Les rencontres avec les commerciaux des différentes sociétés de l’industrie pharmaceutique sont courantes au cours de la carrière d’un médecin (dès l’internat) (1). Ces rencontres ont pour objectifs de faire connaitre les nouveaux médicaments présents sur le marché au médecin et d’en expliquer leurs bénéfices pour le patient et en mettant en avant parfois certaines recommandations. Cependant au cours des dernières années, les différents scandales sanitaires (comme celui lié au Médiator) liés à la prescription médicamenteuse ont poussé les autorités à réévaluer les conditions légales à respecter lors des rencontres entres les visiteurs médicaux et les médecins (2). L’état a alors renforcé les conditions de présentation des produits pharmaceutiques par les visiteurs médicaux (VM) ainsi que le contrôle des avantages offerts par les laboratoires aux médecins. Dans un rapport de l’IGAS (inspection générale des affaires sociales) de 2007, on a pu constater que les informations provenant des sociétés pharmaceutiques, en particulier lors des visites médicales, étaient scientifiquement biaisées mais efficaces sur le plan commercial. (3, 4). Il est important de noter que dans le cadre du DPC (développement professionnel continue), les visiteurs médicaux sont cités à la 2eme place dans les sources d’informations aux médecins généralistes (5). L’IGAS nous dit également que les sociétés pharmaceutiques dépensent environs 3 milliards d’euros par ans pour la promotion des médicaments en France et ceux uniquement pour les visites médicales. Cette somme considérable indique l’importance que donne les firmes aux visites médicales pour faire connaitre leurs produits.
Depuis 2004, une chartre de la visite médicale a été signé entre les industriels du médicament et les pouvoirs publiques en ce qui concerne la promotion des médicaments remboursés (6). Cependant dans un rapport de l’IGAS de 2007, on relève que la chartre signée n’est pas pleinement respectée et reste incomplète. Ceci a entrainé les autorités à proposer une nouvelle chartre qui fut signés en 2014 (7). Cette étude a pour but de continuer le travail déjà entrepris par le Dr MARCHENAY en 2017.
En effet au cours de mes recherches de bibliographie sur mon futur sujet de travail, j’ai vu que cette analyse regroupait un nombre important de point que je souhaitai étudier. Du fait du peu de travail sur ce sujet pourtant important, j’ai pris le parti de continuer cette thèse réalisée dans la région de Caen. Apres validation de mon intention de travail à Marseille, j’ai pris le parti de contacter le Dr MARCHENAY afin qu’il me communique son questionnaire. Ainsi seule la région explorée diffère entre les 2 travaux permettant de mettre en lumière ou non des différences de pratique entre ces 2 régions. L’objectif principale de cette étude est d’analyser le cadre d’exposition des internes en médecine générale aux VM avec ses conditions, lors de leurs stages en ambulatoire de soins premiers. L’objectif secondaire est d’étudier la fréquence des ces rencontres et de mesurer le degré de liberté d’y assister pour les internes en médecine générale.
CADRE LEGAL ET CONTREVERSE
Cadre légal :
Le serment d’Hippocrate nous rappelle : « Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer les services qui me seront demandés ». Nous pouvons remarquer ici que l’indépendance du médecin est un sujet de préoccupation, notamment pour les médecins eux même, depuis bien longtemps. Les médecins sont conscients que la qualité des soins dispensés est dépendante de leurs degrés de liberté et leur libre-arbitre. Ce ne sera qu’à partir de 1953 avec la création du Code de Santé Publique (CSP) qu’un cadre légal encadre les interactions entre l’industrie du médicament et les professionnels de la santé. Le CSP interdit notamment aux médecins de percevoir des intérêts ou avantages en échanges de prescription. Avant le CSP, il n’existait aucun organisme pour encadrer les échanges entre médecins et les VM. L’autorégulation était le seul moyen de contrôle pour les médecins. En 1993, la loi « Diverse Mesure d’Ordre Social » est créé afin de moraliser les échanges entre les médecins et les industries qui commercialisent des médicaments ou dispositifs médicaux. Deux types de sanctions sont alors crées envers les médecins recevant des avantages en nature ou en espèces : Pénale et disciplinaire (ce dernier au travers du conseil de l’ordre). A cette époque les industriels ne sont pas concernés par les sanctions. C’est à partir de 2002 avec la loi dite de « des droits des malades » que l’état renforce le contrôle en permettant de sanctionner pénalement les entreprises qui proposeraient des avantages aux professionnels de santé. Cette loi interdit de recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelques formes que ce soit, d’une façon directe ou indirect, procurés par des entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de Sécurité Sociale. Il est également interdit, pour ces entreprises, de proposer ou de procurer ces avantages.
La chartre de la visite médicale :
Le 22 décembre 2004, une chartre de la visite médicale est signée entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les entreprises du médicament (LEEM). L’objectif de cette chartre est de « mieux encadrer les pratiques commerciales et promotionnelles qui pourraient nuire à la qualité des soins* ». * article L.162-17-18 code de la sécurité sociale. Le CEPS est un organisme interministériel placé sous l’autorité conjointe des ministères de la santé, de l’intérieur et de l’économie. Le CEPS est principalement chargé de fixer le prix des médicaments et des dispositifs médicaux à usage individuelle pris en charge par l’assurance maladie (AM). Le LEEM lui est un syndicat professionnel du milieu pharmaceutique qui s’est substitué en 2002 au Syndicat national de l’industrie pharmaceutique (SNIP). Ce syndicat regroupe plus de 260 entreprises, et il est chargé de négocier avec l’état tous les 3 ans la politique conventionnelle de fixation et régulation des prix des médicaments en France au travers d’un accord-cadre.
La chartre signée entre le LEEM et le CEPS définit 3 missions aux visiteurs médicaux :
– Il doit assurer l’information aux médecins en leurs fournissant tout renseignement utile au bon usage dans leurs pratiques quotidiennes ; il doit obligatoirement leurs remettre un résumé des caractéristiques du produit.
– Le médecin doit être informé de manière qu’il puisse avoir connaissance de la place du médicament présenté dans la pathologie visée et dans les stratégies thérapeutiques concernées, conformément aux recommandations publiées ou validées par les instances publique de santé (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (Afssaps), la Haute Autorité de Santé (HAS), l’Institut National du Cancer (INCa),…)
– Le délégué assure le suivi, mais non la mise en place, d’étude ou d’enquêtes auprès des médecins afin de compléter la connaissance sur les médicaments et la pratique professionnelle.
Différentes exigences en matière de qualité de l’information :
– Les documents et supports de formation mis à la disposition du délégué médical doivent être clairs, explicites, actualisés et strictement conformes aux termes de l’AMM du médicament concerné, ils doivent aussi faire appel à des référentiels publiés ou des publications ou communications récentes, figurant dans une revue référencée.
– Lorsque l’information vise à comparer deux spécialités à même visées thérapeutiques, l’information doit s’abstenir de tout dénigrement et être, en tous point, pertinente et vérifiable.
– L’entreprise privilégie le contenue de la visite médicale par rapport à la fréquence des visites afin que l’information délivrée soit la plus complète et objective possible et insiste sur l’information du prescripteur en matière de bon usage du médicament.
– L’entreprise veille à ce que l’activité de visite, tous réseaux confondus, relative à une même spécialité ne revêt pas un caractère abusif.
– Un dispositif expérimental de maîtrise promotionnelle a été introduit par un avenant signé le 21 juillet 2005 entre le LEEM et le CEPS. Pour certaines classes thérapeutiques, après consultation de la HAS, de l’Uncam, des représentants des médecins et du LEEM, et après concertation avec les entreprises concernées, le CEPS pourra déterminer un taux d’évolution du nombre de contacts réalisés par la Visite Médicale. Cet accord s’inscrit dans l’engagement partenarial Etat-industrie qui témoigne de l’engagement des entreprises du médicament en faveur d’une politique de santé publique fondée sur l’accès à l’innovation thérapeutique et qui suppose une juste et libre information des médecins, dans l’intérêt prioritaire des patients.
Le Visiteur médical est soumis à plusieurs règles déontologiques :
– Respect du secret médical, au cabinet du médecin il doit avoir un comportement discret et respectueux.
– Ne peut user d’aucune incitation pour obtenir un droit de visite, ne peut offrir aucunes rémunérations ou dédommagement. Il doit respecter les horaires souhaités par le médecin et s’attache à ne pas perturber l’activité du cabinet médical.
– Le Visiteur médical n’a pas à proposer au médecin de cadeaux en nature ou en espèces, ni à répondre à d’éventuelles sollicitations dans ce domaine.
– Les invitations à des congrès scientifiques ou à diverses manifestations médicales doivent faire l’objet d’une convention transmise à l’Ordre des Médecins.
– Le Visiteur Médical doit préciser le statut du médicament au regard du remboursement par l’assurance maladie.
En ce qui concerne les VM, l’accès à leurs professions est réglementé. Il existe deux voies pour obtenir la carte professionnelle indispensable pour exercer :
– Des écoles privées, en partenariat avec le CPNVM (Comité Professionnel National de la Visite Médicale). Pour entrer en formation, il faut avoir un bac +2 minimum, passer un examen sur dossier et subir des tests. La formation dure 9 à 12 mois avec stage en entreprise.
– Des universités préparent à la formation de visiteur médical dans le cadre d’un diplôme universitaire (DU) .
Le 21 juillet 2005 est signé un premier avenant à la chartre de 2004. Cet avenant crée des objectifs quantitatifs de visite pour certaine classe thérapeutique. Le CEPS arrête chaque année la liste des classes pharmaco-thérapeutiques, selon la nomenclature EPHMRA, pour lesquelles il estime qu’une réduction de la visite médicale est nécessaire. Cette liste est établie après consultation de la HAS, l’UNCAM, le LEEM et des représentant des médecins qui font valoir à cette occasion leurs besoin d’information sur le médicament. Apres consultation du LEEM et des entreprises concernés, le CEPS fixe un taux annuel d’évolution du nombre de contact avec les médecins réalisés par les Visiteurs Médicaux. Ce taux est fixé en excluant les médicaments appartenant à des groupes génériques et en tenant compte du lancement des nouveaux produits. En juillet 2006, le HAS élabore une certification de la visite médicale fondé sur la chartre de 2004. Cette certification a 2 objectifs principaux : quantitatif (limiter les dépenses de l’assurance maladie) et qualitatif (améliorer le service rendu au praticien). Le 21 juillet 2008, un deuxième avenant est signé qui élargit le cadre de la visite médicale à l’hôpital. En Octobre 2014 est signé la chartre de l’information par démarchage ou prospection visant la promotion des médicaments (la chartre d’information promotionnelle ou CIP). La CIP se substitue à la chartre de la visite médicale de 2004. Une des principales innovations de la nouvelle chartre, est la création par le LEEM et le CEPS d’un Observatoire national de l’information promotionnelle qui sera chargé de mesurer la qualité des pratiques de promotion à partir de critères objectifs, vérifiables et transparents. Cet observatoire ne se substituera pas au contrôle et à l’audit de certification déjà exercés par la Haute autorité de santé. Il le complètera.
CONTROVERSE
Selon l’HAS (9) chacun a des liens avec des personnes ou des organismes, résultant de sa vie personnelle ou professionnelle. Ces liens sont porteurs d’intérêts, patrimoniaux, professionnels, personnels ou familiaux, conduisant à porter des appréciations subjectives dans une situation qui peut les mettre en jeu. Les liens d’intérêts peuvent alors être en conflit avec d’autres intérêts, individuels ou collectifs, privés ou publics. La charte de l’expertise précise que la notion de liens d’intérêts recouvre les intérêts ou les activités, passés ou présents, d’ordre patrimonial, professionnel. L’intérêt peut résider dans un avantage, ou une absence de désavantage, pour soi ou dans un avantage ou un désavantage pour autrui, dans une situation d’inimitié ou de concurrence. Les liens d’intérêt peuvent conduire à des conflits d’intérêts, en fonction de leur intensité et du type de participation de la personne concernée aux travaux de la HAS. Selon la définition qu’en donne la charte de l’expertise : « Un conflit d’intérêts naît d’une situation dans laquelle les liens d’intérêts d’une personne sont susceptibles, par leur nature ou leur intensité, de mettre en cause son impartialité ou son indépendance dans l’exercice de sa mission au regard du dossier qui lui est confié ». L’ouvrage réalisé par l’OMS en 2009 et traduit par l’HAS en 2013 décrit bien le processus par lequel les VM crées ou tente de crée un lien avec le médecin via la visite médicale. Par les différents avantages en natures proposé au médecin le VM essaye de renforcer les liens qu’il a avec lui et crée de la réciprocité. Robert Cialdini au travers de son ouvrage « influence et manipulation » explique notamment une des méthodes utilisées par les VM appelé « dette forcée » (10). Cette méthode consiste à offrir un cadeau que le médecin ne peut refuser, et qui par la suite va le rendre redevable ou du moins lui donner la sensation de l’être. Ces cadeaux ont pour but d’instaurer une relation conviviale entre le VM et le médecin et ainsi stimuler les ventes au travers d’un sentiment de réciprocité inconscient. Cependant même si la majorité des médecins reconnaissent avoir des liens d’intérêt avec certaines société pharmaceutique, ils réfutent l’accusation de conflit d’intérêt. (11, 12) On sait que les VM ont dans leurs contrats salariaux, en plus de leurs salaires, des primes calculées en fonction des objectifs atteints, en lien direct avec l’expansion des volumes de prescription .
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Table des matières
INTRODUCTION
CADRE LEGAL ET CONTREVERSE
CADRE LEGAL
CONTREVERSE
MATERIEL ET METHODES
SCHEMA DE L’ETUDE
POPULATION ETUDIEE
REALISATION DU QUESTIONNAIRE ET RECEUIL DE DONNEES
TRAITEMENT DES RESULTATS
CADRE LEGAL ET LIENS D’INTERETS
RESULTATS
DISCUSSION
FORCES DE L’ETUDE
FAIBLESSE DE L’ETUDE
EXPOSITION
PRESENTATION DES PRODUITS PHARMACEUTIQUES
SENTIMENT DE LIBERTE D’ACCEPTER, DE REFUSER
ET DE SOLICITER UNE VISITE MEDICALE
CADRE DE LA RENCONTRE
AVANTAGES
CONCLUSION
LISTE DES ABREVIATIONS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE