L’externalisation de l’asile : historique et mise en place

L’externalisation de l’asile : historique et mise en place

Dans un contexte gรฉnรฉral de mondialisation, les mobilitรฉs humaines รฉvoluent au mรชme rythme que les mobilitรฉs de services et de capitaux. Au-delร  de s’accรฉlรฉrer, ces mobilitรฉs tendent ร  se massifier et ร  se diversifier. Dans ce cadre, l’immigration est perรงue comme un phรฉnomรจne de plus en plus difficile ร  apprรฉhender par les ร‰tats. Cela les pousse ร  innover en matiรจre de politiques de gestion des flux migratoires. Dรฉsormais, un point d’honneur est mis sur la coopรฉration ยซ NordSud ยป mais aussi sur la coopรฉration entre ร‰tats de l’Union Europรฉenne.
Comme nous l’avons รฉnoncรฉ dans l’introduction, l’objectif de l’Union Europรฉenne est de mettre en place une politique d’asile commune. Pour atteindre ce but, elle est passรฉe par diffรฉrentes รฉtapes que nous avons รฉnumรฉrรฉes. L’externalisation de l’asile reprรฉsenterait la consรฉcration d’une telle volontรฉ : une Union Europรฉenne unie et associรฉe sur un projet commun.
En transfรฉrant ร  des pays tiers la responsabilitรฉ du premier accueil des demandeurs d’asile, l’Union Europรฉenne compte limiter les flux de migrants ร  franchir ses frontiรจres et ainsi pouvoir distinguer ร  distance les vrais demandeurs d’asile des faux, plus couramment appelรฉs ยซ migrants รฉconomiques ยป. Cette dichotomie entre vrais et faux est placรฉe au cล“ur des discours politiques des diffรฉrents chefs dโ€™ร‰tat et des institutions europรฉennes. La question des faux rรฉfugiรฉs, tantรดt ยซ arnaqueurs ยป, tantรดt ยซ profiteurs ยป, dessert divers intรฉrรชts politiques et apparaรฎt rรฉguliรจrement dans les communications politiques pour justifier de politiques nationalistes ou rรฉpressives. Ces ยซ faux ยป rรฉfugiรฉs sont considรฉrรฉs comme une menace : pour les pays d’accueil en encombrant leurs services publics comme pour les ยซ vรฉritables ยป rรฉfugiรฉs ร  qui ils compliqueraient le parcours de protection. Le faux est alors considรฉrรฉ comme faiseur de trouble pour la cohรฉsion nationale. Ces discours รฉtaient dรฉjร  utilisรฉs par les ร‰tats-Unis et l’Australie dans les annรฉes 1980. Ces derniers ont d’ailleurs eu une influence notable sur l’รฉvolution des politiques europรฉennes. C’est notamment eux qui ont, les premiers, expรฉrimentรฉ la politique d’externalisation de l’asile.
Une rรฉflexion sur leurs pratiques est essentielle pour comprendre en quoi consiste cette politique dans un premier temps mais รฉgalement quelles sont les leรงons ร  en tirer. A plus d’une dรฉcennie d’รฉcart, l’Union Europรฉenne est ร  mรชme d’รฉvaluer les pratiques expรฉrimentรฉes par ses partenaires รฉtats-unien et australien. Nous verrons donc dans cette premiรจre partie de quelle maniรจre ces ร‰tats ont initiรฉ la politique d’externalisation et quelles conclusions en ont รฉtรฉ tirรฉes. Cela nous permettra d’apprรฉhender sa mise en place ร  l’รฉchelle europรฉenne.

Un hรฉritage controversรฉ

La question de l’externalisation ou de la gestion externe des frontiรจres n’est pas une invention europรฉenne. Cette pratique a รฉtรฉ mise en ล“uvre par les ร‰tats-Unis dans les annรฉes 1990 en rรฉponse aux flux de migrants caribรฉens et latino-amรฉricains ainsi qu’en Australie dans les annรฉes 2000 en rรฉponse aux flux asiatiques et mรฉlanรฉsiens.
Bien que ces deux territoires soient historiquement, gรฉographiquement et dรฉmographiquement diffรฉrents, ils constituent des pรดles d’accueil trรจs prisรฉs. En effet, ils exercent une domination รฉconomique reconnue sur l’ensemble de leur territoire continental mais aussi plus largement ร  l’รฉchelle mondiale. Naturellement, ils deviennent des territoires ร  atteindre pour les populations les plus touchรฉes par la guerre ou la misรจre. Toutefois, au dรฉbut des annรฉes 1980, un รฉlu local de Floride dรฉclarait : ยซ Nous ne voulons plus de satanรฉs rรฉfugiรฉs noirs en Floride ! ยป . Cette revendication nous interpelle sur le rรดle que tiennent les responsables politiques des pays d’accueil dans la gestion des demandeurs d’asile. Nous dรฉbuterons donc notre analyse par une comparaison des expรฉriences d’externalisation des ร‰tats-Unis et de l’Australie. Quel aura รฉtรฉ l’รฉlรฉment dรฉclencheur de sa mise en place ? Y a t-il des caractรฉristiques nรฉcessaires ร  son instauration ? Quelles sont les leรงons ร  en tirer et surtout que traduit t-elle du rapport entre pays dits ยซ du Nord ยป et pays dits ยซ du Sud ยป ?

L’inspiration รฉtats-unienne et l’archipel caribรฉen

Dรจs le dรฉbut du XXรจ siรจcle, la Caraรฏbe a pour caractรฉristique principale d’รชtre ยซ une rรฉgion que l’on quitte ยป . Sa configuration gรฉographique et terrestre fait d’elle un espace particuliรจrement enclin au dรฉveloppement des migrations maritimes clandestines, entre les รฎles et vers les ร‰tats-Unis : pรชcheurs haรฏtiens aux Bahamas dรจs les annรฉes 1950 , boat peopledominicains vers Puerto Rico au dรฉbut des annรฉes 1970 , puis de plus en plus vers les ร‰tats-Unis directement.
L’indรฉpendance bahamรฉenne en 1973 a conduit ร  une montรฉe en puissance de la xรฉnophobie, traduite par une ยซ rรฉpression croissante de l’immigration clandestine ยป . Cela a incitรฉ les couches populaires haรฏtiennes ร  rejoindre directement les ร‰tats-Unis. Plus ร  l’ouest, les flux de ยซ balseros ยป cubains se sont dรฉveloppรฉs en raison de la rupture du bloc communiste et de la crise รฉconomique.
Dans ces contextes d’instabilitรฉ politique et รฉconomique, la migration de l’individu est d’un cรดtรฉ considรฉrรฉe comme une nรฉcessitรฉ pour les familles restรฉes au pays et comme une menace pour les pays d’accueil. En 1981, le Prรฉsident Ronald Reagan dรฉclarait que ยซ l’immigration illรฉgale รฉtait un ยซ problรจme persistant ยป ยป . Une sรฉrie de mesures รฉtait alors prise pour contrer ces flux: dispositifs d’interception, augmentation des effectifs de garde-cรดtes, tentatives de dissuasion.
Un exemple significatif est la signature entre les ร‰tats-Unis et Haรฏti d’un ยซ accord autorisant les navires de la garde cรดtiรจre amรฉricaine ร  intercepter les navires transportant illรฉgalement les รฉtrangers sans papiers vers les cรดtes amรฉricaines ยป . A peine une semaine plus tard, Reagan รฉmet l’ยซ executive order 12324 ยป qui autorise les garde-cรดtes amรฉricains ร  renvoyer les navires et leurs passagers vers leur pays de provenance s’ils estiment qu’ils sont en dรฉlit . L’application de cet ยซ executive order ยป consiste en des entretiens avec les demandeurs d’asile pour juger de la vรฉracitรฉ de leurs propos. Suite ร  cela, deux options : le refus et donc le retour dans le pays d’origine ou l’accord et la conduite vers les ร‰tats-Unis pour l’obtention du statut de rรฉfugiรฉ.

L’exemple australien : la Solution du Pacifique

En 2001, c’est au tour de l’Australie de dรฉlocaliser sa fonction d’accueil. Le 26 aoรปt de la mรชme annรฉe, le capitaine du cargo norvรฉgien MV Tampaest interpellรฉ par les autoritรฉs australiennes pour venir en aide ร  un rafiot transportant 438 migrants . La plupart afghans ou irakiens, ils cherchent ร  rejoindre l’Australie pour y demander l’asile. Seulement, le gouvernement australien contraint le capitaine du cargo de rediriger les demandeurs d’asile en Indonรฉsie. Chose refusรฉe par les migrants qui menacent de se jeter ร  la mer . De retour dans les eaux australiennes, le cargo se voit refuser l’accรจs une fois de plus par les garde-cรดtes australiens. Cet รฉvรฉnement suscite de nombreuses interrogations au sein de la presse locale et internationale mais aussi auprรจs des organisations d’aide humanitaire ou des organes politiques internationaux. Ruud Lรผbbers, chef du HCR, critiquera notamment ยซ l’attitude de certains gouvernements qui refusent d’accepter les rรฉfugiรฉs ยป. Finalement, il aura fallu huit jours pour que la situation se rรฉgularise. A force de dรฉbats et nรฉgociations, l’Australie signe un accord avec la Nouvelle-Zรฉlande et l’รฎle de Nauru pour la prise en charge ces migrants. La ยซ Solution du Pacifique ยป naรฎt.
Celle-ci consiste ร  dรฉlocaliser la prise en charge des rรฉfugiรฉs en รฉchange de compensations financiรจres de la part de l’Australie, qui recouvrent l’intรฉgralitรฉ des dรฉpenses liรฉes ร  l’accueil et l’examen des demandes mais aussi des aides plus directes pour ยซ remettre sur pied les รฉconomies des รฎles ยป qui acceptent de participer. Jusqu’alors cette opรฉration concernait uniquement les rรฉfugiรฉs du ยซ Tampa ยป mais devant l’arrivรฉe de nouveaux clandestins, la prise en charge s’est รฉtendue ร  la Papouasie-Nouvelle-Guinรฉe ainsi qu’aux รฎles de Kiribati, Palau et Cocos . Cette ยซ solution ยป รฉtant ร  l’initiative de l’Australie, nous sommes en mesure de nous interroger : qui est responsable des demandeurs d’asile ?
Dans le cas de l’externalisation sur l’รฎle de Nauru, c’est cette derniรจre qui l’est puisque les demandeurs d’asile sont sur son territoire. Cependant, l’Australie finance toute l’opรฉration et est responsable des camps. De plus, selon la Convention de Genรจve de 1951, c’est aussi l’Australie qui doit prendre en charge ces demandeurs. Adhรฉrente de celle-ci depuis le 22 janvier 1954 , elle a pour obligation de la ratifier et de la transposer ร  son systรจme juridique. En externalisant son systรจme d’asile, elle bafoue le droit ร  la protection des rรฉfugiรฉs. Mais une fois de plus, la Cour d’Appel fรฉdรฉrale australienne affirme que lโ€™ร‰tat n’est pas obligรฉ de prendre en charge les rรฉfugiรฉs en danger en mer territoriale . Nous pouvons nous poser la question suivante : pourquoi l’รฎle de Nauru accepte t-elle d’endosser la responsabilitรฉ de sa voisine ? Resituons le contexte politique, รฉconomique et social de celle-ci.
Toujours selon Stรฉphane Hiscock, l’รฎle de Nauru est une terre ยซ dรฉvastรฉe ยป par son passรฉ d’exploitant minier. Aprรจs avoir รฉtรฉ considรฉrรฉe comme l’une des plus riches nations du monde au dรฉbut du XXรจ siรจcle, l’รฎle traverse une importante crise รฉconomique. Ses rรฉserves sont รฉpuisรฉes, les caisses du gouvernement ยซ vides ยป. Elle ne bรฉnรฉficie plus d’aucune ressource et cela entraรฎne des problรฉmatiques mรฉdico-sociales tragiques . Un territoire pillรฉ peut attirer les mauvaises convoitises et c’est le cas pour cette รฎle qui selon l’Organisation de Coopรฉration et de Dรฉveloppement ร‰conomiques (OCDE), serait ยซ l’une des capitales mondiales du blanchiment d’argent ยป , avec notamment un fort intรฉrรชt de la mafia russe. Une telle situation de crise peut expliquer l’engouement de l’รฎle ร  endosser la responsabilitรฉ australienne puisque celle-ci a proposรฉ d’รฉponger les dettes de lโ€™ร‰tat. Cependant, tout n’est pas aussi simple car chacun des acteurs qu’ils soient nauruans, australiens ou demandeurs d’asile se demandent quelle sera l’issue d’une telle politique. A plusieurs reprises, le gouvernement australien a affirmรฉ le caractรจre temporaire d’une telle dรฉmarche mais qu’en sera t-il des demandeurs qui n’obtiendront pas le statut ? Aucun des acteurs dรฉcisionnels de cette politique n’a pu apportรฉ de rรฉponse.

La perspective europรฉenne

Au mรชme titre que l’Amรฉrique ou l’Ocรฉanie, l’Europe est une terre d’immigration. Bien que les ร‰tats europรฉens essaient depuis le choc pรฉtrolier de 1973 de rรฉguler les flux de migrants, la population immigrรฉe ne cesse d’augmenter, notamment par ยซ un excรจs trรจs net des entrรฉes sur les sorties ยป. Malgrรฉ la tentative de mettre en place un systรจme europรฉen d’asile commun, les pays europรฉens se situent dans des perspectives diffรฉrentes en ce qui concerne l’accueil des flux de migrants. Tandis que certains sont dans une logique de recrutement des migrants par des politiques trรจs sรฉlectives , certains continuent ร  pratiquer le ยซ laisser-passer ยป ou d’autres encore sont plus rรฉticents ร  ouvrir leurs frontiรจres. C’est le cas de la France qui en dรฉpit d’un manque de main dโ€™ล“uvre notable dans les secteurs du bรขtiment et de l’hรดtellerie, reste relativement circonspecte concernant l’ouverture de ses frontiรจres. Pour expliquer cela, une crainte du manque de qualification des prรฉtendants face ร  un marchรฉ de l’emploi toujours plus exigeant ou encore un taux de chรดmage รฉlevรฉ de sa population jeune et donc une crainte de voir se profiler des tensions ร  caractรจre ethnocentristes . Le Royaume-Uni quant ร  lui, est un cas assez particulier.
Si comme l’Allemagne il est trรจs ouvert ร  une immigration qualifiรฉe et qu’il fait partie des pays de l’Europe qui accueillent le plus de rรฉfugiรฉs, il est pourtant le premier ร  porter aux yeux de l’Union Europรฉenne le projet d’externalisation de l’asile. Au dรฉbut de la dรฉcennie 2000, il met notamment en avant l’augmentation significative du nombre de ยซ faux rรฉfugiรฉs ยป qui encombreraient les services publics et empรชcheraient un traitement optimal des demandes d’asile. Cet argument est celui portรฉ par les gouvernement รฉtats-unien et australien pour justifier l’usage de cette politique. A une รฉchelle telle que l’Union Europรฉenne, soit avec des gouvernements, systรจmes politiques, compositions, gรฉographies, histoires et problรฉmatiques aussi variรฉs, est-ce rรฉellement viable et rรฉalisable ? Bien que les ร‰tats-Unis et l’Australie soient des territoires spatialement importants, ils ont choisi de mรชler ร  cette politique des pays appartenant ร  leur continent. Concernant l’Union Europรฉenne, il s’agirait d’attribuer des tรขches ou de sous-traiter des services ร  des pays aussi bien europรฉens, africains qu’asiatiques. Nous sommes donc sur une รฉchelle tout ร  fait diffรฉrente. La rรฉussite potentielle d’une telle politique peut รชtre apprรฉhendรฉe de deux maniรจres : tel un symbole de puissance europรฉenne ou une avancรฉe vers une vรฉritable coopรฉration nord-sud. En effet, la question de l’externalisation soulรจve diffรฉrents enjeux et pour les comprendre, nous dรฉvelopperons ci-dessous l’intention britannique : quel est son projet ? De quelle maniรจre l’a t-elle portรฉ ร  l’รฉchelle europรฉenne et quelles rรฉactions cela a t-il suscitรฉ au sein des ร‰tats membres ? La volontรฉ subsistante de dรฉvelopper une politique d’asile commune implique t-elle nรฉcessairement une cohรฉsion des ร‰tats membres ou une unitรฉ sur la prise de dรฉcision ?

La proposition britannique

En 2001, le secrรฉtaire dโ€™ร‰tat au dรฉpartement de l’intรฉrieur britannique Jack Straw dรฉclare que la situation n’est plus adaptรฉe au contexte de rรฉdaction de la Convention de Genรจve de 1951. Il estime que le systรจme d’asile est dรฉsormais dรฉfaillant et qu’il est donc temps de le rรฉexaminer, tout en gardant l’idรฉe initiale de protection des ยซ vรฉritables rรฉfugiรฉs ยป . Straw reprend notamment l’idรฉe soulevรฉe plus tรดt selon laquelle la mondialisation et le dรฉveloppement des nouvelles technologies, des moyens de communication et des voyages ร  bas coรปt faciliteraient l’arrivรฉe de demandeurs d’asile en Grande-Bretagne et en Europe d’une maniรจre plus gรฉnรฉrale, mais aussi l’arrivรฉe de migrants รฉconomiques. Ces derniers sont vรฉritablement la cible des politiques restrictives faites en matiรจre d’immigration. Pour y remรฉdier, Straw propose quatre รฉlรฉments qui nous seront essentiels pour comprendre la mise en place de la politique d’externalisation : la prioritรฉ mise sur la collaboration avec l’Union Europรฉenne pour traiter de l’asile , la volontรฉ d’aider les pays d’origine concernรฉs ร  crรฉer de meilleures conditions de vie , celle de rendre l’accรจs ร  l’Europe plus facile et donc moins dangereux pour les ยซ vรฉritables ยป rรฉfugiรฉs et enfin celle de dissuader les ยซ faux rรฉfugiรฉs ยป de migrer . Parmi ces quatre points, la proximitรฉ du traitement des demandes avec les pays d’origine et le blocage des migrants prรฉtendus illรฉgitimes renvoient plus particuliรจrement aux expรฉrimentations dรฉjร  menรฉes par les ร‰tats-Unis et l’Australie. La coopรฉration entre ร‰tats membres et avec les pays du sud est au cล“ur de ces projets.
Cependant, il faut attendre le 26 janvier 2003 pour que le Premier Ministre britannique Tony Blair s’exprime sur l’รฉventualitรฉ d’une rรฉvision de la Convention Europรฉenne des Droits de l’Homme . Le lendemain, son porte-parole affirme dans un communiquรฉ de presse qu’en cas d’insuffisance des mesures prรฉ-existantes, le gouvernement britannique envisagera une solution plus radicale, ร  savoir celle รฉnoncรฉe par Blair . Bien que le caractรจre conditionnel de cette rรฉvision domine les propos des acteurs citรฉs, The Guardian publie le 5 fรฉvrier suivant un document confidentiel qui prรฉvoie la rรฉduction ยซ drastique ยป du nombre de demandeurs d’asile venant en Grande-Bretagne. Cette rรฉduction passerait pas la crรฉation de ยซ zones de refuge ยป dans lesquelles les demandes seraient traitรฉes. Ces zones appartiendraient ร  un ยซ nouveau systรจme d’asile global ยป qui comprendrait la Turquie, l’Iran, le Kurdistan irakien, le nord de la Somalie, le Maroc, l’Ukraine ou la Russie. Si on observe une mappemonde, on peut voir que ces pays se situent soit aux frontiรจres europรฉennes externes soit au cล“ur mรชme de zones de conflits. Quoiqu’il en soit, ces zones agiraient comme des barriรจres concrรจtes, physiques, pour bloquer le passage au cล“ur de l’Union Europรฉenne. Cela s’inscrit dans la continuitรฉ de ce que nous รฉvoquions en introduction : ร  savoir le blocage des frontiรจres externes de l’Union Europรฉenne. Dรฉsormais, s’ajoute la volontรฉ d’impliquer les ร‰tats hors-Union voire hors-Europe ร  cette mission.
Cette intention se propage peu ร  peu dans les diffรฉrents rรฉseaux puisqu’une premiรจre version circule ร  partir du 7 mars parmi les Organisations Non Gouvernementales (ONG) sous le nom de ยซNouvelle vision pour les rรฉfugiรฉs ยป . Ce texte propose notamment une sรฉrie de mesures de protection . Il s’agit d’une version dรฉtaillรฉe des intentions du gouvernement britannique. Cependant, nous pouvons noter que la modification de la Convention de Genรจve ou de la Convention Europรฉenne des Droits de l’Homme n’est plus envisagรฉe. De plus, le terme de ยซ zones de refuge ยป est remplacรฉ par celui de ยซ Zones de Protection Rรฉgionales ยป (ZPR). Nous disposons dรฉsormais de plus d’informations sur cette notion : le Haut-Commissariat aux Rรฉfugiรฉs des Nations Unies (HCR) serait responsable de ces zones en y apportant notamment une protection et un support humanitaire, relativement ร  l’article 3 de la Convention Europรฉenne des Droits de l’Homme . Leur gestion serait partagรฉe entre ยซ les ร‰tats financeurs, les ร‰tats d’accueil et une organisation internationale de protection des rรฉfugiรฉs ยป . Ces Zones de Protection Rรฉgionales varieraient en fonction des pays d’accueil. Dans certains cas le placement pourrait รชtre effectuรฉ dans le pays d’origine, dans les autres cas, ce serait dans une zone proche de ce pays. Un point d’honneur est mis sur le bon traitement des rรฉfugiรฉs et la facilitรฉ pour ces derniers ร  accรฉder ร  leurs droits. Ainsi, si les demandeurs sont en danger sur tout leur territoire de rรฉsidence, ils seraient placรฉs en dehors de ce dernier. Toutefois, la question d’un รฉventuel appel d’air de migrants, sous-entendus รฉconomiques, est toujours mis en avant.
Ce chapitre sur les mesures de protection รฉvoque un point supplรฉmentaire qui questionne vรฉritablement la participation des ร‰tats membres ร  l’accueil de rรฉfugiรฉs. En effet, le gouvernement britannique รฉvoque le fait de dรฉplacer les demandeurs d’asile dรฉjร  sur son territoire, dans ces Zones de Protection Rรฉgionales. Sur place, ils pourraient effectuer leurs dรฉmarches et รชtre rapatriรฉs en Grande-Bretagne si ils obtiennent le statut de rรฉfugiรฉ. Dans le cas contraire, deux options se prรฉsentent : leur demande est rejetรฉe et le jurรฉ estime qu’ils sont en sรฉcuritรฉ dans leur pays d’origine, auquel cas ils y sont renvoyรฉs ou bien leur demande est rejetรฉe mais le jurรฉ estime que la situation dans leur pays d’origine est ร  risque, auquel cas ils restent dans ces zones qui deviennent des zones d’attente. Cela questionne rรฉellement la question du principe de non-refoulement exprimรฉ par la Convention 1951 et le Protocole de New-York de 1967. Ce principe est dรฉtaillรฉ comme suit : ยซ l’รฉlรฉment essentiel du statut des rรฉfugiรฉs et de l’asile est la protection contre le retour dans un pays oรน l’intรฉressรฉ a des raisons de craindre la persรฉcution ยป . Peut-on considรฉrer que les rรฉfugiรฉs irakiens soient en sรฉcuritรฉ en Iran ou dans le Kurdistan irakien ? De mรชme, qu’en est-il des rรฉfugiรฉs somaliens du sud en Somalie du Nord ? Autant de questions qui mรฉritent d’รชtre dรฉveloppรฉes. Nous nous retrouvons donc face ร  une double logique de l’asile : l’asile territorial accordรฉ par un ร‰tat sur son propre territoire et l’asile extraterritorial, asile accordรฉ par un ร‰tat en dehors de son territoire national. C’est le cas des pratiques expรฉrimentรฉes pour les haรฏtiens sur la base de Guantรกnamo ainsi que dans le cadre de la Solution du Pacifique. Pour qualifier cette politique, Claire Rodier n’hรฉsitera pas ร  parler de ยซ stratรฉgie de contournement des obligations internationales des ร‰tats ยป.
Les รฉbauches de ce projet seront rendues officielles le 10 mars 2003, date ร  laquelle Tony Blair propose au prรฉsident de l’Union Europรฉenne Costas Simitis d’inscrire ร  l’ordre du jour du Conseil europรฉen de printemps 2003 une discussion sur ce projet. Ce courrier sera accompagnรฉ d’un document intitulรฉ ยซ Nouvelles approches internationales du traitement des demandes d’asile et de la protection ยป qui reprend les arguments du projet transmis aux ONG. Dรจs lors, il devient objet de discussion au sein de diffรฉrentes instances : conseils europรฉens, confรฉrences intergouvernementales, sommet europรฉen, Haut-Commissariat des Nations Unies, Organisation Internationale des Migrations ou encore Commission europรฉenne. Suite au courrier de Tony Blair ร  Costas Simitis, un Conseil informel des ministres de l’Intรฉrieur a lieu les 27 et 28 mars 2003 ร  Vรฉria en Grรจce pour dรฉbattre de la proposition britannique. Ressortent de ces dรฉbats quatre avis favorables de la part de l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique et l’Italie. De son cรดtรฉ, l’Allemagne s’y oppose tandis que la France et la Grรจce s’abstiennent. Le Portugal, la Finlande et la Suรจde subordonnent leurs positions ร  celle du HCR Ce dernier a, au-delร  d’avoir participรฉ aux discussions, publiรฉ un rapport intitulรฉ ยซ Projet en trois volets ยป qui vise ร  complรฉter le projet britannique. Nous n’avons ร  ce jour pas trouvรฉ trace de ce projet mais d’aprรจs Sophie Huguenet dans son ouvrage ยซ Le projet britannique d’externalisation ยป, il tendrait ร  apporter de ยซ nouvelles approches multilatรฉrales ยป aux systรจmes d’asile nationaux. La collaboration du HCR sera vivement critiquรฉe par diffรฉrentes associations et intellectuels qui lui reprochent notamment d’avoir contribuรฉ ร  l’approbation de cette politique pourtant controversรฉe . Cependant, le HCR n’est pas le seul ร  appuyer ce projet puisqu’en mars 2003, la Commission europรฉenne avait dรฉjร  รฉvoquรฉ le fait que la notion de ยซ protection dans la rรฉgion d’origine pourrait s’intรฉgrer dans une architecture globale de solutionsย  et qu’une ยซ implication beaucoup plus forte des pays tiers de premier accueil et de transit ยป serait nรฉcessaire. Cela retraduit tout ร  fait la logique dans laquelle l’Union Europรฉenne se place depuis plusieurs annรฉes, ร  savoir un traitement plus efficace et plus rapide des demandes d’asile.

L’externalisation en pratique

La question du respect des droits de l’Homme est au cล“ur de la problรฉmatique de l’externalisation de l’asile. Les expรฉriences amรฉricaine et australienne avaient alertรฉ les diffรฉrents rรฉseaux humanitaires sur les limites d’une telle politique. L’utilisation de la base navale de Guantรกnamo notamment aura รฉtรฉ trรจs controversรฉe : surpopulation, militarisation, restriction des libertรฉs individuelles. Au vu de ces faits, il est lรฉgitime de s’interroger : l’externalisation de l’asile ne mettrait t-elle pas ร  mal le respect par l’Union Europรฉenne de la Convention Europรฉenne des Droits de l’Homme ? Les 47 ร‰tats parties ร  la Convention qui sont รฉgalement les 47 pays du Conseil de l’Europe sont censรฉes ยซ [reconnaรฎtre]et [garantir]les droits fondamentaux, civils et politiques non seulement ร  leurs ressortissants, mais รฉgalement ร  toute personne relevant de leur juridiction ยป.
Seulement, les critiques observรฉes sur les expรฉrimentations รฉtats-unienne et australienne semble aller ร  l’encontre de l’article 5 relatif au Droit ร  la libertรฉ et ร  la sรปretรฉ . Il se dรฉveloppe comme suit : ยซ Toute personne a droit ร  la libertรฉ et ร  la sรปretรฉ. Nul ne peut รชtre privรฉ de sa libertรฉ ยป . Des contre-indications sont รฉnoncรฉes en cas de condamnation par un tribunal compรฉtent, d’arrestation ou de dรฉtention pour non-respect des lois, d’infraction, de sรฉjour irrรฉgulier sur un territoire. Dans le cas d’une demande d’asile, la prรฉtendant n’est pas considรฉrรฉ comme irrรฉgulier tant que la demande n’a pas รฉtรฉ rejetรฉe. Ainsi, l’enfermement n’est pas justifiรฉ tant qu’un refus des instructeurs des demandes n’a pas รฉtรฉ formulรฉ.
Au vu de cet article et des leรงons tirรฉes des expรฉriences outre-Atlantique, nous pouvons penser que l’Union Europรฉenne prรฉvoit les conditions de sรฉjour nรฉcessaires pour qu’aucune infraction ne soit observรฉe dans les zones de transit. La gestion de ces zones est censรฉe รชtre prise en main par le HCR mais nous avons pu observer dans les cas รฉtats-unien et australien que sa prรฉsence n’est pas un gage de sรฉcuritรฉ. De plus, nous pouvons nous interroger sur la portรฉe de la Convention Europรฉenne des Droits de l’Homme. Si les Zones de Protection Rรฉgionale se situent hors-Union Europรฉenne, par quelle lรฉgislation sont-elles encadrรฉes ? Celle des rรฉgimes en place dans les pays qui l’accueillent ou celle de l’Union Europรฉenne qui en a la responsabilitรฉ ? Lย ยปUnion Europรฉenne ne communique pas sur ses pratiques. A partir de la signature du programme de La Haye et au-delร  du fait que le terme ne soit pas employรฉ officiellement, il est difficile de trouver des traces de la politique d’externalisation. Nous avons donc choisi de nous baser sur des analyses de sociologues et de juristes, pour la plupart engagรฉs dans des rรฉseaux militants tels que Migreurop ou le GISTI, qui se sont rendus dans ces Zones de Protection Rรฉgionales, ainsi que sur des communications d’organismes humanitaires principalement franรงais et marocains. Leur travail est primordial pour juger de la situation rรฉelle. Avant cela, nous dรฉtaillerons dans un premier chapitre le contenu rรฉel de l’article 5 de la Convention Europรฉenne des Droits de l’Homme.

Dรฉtention des รฉtrangers

La dรฉtention des รฉtrangers se divise en deux cadres : la dรฉtention d’une personne pour l’empรชcher de pรฉnรฉtrer irrรฉguliรจrement dans le territoire et la dรฉtention d’une personne contre laquelle une procรฉdure d’expulsion ou d’extradition est en cours.
Dans le premier cas, la restriction de la libertรฉ des รฉtrangers par les ร‰tats est autorisรฉe dans le cadre du contrรดle de l’immigration. Cette restriction peut s’appliquer avant l’obtention d’une autorisation de sรฉjour tant qu’elle respecte les conditions du droit ร  la libertรฉ, ร  savoir la justification de la dรฉtention, l’accรจs pour le dรฉtenu aux informations concernant sa situation, de bons traitements et des conditions adaptรฉes et appropriรฉes. Si la Cour EDH n’a pas les pleins pouvoirs pour interprรฉter une dรฉcision nationale, elle fournit tout de mรชme un cadre normatif aux ร‰tats parties. La souverainetรฉ nationale domine l’application mais le rejet de l’arbitraire est toujours prรฉsent. Ainsi, toute dรฉtention doit รชtre effectuรฉe dans un lieu adaptรฉ et dans un dรฉlai raisonnable de traitement de la demande d’asile. Le reste est ร  l’apprรฉciation des souverainetรฉs nationales.
Dans le second cas, la Cour ne considรจre pas que cette dรฉcision soit nรฉcessaire pour empรชcher l’intรฉresser de ยซ commettre une infraction ou de s’enfuir ยป. La dรฉcision doit รชtre en accord avec les lรฉgislations internes et ne peut รชtre contestรฉe que si les conditions de dรฉtention ne sont pas ยซ menรฉes avec la diligence requise ยป, soit dรฉcemment.
Finalement, le contenu de cet article est assez difficile ร  apprรฉhender car lโ€™ร‰tat partie reste principal juge et acteur des dรฉcisions de mise en dรฉtention. La Convention Europรฉenne des Droits de l’Homme agit comme un support pour les lรฉgislations nationales mais la Cour ne dispose que de peu de marge d’interprรฉtation. Elle occupe une position de conseillรจre pour les ร‰tats. Pour analyser les conditions des demandeurs d’asile au sein des zones de transit, il est donc nรฉcessaire de passer directement aux rapports publiรฉs par les associations humanitaires et par les diffรฉrents chercheurs.

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Table des matiรจres
Introduction
Partie 1 : L’externalisation de l’asile : historique et mise en place
Chapitre 1 : Un hรฉritage controversรฉ
Chapitre 2 : La perspective europรฉenne
Partie 2 : L’externalisation en pratique
Chapitre 1 : Droit ร  la Libertรฉ et ร  la Sรปretรฉ
Chapitre 2 : Regards croisรฉs sur la pratique de l’externalisation
Conclusion
Lexique
Table des annexes
Bibliographie
Table des matiรจres
Rรฉsumรฉ

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