L’EXERCICE DE LA PROFESSION MEDICALE PAR LES FEMMES

La profession

           Quand on évoque le terme de profession, on est vite tenté de le rapprocher aux notions d’activité, d’emploi, ou d’occupation. Ces notions lui étant sémantiquement proches. Un essai de définition proposé par Dubar et Tripier(1998) dans leur ouvrage Sociologie des professions tente justement de dégager les sens communs du mot. Ils arrivent à repérer trois univers de signification, trois champs sémantiques, associés à trois type d’usage du terme : Dans le premier sens, défini comme « action de déclarer hautement ses opinions ou ses croyances » (…)la profession est de l’ordre du langagier, du déclaratif (littéralement, professer, c’est porter en avant la parole). Ce sens a quelque chose à voir avec celui du terme anglais calling (vocation) ou du terme allemand Beruf (métier et vocation). Dans le second sens, défini comme « occupation par laquelle on gagne sa vie », la profession de quelqu’un est son activité rémunérée, quelle qu’elle soit. La profession est le travail qui permet de vivre grâce à un revenu. Dans le troisième sens, il est défini comme « ensemble des personnes exerçant le même métier », son sens est ici proche de celui de corporation ou de groupe professionnel désignant l’ensemble de ceux qui ont le même « nom de métier » ou le même statut professionnel. Pour le redire d’une autre façon, la profession est donc une réalité triple :
Autour d’un axe identitaire, subjectif, affirmation du partage d’une certaine vision du rapport autour du travail, de ces missions et de son sens ;
Autour d’un axe économique, objectif, celle de l’activité productrice de revenu ;
Autour d’un axe social, collectif, celle de l’appartenance à un groupe défini par un savoir faire commun
Ils dessinent ainsi, le triple enjeu de la sociologie de ce champ : « l’organisation sociale des activités de travail, la signification subjective de celle-ci et les modes de structuration des marchés du travail » On peut recouper aussi la définition de la profession par rapport à l’usage de ce terme par le sens commun. Dans la sémantique de l’allemand, par exemple, le terme de beruf pouvait à la fois se comprendre comme travail (arbeit), ou ouvrage (werk), ou même une besogne et où Luther, dans les analyses weberiennes, conférait aux activités de la vie quotidienne le caractère d’un devoir religieux. Ce terme donc, dans sa signification française s’apparente plutôt à la profession, mais il est également entouré d’une espèce de « halo » religieux _non compris dans son entendement weberien et luthérien_ qui était sans doute le fait que certains métiers se structurent comme des congrégations où seuls ceux qui possèdent les mêmes compétences y sont admises et, laisse penser à un certain « ésotérisme ». C’est dans ce sens qu’est généralement compris ce dernier :« Est défini habituellement comme profession une activité de travail plus ou moins « libre », qui implique une formation préalable de niveau universitaire (ou assimilé,) le maniement d’un art (plutôt d’une technique) débouchant sur une spécialisation légitimée par une instance supérieure, l’insertion codifiée au sein d’une communauté de pairs dotée des mêmes compétences, portée par un idéal de service et obéissant à des règles de fonctionnement communes. On aura reconnu là quelques unes des caractéristiques des professions du droit et de médecine, dont l’exercice est massivement libérale. » telle est la définition donnée par François Gresle dans le dictionnaire de sociologie (Le Robert, Seuil). La profession se comprend donc de prime abord ; comme une occupation nécessitant une formation, validée et sanctionnée par une reconnaissance à la fois légitime _ la communauté des pairs_ et légale. Et que celle-ci est protégée et régentée par des codes de conduite. Elle peut être aussi considérée comme les reliques des ordres de chevaleries, et l’entrée dans les ordres _ des médecins ou des avocats_ en symbolise l’adoubement (Rajaoson F., 1985). Elle confère un réel prestige social et intellectuel à celui ou à celle qui le possède vu son caractère sélectif. Ces définitions ,s’illustrent ordinairement pour les professions libérales, même si pour la plupart des auteurs il conserve un contenu idéologique propre aux valeurs capitalistes américaines. Ils ont jugé ce concept sans pertinence pour les sociétés européennes. Tandis que pour les américains eux-mêmes, celui-ci fut dépourvu de sens. C’est un terme synthétique qui peut tenir compte à la fois du métier, de l’activité économique, de la qualification professionnelle et de la position hiérarchique d’un individu donné ;( Gresle F.,1999, op. cit.) ce qui a fait naître, après l’utilisation des nomenclatures au 18è siècle, à l’emploi des CSP par les utilisateurs des données sociales. Malgré quelques griefs qu’on lui porte « Les individus se définissent largement par leur position dans le cadre du travail, tant il est vrai que le CSP devient le principal critère des définition des identités sociales » (Dubet F.,Martucelli D., 1998, p.95). Son exercice nécessite une qualification élevée, commencée par une formation et est protégée par une véritable organisation, jalouse de son exercice. C’est une position fortement défendue et contrôlée ; car même pour dispenser son éducation dans les universités, il nécessite le recours aux anciens de la profession qui sont reconnus. C’est ainsi que l’on peut identifier et comprendre, la profession médicale à travers cette dernière acception. Le terme de profession médicale usité dans cette étude, se rapportera à cette occupation nécessitant au préalable une formation universitaire, ou assimilé à qui l’on reconnaît une certaine autonomie et un contrôle surtout au niveau des instances de formation.

La place de la vocation : le beruf, et de la passion

           La conception calviniste du beruf, renvoie au nécessaire exercice de l’activité professionnelle, avec tout le sérieux nécessaire et tout le zèle dont un individu peut être capable, prenant le sens d’une fin en soi, mieux même : d’une véritable vocation, au sens religieux du terme. D’inspiration luthérienne, ce terme dans son sens actuel n’est apparu qu’après la traduction de la bible en allemand. Pour Luther, celui-ci se comprenait dans le sens d’un appel divin pour le salut éternel. Il pouvait aussi se comprendre comme la valorisation religieuse de la besogne quotidienne (Cf. les notes de Raymond Aron in L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme). L’accomplissement de ces devoirs temporels était la seule manière de vivre qui plaise à Dieu : « [Celle-ci est l’expression du dogme, commun à toutes les sectes protestantes, qui rejette la discrimination catholique des comman dements moraux en praecepta et consilia]. L’unique moyen de vivre d’une manière agréable à Dieu n’est pas de dépasser la morale de la vie séculière par l’ascèse monastique, mais excl usivement d’accomplir dans le monde les devoirs correspondant à la place que l’existence as signe à l’individu dans la société [Lebensstellung], devoirs qui deviennent ainsi sa vocation [Beruf]. » (Weber M., 1904-1905, p.50). Chaque homme doit faire son salut dans l’exécution quotidienne de sa profession. Car l’élu se distingue précisément par le fait qu’il manifeste et accroît la gloire de Dieu par son action dans le monde même : par le fait que, tout en vivant scrupuleusement selon la loi divine, il contribue à la prospérité du monde en assurant le succès de ses entreprises terrestres, et notamment de ses entreprises professionnelles, par un travail acharné et un effort de tous les instants qui sont tenus, par conséquent, pour un véritable devoir religieux. Dans une autre conception weberienne, le terme de beruf revêt le sens d’une mission dont se sent investi le savant, d’une vocation à une cause. D’une cause à qui l’on se donne entièrement. N’avait-il pas lui-même cité lors de ses conférences que seul celui qui est exclusivement au service de sa cause a de la personnalité ! Même pour le savant. C’était pour cela qu’il était nécessaire de se sentir choisi ou être appelé (ruf) ; d’où ce concept se comprenant à la fois comme vocation et profession. Cette activité du savant qui est inspirée par la passion, cette passion sans qui « rien de grand n’est fait » :« quiconque ignore cette ivresse étrange, qui fait sourire tout observateur extérieur, cette passion, cette conviction que « des millénaires devaient s’écouler, avant que tu ne viennes à la vie, et d’autres millénaires att endent en silence de savoir si tu parviendras à faire cette conjecture, n’a pas la vocation de sa vant, qu’il fasse quelque chose d’autre. Car, pour l’homme en tant qu’homme, rien de ce qu’il pourrait faire sans passion n’a de valeur »(Weber M., 2003, p.77)  Cette passion est liée au sentiment du tragique de l’existence. Pour le savant, ce sont les inévitables spécialisations qui menacent le sens même de son activité. Car sans cette dernière, il ne pourra créer des œuvres pleinement achevées « l’individu ne peut s’assurer de réaliser quelque chose de véritablement et pleinement achevé dans le domaine scientifique que dans le cas de la plus rigoureuse de la spécial isation » (op. cit. , ibid.).Un enrichissement sans fin, ce qui ôte tout sens à la mort pour l’individu qui consacre sa vie à la science.

Une approche fonctionnaliste : le paradigme parsonnien de la relation thérapeutique

                La posture de Parsons est profondément fonctionnaliste dans ses analyses des professions, en distinguant des traits caractéristiques de ces dernières, comme les assises techniques et scientifiques acquises par une formation spécialisée, l’existence reconnue d’une déontologie professionnelle commune. On reconnaît là quelques uns des traits propres à la profession médicale. C’est justement dans ce cadre qu’il a élaboré son paradigme de la relation thérapeutique en élargissant les analyses de Weber et de Durkheim, en analysant le rapport médecin/patient qu’il s’est ensuite efforcé de généraliser. Le malade est dépendant du médecin. En effet, il ne peut recouvrer la santé tout seul ; mais le médecin, en raison de sa compétence peut l’aider à guérir. La compétence du médecin repose sur une double expertise. Il a une certaine science de la maladie et de ses causes ; il a aussi la pratique d’un certain nombre de technique d’intervention. On exprime cette dualité de compétences, en disant que la médecine est une science appliquée. La médecine exerce donc un pouvoir sur le malade, dont la dépendance est double. Il est dépendant en raison de sa relative incompétence, mais aussi à cause de la situation anxiogène dans laquelle le plonge sa maladie. Comme il existe entre le malade et le patient une relation de pouvoir, il existe un risque d’exploitation au détriment du second et au profit du premier. C’est à partir de cette relation bilatérale que la déontologie médicale devient compréhensible. Elle impose des obligations aux deux parties en institutionnalisant leurs relations d’échange dans le contexte d’asymétrie qui résulte de l’inégale distribution de compétences entre eux. Les attitudes qui régissent le rôle de médecin sont constitués par un mélange d’intérêt et de détachement10 (detached concern). La perspective intéractionniste est tout autre dans l’analyse des professions, et plus loin de la profession médicale. Ce courant estime que les groupes professionnels sont des processus d’interaction qui sont en interdépendance avec les processus biographiques : la dynamique d’un groupe professionnel dépend des trajectoires biographiques (careers) de ses membres, elles-mêmes influencées par les interactions existant entre eux et l’environnement. A travers différents exemples de socialisation professionnelle (le médecin, etc.), les interactionnistes ont pu mettre à jour des concepts-clés tel : licence (autorisation d’exercer), mandate (obligation de mission), et de carrière (Hughes11), de segments professionnels(Bucher et Strauss), mondes sociaux (Becker et Strauss), et ordre négocié (Strauss).

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : APPROCHE THEORIQUE DE LA PROFESSION MEDICALE DANS UNE PROBLEMATIQUE GENRE
1/Problème de terminologie
2/La profession et les « pères fondateurs » en sociologie
3/L’analyse sociologique de la profession médicale
4/Les apports du genre dans les théories sociologiques des professions
5/Approche sociologique de la féminisation de la profession médicale
PARTIE II : FEMINISATION DE LA MEDECINE HOSPITALIERE PUBLIQUE : LE CAS DE TROIS CENTRES HOSPITALIERS D’ANTANANARIVO
1/Quid de l’historique de la féminisation de la profession médicale pour Madagascar
2/Quelques généralités sur la profession médicale publique
3/Le cas des centres hospitaliers
PARTIE III : ANALYSE DES DONNES ET PISTE DE REFLEXIONS
1/Le paradigme du choix rationnel
2/Les professions supérieures : voie de recomposition des rapports de genre pour les femmes ?
3/Portées et limites
CONCLUSION GENERALE

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