L’exclusion de cours, quelle autorité ?

L’autorité autoritariste

           C’est l’autorité que l’on retrouve dans le discours médiatique ou politique. L’idée développée ici serait qu’il n’y a plus d’autorité dans la société et qu’il faut la restaurer. Ce concept partagé dans l’opinion publique et que j’avais dans ma propre représentation est donc celui de l’autorité « autoritariste ».Ici, c’est le détenteur de la fonction qui peut exercer une forme de domination et obtenir obéissance. Il s’agit d’un rapport de force et non d’une relation d’autorité. L’avis, la volonté de l’autre ne sont pas pris en considération dans cette conception. Le détenteur de l’autorité peut faire usage de la force physique et ou de diverses pressions psychologiques dont la séduction. A noter que B. Robbes classe l’autorité « charismatique » et l’autorité dite « naturelle » dans cette catégorie. Ces deux représentations de l’autorité sont encore présentes dans l’enseignement. Dans cette réflexion sur l’autorité, j’ai cherché une institution qui pouvait la caractériser au mieux et qui pouvait me donner des éléments de compréhension. J’ai donc supposé que ce fût dans le milieu militaire que la question de l’autorité était le plus souvent traitée, observée et analysée. La dimension « autoritaire » est également considérée comme incomplète par l’Armée de Terre Française, elle aussi institution au service de l’Etat (comme l’Education Nationale). L’Armée de Terre, symbole ou représentation autoritaire s’il en est, valide un concept de l’autorité de façon très actuelle qui prend en compte la réalité de notre société d’aujourd’hui. Ainsi, cette perte d’autorité « autoritariste » évoquée dans les médias ne serait qu’une évolution sociale inévitable pour plusieurs raisons listées ci-dessous et mises en évidence par l’ Etat-major de l’armée de Terre (2016) :
➢ La segmentation de la société : « liée à l’uniformisation des comportements qui fait ressortir les différences entre les groupes et fait grandir les besoins d’appartenance et contribue à la montée du communautarisme ».
➢ La judiciarisation de la société : « personne n’est au-dessus des lois et la justice est accessible à tous, ce qui impose une nouvelle forme d’éthique ». Ce qui laisse à penser que l’autorité « autoritariste » est de plus en plus fragile.
➢ Une société de l’information : « qui fait du détenteur de l’autorité l’égal du citoyen au regard de la disponibilité de l’information et de la « prise de parole publique ». Chacun est libre de s’exprimer et peut être entendu avec la même force et visibilité.
➢ La mixité : « l’émergence des femmes dans les sphères du pouvoir public ou privé qui propose une diversité dans l’exercice du pouvoir ». Cela permet de casser les normes de l’autorité, c’est-à-dire l’autorité elle-même.
➢ La contestation de l’autorité : « les nouvelles générations sont décomplexées avec la hiérarchie, motivées par une recherche d’égalité ».
➢ De nouveaux modes de gouvernance : « la relation contractuelle se substitue à la hiérarchie, les gouvernances sont de plus en plus participatives, ce qui dilue les responsabilités et les pouvoirs de décisions ».
➢ Des exigences individuelles fortes : « les nouvelles générations veulent que leur engagement ait du sens, veulent être reconnues, justement rétribuées ». Si elle ne suffit pas à construire le concept global, « l’autorité autoritariste » n’en reste pas moins un élément constitutif du concept de l’autorité. Gilles de Robien, ancien ministre de l’Education Nationale, suite à l’agression d’une enseignante dans un lycée professionnel, expliquera qu’il pouvait y avoir parfois un manque d’« autorité naturelle » et évoquera la nécessité d’une formation des enseignants à l’autorité. C’est un discours plutôt paradoxal car si les enseignants doivent se former à l’autorité, c’est bien qu’elle n’est pas « naturelle ». C’est dans cette logique, que l’Education Nationale va ainsi mettre en place des sessions de formation, de réflexion autour de l’autorité. On y retrouve des paroles d’enseignants du 1er et 2nd degré, de proviseurs et de CPE (Conseillers Principaux d’Education). Tous peuvent avoir une conception différente de l’autorité (pour un : « Il faut une dose de théâtre devant un public critique », pour un autre : « je ne donne pas une image, je veux être moi »), mais tous placent le comportement de l’enseignant comme facteur déterminant. Il est assez surprenant de noter un tel décalage entre la représentation sociale de « l’autorité »(vision limitée ou incomplète) et la nécessaire intégration de l’évolution de notre société sur cette notion de l’autorité.

Contexte historique du lycée public

             Même s’il y a toujours eu des formes de résistance plus ou moins exprimées, le symbole de la remise en question de l’autorité institutionnelle n’apparaît en France qu’au moment de la révolution française. Pendant des siècles, de Clovis en 481, jusqu’à Louis XVI et sa décapitation, l’autorité a été symbolisée par la monarchie. Avec le siècle des Lumières, c’est une remise en question de tous les dogmes y compris religieux, par la recherche scientifique, la réflexion politique ou même la liberté économique. En France, cette nouvelle idée de la société, fondée sur la fin de l’obscurantisme, reste cependant fortement liée à la religion catholique dans le cadre du Concordat (1801). Par la suite, les gouvernements ne vont cesser d’accepter ou de lutter contre l’éducation de l’Eglise catholique. En 1833, la loi Guizot demande aux communes de plus de 500 habitants d’avoir une école primaire. Cela marque le début de cette lutte pour la formation intellectuelle des élèves français. En 1880, sous l’impulsion de Jules Ferry, l’école devient obligatoire, laïque et gratuite. C’est la République qui devient le cadre social au détriment de la religion : « c’est notre église laïque à nous, où l’on enseigne des vérités scientifiques et démontrables …, où l’on enseigne les vertus civiques et la religion de la Patrie » Paul Bert (1880). Le concordat sera abrogé en 1905 par l’adoption de la loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat.Sous la contrainte de la massification de l’école, les rapports entre l’Eglise et l’Etat se pacifieront dans les années qui suivront et les religieux seront à nouveau autorisés à enseigner en 1940. En 1959, la notion d’enseignement privé contractuel apparaît. Une situation compatible avec le principe de laïcité inscrit dans la constitution de 1958, puisque les établissements s’engagent à respecter les programmes officiels et sont soumis à uncontrôle pédagogique et financier. De même, ils doivent accueillir tous les élèves sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances.

Analyse sociale de l’exclusion de cours

              L’établissement observé est en dessous des attendus en termes de réussite au baccalauréat et de façon plus nette encore sur les filières STMG. Cet écart pourrait trouver son explication sur la nature des élèves qui sont, supérieurement à la moyenne, issus de parents dont les catégories socio-professionnelles sont plus défavorisées. Ce constat est donc à croiser avec le rapport qu’ont les filles et les garçons au comportement scolaire. On l’a vu les filles seraient plus « dociles » scolairement alors que les garçons eux, par peur de l’échec scolaire et par leur identité genrée ne veulent pas rentrer dans le « jeu scolaire » et sont ainsi en situation de se confronter à l’enseignant. Les résultats statistiques confirment les idées et les hypothèses abordées en introduction. En effet, si la population de l’établissement se compose à 54% de filles et 46% de garçons, les exclusions de classe, elles, se répartissent à 30% pour les filles et à 70% pour les garçons. On peut également noter que sur ces 30% d’exclusions de filles, 42% concernent des oublis de matériel c’est à dire sans lien avec un comportement « inapproprié ». Sur la question des filières, de façon assez impressionnante, on constate que les élèves de premières et terminales STMG comptabilisent un tiers des exclusions de classe (33.6%) alors qu’ils ne représentent que 12.5% des 1275 élèves de l’établissement et que les élèves de seconde ne sont rattachés à aucune filière. A l’inverse pour ces élèves, le motif « oubli de matériel » représente moins de 10% des motifs d’exclusions.

Conclusion

             C’est en travaillant sur cette question que j’ai découvert cette idée que le garçon ne remet pas en cause l’enseignant ou son autorité mais il met plutôt en jeu sa propre identité de garçon et d’élève aux yeux de tous ; une action tellement impliquante que les garçons peuvent chercher à éviter de s’impliquer scolairement en classe par un comportement jugé inapproprié. Je me dis en conséquence que sans ce travail je n’aurais pas pris en compte ce point de vue dans ma pratique, j’aurais certainement considéré un comportement « non attendu » comme une remise en cause de moi-même ou de la matière ou de ma méthode pédagogique. Je n’avais pas comme clé de lecture tous les enjeux de la situation de classe. Je considère que c’est une chance qui m’a été donnée. Je m’interroge cependant sur le nombre de mes pairs qui n’ont pas eu ou qui n’auront pas accès à cette clé de lecture. Je m’interroge également sur les autres « clés de lecture » dont je n’ai pas encore connaissance et tout aussi structurantes dans l’exercice de mon métier. Sur le point de la mixité, je n’envisage pas de pratique différenciée, symbole de l’idée émergeante que l’école « un est milieu dans lequel prédominent des valeurs féminines » et qui présente les garçons comme les nouveaux « discriminés » selon les travaux de Cloutier et Lemery (2004) repris par I.Collet (2012). C’est la traduction de ce qu’évoque Séverine Depoilly « ce sont les garçons qui inquiètent tant l’école que les pouvoirs publics, leur visibilité dans les espaces publics, leur « violence » traduisant un réel malaise. Ces adolescents sont « moins bons », ils sont « moins motivé », et surtout ils sont « plus violents », agités, les qualificatifs ne manquent pas pour expliquer les problèmes posés dans la classe et au dehors ». (Depoilly, 2008, 66). J’attacherai cependant une importance à rompre ces groupes filles/garçons, où chacun(e) est finalement prisonnier(e) de son groupe, en favorisant la mixité des élèves dans les groupes de travail, ou des plans de classe par exemple. C’est en effet, à mon sens, mon rôle et celui de l’école comme le souligne Isabelle Collet : « Parmi les différentes instances de socialisation de la jeunesse [car c’est cela dont il s’agit], à savoir la famille, l’école, les médias, les groupes de pairs, l’école est la seule à avoir un projet explicite d’émancipation des individus et d’égalité entre tous et toutes » (Collet, 2012, p131).

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Table des matières

Introduction
1. Les concepts d’autorité à l’école
1.1. L’autorité autoritariste
1.2. L’autorité évacuée
1.3. L’autorité éducative
2. Le lycée d’enseignement général et technologique et ses enseignants
2.1. Contexte historique du lycée public
2.2. Les enseignants du lycée général et technologique public
3. Les élèves du lycée d’enseignement général et technologique – Observation de classe
4. L’exclusion de cours – Enquête statistique 
5. Analyse sociale de l’exclusion de cours
Conclusion
Bibliographie
4ème de couverture

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