Les levures
Définition Le mot levure, selon Phaff et al. (1968), provient du mot latin « levare » qui se traduit par lever. Ce mot a été appliqué aux levures en raison de l’aptitude de ces microorganismes à produire du CO2 pendant la fermentation et à lever la surface mousseuse d’un milieu liquide de fermentation.Les levures peuvent être définies comme des eucaryotes microscopiques. Elles sont des hétérotrophes faisant partie du groupe des champignons unicellulaires et n’ayant pas de vrai mycélium (au moins dans la plus grande partie de leur cycle biologique) (Guiraud, 1998).
Habitats Les levures sont des espèces ubiquitaires et sont largement distribuées dans la nature. Elles se rencontrent surtout dans les milieux riches en sucres directement assimilables (Bouix et Leveau, 1991). Les milieux fortement concentrés en sucre comme les sirops, le miel, les tubercules, les fleurs et les fruits mûrs sont les milieux préférés des levures (Leclerc, 1975 et Oteng-Gyang, 1984). Elles se développent également à l’intérieur d’autres êtres vivants, dans les eaux, dans l’air et surtout dans le sol qui constitue un large réservoir assurant leur survie dans des conditions défavorables (Leclerc, 1975).
Morphologie et structure: Etant des cellules eucaryotes, les levures présentent une structure plus complexe que celle des bactéries (Procaryotes) (Nehme, 2008). La cellule de levure a une forme ovoïde ou sphérique, parfois cylindrique et de taille très variable allant de 2-3µm à 20-50µm de long et 1-10µm de large (Anaisie et al, 2003). Les cellules de levure sont constituées de:
– une paroi cellulaire rigide et élastique, enveloppant extérieurement la cellule (Figure 1) : en général, la paroi cellulaire des levures est un organite complexe représentant 15 à 30% du poids sec de la cellule et ses trois éléments principaux sont le β-glucane, la chitine et des mannoprotéines qui interagissent par des liaisons covalentes et non-covalentes pour former un grillage tridimensionnel base structurelle de la paroi cellulaire (Romero, 2012). Les β-glucanes de la paroi cellulaire sont des homopolymères insolubles de résidus de Dglucose qui sont unis par des liaisons β-1,3 ou β-1,6-glucoside. Ce sont les polymères les plus abondants dans la paroi cellulaire et ils fournissent la rigidité et l’élasticité pariétales (Lipke & Ovalle, 1998). La chitine est un long homopolymère linéaire de 120 résidus de Nacétylglucosamines liés par des liaisons β-1,4 formant des microfibrilles (Figure 1). La grande force de tension de ce polymère contribue à l’intégrité de la paroi cellulaire (Bowman & Free, 2006 ; Lipke & Ovalle, 1998). Les mannoprotéines sont des protéines mannosylées liées à la paroi cellulaire de manière noncovalente ou covalente (Figure 1). Les mannoprotéines ne sont pas essentielles pour la viabilité cellulaire mais elles sont importantes pour percevoir les conditions environnementales, maintenir la structure pariétale et l’osmolarité, diminuer la perméabilité de composés toxiques, et elles participent à l’adhésion et à la biogenèse de la paroi cellulaire (Klis et al. 2002).
– une membrane cytoplasmique, poreuse, qui règle les échanges de la cellule avec le milieu extérieur ;
– un cytoplasme : contenant tous les organites cellulaires (Figure 2), siège de toutes les transformations biochimiques.
Reproduction des levures Comme tout organisme vivant, les levures se reproduisent. Leur mode de reproduction, selon les conditions du milieu, peut être sexué ou asexué mais généralement, elles se reproduisent par reproduction asexuée ou multiplication végétative appelée bourgeonnement (Larcher, 2011).
– La reproduction asexuée : A l’exception de quelques genres, les bourgeons apparaissent dans les zones situées aux extrémités des grands axes des cellules végétatives lorsque celles-ci ont une forme ovoïde ou allongée (Larpent, 1990). Une évagination apparait en un point de la cellule mère. Le bourgeon grandit progressivement et forme une nouvelle cellule qui se détache de la cellule mère (Larone, 2011). Le bourgeonnement multilatéral caractérise les cellules sphériques telles que Saccharomyces cerevisiae ou Debaryomyces (Larpent, 1990).
-La reproduction sexuée : Dans des conditions défavorables, la multiplication est sexuée. Une cellule de levure diploïde sporule donnant quatre spores ou ascospores contenues dans un sac appelé «asque» (Figure 3). Après éclatement de ce dernier, les ascospores peuvent se diviser pour donner des cellules haploïdes, puis par fusion de deux cellules on obtient un zygote qui est diploïde (Larcher, 2011). La spore diploïde est une forme de résistance soit aux conditions extrêmes, soit comme moyen de protection du génome contre l’accumulation de mutation (Bailly, 2009).
Composition chimique Les levures présentent une composition extrêmement variable suivant l’espèce et le milieu de culture (Riberau et Peynaude, 1969). Les levures contiennent en moyenne 75% d’eau et 25% de matière sèche. Selon Navarre, la matière sèche est riche en acide phosphorique et en potassium. Suite à l’évolution de la biologie moléculaire, la quantité des protides est différente selon les deux éditions.
Classification Les levures forment un groupe hétérogène, elles appartiennent au règne Fungi. Ce dernier, d’après Kurtzmann, Fell et Boeckhout en 2011, se divise en six phylums:
– Glomeromycota : pas de reproduction sexuée ; mycélium siphonné, sans cloisons
– Chytridiomycota : zoospores à un flagelle ; pas de mycélium
– Zygomycota : zygospores (fusion de 2 gamétanges) ; mycélium siphonné, sans cloisons
– Deuteromycota (=Adelomycètes) (pas de reproduction sexuée) : sorte de poubelle d’attente où on range sous le nom de Fungi imperfecti des espèces dont on ne connaissait que le stade anamorphe, mais dont le stade téléomorphe les dirige vers les Basidio- ou les Ascomycota classes : Mycelia, Sterilia, Coelomycètes, Hyphomycètes, Blastomycètes.
– Ascomycota : spores contenues dans des asques ; hyphes septées, ou levures)
– Basidiomycota : spores portées par des basides ; hyphes septées
Physiologie et croissance des levures
1-Les facteurs du milieu et les exigences de croissance : La grande majorité des levures effectue leur croissance dans un intervalle de température allant de 25o C à 30o C. Toutefois, il existe des levures psychrophiles, mésophiles et thermophiles. Les levures tolèrent des gammes très larges de pH de 2,4 à 8,6 pour le milieu extracellulaire et de 5,8 à 6,8 pour le milieu intracellulaire (Bouix et Leveau, 1991).
2-Les exigences nutritionnelles : Pour leur croissance, afin d’assurer la synthèse des molécules indispensables à leur croissance, les levures ont besoin de carbone, d’oxygène, d’azote minérale ou organique, de divers minéraux, principalement le soufre assimilé sous forme SO42- (Rose 1980 ; Winter, 1988). Certaines levures exigent une ou plusieurs facteurs de croissance telle des vitamines (Delcourt, 2011). Les substances carbonées sont utilisées pour la biosynthèse des constituants cellulaires et pour la production d’énergie. Les glucides sont les plus utilisés, en particulier, les monosaccharides comme les hexoses, les disaccharides et les trisaccharides (Waldron, 2010). L’azote est le deuxième élément le plus indispensable à la cellule vivante. Il joue un rôle capital puisqu’il entre dans la composition de plusieurs molécules essentielles au fonctionnement cellulaire comme les acides aminés, les nucléotides, les coenzymes, les vitamines, les protéines, les acides nucléiques, (Sanchez, 2008).
3-Le métabolisme : Le métabolisme des levures se déroule aussi bien en aérobiose qu’en anaérobiose:
– métabolisme oxydatif : nécessite la présence d’oxygène et d’une concentration limitée en substrat. Dans ces conditions, la glycolyse catabolise le glucose en pyruvate, tandis que la voie des hexoses monophosphates aboutit à la formation des pentoses phosphates. Ces produits pourront ensuite entrer dans le cycle de Krebs pour donner du gaz carbonique et de l’eau, sans oublier de l’énergie (Le Blanc, 2007-2008). C6H12O6 (Glucose) + 6O2 6CO2 + 6H2O + Energie utilisable
– métabolisme fermentaire : en absence d’oxygène, les levures sont capables de fermenter le glucose en éthanol et en gaz carbonique avec coproduction du glycérol, de certains acides et d’esters (Leyral & Vierlin 2007 ; Lai, 2010). La fermentation d’une molécule de glucose met à la disposition de la cellule une quantité d’énergie mobilisable, sous la forme de deux molécules d’ATP. Cette quantité d’énergie est 20 fois moins que celle obtenue en aérobiose (Encyclopaedia Universalis, 1985). C6H12O6 (Glucose) 2CO2 + 2CH3CH2OH + Energie utilisable
Utilisations des levures Les levures interviennent de nos jours dans le domaine de l’agroalimentaire: brasserie, vinification, fromagerie, … Ces microorganismes sont largement utilisés dans les secteurs de la recherche biomédicale et de la biotechnologie : production de principes actifs, production d’énergie renouvelable (Rezki-Bekki, 2014).
Ecologie et distribution géographique d’Eriobotrya japonica
Le néflier du japon ou bibacier est une plante typiquement subtropicale. Il se développe sous un climat doux où des précipitations de 600 à 1000 mm sont bien distribuées (Orwa, 2009). Il croit sur une large variété de sol depuis les sols sableux, légers jusqu’aux sols lourds et argilimoneux et cette plante supporte bien le calcaire. Il demande beaucoup d’eau pendant la période de la floraison et de grossissement du fruit. Ses besoins en eau sont de l’ordre de 600 à 800 mm/ha/an. Après la nouaison, l’éclaircissage consiste à supprimer les extrémités de grappe, ne laissant que 6 à 8 fruits par grappe (Walali & Sciredj, 2003). Madagascar étant un pays tropical, en général le climat, dont la température annuelle moyenne est de l’ordre de 20°C, favorise la production de fruits tropicaux ou exotiques (Rasambainarivo J.H., Ranaivoarivelo N., 2003). En effet, de très nombreux fruits sont produits dans différentes régions de la grande île. Le bibacier est un arbre fruitier, cultivé surtout sur les hautes terres centrales et sur la côte Est. Le bibacier est largement distribué dans le monde. Outre les pays d’origine (Japon et Chine), beaucoup de pays méditerranéens cultivent aussi cette plante exotique. Il est aussi présent sur le continent africain, dans le continent américain et en particulier au Brésil (Walali et Sciredj, 2003).
L’auxannogramme du carbone
Après les tests d’assimilation du seul sucre présent dans le milieu par les souches étudiées, les résultats montrent que les trois souches sont capables d’assimiler le saccharose et le xylose mais la souche BIB I est capable aussi d’assimiler 2 autres sucres qui sont le glucose et le lactose. Les tests d’assimilation des sucres montrent que la souche BIB I est mieux équipée du point de vue enzymatique que les deux autres souches. L’identification des trois souches pures de levure a été déduite en combinant tous les résultats obtenus lors des études des caractères culturaux, morphologiques, physiologiques et biochimiques (selon la méthode d’identification des espèces de levures du CIRM (https://www.google.mg/#q=identification+des+levures+de+cirm) (annexe II). D’après les résultats des études d’identification, les trois souches de levure sont :
– La souche BIB I appartient à l’espèce Clavispora lusitaniae
– Les souches BIB II et BIB III appartiennent à la même espèce :Torulaspora delbrueckii Clavispora lusitaniae , Hémiascomycète, de l’ordre des Endomycétales, de la famille des Dipodascaceae, est une espèce pathogène, ayant une forme généralement arrondie. C’est une levure non pigmentée. Torulaspora delbrueckii , une Saccharomytaceae, est une levure très utilisée dans le domaine agroalimentaire, notamment une levure de boulangerie. Elle est associée au processus de la vinification depuis des décennies.
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Les levures, des champignons microscopiques unicellulaires, par leur propriété ubiquitaire, peuvent coloniser différents types milieux naturels, et principalement les milieux riches en sucres comme les fruits (Lo et al, 2001). En se basant sur les intérêts des levures du point de vue biotechnologique et sachant que les conditions du milieu sont des facteurs qui influent sur les activités métaboliques des microorganismes (Satyanarayana & Kunge, 2009), l’objectif de notre travail consistait à isoler et à identifier les levures du fruit du bibacier ou Eriobotrya japonica récolté dans la région de Vakinankaratra. Après isolement et purification, à partir de l’extrait de bibace, les différentes étapes d’identification ont permis d’isoler trois souches pures de levure dont une appartenant à l’espèce Clavispora lusitaniae et deux à l’espèce Torulaspora delbrueckii. Ce travail nous a permis :
– de nous familiariser avec les différents matériels du laboratoire
– d’acquérir les techniques de base des manipulations microbiologiques,
– de maitriser les techniques d’isolement et de purification de souches microbiennes
– d’apprendre à exploiter les méthodes d’identification des levures
Ces résultats ouvrent d’autres perspectives qui pourront être réalisées dans l’avenir :
– La confirmation de l’identité des souches de levure trouvées par des techniques de la biologie moléculaire comme la Polymerase Chain Reaction (PCR).
– La recherche des levures du fruit du bibacier récolté dans d’autres régions de la Grande Ile.
– Les études des potentiels valorisables des souches de levure identifiées.
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Table des matières
GLOSSAIRE
LISTE DES ABREVIATIONS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I-Les levures
I-1-Définition
I-2- Habitats
I-3-Morphologie et structure:
I-4-Reproduction des levures
I-5-Composition chimique
I-6-Classification
I-7-Physiologie et croissance des levures
I-7-1-Les facteurs du milieu et les exigences de croissance
I-7-2-Les exigences nutritionnelles
I-7-3-Le métabolisme
I-8-Utilisations des levures
II- Le bibacier (Eriobotrya japonica)
II-1-Historique
II-2- Position systématique
II-3-Description botanique
II-4- Les fruits ou les bibaces :
II-5-Ecologie et distribution géographique d’Eriobotrya japonica
DEUXIEME PARTIE : MATERIELS ET METHODES
I-Matériels
I-1-Matériel végétal
I-2-Matériels de laboratoire
I-3-Milieux de culture
I-3-1-Préparation de l’eau peptonée tamponnée
I-3-2-Milieu Sabouraud-Chloramphenicol
II-Méthodes
II-1-Récolte des fruits
II-1-1-Principe
II-1-2-Mode opératoire
II-2-Isolement des levures
II-2-1-Préparation de la suspension mère
II-2-2-Ensemencement
II-3-Purification des levures
II-4-Conservation des levures
II-5-Identification des levures
II-5-1-Etudes des caractères culturaux
II-5-2-Etudes des caractères morphologiques
II-5-3-Etudes des caractères physiologiques
a- Type respiratoire
b- Influence de la température
II-5-4-Etudes des caractères biochimiques
a- sur milieu HAJNA-KLIGLER
b- sur milieu CITRATE DE SIMMONS
c- sur milieu MANNITOL-MOBILITE
d- sur milieu LYSINE-FER
e- Auxanogramme du carbone
TROISIEME PARTIE : RESULTATS ET INTERPRETATIONS
I- Isolement des souches de levures
II-Purification
III- Conservation
IV-Identification
IV-1-Etudes des caractères culturaux
IV-2- Etudes des caractères morphologiques
IV-3-Etude des caractères physiologiques
IV-4-Etudes des caractères biochimiques
IV-4-1- Sur les milieux d’identification
IV-4-2-Auxanogramme du carbone
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
RESUME
ABSTRACT
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