L’hématopoïèse normale et leucémique
L’hématopoïèse normale
Généralités
Le terme hématopoïèse décrit la formation de l’ensemble des constituants du système sanguin à partir d’une petite population de cellules appelées cellules souches hématopoïétiques (CSH). C’est un processus fondamental capable de s’adapter en permanence à diverses conditions physiologiques, voire pathologiques. Avant les années 1960, même si il était connu que les cellules sanguines possédaient une espérance de vie courte leur source de renouvellement est restée inconnue jusqu’aux travaux de Till et McCullock en 1961 (Till, 1961). Leur expérience a consisté à irradier des souris, entrainant ainsi une aplasie médullaire irréversible. L’injection d’une suspension de moelle osseuse de souris de même lignée a permis aux souris de survivre. Avec l’observation de colonies au niveau de la rate, ils ont mis en évidence une population de cellules initiatrices dont les cellules filles sont capables de produire différentes lignées hématopoïétiques. Cette découverte fut la première évidence que les cellules souches hématopoïétiques possèdent des capacités d’auto-renouvellement et de différenciation.
L’hématopoïèse peut être séparée en quatre compartiments : les cellules souches, les progéniteurs, les précurseurs et les cellules matures. Afin d’assurer une hématopoïèse fonctionnelle tout au long de la vie, les CSH ont la capacité de s’auto-renouveler ou de se différencier, d’entrer en quiescence ou de proliférer. L’équilibre entre ces différents états fonctionnels peut être contrôlé par des mécanismes intrinsèques (facteur de transcription, voie de signalisation) et extrinsèques (microenvironnement).
La niche hématopoïétique
L’hématopoïèse adulte se déroule essentiellement dans la moelle osseuse dite « rouge » des vertèbres, des côtes, du sternum et du bassin, ainsi que dans les épiphyses du fémur et de l’humérus. Les mécanismes impliqués dans la régulation des différents états fonctionnels des CSH mettent en jeu une relation étroite entre les CSH et d’autres cellules ou composants de la matrice extracellulaire. Cette relation forme un microenvironnement particulier appelé niche hématopoïétique qui se situe au niveau de la moelle osseuse rouge. Cette dernière est un tissu dont la vascularisation est extrêmement riche. Les vaisseaux sanguins permettent le transfert de cellules et de macromolécules de la moelle osseuse vers le sang périphérique. La niche hématopoïétique est constituée des cellules hématopoïétiques (CSH, progéniteurs, précurseurs) et de cellules stromales. Les composants cellulaires de la niche produisent des cytokines ainsi qu’une matrice extracellulaire (MEC) classiquement constituée de molécules comme le collagène et la fibronectine.
Déroulement de l’hématopoïèse
Les cellules souches hématopoïétiques
Les cellules souches hématopoïétiques sont à l’origine du système hématopoïétique (Figure 1). Durant la division, les cellules filles des CSH peuvent s’autorenouveller (reproduire à l’identique), s’engager dans une voie de différenciation ou aller en apoptose. Le compartiment souche contient deux types de cellules souches : les CSH à long terme (LIN-, SCA1+, KIT+, FLK2-, Thy1low, CD34-) qui peuvent se renouveler indéfiniment et des CSH à court terme (LIN-/low, SCA1+, KIT+, FLK2-, Thy1low, CD34+) avec une activité de repeuplement limitée (~ 8 semaines) (Geiger, 2013). Selon le modèle de Weissman, les cellules souches à long terme constituent une faible proportion des cellules présentes dans la moelle osseuse (0,001% comparée à 0,02% pour les cellules souches à court terme). Elles ont comme fonction principale l’auto-renouvellement et gardent un potentiel de différenciation dans toutes les lignées de l’hématopoïèse (Weissman, 2000).
Les CSH qui entrent dans la voie de différenciation donnent d’abord naissance à des cellules progénitrices multipotentes qui perdent leur capacité d’auto-renouvellement mais qui conservent un potentiel multi-lignée. Les CSH et les cellules progénitrices multipotentes font partie d’une petite population de la moelle osseuse qui ne possède pas les marqueurs de surface des cellules matures. Cependant, ces cellules expriment le récepteur de la cytokine SCF (stem cell factor) cKIT et la protéine de surface Sca-1 (stem cell antigen-1) (Weissman, 2001).
La maturation des progéniteurs hématopoïétiques
Suite à la naissance de la cellule progénitrice multipotente, une ramification myéloïde/ lymphoïde se produit avec l’émergence d’un progéniteur commun lymphoïde ou d’un progéniteur commun myéloïde. Ces progéniteurs possèdent un potentiel de prolifération élevé et un potentiel de différenciation plus restreint. Le progéniteur commun lymphoïde permet la fabrication de lymphocyte B, lymphocyte T et de cellule NK. Le progéniteur commun myéloïde, appelé CFU-GEMM (Colony Forming Unit-Granulocyte Erythrocyte Macrophage and Megakaryocyte), permet de donner naissance aux différents précurseurs myéloïdes qui sont les suivants :
● Les CFU-GM (Granulocyte and Macrophage), qui sont des précurseurs granulo monocytaires qui engendrent les CFU-G (Granulocyte) et les CFU-M (Monocytes).
● Les BFU-E (Burst Forming Unit-Erythroid), progéniteurs érythroïdes se différenciant en CFU-E (Eryhtrocyte).
● Les CFU-Meg (Megakaryocyte), progéniteurs de la lignée mégacaryocytaire.
|
Table des matières
Introduction
I. L’hématopoïèse normale et leucémique
A. L’hématopoïèse normale
1. Généralités
2. La niche hématopoïétique
3. Déroulement de l’hématopoïèse
4. La différenciation myéloïde
B. Les leucémies aiguës myéloïdes
1. Étymologie
2. Généralités sur l’hématopoïèse leucémique
3. Aspects cliniques des leucémies aiguës myéloïdes
4. Classification des leucémies aiguës myéloïdes
5. Traitements et pronostic
II. Le récepteur à activité tyrosine kinase FLT3
A. Les récepteurs à activité tyrosine kinase
1. Classification et structure des récepteurs à activité tyrosine kinase (RTKs)
2. Les récepteurs à activité tyrosine kinase de classe III
B. Le récepteur FLT3
1. Structure du Récepteur FLT3
2. Expression du récepteur FLT3
3. FLT3 ligand
4. Synergie du FLT3L avec d’autres cytokines
5. Activation et signalisation de FLT3
C. Le récepteur FLT3 dans les leucémies
1. Expression du récepteur FLT3 dans les leucémies
2. Les mutations de FLT3
3. Signalisation oncogénique de FLT3 muté
4. La mutation FLT3-ITD, une mutation « conductrice » des LAM
5. Impact clinique des mutations de FLT3
6. Thérapeutique ciblée dans les LAM FLT3-ITD
7. Mécanismes de résistance aux traitements
8. FLT3-ITD, un récepteur délocalisé
III. La réponse intégrée aux stress
A. Le stress du réticulum endoplasmique
1. Le réticulum endoplasmique
2. Le stress du réticulum endoplasmique
B. La réponse intégrée au stress
1. Les kinases de eIF2α
2. Le facteur de la traduction eIF2
C. Le modulateur de l’ISR, la protéine ATF4
1. Structure de la protéine ATF4
2. Régulation d’ATF4
3. Fonctions d’ATF4
IV. L’autophagie
A. Généralités sur l’autophagie
1. La micro-autophagie
2. L’autophagie dépendante des chaperonnes
3. La macro-autophagie
B. Machinerie moléculaire de l’autophagie
1. Les protéines ATG
2. Les étapes du processus autophagique
D. Régulation de l’autophagie
1. Régulation par les acides aminés
2. Régulation par les facteurs de croissance
Conclusion