Création de l’environnement relationnel et narrativité
Nous souhaitons revenir sur la dimension de construction d’un environnement relationnel car elle apparaît comme un élément caractéristique de notre cadre de recherche. Nous évoquons cette dimension de construction sous un angle figuratif qui oriente notre travail. Pour évoquer cette figuration nous convoquons deux approches qui sortent du champ des SIC. D’une part nous convoquons l’approche empruntée à la sociologie structurale de C. Bidart, sociologue des dynamiques relationnelles et d’autre part nous empruntons des concepts développés à travers l’approche de l’identité narrative de P. Ricoeur (1990). Ces deux approches nous intéressent car elles nous permettent d’évoquer la construction de l’environnement relationnel de la personne en intégrant des aspects émotionnels et identitaires qui mettent en évidence la dimension sensitive, c’est-à-dire, pour nous, liée aux sentiments, dans la manière de faire de la personne. C. Bidart (2011) étudie la constitution des réseaux relationnels sous l’angle de la temporalité. Elle écrit : “La sociologie des dynamiques relationnelles s’intéresse à l’émergence des liens et à leurs articulations entre eux et avec les autres niveaux du monde social. (…) On a pu voir ici, dans un moment de la vie où se joue le mode de socialisation en tant qu’adulte, se dessiner une évolution des façons de se relier à autrui. Ce résultat original ne peut que confirmer l’intérêt d’analyser ensemble les trajectoires individuelles, les histoires des relations, les configurations des réseaux et leurs articulations avec les contextes et les cercles sociaux.” (2011,121). La réflexion de C. Bidart s’appuie sur les apports de G. Simmel (1908) qui a questionné le rapport de l’individu à la société sous l’angle des connections et des interactions. C. Bidart introduit dans la figuration du réseau la notion « d’entourage » qui nous intéresse puisqu’elle place le sujet au centre d’un environnement à dimension affective. Nous considérons à travers la théorie de l’action exposée par P. Ricoeur que cette figuration réticulaire possède un contenu sous-jacent qui prend sens pour la personne à travers l’action et le sens donné à l’action par la narration exprimée à postériori. P. Ricoeur propose de “penser l’initiative” (1990,133) et de mettre en évidence au sein de la théorie de l’action telle qu’elle est définie par la sémantique ou la pragmatique, les caractéristiques du lien entre l’agir et son actant en prenant en compte la dimension temporelle : “La lacune la plus considérable que présentent nos études antérieures à un regard rétrospectif concerne bien évidemment la dimension temporelle tant du soi que de l’action elle-même. Ni la définition de la personne dans la perspective de la référence identifiante, ni celle de l’agent dans le cadre de la sémantique de l’action, censée pourtant enrichir la première approche, n’ont pris en compte le fait que la personne dont on parle, que l’agent dont l’action dépend, ont une histoire, sont leur propre histoire.” (1990,137). Il construit une théorie narrative qui à partir de la triade “décrire, raconter, prescrire”, établit une corrélation entre constitution de l’action et constitution du soi. La notion d’identité narrative décrite par P. Ricoeur à partir de la distinction entre l’idem et l’ipsé, témoigne de la manière dont l’action de la personne est orientée vers la recherche de la continuité identitaire malgré les changements et les événements. Il considère l’action sous l’angle de la relation puisque “Toute la problématique de l’identité personnelle va tourner autour de cette quête d’un invariant relationnel, lui donnant la signification forte de permanence dans le temps.” (1990,143). La personne va investir sa réalité sous forme d’une dialectique qui s’élabore à partir d’un objet, de l’altérité et d’événements créant une discordance et dont le but sera de rétablir une concordance. Cette dialectique passe par un récit de vie nécessaire à l’individu pour transformer le hasard en destin fondateur : “La synthèse concordante-discordante fait que la contingence et l’évènement contribuent à la nécessité en quelque sorte rétroactive de l’histoire d’une vie à quoi s’égale l’identité du personnage. Ainsi le hasard est-il transformé en destin.” (1990,175). L’approche de P. Ricoeur introduit pour nous le sujet du rapport à l’altérité. Il considère le rapport à l’altérité à travers la dialectique de l’autre comme un autre moi-même à partir des approches philosophiques et éthiques de Husserl, Levinas et Aristote. La dialectique réside dans la nature commune partagée avec l’autre qui fait que “…dans l’hypothèse où je serais seul, cette expérience ne serait jamais totalisable, sans le secours de l’autre qui m’aide à me rassembler, à m’affermir, à me maintenir dans mon identité” (1990,384). P. Ricoeur nous permet de comprendre comment, confronté à des bouleversements et des transformations de vie, l’individu cherche à maintenir de la continuité. Il met en évidence la manière dont l’individu s’appuie dans la relation sur l’objet comme forme structurante de maintien de soi. Tout notre travail de recherche s’établit autour de la question de la mise en évidence de ce processus relationnel mis en œuvre par l’individu et qui aboutit à une formalisation singulière de son espace de vie dont il est l’acteur. Cet environnement relationnel présente pour l’individu une dimension structurante. Nous étudions la manière de faire et les projections qui l’accompagnent. Au fur et à mesure de notre recherche, ce processus apparaît comme un acte créatif dans sa singularité. Mais ce qui reste essentiel dans notre questionnement à partir du sentiment de solitude, c’est la nécessité émotionnelle pour l’individu de cette mise en forme qui lui assure le sentiment d’une continuité identitaire, de maintien de soi. Cette démarche est l’axe central de notre questionnement. Cette mise en forme nécessaire à chacun qui correspond à ce que je veux maintenir de moi à travers les changements et les interpellations du réel est perceptible à travers le choix des objets d’élections, les engagements affectifs, les espaces sociaux investis. Dans une société qui parle continuellement de changements et d’innovation, il peut sembler paradoxal d’évoquer le maintien de soi. L’idée dans notre propos n’est pas de refuser la notion de transformations que nous considérons comme inhérente à la vie et essentielle mais de percevoir l’enjeu et l’importance de cette forme, façonnée par le désir de maintenir de la continuité dans la rupture. Cette “configuration” pour reprendre le terme employé par P. Ricoeur comme mise en ordre ou mise en scène d’éléments nous apparaît comme participant d’une créativité intérieure peut-être plus aboutie et essentielle pour le collectif social que sa face émergente à travers la création d’un objet externe.
Rupture sociale et médiation
Notre questionnement à partir du sentiment de solitude nous amène à nous interroger sur la question de la socialisation. Elle est pour nous un moyen de penser le rôle de la médiation et du média. Nous traitons de la question de la socialisation en interrogeant des sociologues et notamment N. Elias (1991) ou des philosophes et pas dépendante uniquement de besoins physiologiques primaires mais ancrée dans la condition humaine à travers une nécessité psychique et affective. Ils soulignent l’enjeu de la socialisation qui impose à l’individu de trouver un équilibre entre sa singularité et la norme du collectif, entre son désir d’autonomie et sa nécessaire dépendance. Le besoin de reconnaissance qui préexiste à ces dualités participe à l’élaboration identitaire de l’individu. Il compose la nature du lien social qui, pour N. Elias, est la condition première de la survie humaine. Ainsi ces thèses mettent en évidence la part émotionnelle de la relation à l’autre mais aussi sa proximité avec le sentiment de sécurité. Notre problématique liée au sentiment de solitude fait apparaître l’importance d’un facteur commun à l’ensemble du spectre émotionnel et des sentiments dans cette recherche d’un sentiment de sécurité qui est posé pour notre sujet de manière identitaire et qui se joue dans la relation. Le deuxième point abordé interroge la question de la rupture sociale. En effet, dès le 19ème siècle, des sociologues tels que E. Durkheim ou F. Tonnies mettent en évidence le passage d’une société communautaire traditionnelle inscrite sur le partage culturel à une société de masse industrialisée et normée. Nous évoquons cette question avec le sociologue S. Paugam (2012) autour de la notion de la perte du lien social. La perte du lien social expliquée par S. Paugam qui reprend les thèses de N. Elias n’est pas due à des facteurs économiques mais plus intimement aux difficultés des individus à s’adapter à la société moderne. Cette société hyper rationnalisante nie les émotions et la part imaginative de l’homme. L’homme ne peut partager son imaginaire qui pourtant conditionne le sentiment d’appartenance dans la conviction de partager un imaginaire commun. Le troisième point que nous avons choisi de traiter pose la question de l’espace social. Nous étudions cet espace social à partir des apports de G. Simmel qui met en évidence la capacité de l’individu à composer son réseau relationnel à travers des sélections et des degrés d’engagement affectif. Le choix de ces trois axes nous amène à aborder notre sujet en prenant en compte un espace social élaboré à partir de relations à forte densité émotionnelle. Elles sont formalisées de manière singulière par chacun et composent un environnement relationnel à dimension spatiale et temporelle. La dimension émotionnelle de la relation questionne la manière dont l’individu peut élaborer son environnement relationnel dans un espace social marqué par la rupture. Il s’agit d’un sujet de polémiques qui révèle l’importance de la problématique posée. Nous mettons en évidence les questionnements sur la manière dont l’individu est en lien avec la société actuelle. Nous considérons que la référence aux supports infocommunicationnels systématiques témoigne non seulement de leur intégration dans les pratiques modernes mais aussi de leur participation aux modes relationnels. A travers des références théoriques, nous abordons la manière dont l’individu cherche à affirmer sa singularité dans un espace social contraint par la norme et la rationalité et dans lequel il tend à être instrumentalisé (C. Delory-Momberger, E. Illouz et M. Maffesoli) et par le biais de supports de communication interpersonnels qui, s’ils favorisent le contact, ont tendance à modéliser la relation (M. Doueihi, A. Cassili). Nous mettons en équivalence les espaces sociaux et les espaces médiatisés perçus comme une transposition des modes relationnels de la société moderne. Ainsi nous établissons le postulat d’un individu isolé affectivement au sein d’espaces sociaux normés ou fonctionnels établis à partir d’intentions technico-économiques, voire sanitaires et sociales, censées le protéger. Dans le cadre de notre recherche à dimension empirique, notre objectif n’est pas tant de témoigner d’un manque mais d’étudier les stratégies individuelles qui permettent à l’individu de compenser ses besoins affectifs dans la société actuelle à travers la création d’un environnement relationnel à sa mesure. Nous posons la question de la médiation sous cet angle comme une tentative de transposition de “soi” dans la réalité symbolique “pour soi”. Nous observons qu’elle relève d’une expressivité singulière avec la création de liens d’engagement à laquelle le discours donne une forme que nous pouvons interpréter. Nous considérons l’environnement relationnel comme une formalisation de potentialités relationnelles dans l’espace social. Ces potentialités possèdent des significations affectives singulières et passent par des “schémas d’actions” (C. Delory-Momberger, 2010) que nous étudions. Il s’agit pour nous d’adopter une approche axée sur l’observation de l’individu, sa manière d’agir et de ressentir, sa façon singulière de façonner son environnement personnel à partir d’un manque généré par un espace social contraint et dans une démarche de compensation. Notre cadre de recherche s’élabore sur cette interrogation “Comment échapper à la rupture ?” que nous partageons avec J. Caune (1999). Sous l’angle culturel, il considère que la rupture du lien social provient de l’absence de repères à travers le partage de valeurs, de normes. Il écrit que la rupture «…est d’abord à saisir comme difficulté pour les individus à se positionner dans une communauté de culture, à se situer dans une histoire, à se mobiliser comme acteur de projet.» (1999,169). Il émet l’hypothèse d’une politique culturelle non adaptée car établie sur une perception de « personnalité commune » empruntée à la psychologie et la sociologie qui ne prend pas en compte la singularité des individus. Il ajoute : « de ce point de vue, les relations interpersonnelles vécues par l’individu dans le groupe sont saisies à partir des sentiments d’appartenance, d’image de soi et d’intégration dans le groupe. » (1999,124). Dans une société dans laquelle le lien d’appartenance se délite, cette manière de procéder renforce le sentiment d’isolement. J. Caune propose alors un nouveau modèle de médiation qui prenne en compte l’individu. Il transforme l’approche de la médiation et stipule que “La médiation concerne alors une relation qui n’est plus celle de l’individu et de la société (…) mais une relation entre des sujets, acteurs sociaux, impliqués dans un monde vécu en commun.” (1999,177).
Interconnections et communication stratégique
La logique des réseaux sociaux numériques est inscrite sur le principe d’une communication d’interconnections qui relève en partie de la sociométrie établie par Jacob L. Moreno (1930) et trouve ses sources dans la sociologie structurelle puis dans la théorie des graphes. Selon ces logiques, le réseau relationnel est évalué en fonction du nombre de liens entre deux contacts. Chaque contact peut générer d’autres relations et constituer ainsi un réseau relationnel. Chaque réseau peut être estimé en fonction de son degré de connectivité. La quantification des connexions pour un même individu, qualifiée de « petit monde », a été évaluée par N. Milgram (1960) à 6 niveaux. Ces perspectives de modélisation des échanges sous la forme des interconnections sont décrites sous un angle critique par M. Doueihi (2011). Le chercheur considère que la conception formelle des réseaux et les modalités d’échanges qu’ils imposent appauvrissent les modes de socialisation. La matérialisation de la relation sur les plateformes telles que Facebook ou LinkedIn s’accompagne d’une sémantique qui réduit, selon lui, la valeur émotionnelle des liens. Il critique les limites du support technique relationnel contraint par une modélisation des échanges. M. Doueihi souligne qu’il existe une homologie structurelle entre les processus opératoires du dispositif de communication et la philosophie des échanges auxquels ils prédisposent. M. Doueihi (2011) met en évidence les modalités d’interconnections des individus à travers Facebook dont nous nous sommes inspirés pour formaliser un tableau synthétique des modalités de communication sur les réseaux sociaux numériques et les modes relationnels qu’elles induisent. M. Doueihi (2011) considère que le recours aux formules lapidaires dans les réseaux, mots-clés et tags, contraignent l’expression subjective. Pour M. Doueihi (2011), les modes de relations modélisés et homogènes développés dans les réseaux sociaux numériques ne reconnaissent que la ressemblance entre les individus. La personne se décrit à partir d’un questionnaire et les interconnections s’effectuent de manière comparative par similarité de données. Cette approche n’est pas adaptée à l’expression affective, et notamment à la relation amicale construite sur des similarités mais aussi des différences. M. Doueihi reproche à la plateforme Facebook de produire de la relation à partir d’une logique restreinte de traitement de données comme si la complexité identitaire pouvait être réduite à quelques éléments d’informations. Pour M. Doueihi (2011), ce mode fonctionnel contribue à façonner une identité de rôle. Selon lui, l’idéal de partage d’informations que valorisent les communautés sur le web gomme la prise en compte de la perte de l’enjeu intime de la relation. Il perçoit une contradiction entre les possibilités de contacts offertes par le média et les limites de la densité émotionnelle des relations générées. Selon lui, Facebook agence des modes relationnels qui recréent de manière factice et stéréotypée la relation amicale. La relation amicale est réduite à une expression iconographique par des émoticônes ou les interjections lapidaires « j’aime », « j’aime pas ». Au modèle d’interconnections, s’ajoute au sein des systèmes technologiques relationnels, une modélisation des processus relationnels établis à partir d’un rapport de distanciation ou de proximité entre les contacts. Pour A. Casilli (2010), cette configuration correspond à une stratégie relationnelle qui amène l’individu à définir les modes relationnels qu’il souhaite entretenir avec les contacts identifiés. A. Casilli (2010) met l’accent sur les stratégies relationnelles observées sur le web. Il souligne les comportements de sélection adoptés par les usagers. Il constate que le comportement d’ouverture voire « d’hospitalité » qui prévaut au moment de l’interconnexion entre deux utilisateurs est accompagné d’une stratégie de sélection affinitaire. Cette stratégie s’opère à travers un processus qui prend appui sur les fonctionnalités du support. La sélection s’élabore en fonction du niveau de confidentialité des informations que l’utilisateur souhaite échanger. L‘utilisateur après avoir complété son « profil » transmet une « invitation » avec les listes de diffusion. Les échanges sont constitués d’interrogations, de plaisanteries, d’informations et de jeux partagés. Ils permettent des regroupements par listes d’amis et groupes d’intérêts. La représentation de soi passe par des pseudos et des icônes. Chaque invité fait l’objet d’une recherche d’informations préalable. Des niveaux de proximité sont établis par l’utilisateur à travers un contrôle des accès. A. Casilli (2010) souligne la responsabilité de l’utilisateur dans la sélection des informations qu’il veut échanger. Il lui appartient de maîtriser le niveau de confidentialité de ses messages. Il observe que cette manière de procéder n’est pas vécue comme une contrainte mais relève d’une nécessité naturelle. Il appuie son hypothèse sur la théorie de la régulation de la « privacy » développée par le psychologue Irwin Altman (1973). Irwin Altman observe que les personnes mettent en place des stratégies relationnelles d’interaction qui régulent la confidentialité de leurs rapports. Les relations sont « bidirectionnelles » et évoluent sous l’effet conjugué des impulsions de chacun. La relation se construit progressivement à deux et se renforce. A. Casilli (2010) illustre sa thèse en prenant pour exemple la réaction des usagers de l’application Twitter. L’application engage le dialogue à partir de la question : « qu’est ce qui se passe ? ». A. Casilli (2010) observe que la plupart des utilisateurs de Twitter prennent soin d’adapter leur réponse à cette question en fonction des interlocuteurs. Il constate que chaque personne prend la décision du contenu de la réponse en fonction d’un « coût d’opportunité » c’est-à-dire du gain attendu. Le processus d’accompagnement est établi sur la base d’une stratégie relationnelle qui intègre les différentes possibilités de communication du réseau (chats, mail, téléphone…) comme supports de distanciation ou de proximité. A. Casilli(2010) souligne que le niveau de confidentialité est modélisé sur les réseaux Facebook, Myspace, Friendsters, à partir d’un processus d’entrée établi sur la base de trois niveaux de questionnaires plus ou moins « envahissants ». Le premier niveau d’informations rassemble des données d’identité civile peu engageantes. Le deuxième niveau formalise une représentation de la personnalité de l’utilisateur à partir de données plus précises portant sur le statut socio-économique (études, emploi, etc.) et intègre une photo. Enfin, le troisième niveau est souvent ressenti comme contraignant puisqu’il nécessite de fournir des informations plus confidentielles sur les contacts (coordonnées, goûts, statut marital, etc.). A.Casilli (2010) observe que si le premier et le deuxième niveau doivent être obligatoirement respectés, en revanche le troisième niveau est laissé à l’appréciation de la personne. La prise en compte des niveaux d’engagement et de confiance dans l’établissement de la relation sur les réseaux numériques peut aussi transiter par une série de conseils, dont témoigne A. Casilli à travers l’étude du site de rencontres e-how. Sur le site, le processus d’approche de la personne est formalisé sous forme d’une progression en 8 étapes de la manière suivante :
1. Trouver un objet d’amour potentiel
2. Se servir des séances de chats et de mails pour développer une nouvelle amitié
3. Interagir dans le cadre d’échanges publics pour observer le comportement de la personne
4. Échanger des photos
5. Flirter
6. Poser des questions précises sur les valeurs, croyances, etc.
7. A partir d’un ou de deux mois, l’homme peut transmettre son numéro de téléphone
8. Une première rencontre est possible par téléphone
9. Une rencontre est organisée dans un endroit public.
M. Doueihi (2011) et A. Casilli (2010) décrivent la manière dont la relation est construite à partir des possibilités technologiques du media. Le media met en évidence d’une part le caractère identitaire de la relation et d’autre part l’importance du processus de sélectivité puis d’engagement dans la relation. Le processus d’engagement relationnel est fixé à travers des étapes qui correspondent à des degrés affectifs. Les descriptions mettent en évidence une composition relationnelle construite de manière stratégique. Le média semble être au service de cette stratégie qui frappe par son caractère maîtrisé. La relation ne semble pas jaillir et évoluer de manière aléatoire mais au contraire apparaît comme relevant d’un pilotage précis et contenu par les fonctionnalités du média. Il s’agit d’une relation contrôlée. J. Jouet (1993) critique les valeurs de rationalité et de performativité des médias interpersonnels. Elle considère que ces medias créent une technicisation de l’acte de communication. Elle souligne que cette technicisation est accentuée par l’expérience de la relation à la machine par le corps qui s’exprime à travers un écran, une alternance imposée entre les interlocuteurs, des manipulations media dans son mode de vie comme une manière de se le réapproprier. Par ce biais, l’usager apporte une dimension personnelle à son rapport avec la machine. Elle écrit : « c’est l’utilisateur qui construit le produit final avec ses propres « inputs ». Cette réappropriation semble s’instaurer sous l’angle de la relation symbolique dont nous allons étudier les ressorts.
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Table des matières
Introduction
Cadre théorique et aspects méthodologiques
1ère partie : Approches théoriques de la relation
1. Les conduites relationnelles « socialisées »
1.1 Modèles sociaux et comportements relationnels
1.1.1 Relation et solidarité
1.1.2 Relation sociale entre scission et communication
1.2 Sociabilité virtuelle et réseaux sociaux numériques
1.2.1 Interconnections et communication stratégique
1.2.2 Communication symbolique
1.3 Environnement relationnel et chronologie
1.3.1 Emergence du lien fort
1.3.2 Régulation de la relation dans la durée
1.3.3 Points communs et régulation de la relation
1.3.4 Engagement et relation amicale
1.3.5 Constat
2. Rôle des émotions dans la relation « engageante »
2.1 Le besoin de reconnaissance
2.1.1 L’émotion rationalisée
2.1.2 L’échange dans la relation
2.1.3 Le contrôle des émotions dans la relation
2.2 Emotion et conscience de soi dans la relation
2.2.1 Emotions et régulations dans la relation
2.2.2. Aspects physiologiques de l’émotion dans la relation
2.2.3. Emotions et conscience de soi
3. Lien électif et unité identitaire
3.1.1 Amitié et désir
3.1.2 Amitié entre identification et idéalisation
3.1.3 Amitié et transformations identitaires
3.1.4 Constat
4. Conclusion
2ème partie : La construction de l’environnement relationnel
1. Observations empiriques
1.1 Choix du public et constitution de l’échantillonnage
1.1.1 Description du public
1.1.2 La composition de l’échantillonnage
1.2 Entretiens biographiques et recueil des données
1.2.1 Constitution du corpus de données biographiques
1.2.2 Entretiens biographiques et phases de transformation
1.3 Modèle interprétatif et indicateurs d’analyse
1.3.1 Les éléments de catégorisation
1.3.2 Indicateurs d’analyse et interprétation
2. Composition relationnelle et scénario communicationnel
2.1 La relation à l’autre dans l’environnement relationnel
2.1.1 L’environnement relationnel
2.1.2 Les modes relationnels
2.2 La notion de présence biographique
2.2.1 Le récit de soi
2.2.2 Les facteurs de connivence
2.2.3 Les espaces de partage
2.3 L’univers relationnel de la personne à travers le scénario communicationnel
3. Conclusion
3ème partie : Processus de communication et situations relationnelles
1. Processus de communication et relation fictionnelle
1.1 Communication et régulation émotionnelle par l’objet
1.1.1 Tensions phoriques vers l’objet et simulacres
1.1.2 Relation à l’objet et recherche d’équilibre
1.1.3 Processus de communication et artefact médiateur
1.2 L’œuvre d’art et la réalité fictionnelle partagée
1.2.1 L’objet d’art comme fiction révélée
1.2.2 L’expérience filmographique
1.2.3 L’expérience photographique
1.3 Le corps comme expérience cognitive
1.3.1 Le corps médiateur affectif
1.3.2 Le corps inventif
1.4 L’expérience créative de la réalité
1.4.1 L’exploration créative
1.4.2 Expérience esthétique et sensations du réel
1.4.3 Constat
2. Médiation du processus de communication à dimension fictionnelle
2.1 Médiation et expérience sensitive
2.1.1 Médiation et place du support instrumental
2.1.2 Le média comme support de représentation affective
2.1.3 Le media comme espace relationnel
2.2 La narrativité relationnelle comme médiation
2.2.1 L’espace comme lieu de dialogues
2.2.2 La biographie en mouvement
2.2.3 Scénarios communicationnels et rôle du media
3. Conclusion
CONCLUSION GENERALE
Pourquoi cette thèse ?
Bibliographie
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