyrines. Les composants de cette famille de molécules en forme d’anneau se trouvent chez tous les vivants qu’ils soient animaux, végétaux, voire certaines bactéries. La chlorophylle du monde végétal est une porphyrine liant un atome de magnésium; elle est indispensable à la photosynthèse. Dans le monde animal, la molécule de porphyrine lie un atome de fer pour former l’hème, une molécule indispensable pour le fonctionnement de nombreuses protéines dites métalloprotéines. L’hème de l’hémoglobine des globules rouges assure le transport de l’oxygène et peut fixer l’oxyde de carbone (Fig1). Le dioxyde de carbone, lui, se fixe à la partie globine de cette hémoglobine. Les molécules d’hème entrent également dans la composition de protéines de la chaîne respiratoire mitochondriale. Insérant le nickel, les porphyrines forment le coenzyme F430 qui joue un rôle majeur chez les bactéries notamment dans le métabolisme du méthane. Liant un atome de cobalt, la molécule de porphyrine constitue la vitamine B12, molécule essentielle chez l’homme. Toutes ces molécules dites hémoprotéines ont la particularité d’absorber la lumière visible, ce qui donne une couleur spécifique aux cellules qui en contiennent, caractéristique de l’ion métallique contenu (Dayan 2013).

Chez l’homme, l’hème est un co-facteur important dans plusieurs types de réactions biologiques comme le transport de l’oxygène, les réactions d’oxygénase, la régulation des activités enzymatiques (Bonkovsky 2013). Il est également le groupement prosthétique de protéines comme la guanylate cyclase, les NO synthases, les hydroxylases ou les cyclooxygénases qui synthétisent des molécules de signalisation comme le GMPc, le monoxyde d’azote (NO), les hormones stéroïdes, les prostaglandines. L’hème contrôle également, outre sa propre synthèse et sa dégradation, l’expression de nombreuses protéines comme la globine et il régule la prolifération et la différenciation de nombreux types cellulaires (Ponka 1999). Les hémoprotéines de la chaîne respiratoire mitochondriale participent au transfert des électrons. Cette dernière fonction est indispensable à la conversion énergétique dans les cellules eucaryotes à travers le processus d’oxydation phosphorylante (OXPHOS).

Synthèse de l’hème 

La biosynthèse de l’hème est ubiquitaire mais les deux sites majeurs de production sont la moelle osseuse (80 % de l’hème synthétisé dans l’organisme) et le foie (environ 15 %) (Lyoumi 2011). La voie de synthèse, partagée entre la matrice mitochondriale et le cytosol, est constituée de huit étapes enzymatiques (Fig2). La première étape consiste en formation d’une molécule d’acide delta amino-levulinque (ALA) par condensation d’un acide aminé, la glycine et d’un intermédiaire du cycle de Krebs, le succinyl-Coenzyme A. Cette réaction, qui se produit au sein de la matrice mitochondriale, est catalysée par une enzyme, l’ALA synthase (ALAS). Cette étape est considérée comme limitante, l’activité de l’ALAS étant régulatrice de l’ensemble de la voie de synthèse de l’héme. L’ALA quitte la mitochondrie, traverse la membrane mitochondriale probablement par un canal transporteur à ce jour non identifié. Dans le cytosol, deux molécules d’ALA se condensent pour former le deuxième précurseur le porphobilinogène (PBG) sous l’action de l’enzyme ALA deshydratase (ALAD). Ensuite, 4 molécules de PBG sont polymérisées par l’enzyme PBG désaminase pour former un premier tétrapyrrole linéaire, l’hydroxymethylbilane (HMB). Cette molécule d’HMB est ensuite cyclisée pour former l’uroporphyrinogène (Uro’gen I) par l’action de l’enzyme URO 3 Synthase. Puis cette molécule subit une étape de décarboxylation par l’enzyme uroporphyrinogène décarboxylase (URO D) pour former la coproporphyrinogène, réaction se produisant dans la matrice mitochondriale grâce à l’action de la coproporphyrinogène oxidase (CPOX). Cette molécule CPOX est ensuite convertie en protoporphyrinogène. La suite du processus de synthèse se produit dans la mitochondrie par l’action d’une enzyme nommée protoporphyrinogène oxydase (PPOX) permettant la formation de la protoporphyrine IX (PP). L’étape finale est catalysée par l’enzyme Ferrochelatase (FECH) connue aussi sous le nom d’hème synthase qui introduit un atome de fer à l’état ferreux dans la PP pour former l’hème. La synthèse de l’hème commence donc dans la mitochondrie par un intermédiaire du métabolisme énergétique (le succinyl CoA), et après plusieurs étapes partagées entre cytosol et mitochondrie se terminera dans la mitochondrie, par constitution du produit final, la molécule d’hème (Siddesh 2014).

Régulation de la synthèse hépatique de l’hème

La voie de synthèse de l’héme est régulée principalement par la première enzyme de processus de synthèse, l’ALAS. Cette enzyme à deux isoformes, l’une virtuellement ubiquitaire mais essentiellement hépatique (ALAS1) et l’autre érythroïde (ALAS2). La régulation de l’ALAS est tissu spécifique, et l’on parle d’une régulation hépatique et d’une régulation érythroïde.

Régulation transcriptionnelle
En dehors du tissu érythroïde et notamment dans la cellule hépatique, l’hème exerce un rôle inhibiteur sur la transcription du gène codant pour l’ALAS1 (rétro-contrôle négatif). Le glucose et d’autres intermédiaires du métabolisme glucidique inhibent aussi la transcription du gène de l’ALAS1, notamment par l’intermédiaire du peroxisome proliferator activated coactivator 1 alpha (PGC-1 α) (Hanschin 2005) Le PGC-1 α est un co-activateur de plusieurs récepteurs nucléaires et facteurs de transcription. Il contrôle ainsi la biogenèse mitochondriale et le métabolisme oxydatif (OXPHOS) dans plusieurs tissus tels que le tissu adipeux, les muscles squelettiques, le cœur et le foie. Dans le tissu hépatique, le PGC-1 α est induit et activé pendant les périodes de jeûne lorsque le foie passe du métabolisme glucidique au métabolisme des acides gras. Il a, par ailleurs, été montré que l’expression du gène codant pour PGC-1α, induit une augmentation de l’expression du gène de l’ALAS1. (Fig3). (Scassa 2004) et qu’il aurait donc un rôle déterminant dans la sévérité de la crise de porphyrie induite chez un modèle murin de porphyrie aiguë. (Hanschin 2005) .

Régulation post transcriptionnelle 

Dans la cellule hépatique, grâce à un épissage alternatif, deux formes d’ARNm d’ALAS sont produites, une forme majeure et une forme mineure qui se différencient par leur extrémité 5′ non traduite. L’hème régule négativement la stabilité de la forme majeure en la décomposant au stade post-transcriptionel, tandis que la forme mineure est plus résistante aux effets de l’hème (Roberts 2001).

Régulation post traductionnelle
L’hème peut réguler l’ALAS1 dans la phase post traductionnelle, en diminuant le transport vers la mitochondrie de la pré-ALAS1 (Daily 2005). Il a été montré, récemment, que l’hème accentue la dégradation mitochondriale de l’ALAS1 grâce à une protéase ATP dépendante, LONP1, qui contrôle le turnover sélectif des protéines mitochondriales matricielles (Tian 2011) .

Catabolisme de l’hème 

L’hème est principalement dégradé dans la rate et le foie. La première étape consiste en la cassure du noyau tétrapyrrole, produisant de la biliverdine et libérant un atome du fer et du monoxyde de carbone. La biliverdine est ensuite transformée en bilirubine sous l’action de la biliverdine oxydase. Cette bilirubine sera excrétée par le foie vers les canaux biliaires (Fig4). Cette procédure de dégradation est contrôlée par l’hème oxygénase (HMOX), première enzyme de la voie de dégradation de l’hème qui développe donc une action limitante et régulatrice sur l’ensemble de cette voie. Il existe deux isoformes de cette enzyme, HMOX1 et HMOX2. Le gène de l’HMOX1 est exprimé à de faibles niveaux. Sa transcription est induite par des facteurs de stress chimique ou physique (ROS, choc thermique…), son propre substrat, l’hème et certaines métallopophyrines (Fig4). Contrairement à l’HMOX1 le gène de l’HMOX2 n’est pas inductible. Cette isoforme est abondante dans le cerveau et les testicules. Sa fonction principale est la production du monoxyde du carbone, qui est un vasodilatateur et une molécule de signalisation (Siddesh 2014) .

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Table des matières

A- INTRODUCTION
I- L’hème, son métabolisme et ses précurseurs
I.1: Définition et variétés de molécules d’hème
I.2 : Synthèse de l’hème
I.3 : Régulation de la synthèse hépatique de l’hème
I.3.1 : Régulation transcriptionnelle
I.3.2 : Régulation post transcriptionnelle
I.3.3 : Régulation post traductionnelle
I.4 : Catabolisme de l’hème
I.5 : L’ hème dans la chaîne respiratoire mitochondriale
I.6 : L’acide 5-amino-lévulinique (ALA)
II- Anomalies du métabolisme de l’hème et pathologies, les porphyries
II.1. : Porphyries héréditaires
II.1.1 : Les porphyries hépatiques aiguës
II.1.1.a : Caractéristiques de la crise
II.1.1.b : Le diagnostic de la porphyrie
II.1.1.c : Physiopathologie des porphyries aiguës
II.1.1.d : Traitement de la crise aiguë
II.1.2 : Porphyries aiguës non hépatiques
II.1.2.a : La porphyrie cutanée tardive (familiale, sporadique) f PCT/s PCT
II.1.3 : Les porphyries érythropoiétiques
• La porphyrie érythropoïétique congénitale (PEC)
• La protoporphyrie érythropoïétique (PPE)
• L’anémie sidéroblastique liée à l’X (ASLX)
II.2 : Les porphyries acquises
II.2.1. : La Tyrosinémie héréditaire de type I
II.2. 2: L’intoxication au plomb
III- La mitochondrie
III.1 : Structure
III.1.1 : La membrane externe
III.1.2 : La membrane interne
III.1.3 : L’espace inter membranaire
III.1.4 : La matrice
III.1.5 : La composition de la chaîne respiratoire et de la fonction OXPHOS
III.1.5.1 : NADH Ubiquinone OxydoRéduction (complexe I)
III.1.5.2 : Succinate Ubiquinone Oxydoréductase (complexe II)
III.1.5.3 : Ubiquinol cytochrome C réductase (Complexe III)
III.1.5.4 : Cytochrome C oxydase (Complexe IV)
III.1.5.5 : La F0-F1 ATP synthase (complexe V)
III.2 : Le métabolisme énergétique mitochondrial
III.2.1 : La production des coenzymes réduites
III.2.1.a : Le cycle de Krebs
III.2.1.b La β-oxydation des acides gras
III.2.2 : L’oxydation phosphorylante OXPHOS
III.2.2.a : La chaîne respiratoire
III.2.2.b : Synthèse de l’ATP
III.2.3 : Régulation de l’oxydation phosphorylante
III.2.3.a : Régulation de l’efficacité de l’oxydation phosphorylante
• la fuite des protons
• Les mécanismes intrinsèques
III.2.3.b : Régulation allostérique
• Rôle du calcium
• Régulation par le rapport énergétique (ATP/AMP)
• La régulation par le rapport NAD+/NADH
III.2.3.c : La régulation post-traductionnelle
• Mécanisme de phosphorylation
• Mécanisme d’acétylation
III.2.3.d : La régulation transcriptionnelle : la biogenèse mitochondriale
III.3 : La production mitochondriale des ROS
III.3.1 : La détoxification mitochondriale des ROS
B- RESULTATS
1) Article I: Acute intermittent porphyria causes hepatic mitochondrial energetic failure in a mouse model
2) Article II : Mitochondrial energetic defects in muscle and brain of mouse model of acute intermittent porphyria
Résultats supplémentaires articles 1 et 2
3) Article III : Pro-oxidant effect of ALA is implicated in mitochondrial
Dysfunction of HepG2 cells
C- DISCUSSION GENERALE

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