L’explosion des « nanos »
Les développements technologiques de ces dernières années permettent aujourd’hui d’observer et de manipuler des objets de plus en plus petits. Lorsqu’au moins une des dimensions des objets en question est comprise entre 1 et 100 nm, le nom de « nano-objets » leur est alors donné. Et, par extension, le préfixe « nano » est associé à de nombreux termes en rapport avec ces « nano-structures ». Ces nanoobjets attirent naturellement l’attention d’un grand nombre d’équipes de chercheurs dans le monde. En effet, leur petite taille permet non seulement des réalisations jusqu’alors impossibles mais aussi, elle oblige la prise en compte des effets quantiques et autres lois physiques spécifiques à ces dimensions très réduites. La technologie trouve donc un intérêt dans cette « révolution nano » qui offre une multitude de perspectives parfois dignes de la science-fiction, et elle devient alors la nanotechnologie. La science, elle, devient la nanoscience et s’intéresse de près à ces nano-objets surtout pour les propriétés physiques qu’ils permettent de mettre en évidence.
Quelques exemples d’applications envisageables
Du point de vue technologique, les applications possibles de ces nano-objets sont très nombreuses et surtout, appartiennent à des domaines très variés. Un des secteurs les plus demandeurs de miniaturisation et qui vient tout de suite à l’esprit est la micro-électronique. La course à la réduction des tailles y est omniprésente et l’on pourait même dire qu’elle en constitue le noyau. Il a souvent été fait des prédictions sur l’évolution des microprocesseurs à base de transistors [1] et cette industrie a constamment focalisé ses efforts à miniaturiser ces derniers, afin d’augmenter leur fréquence d’une part et d’en intégrer toujours plus au sein d’un processeur dont la taille n’a que très peu varié d’autre part. L’augmentation du nombre de transistors intégrés par unité de surface dépassant même parfois les prédictions faites quelques années auparavant [2, 3]. Aujourd’hui les tailles de gravure des processeurs atteignent des dimensions de l’ordre de 45 nm, ce qui fait une augmentation du nombre de transistors sur une puce d’un facteur 1000 en l’espace des 20 dernières années environ. Le principe de fonctionnement des processeurs, lui, n’a que peu évolué et le gain de puissance de calcul vient surtout de l’augmentation du nombre de transistors, rendue possible par la diminution extrême de la taille de ces derniers et c’est là que les nano-objets peuvent s’avérer utiles. En effet, réduire les tailles permet d’augmenter les performances globales de tous ces circuits électroniques. Plus précisément par exemple, un oxyde de grille plus fin va permettre d’augmenter le contrôle sur le canal d’un transistor ; ou des gravures plus fines vont diminuer la consommation et la chaleur dissipée, qui sont deux aspects envers lesquels beaucoup d’efforts sont faits aujourd’hui. Des alternatives à l’électronique « classique » sont cependant étudiées comme, par exemple, l’électronique moléculaire [4], et ce même si un tel changement radical dans la conception des circuits électroniques risque de se faire doucement, surtout à cause du coût qu’il pourrait représenter pour l’industrie de la micro électronique. Mais les applications possibles des nano-objets ne se limitent pas à ce secteur, loin s’en faut. Un des secteurs les plus prometteurs est peut-être celui de l’interface entre la physique, la biologie et la médecine ou la chimie [5, 6, 7, 8], avec tous les dispositifs imaginables allant de capteurs dont les surfaces spécifiques seront décuplées par rapport aux dispositifs actuels [9] jusqu’à des nano-vecteurs capables d’aller délivrer une substance sélectivement dans un organisme [10, 11] (un très récent exemple dans la recherche sur la thérapie contre le cancer est donné dans [12]), en passant par l’utilisation de nanotubes de carbones pour stocker de l’hydrogène [13] dans le cadre du développement des énergies nouvelles. On retrouve aussi les « nanos » dans des domaines plus proches de notre quotidien comme le domaine des textiles qui développe l’utilisation des nano-objets [14, 15] pour modeler les propriétés des vêtements, pour ajouter des fonctionnalités au sein même des textiles ou pour rendre les tissus « intelligents ». Par exemple, des « nano-capsules » intégrées dans les fibres pourraient libérer des substances au fur et à mesure du temps ou en fonction des conditions extérieures. Des nano-objets intégrés dans les fibres pourraient aussi en modifier les propriétés, et ce éventuellement de différentes manières en fonction de l’humidité, ou de la température. Le domaine des cosmétiques fournit un autre exemple de commercialisation de produits contenant déjà des « nanos ». Certaines crèmes intègrent en effet des nano-particules leur conférant des propriétés bien précises comme la brillance, modifiant leur viscosité ou encore jouant sur leurs couleurs [16].
Quelques exemples de phénomènes physiques observables en nanoscience
Le développement des nanotechnologies permet aussi à la science de manipuler, étudier, observer et comprendre des choses à une échelle très réduite. Ainsi, les nanosciences mettent aujourd’hui en lumière des effets physiques parfois prévus par la théorie mais observables uniquement à très petite échelle. Par exemple, les nanotubes de carbone [17], qui ont été découverts il y a plusieurs années maintenant, permettent de réaliser de nombreuses expériences mettant en jeu des effets quantiques [18]. On peut aussi citer le transport quantique [19], les effets de blocage de Coulomb [20] ou encore les transitions Métal/Isolant [21].
Risques et principe de précaution
Il est naturel ensuite de se poser des questions quant aux risques nouveaux liés aux développements de ces nano-matériaux et de leurs applications. Pour donner un exemple, la nocivité des fibres d’amiante a été découverte alors qu’elle avait déjà été utilisée en grande quantité. De par leur petite taille, les nano-objets pourraient bien avoir le même genre de propriétés et s’avérer tout aussi nocifs (voir plus nocifs même) en cas d’inhalation. Et les risques ne s’arrêtent pas à l’inhalation ou l’ingestion car, du fait de leur très petite taille, ils peuvent passer à travers de nombreuses membranes habituellement étanches. Quelques groupes se sont penchés sur ces problèmes, notamment au niveau de l’éthique [22, 23] mais assez peu d’efforts sont consacrés à la prévention des risques nouveaux, ou même simplement à leur identification, par rapport à l’essor du domaine. Le manque de communication sur la question des précautions prises par les entreprises et les laboratoires travaillant sur les nanotechnologies peut provoquer la méfiance, voire l’hostilité des populations. C’est notamment le cas à Grenoble ou des associations « anti-nanos » rassemblent de nombreux habitants, le plus souvent seulement inquiets, parfois plus agressifs. Ce type d’évolution où l’on « guérit » plutôt que de « prévenir » dénoncé par ces associations a déjà souvent entraîné des dommages importants. Par exemple dans le cas de l’amiante ou dans l’utilisation des rayons X sans que les mesures de protection suffisantes pour les personnels ne soient mises en œuvre. Il semblerait donc raisonnable de s’intéresser à la question des risques potentiels de ces nouvelles nanotechnologies rapidement et plus sérieusement qu’aujourd’hui. Commencer par identifier les risques potentiels, puis étudier leur réelle dangerosité et les mesures nécessaires le cas échéant paraît une bonne ligne de conduite. Bien sûr, il ne faut pas non plus sombrer dans la psychose, imaginer les pires dangers venant des nanotechnologies et les proscrire totalement.
Nanostructures 1D
En attendant de pouvoir créer des nano-robots capables de s’auto-répliquer, comme certains l’envisagent et d’autres le craignent, les scientifiques tentent plutôt pour l’instant d’élaborer des « briques de base » de différentes formes dans des matériaux variables de manière reproductible et contrôlée. Ils cherchent ensuite à étudier les propriétés spécifiques à la petite taille de leurs « nanobriques ».
Généralités sur les nanostructures 1D
La forme la plus simple possible est certainement la nano-structure 0D, c’est-à-dire de taille très réduite dans les trois dimensions de l’espace. Dans cette catégorie on peut trouver les « boites quantiques » [24, 25] ou les nano-particules. La deuxième catégorie d’objet est évidement les structures 1D, c’est-à-dire de taille très réduite dans seulement deux directions de l’espace. Cette notion est bien évidemment relative, et dépend du contexte de l’étude. D’une manière générale, pour l’étude d’une propriété donnée ayant une longueur caractéristique donnée, une nanostructure 1D aura deux dimensions comparables ou inférieures à cette longueur caractéristique. Cette catégorie contient des objets utilisant de nombreux matériaux et ayant de nombreuses applications possibles [26] et nous citerons ici les nanotubes de carbone et les nanofils, surtout semi-conducteurs.
Les nanotubes de carbone
L’origine des nanotubes de carbone est relativement complexe puisqu’ils ont toujours été synthétisé les premières fois par accident. Pour ce qui est purement de leur origine, l’article de Marc Monthioux et Vladimir Kuznetsov [27] est très complet. De manière générale, les nanotubes de carbone constituent aujourd’hui l’un des domaines de recherche les plus répandus dans le monde. Ils sont presque systématiquement l’exemple parfait utilisé pour illustrer les nanotechnologies et sont à la base de projets dignes de la science-fiction. Tout cela vient probablement de leur découverte relativement précoce comparée aux autres produits directement issus des nanotechnologies. De plus, leurs propriétés (mécaniques en particulier) les destinent à des usages très variés. Nous pouvons dire aujourd’hui qu’ils sont complètement intégrés à des objets de la vie courante puisqu’on peut en trouver dans les écrans plats [28] ou bientôt dans les disques durs [29] par exemple.
|
Table des matières
1 Introduction générale
1.1 L’explosion des « nanos »
1.1.1 Quelques exemples d’applications envisageables
1.1.2 Quelques exemples de phénomènes physiques observables en nanoscience
1.1.3 Risques et principe de précaution
1.2 Nanostructures 1D
1.2.1 Généralités sur les nanostructures 1D
1.2.2 Les nanotubes de carbone
1.2.3 Les nanofils
Élaboration
Propriétés
1.3 Notre objectif
1.3.1 L’objet de l’étude
1.3.2 Le procédé envisagé
2 L’alumine
2.1 Présentation générale de l’alumine nanoporeuse
2.2 Pourquoi l’alumine ?
2.2.1 Nos besoins et les réponses apportées par l’alumine nanoporeuse
2.3 Réalisation et propriétés structurales de l’alumine
2.3.1 Dépôt d’aluminum
Procédé
Caractéristiques morphologiques
Adhérence de la couche d’aluminium et recuit éventuel
Limites et améliorations possibles
2.3.2 Anodisation de l’aluminium
Généralités
Oxydation anodique de l’aluminium
La formation de pores et la maitrise de leur géométrie
Une géométrie d’oxydation bien particulière
La maitrise de la forme des pores
L’organisation des pores
Aide à l’organisation par préparation d’amorces
L’auto-organisation sans amorces sur de grandes épaisseurs, apport d’une double anodisation
Limite de l’auto-organisation en « grains »
Une alternative pour une organisation par amorces : le « nanoembossing »
2.3.3 L’agrandissement, contrôle du diamètre des pores
2.3.4 Application à notre cas et résultats, limites, améliorations possibles
2.3.5 Recuit d’amélioration de l’alumine
2.4 Conclusion sur l’alumine
3 Les catalyseurs
3.1 Pourquoi un catalyseur ?
3.2 Les dépôts de catalyseurs sur silicium massif
3.2.1 Le démouillage d’une couche d’or
3.2.2 Les colloïdes sur silicium massif
Les méthodes simples
L’électro-migration
3.2.3 Le dépôt d’or par réaction d’oxydo-réduction sur silicium massif
3.3 Les dépôts dans l’alumine nanoporeuse
3.3.1 Les colloïdes dans l’alumine
3.3.2 Le dépôt d’or préalable à la réalisation de l’alumine
3.3.3 Le dépôt d’or par réaction d’oxydo-réduction dans l’alumine
3.4 Conclusion sur les catalyseurs
4 La croissance
4.1 La fabrication de nanofils par gravure
4.2 L’approche « croissance »
4.2.1 Généralités sur les méthodes de croissance
4.2.2 La croissance CVD
4.2.3 La croissance CVD catalysée : La VLS
Les différents catalyseurs
Le cas d’école : L’or
Le cuivre
Autres exemples
Paramètres importants de la croissance
La température
La pression partielle de silane
La durée de croissance
Les flux de gaz
4.2.4 De l’importance de la préparation des échantillons
4.3 Nanofils sur silicium massif
4.3.1 Modèles de croissance et comparaisons avec les nanofils obtenus
Les explications avancées dans la littérature
Nos résultats sous l’angle des différentes explications possibles
Les « accidents » de croissance
Les aspects perfectibles
4.3.2 Caractéristiques structurales
Caractère monocristallin et orientation des nanofils
Le facettage
Section des nanofils
Facettage en dents-de-scie des flancs des fils
5 Conclusion générale