L’existence humaine et le drame de l’absurde
L’existence humaine et le drame de l’absurde
La littérature de l’absurde s’inscrit dans les romans à caractère contestataire. Elle domine la production française entre La Nausée et les pièces théâtrales de Beckett et de Ionesco. Plusieurs éléments contribuent à l’émergence de cette forme d’écriture comme les deux guerres mondiales, l’occupation étrangère, les témoignages sur l’univers concentrationnaire, la bombe d’Hiroshima et les premières manifestations de la guerre froide1. Cette situation toujours menaçante, accablante de l’humanité a fortement favorisé le développement de la philosophie de l’absurde et du désespoir. Cette dernière a été prônée et entretenue par des philosophes de l’existence tels que Kierkegaard, Heidegger, M. Merleau-Ponty, et d’autres. Quant à Sartre et à Camus, leurs premières oeuvres sont publiées à la veille de la seconde guerre mondiale. Ils ont pu ancrer leurs idées philosophiques dans la thématique de leurs écritures. La littérature de cette période de l’histoire se renouvelle et multiplient ses formes d’écriture et croise au-delà de ses frontières d’autres innovations dans le domaine artistique telle que la littérature américaine2. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on entre dans ce que Claude- Edmonde Magny a appelé « l’âge du roman américain ». Les écrivains français découvrent Le Bruit et la Fureur de Faulkner, L’Adieu aux armes de Hemingway,La Grosse Galette de Dos Passos. Ces romans pratiquent des techniques romanesques neuves qui permettent de décrire les comportements et les actes sans jamais prétendre traduire ou dévoiler les pensées des personnages. Les romanciers américains mettent en pratique de nouveaux mécanismes de l’écriture tels que le simultanéisme, la reprise d’un style journalistique, le monologue intérieur : chez Faulkner, on se heurte à des énigmes. Quant à Hemingway ; il met au point un style simple, rigoureux pour remplacer les développements psychologiques par l’action et les comportements. Ses personnages sont souvent hantés par l’échec et la mort. Le roman américain déclenche en France un vif intérêt pour les questions de techniques romanesques quant au thème de l’absurde, les premières oeuvres reflétant le sentiment de culpabilité, du vide et de l’angoisse, nous les retrouverons dans les oeuvres de Dostoïevski et de Frantz Kafka dont l’influence marque toute la littérature contemporaine notamment celle de Camus. Leur écriture tente d’éclairer la vie quotidienne, familière en faisant pénétrer le lecteur dans un univers irréel, dont la cohérence absolue donne une angoissante impression de présence et de réalité. Les écrivains existentialistes, malgré le refus de cette dénomination par Camus, se sont conjointement intéressés aux problèmes de l’individu confronté à l’expérience de l’absurde. Cette dernière provient en droite ligne de cet « encombrement de l’histoire » occasionné par la Seconde Guerre mondiale ; l’idée fondamentale de cette nouvelle forme de pensée est la suivante : en naissant l’homme se trouve précipité dans un monde qui ne le reconnaît pas. Il vit donc en « étranger » sachant que tout est dépourvu de sens, qu’il n’y a ni Dieu, ni vérité. Telle est l’absurdité de l’existence, néanmoins, la prise de conscience de l’homme devant la gratuité de l’existence peut lui permettre de reconquérir une certaine liberté grâce à la révolte1.
L’absurde : définition et concept philosophique L’absurde, terme employé au vingtième siècle par les philosophies existentielles, est une notion issue de différentes réflexions philosophique analysant le sens de l’existence de l’homme dans l’univers1. Plusieurs écrivains s’emparent du concept, élaboré par les philosophes, pour déterminer la place de l’homme au sein de sa société, d’autres l’emploient pour décrire le non- sens du monde, de la vie et des choses. Avant d’interpréter cette notion qui recouvre toute une philosophie du temps moderne, revenons d’abord au sens étymologique du mot. L’absurde est un adjectif et un substantif masculin dérivé , au XIIème siècle, du latin « absorde » ensuite « absurdus » qui signifie « discordant » lui-même de « surdus »synonyme de : sourd, discordant, incohérent. Ce terme, que la philosophie et la critique littéraire contemporaines sont amenées à utiliser, est emprunté aux études de la logique ou il désigne un raisonnement contraire à la raison. Pour le logicien, il y a uniquement deux valeurs de vérité différentes : le vrai et le faux. Mais un autre mot, l’absurde, est introduit pour désigner une démarche voire un raisonnement qui est, par avance, formellement faux. L’absurde a le sens de grotesque, de burlesque et il est aussi employé pour signifier le disproportionné, le difforme et même l’indécent. A partir du vingtième siècle, la notion d’absurde est introduite en philosophie pour traduire l’absence de raison d’être, de but, d’espoir et surtout le manque de justification à la vie. La condition humaine est remise en cause par la philosophie de l’existence, l’homme contemporain s’interroge sur la signification de sa vie et sur la valeur des choses. L’existentialisme est cette philosophie qui tend à mettre en lumière le caractère irréductible de l’existence humaine, protestant contre les systématisations idéalistes qui intègrent ou dépassent l’individu dans l’absolu du Savoir. Il est ce courant de la pensée moderne qui prend l’existence non pas dans son extension mais principalement dans l’étude de l’homme comme son premier problème philosophique.
Naissance d’un nouveau thème en littérature : l’absurde
Les philosophes existentialistes ont donné à la littérature un nouveau visage. Certains d’entres eux n’ont pas hésité à associer la recherche métaphysique et le commentaire des poètes tel que Heidegger, et d’autres sont passés de la philosophie à la littérature tel que Sartre. La littérature de son côté se livre à des interrogations métaphysiques. Elle interroge avec des matériaux littéraires la conscience de l’homme moderne devant son Histoire. L’existentialisme, notamment celui de son précurseur Kierkegaard, est un mouvement aussi fécond en littérature qu’en philosophie. On peut discerner l’influence de celui-ci dans les romans de Frantz Kafka. Ce dernier met en scène des individus isolés, luttant seuls contre une bureaucratie insaisissable et menaçante. L’écrivain tchèque exploite les thèmes de l’anxiété, de la culpabilité, de la solitude. Son écriture tente d’éclairer la vie quotidienne et familière en faisant pénétrer le lecteur dans un univers irréel. Toutefois la cohérence absolue de son oeuvre donne une angoissante impression de présence et de réalité. Dans Le Procès et Le Château, le réalisme le plus minutieux conduit à une mythologie de l’absurde. C’est de Kafka que procède l’habitude de considérer le récit romanesque comme une sorte d’allégorie métaphysique de la condition humaine. L’influence de l’écrivain tchèque et de son « fantastique » absurde et cruel marque toute une génération d’écrivains et de dramaturges. Plusieurs romans des années trente et quarante proposent des thèmes philosophiques et ne rompent jamais complètement avec l’interrogation ou avec l’angoisse. Même les textes les plus chaleureux, et les plus « solaires », comme ceux de L’Eté, s’autorisent à commenter la misère humaine1. Avant même la naissance du terme existentialisme, Sartre publie La Nausée (1938) et Le Mur (1939), où dominent l’agressivité et la dérision. Camus, après ses premiers essais inspirés par le soleil et la misère, écrit L’Etranger (1942), Le Mythe de Sisyphe (1943), Le Malentendu. Toutes ces oeuvres rendent un son nouveau : elles expriment un désespoir sans pathétique, la solitude et le délaissement. Leurs héros sont souvent des consciences solitaires dénonçant l’absurdité de leur société.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : L’existence humaine et le drame de l’absurde
1/ La définition de l’absurde : mot et concept philosophique
2/ Naissance d’une nouvelle écriture en littérature
3/ Le langage dans la littérature de l’absurde
4/ Le sentiment de perdition et du mal-être dans le roman algérien
Chapitre II : À la conquête du mot et du monde
1/ Analyse du titre
2/ Le héros problématique
A/ Le personnage-observateur
B/ Un héros marginal
3/ Malaise et difficulté d’être du héros moderne
A/Etranger à soi
B/Etranger au monde
4/ Crise du langage
A/ L’indifférence au langage
B/ Les mots et le Je
C/ Les autres personnages et le langage
D/ Le dialogue, le lieu de l’écart
Chapitre III L’errance
1/ La ville : théâtre de la solitude
A/ Espace urbain : un espace carcéral
B/ Le corps : un espace en souffrance
2/ Sentiment d’insécurité : peur ou angoisse
A/Zoheir, le névrosé
3/ L’épreuve du temps
A/ Le temps mort
4/Un récit sans action
A/ L’analepse
B/ La mise en abyme
C/ La répétition
5/ : À L’ombre de soi, une écriture du silence
Conclusion générale
Bibliographie
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