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Le handicap
En France, douze millions de personnes sont touchées par un handicap.
« Constitue un handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant »11. Une classification des handicaps est établie à l‟aide de cinq grandes catégories : les handicaps moteur, sensoriel (visuel, auditif), psychique (pathologies perturbant la personnalité), mental (déficiences intellectuelles), et les maladies invalidantes.12 Selon l‟Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « est handicapée toute personne dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouvent compromises »13. En ce qui concerne notre étude, elle s‟intéresse plus particulièrement aux élèves atteints d‟autisme scolarisés au sein du système scolaire ordinaire.
L’autisme
En France, l‟autisme concerne 700 000 personnes, dont 100 000 ont moins de 20 ans. Les premiers signes manifestes apparaissent le plus souvent entre 18 et 36 mois. L‟origine est multifactorielle et largement génétique. Le nombre de cas est en perpétuelle augmentation. Des statistiques effectuées entre 1975 et 2012 par les centres fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC) montrent en effet une envolée de la prévalence des cas d’autisme dans le pays, passée de 1 pour 5.000 en 1975 à 1 pour 150 en 2002 et à 1 pour 68 en 201214. L‟explication de cette augmentation est à mettre au crédit d‟hypothèses faites par des spécialistes. En ce sens, la psychiatre Marion Leboyer, lors de son intervention à la radio française le 11 mars 2020, met en évidence trois hypothèses notables. La première concerne “l’élargissement et les modifications des critères diagnostiques”, la deuxième, elle, renvoie au fait qu‟il y aurait “une meilleure organisation du soin et donc un meilleur repérage des personnes autistes”. Enfin, la troisième énonce que “c’est possiblement qu’il y a des facteurs de risques environnementaux qui sont à l’étude et sur lesquels les études épidémiologiques vont devoir encore se poser et travailler”. L‟autisme « typique » décrit en 1943 par le pédopsychiatre Léo KANNER est aujourd‟hui intégré dans un ensemble plus vaste, celui des troubles du spectre de l‟autisme (TSA), qui résultent d‟anomalies du neurodéveloppement. Ces derniers se manifestent par des altérations dans la capacité à établir des interactions sociales et à communiquer, ainsi que par des anomalies comportementales.
En ce qui concerne les relations interpersonnelles, elles se caractérisent souvent par une difficulté d‟accessibilité aux autres chez l‟autiste Asperger. En effet le contact visuel difficile avec l‟autre et la non-participation aux conversations sont autant de signaux qui rendent compte de cette difficulté à construire une relation interpersonnelle.
L‟atteinte au niveau de la communication touche à la fois le langage et la communication non verbale. De nombreuses personnes ne parlent pas et se font comprendre surtout par les gestes. Pour une certaine majorité de personnes atteintes de TSA, les troubles du langage se caractérisent par des répétitions de phrases ou des formulations inhabituelles qui les mettent en difficulté pour dialoguer.
Pour ce qui est du comportement, les personnes atteintes d‟autisme ont souvent des comportements inadaptés, stéréotypés ou répétitifs. Ces derniers sont souvent les conséquences de leurs difficultés de communication, ou parce qu‟une majorité de ces derniers tolèrent mal le changement ou l‟imprévisibilité. Outre cette description très générale, il est important de retenir que les personnes avec autisme sont néanmoins toutes différentes, et qu‟elles ont chacune des particularités qui leur sont propres comme le dit Marion Leboyer (2020) dans son intervention “Les pathologies aujourd’hui, qu’on décrit sous le terme de trouble du spectre de l’autisme sont un ensemble très hétérogène de pathologies plus ou moins sévères, toutes handicapantes”.
Néanmoins, il faut savoir que la vision de l‟autisme évolue aujourd‟hui. Progressivement, on se dirige vers l‟idée selon laquelle la cause majeure du TSA peut s‟apparenter à la perception sensorielle de l‟individu. En ce sens, “Les anomalies sensorielles sont désormais reconnues comme des symptômes-clés dans 11 les troubles du spectre autistique (TSA), et sont reprises pour la première fois dans les critères diagnostiques internationaux”15 du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) de février 2018. En ce qui concerne notre recherche, ces dernières avancées nous permettent de formuler certaines hypothèses. En effet, si aujourd‟hui, notre sujet (Louis, autiste Asperger) a des difficultés à se retrouver dans un environnement bruyant tel qu‟un gymnase en compagnie d‟autres élèves, à écouter ou à prendre la parole au sein d‟un groupe, cela peut être dû à des particularités sensorielles qui lui sont propres, comme une hypersensibilité aux bruits, aux lumières ou encore proprioceptives ou tactiles.
Plan institutionnel
En 2013, la loi sur la refondation de l‟école a mise en exergue l‟idée de garantir l‟inclusion scolaire et la continuité d‟un parcours adapté aux compétences et aux besoins de chaque élève dans un cadre éducatif particulier. L‟autisme prenant des formes très diverses, chaque élève, quelles que soient ses ressources ou difficultés, peut être scolarisé dans le système scolaire sous différents dispositifs. Pour certains jeunes, une scolarité individuelle en milieu ordinaire est envisageable moyennant des aménagements et un accompagnement personnalisé à temps plein ou à temps partiel. Pour d‟autres, cela se traduit par la scolarisation dans un dispositif collectif d‟intégration. Selon les possibilités locales, une unité localisée pour l‟inclusion scolaire (ULIS) peut permettre aux élèves à l‟école élémentaire, au collège puis au lycée de suivre les cours d‟un enseignant spécialisé et d‟être inclus en classe ordinaire plusieurs heures par semaine.
Dès l‟année 2005,il y a eula création et la mise en place d‟un plan autisme. En 2018, c‟est un quatrième plan autisme qui a vu le jour par l‟intermédiaire du secrétariat d‟état auprès du premier ministre chargé des personnes en situation de handicap. La parution de ce nouveau plan indique que l‟autisme est donc un enjeu fort sur lequel travaille le gouvernement. Au niveau national, quatre grandes thématiques ont été pilotées par des groupes : la scolarisation des enfants et des jeunes, l‟inclusion des adultes, le soutien aux familles et la recherche et la formation. De nombreux moyens financiers mais aussi humains sont mobilisés afin d‟améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap. Au total, près de 400 millions d‟euros y sont dédiés soit près du double de l‟enveloppe du plan précédent.
Ces mises en œuvre deviennent donc nécessaires aujourd‟hui pour lever la parole sur l‟autisme dans le monde. En ce sens, notre pays semble avoir un temps d‟avance sur le développement et la recherche face à cette pathologie par rapport à de nombreux pays comme le souligne la psychiatre Marion Leboyer, “et donc, c’est vraiment une découverte et une précision extrêmement importante parce que le gouvernement a défini et a priorisé la mise en place d’une stratégie autiste”. Dès lors, on voit par la mise en place de cette stratégie et de ce plan que l‟autisme devient une cause majeure de la recherche en France. Maintenant, notons que si aujourd‟hui de plus en plus de pays se concentrent sur la pathologie de l‟autisme, cela vient notamment de l‟apport de nombreuses études scientifiques comme celle de l‟université de Bruxelles que nous avons évoquée précédemment. Cette dernière est notamment en lien avec le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de février 2018.
Le syndrome Asperger
Une personne atteinte du syndrome dit d‟Asperger (S.A) représente de façon schématique la partie de l‟extrémité « haute » du continuum autistique. Il caractérise le troisième stade après l‟autisme modéré et l‟autisme profond. Le SA n‟est pas une maladie mentale d‟origine psychologique, mais il est caractérisé comme étant un trouble du développement neurologique d‟origine génétique. Les atteintes sont également plus ou moins sévères selon les personnes. Il arrive fréquemment que les patients atteints du SA excellent dans un domaine spécifique et fassent preuve d‟une culture générale développée. Pour autant, le souci majeur se trouve dans leurs difficultés d‟intégration au sein de notre société qui sont parfois déconcertantes à la vue de leurs rites, leur résistance aux changements, leurs angoisses ou encore leur langage. En ce qui concerne notre sujet Asperger Louis, le trouble se manifeste principalement dans sa capacité à échanger avec autrui. Autrement dit, il est à la fois capable d‟entrer dans une relation de communication classique, mais aussi d‟être réticent à l‟échange et se renfermer sur lui-même. Ainsi, on peut dorénavant s‟interroger sur le fait que ses troubles peuvent avoir un impact sur son engagement dans les activités physiques, sportives et artistiques.
L’engagement
“S’aventurer, se lancer, s’engager”. Le fait de s‟engager met en évidence le lien qu‟il y a entre un acte à réaliser et l‟individu qui le réalise ou qui doit le réaliser (Kiesler, 1971)16. Cela renvoie à investir une part relativement importante de ses ressources personnelles pour atteindre un but précis. A l‟inverse, dans certaines circonstances, les individus peuvent ne pas se trouver engagés dans une action, ce qui fait référence à la notion de désengagement. C‟est pourquoi, la notion d‟engagement est propre à chaque individu et est dépendante des envies, des besoins et de la personnalité de la personne.
La spécificité de l‟EPS met en évidence un engagement principalement moteur des élèves. Pour autant, afin de s‟engager dans une conduite motrice, l‟élève mobilise de nombreuses ressources (psychologiques, psychosociologiques, cognitives, neuro-informationnelles). M.Tant (2018) nous dit qu‟en ce qui concerne l‟élève en situation de handicap, son engagement en EPS peut lui permettre à la fois de “développer un sentiment d’appartenance à la classe mais aussi d’optimiser ses ressources motrices, physiques, cognitives et d’améliorer son bien-être personnel”17. En effet, la discipline EPS met en évidence un environnement socialement structuré, dans le sens où elle offre de multiples occasions de développer et d‟optimiser des relations sociales positives entre les élèves avec et sans handicap. Cette optimisation des interactions avec autrui peut ainsi s‟apparenter à un enrichissement de ressources de l‟élève. En ce sens, “les élèves explorent continuellement l’activité et les comportements des autres comme des ressources potentielles pour répondre à leurs préoccupations d’apprentissages”18. Ces ressources s‟enrichissent davantage lorsque l‟élève “exprime ostensiblement ses intentions, ses interprétations et ses sentiments” (Huet et Saury, 2010). Par conséquent, si s‟engager en EPS apporte de tels bienfaits pour un élève en situation de handicap, qu‟en est-il de l‟impact de l‟engagement sur leurs apprentissages ? N.Terre (2010) nous dit en effet que “la compréhension de l’engagement des élèves apporte un éclairage sur les continuités et discontinuités d’apprentissage au cours des leçons et des séquences d’EPS”19. Pour autant, l‟enjeu de notre recherche n‟est pas de savoir si l‟engagement de l‟élève dans une tâche influe sur son apprentissage, même si selonM.Travert (2012) “Il n’y a pas de transformation de l’élève sans engagement”20, mais bien de comparer son engagement et ce qui le pousse à s‟engager lorsqu‟il se trouve seul face à une tâche ou lorsqu‟il se trouve en duo.
Dès lors, l‟engagement de l‟acteur dans une situation (tâche seul ou en duo) met en évidence l‟ensemble de ses préoccupations qui l‟accompagnent et qui orientent son activité. Chaque action fait ainsi émerger des histoires significatives pour l‟acteur, et lui ouvre de nombreuses actions possibles ou pertinentes à chaque instant “t”. Ces actions sont le fruit d‟expériences passées, d‟interprétations antérieures, d‟émotions ou d‟attentes concernant le devenir de la situation. 21
Si l‟on s‟intéresse particulièrement au courant de l‟action située, la notion d‟engagement d‟un élève en EPS renvoie principalement à ses préoccupations et à ses intentions dans l‟action. Cet engagement peut donc être lié à des préoccupations dites “scolaires”, mais aussi à des préoccupations “non scolaires”, qui se caractérisent par des activités éloignées du travail scolaire en EPS voire transgressives vis à vis de celui-ci. (Saury, Adé et al, 2013)22.
Pour autant, au regard de notre recherche, il convient de mettre en évidence que lorsque les élèves réalisent une tâche de façon individuelle, ils ne sont en réalité pas “vraiment seuls”, car leur situation intègre toujours autrui. Différentes études (Adé, Picard et Saury, 2013 ; Huet et Saury, 2011) ont montré que les préoccupations des élèves étaient dirigées vers les autres élèves de la classe, ou plus spécifiquement vers ceux de leur groupe ou de leur dyade de travail (Op.cité). Dans le cadre de notre recherche, cette dyade de travail est ainsi imposée par l‟enseignant et se met en œuvre sur l‟atelier roulade avant, où les élèves passent à la fois par le rôle de gymnaste et celui d‟observateur. Nous souhaitons donc nous intéresser également aux diverses préoccupations des élèves en fonction de la forme de groupement choisie et du rôle attribué. Néanmoins, il convient d‟être vigilant aux effets que peuvent avoir l‟attribution de ces rôles sur l‟engagement de l‟élève dans la tâche d‟apprentissage.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Question de départ
1.2 Objectif de l‟étude
2 Revue de littérature
2.1 L‟inclusion
2.2.1 L‟autisme
2.2.2 Plan institutionnel
2.2.3 Le syndrome Asperger
2.3 L‟engagement
3 Hypothèses
4 Cadre théorique et méthodologique
4.1 Une approche centrée sur le cours d‟expérience des élèves
4.2 L‟expression du vécu lors d‟un entretien d‟autoconfrontation
4.3 La reconstruction et l‟analyse du cours d‟expérience
5 Question de recherche
6 Méthode
6.1 Participants
6.2 Dispositif d‟expérimentation
6.2.1 Situation d‟apprentissage de la roulade avant
6.2.2 Situation de régulation par les élèves sous forme de coaching incluant la roulade avant en dyade homogène
6.2.3 Équipement des participants
6.3 Recueil des données
7 Résultats
7.1 Analyse quantitative
7.1.1 Des différences individuelles en fonction de la forme de groupement
7.1.2 Des différences comparables entre les deux élèves
7.1.3 Résumé et éléments de réponses
7.2 Analyse qualitative
7.2.1 Préoccupation prioritaire des élèves dans la tâche d‟apprentissage au regard de la forme de groupement
7.2.3 Les préoccupations de Louis lors de l‟apprentissage seul de la roulade avant : (Cf. annexe 3)
7.2.4 Les préoccupations de Jade lors de l‟apprentissage en dyade
7.2.5 Les préoccupations de Louis lors de l‟apprentissage en dyade
7.2.6 Résumé : la comparaison des préoccupations de Jade et Louis
8 Discussion
8.1 Louis s‟engage davantage dans une tâche d‟apprentissage seul :
8.2 L‟apprentissage en dyade homogène engage davantage les élèves par l‟intermédiaire de l‟interaction avec autrui
8.2.1 L‟engagement de Louis au sein de la dyade homogène
8.2.2 L‟engagement de Jade au sein de la dyade homogène
9 Conclusion
10 Bibliographie
11 Annexes
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