Depuis que la démocratie a peuplé les théâtres de gens sans qualités ni finesses, incapables de comprendre les choses fines, Le Rouge et le Noir se présente comme la comédie du XIXè siècle. Stendhal romancier a pour objectif une quête de la nature humaine sous le signe de la liberté et de l’authenticité au point que son souci devient très vite le culte du moi. Telle est l’amorce de son inspiration artistique et littéraire autobiographique que continueront les Souvenirs d’Egotisme et la Vie d’Henri Brulard. Il note au jour le jour les événements de son existence et les découvertes qu’il fait dans un esprit acharné à creuser les mêmes problèmes, et par son questionnement sur sa destinée. Le spectacle des hommes et du monde, ses réactions de grand lecteur diversifient cet examen de lui-même. A travers ses écrits, il réunit ses pensées tout en étant le centre. Il considère comme des magasins d’idées les pages écrites qui donnent la plus juste idée de ses ambitions, de sa méthode de travail, de sa tactique basée sur le sensuel, aussi bien que de ses maladresses.
L’EXERCICE DE LA PENSÉE STENDHALIENNE DANS L’ŒUVRE ROMANESQUE
La société française est marquée par des différents mouvements provoqués par la Révolution. L’auteur s’engage dans une cette société française pour manifester son mécontentement, pour créer un effet de réel à travers son œuvre et pour placer au premier plan la valeur humaine que de la soumettre des valeurs au lieu de lui soumettre des valeurs qu’il juge comme une sorte d’anéantissement de l’homme tout au long de son cursus d’aventure sociale.
La réalité est toujours la première source d’inspiration pour l’élaboration d’un roman. L’œuvre et la réalité sont deux choses inséparables car elles se complètent. Ce qui fait que l’œuvre de Stendhal est basée sous l’angle à la fois sociologique et psychologique car ces deux points de vue marquent l’existence de l’homme à partir du moment où on lui attribue avant tout une certaine valeur dans le but de susciter son bonheur. Il signale tout au long de ce roman la présence d’injustice sociale et l’attribution de la valeur de l’argent avant l’homme. Il veut manifester alors cette sensibilité et cette passion de faire une œuvre littéraire pour chaque élément qui constitue la conduite humaine à partant du cercle familial du héros et le milieu social bien défini de cette époque. Dans cette partie, nous allons étudier la traduction de la réalité dans le roman. Pour cela, nous allons voir en premier lieu sa source d’inspiration, suivie de la nécessité du sujet en tant qu’être à l’existence de l’objet.
LES SOURCES D’INSPIRATION STENDHALIENNE
Certaines strates du personnage de Julien Sorel ont été mises au jour dans le but de comprendre sa personne ; certaines sont bien connues, d’autres plus subtiles.
LA GAZETTE DES TRIBUNAUX
Stendhal s’inspire des faits divers qu’il constate au sein de la société à travers sa lecture, ses observations ; et son esprit inventif n’est pas en reste. La Gazette des tribunaux est la première source de son inspiration et est considérée comme son premier informateur à part entière, tout comme ce qu’il voyait au sein d’une société tiraillée par les complices d’injustice des autorités des gens en place. Ce journal a révélé le crime d’Antoine Berthet et celui d’Adrien Lafargue qui a donnée naissance à Le Rouge et le Noir.
L’AFFAIRE ANTOINE BERTHET ET ADRIEN LAFARGUE
Antoine Berthet est la source la plus évidente, le protagoniste scandaleux d’un fait divers criminel dont l’histoire servait de trame générale au roman de Stendhal.
Il est fils d’un maréchal-ferrant sous le règne de Charles X. Il ambitionne une ascension sociale rapide, en passant d’abord par le séminaire avant de devenir le précepteur des enfants du maire de la petite ville de Brangues en Isère. Il a eu une liaison avec Mme Michoud de la Tour, la mère des ses élèves, mais il l’abandonnait pour séduire une jeune héritière du comte de Cordon. À cause de première liaison, il est congédié. Il pensait qu’il est dénoncé par les agissements sans scrupule de son ancienne maîtresse. Il tentait de l’assassiner le 22 Juillet 1827 en pleine messe à coups de pistolet avant de tenter un suicide. Il est condamné en cours d’assises à Grenoble et fut exécuté le 23 février 1828. Ce drame marquait les couches sociales parce qu’il s’agit du fils du peuple qui porte atteinte à une femme d’un notable. Du point de vue religieux, il est difficile d’accepter l’idée d’un séminariste devenu assassin en pleine messe ; et du point de vue morale, un jeune homme qui attentait une femme mère de famille.
Une source voisine, celle d’Adrien Lafargue, un ouvrier ébéniste de Bagnèresde Bigorre, une commune située dans les Hauts – Pyrénées qui a été séduit et rejeté par une femme mariée appelée Thérèse Loncan. Il l’a tuée de deux coups de pistolet et il fut jugé aux assises et est condamné le 21 mars 1829 à cinq ans de prison.
LE ROLE DE L’HISTOIRE DANS L’ŒUVRE
L’œuvre est à la fois tournée vers l’individuel et le social : fait d’un individu, l’écrivain, elle est communiquée à la société et devient, par cette fin de communication, un héraut du peuple. Elle a pour mission d’informer les consciences afin que les drames sociaux ne se répètent pas indéfiniment dans l’avenir.
L’écrivain est là pour informer et éduquer les citoyens à travers son métier. Il est membre actif de la société en projetant une vision qui tend à la résolution des contradictions dans la fiction romanesque. Le XIXè siècle présentait un cadre pour réfléchir, des mots pour s’affirmer aux bouleversements d’une histoire particulièrement troublante, aux mouvements sociaux, aux agitations des idées et des idéologies. Il est devenu l’instrument susceptible de créer certaines formes de classe sociale que la Révolution française avait consacrées : la bourgeoisie. Le roman raconte une histoire qui n’est pas régie par des règles propres, même si elle s’affiche comme fantastique. Elle évolue avec le temps et selon l’évolution politique et historique. Dans cette histoire, le héros cherche sa vérité au cœur d’un monde hostile, là où les valeurs commencent à disparaitre. Et cet affrontement est grandiose parce qu’il s’agit d’une conscience débordée qui éprouve le besoin de changement. La société a rejeté les bases d’une autre organisation, cette dernière a été également ruinée par la Révolution française. Elle a pu exercer sa liberté ni ses droits. Tel est le cas du héros Julien Sorel, jeune libéral révolutionnaire qui se sentait frappé par le mal du siècle, du dégoût qui rend tout indifférent, de la fascination de la mort et de l’échec. Il veut réussir, aimer, être aimé, vivre, exercer une pression sur les pouvoirs des hommes en place, sur l’argent et sur le mensonge. Jeune homme en quête du bonheur marginalisé et cherchant à défier la société, il rencontrait d’autres enfants du peuple, hommes et femmes, aussi mal servis que lui par le monde révolutionné.
Stendhal a élaboré sa propre conception de son roman historique. Il s’agit de raconter l’histoire, en choisissant des époques et des temps précis pour posséder une certaine maîtrise des processus en cours, de s’interroger sur cette histoire et sur son sens, de comprendre un moment historique et de se donner les moyens de saisir une destinée, celle de Julien Sorel, et sur le fond du destin collectif. Son roman, qui commence parfois par l’entrée de Bonaparte à Milan, jouera sur un décalage chronologique qui ne semble pas d’une importance particulière mais il constituera toutefois un instrument exceptionnel pour saisir l’histoire. Le passé a établi le héros comme un porteur de valeurs perdues. C’est ainsi que le mythe napoléonien ou les rêves stendhaliens des époques se comprennent suite à la réminiscence chez l’auteur de la grandeur de la Renaissance italienne.
Le roman historique a donc contribué, au XIXè siècle, à réfléchir sur l’histoire. Le romancier de cette époque doit compter avec la réalité et se situer par rapport au réalisme. Cela ne signifie pas que tous les romanciers imitent la réalité puisque Stendhal, sans hésiter à placer son roman dans le monde qui est exactement le sien, l’enveloppe sans cesse de sa subjectivité, c’est-à dire de son individualité au profit de la beauté de la forme de sa création. Le roman post-révolutionnaire parcourt le domaine limité et personnel du sujet par l’autobiographie : Souvenirs d’égotisme, Vie de Henri Brulard, par la perception du trouble et la confusion menaçante du monde. Le roman emporte tout dans un dynamisme puissant et veut donner un sens à la vie. Il donne à voir, fait comprendre et émeut parce que pour la première fois dans l’histoire du monde, il parle de tous et voudrait s’adresser à tous.
Selon Lucien GODMANN dans : « Pour une sociologie du roman », Edition Gallimard, 1964, l’œuvre littéraire, à travers l’histoire, est l’expression de la conscience d’un groupe social ou d’une classe. C’est la possibilité de la connaissance de ce groupe social qu’on met en œuvre ici par l’historicité du sujet social, de sa position dans la totalité historique et du rapport qu’il entretient avec la connaissance de la société.
LA NECESSITE DU SUJET EN TANT QU’ETRE A L’EXISTENCE DE L’OBJET
L’être humain a besoin de liberté qui contribuera à son évolution dans toute son existence. Tout doit alors se fonder sur le vouloir, le vouloir de vérité, le vouloir de justice et de savoir.
SUR LE PLAN POLITIQUE
Stendhal a tenté de dévoiler les coulisses de la révolution de 1830 avec, comme trame, la structure sociale de la France de l’époque du XIXè siècle, les oppositions entre Paris et la province, entre noblesse et bourgeoisie, entre les jansénistes et les jésuites. Il marque sa différence au niveau de la politique puisque sa pensée faisait de lui le héraut du jacobinisme. Il se réjouit de la mort de Louis XVI. Il manifesta son mépris de la monarchie. Par la suite, il déteste aussi le pouvoir personnel de Napoléon. Et pourtant, il le considéra comme le seul défenseur de l’intérêt national. Il est libéral et attaque de manière ironique les libéraux de son temps qu’il jugeait comme embourgeoisés, sans efficacité politique. Il servait la Monarchie de Juillet avec loyauté, sans conviction mais dans le but d’un changement du personnel politique par rapport au précédent. De même, il méprisait le peuple lorsqu’il disait :
« Je ferais tout pour le bonheur du peuple, mais j’aimerais mieux, je crois, passer quinze jour de chaque mois en prison que de vivre avec les habitants des boutiques ».
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE PRÉSENTATION DE L’AUTEUR, DE L’ŒUVRE ET DU XIXÈME SIÈCLE
1. INTRODUCTION
1.1. L’ENVIRONNEMENT SOCIAL DE STENDHAL
1.1.1. L’ENFANCE STENDHALIENNE
1.1.2. LA PREDESTINEE DU JEUNE HENRI BEYLE
1.1.3. LA VIE SOCIALE DES MILIEUX PROVINCIAUX (VERRIERES)
1.1.4. LES CADRES HISTORIQUES DE L’ŒUVRE
1.1.5. LE CONFLIT INTERIEUR ENTRE L’ETRE PROFOND ET LE PARAITRE
1.1.5. LES ASPECTS SYMBOLIQUES MENTIONNES DANS LE ROMAN
1.2.1. LA MISE EN VALEUR DE LA THEMATIQUE DE L’ASCENSION
1.2.2. LE REFLET DES SENTIMENTS DE JULIEN, UN DECOR SYMBOLIQUE
1.2.3. JULIEN SOREL, PERSONNAGE REVOLTE ET AMBITIEUX
1.2.4. LA VIE MILITAIRE
1.2.5. LA VIE CLERICALE
1.2.6. LES HOMMES POLITIQUES EN PLACE
DEUXIÈME PARTIE L’EXERCICE DE LA PENSÉE STENDHALIENNE DANS L’ŒUVRE ROMANESQUE
INTRODUCTION
2.1. LES SOURCES D’INSPIRATION STENDHALIENNE
2.1.1. LA GAZETTE DES TRIBUNAUX
2.1.2. L’AFFAIRE ANTOINE BERTHET ET ADRIEN LAFARGUE
2.1.3. LE ROLE DE L’HISTOIRE DANS L’ŒUVRE
2.2. LA NECESSITE DU SUJET EN TANT QU’ETRE A L’EXISTENCE DE L’OBJET
2.2.1. SUR LE PLAN POLITIQUE
2.2.2. SUR LE PLAN RELIGIEUX
2.2.3. SUR LE PLAN LITTERAIRE
TROISIÈME PARTIE ANALYSE CRITIQUE DE LA PENSÉE STENDHALIENNE
INTRODUCTION
3.1. LA QUETE DU MOI ET LA QUESTION DU DESIR
3.1.1. CARACTERISTIQUES DE L’EXPERIENCE ET DE L’ŒUVRE DE STENDHAL
3.1.1. QU’EST-CE QUE LE DESIR ?
3.1.2. LE PARCOURS DE SOREL
3.1.3. LE CARACTERE FAROUCHE DE SOREL
3.2. ASPECT LITTERAIRE DE L’ECRITURE
3.2.1. LA CREATION ROMANESQUE STENDHALIENNE
3.2.2. LE STYLE ROMANESQUE UTILISE PAR L’AUTEUR
3.2.3. LE CACHE ET LE DEVOILE : UNIVERS STENDHALIEN
3.2.4. LES POTENTIALITES DE LA PENSEE STENDHALIENNE
3.3. LES LIMITES DE LA PENSEE STENDHALIENNE
3.3.1. AU NIVEAU SOCIAL
3.3.2. AU NIVEAU MORAL
3.3.3. AU NIVEAU DE LA CULTURE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE