L’expérience de la douleur et son évaluation

L’expérience de la douleur et son évaluation

A travers l’histoire, la compréhension de la douleur a trouvé différents sens, allant de la croyance d’une punition divine dans l’Egypte ancienne, jusqu’à l’émergence d’un rôle du système nerveux se situant dans l’induction et la transmission d’une souffrance (Hubert, 2014). La médecine moderne a longtemps considéré l’expérience de la douleur comme étant uniquement reliée à une problématique somatique. Or, si l’on se base sur les écrits de Spicher (2002) mais également de Bioy & al. (2001), « la douleur imprègne l’esprit et le corps du patient », elle « vampirise le corps ». Il est donc nécessaire de faire un lien entre expérience de la douleur et expérience du corps. En effet, il aura fallu attendre la fin des années 1980, pour que la douleur du nouveauné soit considérée et reconnue comme laissant un impact cognitif sur le long terme, lors de douleurs nociceptives intenses non soulagées (Ecoffey & Annequin, 2011, p. 9). Cette considération a alors permis la mise en évidence d’une nouvelle compréhension de la douleur et a ainsi ouvert des suppositions éventuelles d’une « mémoire » de la douleur sur le corps. Ce que souligne d’ailleurs Guillouf, en disant que « les progrès dans les connaissances neurophysiologiques ont établi que les systèmes de perception de la douleur sont en place dès la vingtième semaine de développement foetale » (Guillouf, 2014, p. 111).

Depuis ces quarante dernières années, de nombreux outils d’évaluation de l’intensité de la douleur ont vu le jour. Les échelles de douleurs, comme l’échelle numérique ou visuelle analogique, étant les plus utilisées à ce jour. Elles sont un outil indispensable et représentent une certaine reconnaissance objectivable de l’intensité de la douleur pour le patient. Cependant, cette évaluation reste quantitative et ne répond pas suffisamment au caractère subjectif de la douleur, c’est à dire aux dimensions émotionnelles, affectives, cognitives, comportementales et sensorielles (Cabot, Le May & Besner, 2007, p. 36). Comme le soulève l’HAS (2008) : De nombreux systèmes participent au phénomène de la douleur : sensoriel (localisation, nature de la douleur, durée, etc.), moteur (déroulement des mouvements, augmentation de la douleur, posture antalgique, raccourcissement musculaire, asymétrie, atrophie, etc.), autonome (symptômes concomitants : transpiration, respiration rapide, insomnie etc.), affectif (humeur, dépression, altération de l’image de soi, idées suicidaires, etc.), cognitif (expériences douloureuses antérieures, longs séjours à l’hôpital, expériences précédentes avec des médecins, attentes vis-à-vis des traitements, etc.). (p. 18) Afin d’évaluer ces composantes subjectives, les professionnels ont créé divers outils, comme le questionnaire MPQ3 et BPI4. Des outils nouveaux qui n’ont pas été mentionnés dans les articles que nous avons analysés.

De la douleur aux besoins des patients

Le rapport de la Joint Commission on Accreditation of Healthcare Organizations (2001), définit que la douleur chronique est « persistante, perturbe le sommeil et la vie normale, cesse de servir une fonction protectrice, et dégrade la santé et les capacités fonctionnelles » (p. 11). L’impact sur la qualité de vie est donc réel et engendre des besoins en terme de prise en soin (UPSA, 2003). Une prise en soin globale se doit de prendre en compte toutes les problématiques du patient et non pas seulement la douleur. Pour répondre en partie à cela, l’éducation thérapeutique a fait ses preuves ces dernières années. Selon Keller et Basler (2001) : Une approche d’éducation du patient efficace reconnait les besoins spécifiques des patients souffrant de certaines maladies, donne aux patients des informations essentielles et des aptitudes, augmente la motivation et l’adhésion des patients, et soutient le processus d’implémentation et de maintien des changements de vie nécessaires (p. 13). Dans la reconnaissance des besoins spécifiques, le patient attend souvent des soignants qu’ils croient sincèrement à sa douleur avec une réelle posture empathique (Berrewaerts, Doumont & Deccache, 2003). Les patients se montrent beaucoup plus actifs dans la prise en charge de leurs symptômes, avec une demande de compréhension souvent pointue sur des notions pharmacologiques et physiopathologiques.

Cette demande, favorisée par l’émergence d’internet dans les années 2000, puis l’évolution rapide de divers outils de communication liés à la santé, représente un changement considérable dans la prise en soin de la santé des patients. Les professionnels font face à des patients qui se positionnent comme acteurs de leur santé, qui s’interrogent, remettent en question les propositions de soin et tentent de trouver d’autres alternatives face à leurs problèmes. On parle alors du concept d’empowerment qui dans ce contexte de soin signifie « le pouvoir d’agir sur son état de santé ». Ce concept amène vers un nouveau paradigme de soins, résolument tourné vers une éducation thérapeutique, avec un patient participatif et au coeur du soin, cherchant une relation de collaboration avec le soignant (Berrewaerts et al., 2003 ; Jayet, 2009 & Mascret, 2012).

Enfin, il est observé que de nos jours, davantage de patients se tournent vers des alternatives supplémentaires à la médecine classique pour soulager leurs maux. Wallace & Dunajcik, le citaient déjà : Des approches non pharmacologiques offrent des avantages supplémentaires aux effets des analgésiques. Ils permettent entre autres d’améliorer l’humeur, de réduire l’anxiété, d’augmenter le sentiment de contrôle du patient, de renforcer les capacités de coping, d’aider au sommeil, de relaxer les muscles, et d’améliorer la qualité de vie (Wallace,1992 & Dunajcik, 1999, cité par Berrewaerts, Doumont, & Deccache, (2003), p. 8).

Evolution du rôle infirmier vers de nouvelles compétences

Depuis ces trente dernières années, la formation d’infirmière en Suisse est en mutation, comme en témoignent les changements d’intitulé du diplôme. Dès 1980, le diplôme d’infirmier est un diplôme de « soins généralistes » (CDS, 2006, p. 1). En 1992, de nouveaux type de diplôme, le niveau I sur une durée de trois ans et le niveau II d’une durée de quatre ans, entrent en vigueur. A ce jour, le niveau II existe toujours et est délivré par les écoles spécialisées, principalement situées en Suisse alémanique ainsi qu’au Tessin. En 1999, les diplômes de santé se positionnent au niveau tertiaire, avec l’entrée en vigueur des HES santé/social. Les premières volées débutent en 2002.

Ce nouveau cursus d’étude renforce les aspects scientifiques, la recherche appliquée et l’interdisciplinarité (Caverzasio, 2007, p. 29). Conformément à la déclaration de Bologne, un nouveau plan d’étude débute en 2006. Trois ans plus tard, les premiers diplômés en Bachelor of science HES-SO en soins infirmiers arrivent sur le marché du travail (HEdS, 2016). Cette formation comprend 180 crédits ECTS qui l’élève au rang de Bachelor.

Enfin, en 2012, un nouveau plan d’étude cadre, le PEC12, voit le jour. Les nouveautés majeures sont l’implantation d’un référentiel de compétences, défini par la KFH 5, élaboré à partir du modèle de référence mondial, le canMEDS6, en 2005. Il définit sept compétences : le rôle d’experte en soins infirmiers, de communicatrice, de collaboratrice, de manager, de promotrice de la santé, d’apprenante formatrice, et enfin de professionnelle, ce qui permet l’harmonisation des objectifs pédagogiques des diplômes de la santé HES-SO. Avec le nouveau programme PEC-12, un accent particulier a été apporté sur les compétences de communicatrice et de collaboratrice.

Pour ce faire, des modules interprofessionnels ont été introduits, avec des enseignements de pratiques simulées, en partenariat avec les écoles de médecines et les autres filières de la santé (HES-SO, 2012, p. 18). Le Centre for the Advancement of Interprofessional Education du Royaume-Uni définit, qu’ il y a formation interprofessionnelle lorsque deux professions ou davantage sont engagées dans un processus d’apprentissage conjoint, réciproque et qui leur permet de mieux se connaître, pour mieux collaborer et améliorer la qualité des soins (2002, traduction libre).

Ancrage disciplinaire

Plusieurs modèles auraient pu s’associer à l’empowerment des patients dans la gestion des douleurs chroniques. Cependant, peu sont ceux qui intègrent et considèrent pleinement le patient et la famille comme un tout. Dans le modèle de McGill, il est établi que la famille a un impact sur l’individu et oriente ses valeurs, ses comportements et ses émotions. Afin d’accompagner au mieux un patient dans un contexte de douleur chronique, il est donc utile de considérer les forces et les faiblesses de la systémique familiale et de les intégrer dans le processus de soins. D’après Wood (2014), trois facteurs influencent la douleur ; les prédispositions individuelles, les facteurs environnementaux, qui montrent qu’environ 47,6% des patients ont une histoire de douleur chronique dans leur famille, et les facteurs psychologiques.

La douleur est aussi influencée, toujours d’après Wood (2014), par les émotions, les pensées et le contexte socio-culturel. L’environnement ayant un rôle dans le vécu de la douleur, il est important que l’infirmière le prenne en compte dans sa prise en soin. Le modèle McGill a été influencé par de nombreux courants de pensées de l’époque, comme explicité précédemment dans le cadre théorique.

Cependant, les influences les plus significatives sont la théorie de l’apprentissage de la santé sociale de Bandura en 1977, puis la déclaration d’Alma Alta en 1978, qui édictent la nécessité de promouvoir la santé des peuples au niveau mondial ainsi que l’auto responsabilité de la collectivité et de l’individu. Enfin, selon Fawcett (2013), ce modèle s’inspire de la théorie des systèmes de Von Bertallany, élaborée en 1968, où la famille est considérée comme un système en interaction réciproque (Paquette & Sauvé, 2008, p. 18). Pour McGill, la personne, le patient, le client est associé à la famille et ils ne font qu’un. Ce modèle offre des perspectives larges de par son approche globale et intégrée de la santé. Il met l’accent sur le partenariat essentiel entre la personne, la famille et le soignant ; élément fondamental vers une compréhension de la douleur vécue par cette personne/famille et vers un apprentissage de sa gestion. L’infirmière et la personne/famille interagissent et échangent des connaissances et expertises l’une et l’autre. Par cette approche, le soignant maintient, renforce et développe la santé du patient en l’engageant activement dans son processus d’apprentissage et en faisant appel à ses stratégies de coping.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. PROBLÉMATIQUE
1.1 CONTEXTE
1.2 DE LA DOULEUR À LA CHRONICITÉ : LA PHYSIOLOGIE DE LA DOULEUR
1.3 L’EXPÉRIENCE DE LA DOULEUR ET SON ÉVALUATION
1.4 DE LA DOULEUR AUX BESOINS DES PATIENTS
1.5 EVOLUTION DU RÔLE INFIRMIER VERS DE NOUVELLES COMPÉTENCES
1.6 CADRE THÉORIQUE
1.6.1 Ancrage disciplinaire
1.6.2 Métaconcepts
1.7 QUESTION DE RECHERCHE
2. MÉTHODE
2.1 STRATÉGIE DE RECHERCHE
2.2 DIAGRAMME DE FLUX
3. RESULTATS
3.1 TABLEAU RÉCAPITULATIF DES PRINCIPAUX THÈMES ABORDÉS DANS LES ARTICLES
SÉLECTIONNÉS.
3.2 TABLEAUX COMPARATIFS DES ARTICLES SÉLECTIONNÉS
3.3 ANALYSE DES ARTICLES SÉLECTIONNÉS
3.3.1 Le patient et la douleur chronique
3.3.2 Le patient et l’infirmière
3.3.3 Le patient et la systémique familiale
4. DISCUSSION
5. APPLICATIONS DANS LA PRATIQUE
6. CONCLUSION
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LISTE BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
EXEMPLES DE FICHE DE LECTURE

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