Les changements climatiques
Les changements climatiques représentent l’un des plus importants enjeux mondiaux en termes environnementaux, économiques et sociaux. (Rockström et al. 2009). Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’accélération du réchauffement du système climatique causée par l’humain ainsi que la modification des cycles biogéochimiques qui s’ensuivent sont sans équivoque. Les impacts des changements climatiques sont déjà ressentis (IPCC 2013, 2014a). Une hausse des températures moyennes, la fonte des glaciers, la montée du niveau des océans, l’acidification des océans, les extrêmes de température, la fréquence et l’intensité des perturbations naturelles, etc. (IPCC 2014b) en témoignent. Ces changements sont causés par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) provenant notamment de la combustion de carburants fossiles et du changement d’affectation des terres menant à une déforestation, tel que la conversion d’une forêt en terre agricole (IPCC 2013).
Ces actions ont entraîné des émissions cumulées de 555 Gt de carbone (C), réparties dans trois principaux réservoirs de C : 240 [+/-10] Gt C dans l’atmosphère, 155 [+/-30] Gt C dans les océans et près de 160 [+/-90] Gt C dans les écosystèmes terrestres qui constituent les principaux puits de C de l’écosphère (IPCC 2013). Ces derniers puits océanique et terrestre étant incapables d’augmenter suffisamment leur capacité d’absorption provoquent une hausse nette de la concentration du CO2 dans l’atmosphère (IPCC 2014b). Ces émissions de GES ont augmenté de 70 % entre 1970 et 2004 et cela continue (IPCC 2006, 2013).
L’exploitation minière et les sols dégradés
Malgré quelques initiatives au régime français, dont l’exploitation des sables ferrugineux du Saint-Maurice en 1730, et la découverte des premiers gisements de plomb en Abitibi-Témiscamingue, le Ministère de l’Énergie et des Ressources Naturelles du Québec considère que c’est en 1840 qu’ont lieu les premières exploitations minières sur le territoire québécois, mais c’est en 1920 que ce secteur prend réellement son envol (Lacoursière 1996; MERN 2013a). Il s’agit d’un secteur créateur d’emplois et de richesse. Près de 900 établissements en lien avec l’industrie minière sont présents sur le territoire du Québec et il y a au-delà de 50000 travailleurs ainsi que plusieurs communautés dont l’économie et le développement reposent sur ces entreprises (MERN 2013b). Il y a plus de 13 000 emplois directs reliés soit à l’exploration soit à l’exploitation minière alors que c’est près de 11 300 emplois qui sont indirectement liés à ce secteur (MERN 2015). Il y a également plus de 27 000 emplois directs et indirects associés aux investissements dans l’exploration et l’exploitation minières (MERN2015).
Ce secteur a toutefois son lot d’enjeux. L’un d’entre eux est relié à l’exploitation des gisements qui ne sont jamais constitués à 100 % du minerai d’intérêt. Dans les faits, pour certains minerais, près de 99 % du volume extrait est inutilisable et donc rejeté (MERN 2013b). La fraction non utilisée se présente sous deux formes; les stériles et les résidus miniers. Les stériles sont des fragments de la roche qui ne contiennent pas le minerai souhaité. Ils sont acheminés vers des «haldes à stériles» où ils sont entreposés (Aubertin et al. 2002).
Lorsque la portion du substrat exploitée contient le minerai d’intérêt, celui-ci est soumis à un processus de concentration afin d’extraire le minerai, ce qui a comme conséquence de générer un résidu fin qu’on entrepose sur une superficie appelée «parc à résidus miniers» (Environnement Canada 2009). Au Canada, la superficie des terres perturbées par l’activité minière de surface est estimée à plus de 0,4 million d’hectares (ha) (Gardner et al. 2012). Au Québec, l’ensemble de ces parcs et haldes totalisent plus de 13 000 ha (Aubertin et al. 2002). Bien que moins problématiques que les parcs à résidus miniers acides, les parcs à résidus miniers non acides présentent d’importants enjeux environnementaux en raison notamment de l’érosion éolienne (poussières aéroportées), des problématiques d’encadrement visuel en plus de générer un changement d’affectation des terres (conversion de site écologiquement productif en site dégradé) et une perte de biodiversité (Larney et Angers 2012).
Un site dégradé est, par définition, une «surface de sol caractérisée par une incapacité importante à supporter la végétation, à la suite de différents travaux, comme un terrain après l’exploitation d’une carrière, d’une sablière, d’une mine, etc.» (RECYC-QUÉBEC 2016). Les parcs à résidus miniers sont donc généralement des sites dégradés.
Les amendements organiques
Afin d’améliorer la fertilité ainsi que la capacité de support des résidus miniers, qui autrement sont impropres à supporter la croissance de la végétation, il est important d’utiliser des engrais minéraux et/ou des amendements organiques (Diacono et Montemurro 2010). Ces derniers sont très communs en agriculture et en foresterie et y ont démontré un fort potentiel d’enrichissement du sol (Lalande et al. 2008). Contrairement aux engrais, les amendements organiques visent, en plus d’augmenter le stock d’éléments nutritifs, à améliorer le milieu de croissance des végétaux en intervenant sur les propriétés physico-chimiques du sol (Maeder et al. 2002). Les amendements de types organiques, telles les matières résiduelles fertilisantes (MRF), ont un effet structurant sur le sol et fournissent un apport important en éléments fertilisants à libérations lentes (Hébert 2015). De plus, l’application d’amendements organiques contribue à augmenter les stocks de C séquestrés. Ils modifient les propriétés physico-chimiques des terrils pour ainsi permettre une séquestration accrue de nouveau C (Hua et al. 2014). En effet, ces amendements améliorent la fertilité du sol dégradé et ainsi, permettent d’accroître le potentiel de photosynthèse des végétaux, donc la capacité d’accumuler et de stabiliser les stocks de C dans la biomasse végétale et dans le sol (Larney et Angers 2012).
Le Canada est un pays qui génère de grandes quantités d’amendements organiques qui seraient disponibles pour enrichir les sols. Les fumiers, les biosolides de papetière et municipaux, les sous-produits de papetière, les résidus de bois et des déchets agricoles peuvent être utilisés à cet effet (Statistiques Canada 2008; Larney et Angers 2012). Par exemple, au Québec, c’est près de 2 Tg de boues de papetière (poids sec) qui ont été produites seulement en 2012 (MDDEFP 2013a). Les biosolides de papetière (BP) sont issus du traitement des eaux usées des pâtes et papiers. Ces BP se séparent en trois types, les boues primaires, les boues secondaires (issues de traitements secondaires) et les boues mixtes (un mélange des deux premiers types) (BAJPAI 2015). S’y ajoutent les boues de désencrage, dont le ratio C/N ne convient toutefois pas à les qualifier comme MRF.
Espèces ligneuses
En raison des nombreux obstacles à la végétalisation naturelle des parcs à résidus miniers énumérés précédemment, les espèces ligneuses qu’on souhaite y planter doivent être sélectionnées selon des critères précis. Ces critères concourent à augmenter les chances de survie ainsi que de croissance à long terme de ces espèces (Sheoran et al. 2010b).
Considérant que les résidus ont un très faible contenu en éléments nutritifs, les espèces ligneuses choisies doivent être peu exigeantes sur les plans nutritionnel et hydrique. Les espèces recherchées sont de préférence locales, c’est-à-dire qu’on doit les retrouver communément à proximité des sites à végétaliser. Dans le cas de la mine du Mont-Wright de la présente étude, le pin gris (Pinus Banksiana) présente justement une grande résistance aux vents, à la sécheresse, aux sols pauvres et grossiers et aux conditions nordiques (Hébert et al. 2006; Rudolph et Laidly 1990). Comparativement à d’autres essences boréales, les plantations de pin gris sont reconnues pour une séquestration de C relativement élevée à moyen-long terme (Boucher et al. 2012).
D’autre part, une espèce colonisatrice pourrait également permettre de réduire rapidement les poussières aéroportées. L’aulne vert crispé (Alnus viridis subsp. crispa) est une espèce arbustive qui s’implante dans un sol autant sablonneux, graveleux qu’à argileux (Roy et al. 2007). Il s’agit d’une espèce végétale qui forme des associations symbiotiques avec des bactéries fixatrices d’N (Francis et al. 2005). L’N étant l’élément nutritif le plus limitant pour la croissances des plantes, ces bactéries (Frankia) permettent un apport majeur pour la croissance et la production d’acides aminés pour les espèces environnantes (Roy et al. 2007). Cette espèce a un pouvoir fertilisant en générant de la litière au sol enrichie par l’N issu de la fixation atmosphérique.
L’écologie industrielle
Le Québec est la deuxième province canadienne émettant le moins de GES par habitant (suivant de près le Yukon) (MDDELCC 2016a). Cela s’explique notamment par l’utilisation de l’hydro-électricité, une source d’énergie présentant une très faible empreinte carbonique (Dessureault et al. 2015). Au Québec, le Plan d’action 2011-2015 sur la gestion des matières résiduelles (MDDEFP 2013b), entraîne la recherche d’alternatives permettant leur recyclage/valorisation. Certaines de ces alternatives interpellent de nouvelles approches d’écologie industrielle, c.-à-d. une écologie dont l’ensemble des pratiques vise une réduction de la pollution industrielle (Erkman 2004). L’écologie industrielle est également une approche multidisciplinaire qui permet d’établir une relation entre les industries, l’environnement et les communautés (Seager et Theis 2002).
L’utilisation de MRF, telle que mentionnée ci-haut présente une occasion de promouvoir l’écologie industrielle, c.-à-d. de recycler les déchets d’une industrie, en l’occurrence celles des pâtes et papiers, pour les valoriser en répondant aux besoins d’une autre (Hébert 2015).
Cette combinaison permettrait du coup de participer à l’atteinte des objectifs de réduction de l’enfouissement des MRF, tout en favorisant la mise en place de couvert végétal sur des sites nécessitant l’apport de ces MRF pour assurer une séquestration de C. De plus, cela pourrait être avantageux dans un contexte de lutte aux changements climatiques, car selon certaines études, les émissions reliées au recyclage de ces MRF seraient moindres que celles reliées à l’enfouissement (Sylvis 2009; Villeneuve 2011; Statistique Canada 2013; Faubert et al.2015). Cette approche présentera aussi d’autres avantages comme la séquestration du C accrue par l’utilisation d’amendement et par le reboisement de ces sites en comparaison avec le cours normal des affaires (Sperow 2006; Juwarkar et al. 2010).
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Table des matières
CHAPITRE 1 :INTRODUCTION
1.1 Les changements climatiques
1.2 L’exploitation minière et les sols dégradés
1.3 Les amendements organiques
1.4 Espèces ligneuses
1.5 L’écologie industrielle
1.6 Hypothèses et objectifs
CHAPITRE 2 :MATÉRIEL ET MÉTHODE
2.1 Description du site à l’étude
2.2 Dispositif expérimental et traitements
2.3 Mesure des plants
2.4 Mesures édaphiques
2.5 Analyses statistiques
CHAPITRE 3 :RÉSULTATS
3.1 Survie et caractéristiques morphologiques
3.2 Statut nutritif
3.3 Fertilité
CHAPITRE 4 :DISCUSSION
4.1 Survie
4.2 Caractéristiques morphologiques et statut nutritif
4.3 Fertilité
CHAPITRE 5 :CONCLUSION