L’évolution internationale des politiques de conservation de la biodiversité

Apparue au début des années 80, l’expression «diversité biologique » rappelle l’indissociabilité entre facteurs abiotiques (température, hygrométrie, concentration en éléments fondamentaux…) et de l’ensemble des êtres vivants (Aubertin et al, 1998). Le mot « biodiversité » est inventé lors d’un colloque scientifique organisé en 1986. Lancé par l’aura des produits bio, le barbarisme (BIOS racine grecque, diversitas, racine latine) s’impose rapidement et commence à se rencontrer dans les dictionnaires au début des années 90 (Aubertin et al, 1998). Selon Solborg (1991) « La diversité biologique est la propriété qu’ont les systèmes vivants d’êtres distincts, c’est à dire différents, dissemblables ». C’est une propriété fondamentale à tous les êtres vivants à tous les niveaux de la hiérarchie biologique, des molécules aux écosystèmes. C’est pourquoi les écologues ont pris l’habitude de distinguer la diversité biologique en fonction du niveau d’organisation du vivant :
• La variabilité génétique interspécifique ;
• La variété des espèces et de leur mode de vie ;
• La diversité des communautés d’espèces et de leurs interactions ainsi que les processus écologiques qu’elles influencent ou réalisent ;
• La diversité des écosystèmes (Lévêque, 1995).

Bruton(1990) inclut à juste titre la diversité des stratégies adaptatives et le nombre d’interactions entre les organismes et l’environnement dans la définition de la biodiversité. Une évolution de plus de trois milliards d’années a façonné ce monde en favorisant des mutations génétiques et une sélection naturelle. L’apparition, la spéciation et la disparition des espèces constituent un phénomène naturel. Mais le phénomène auquel on assiste aujourd’hui est selon Aubertin (1998) d’une ampleur inhabituelle : la sixième extinction de masse après les cinq grandes extinctions de masse (Wilson, 1992). L’ampleur, la responsabilité humaine en sont les principales particularités. Alors que les précédentes se sont déroulées sur plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’années, celle en cours tient en l’espace d’une ou de deux générations (Aubertin et al, 1998). Norman Myers (1979) parle de naufrage de l’arche de Noé, Paul Ehrlich (1988) compare cette érosion à celle que provoquerait un hivers nucléaire. Les fonctions et les rôles de la biodiversité sont tels que certains scientifiques pensent que sa disparition entraînerait nécessairement celle de toute l’humanité.

APPROCHE CONCEPTUELLE ET THEORIQUE

APPROCHE CONCEPTUELLE 

L’évolution des politiques de conservation de la biodiversité a aussi affecté les concepts. C’est ainsi que le concept de conservation a subi une évolution et peut renvoyer à plusieurs acceptions. Selon l’UICN (1980) la conservation « c’est la gestion de l’utilisation humaine de la biosphère de manière à ce que celle-ci puisse procurer le plus d’avantage durable aux générations actuelles tout en conservant la capacité de satisfaire les besoins et aspirations des générations futures. La conservation est donc positive et comprend le maintien, l’utilisation durable, la remise en état et l’amélioration de l’environnement naturel.» Cependant le terme de conservation n’a pas le même sens pour tout le monde et les défenseurs de la conservation qu’il s’agisse des paysages ou d’espèces (in situ), n’ont pas tous la même attitude à l’égard des populations locales. Pour les uns, les collectivités locales leurs connaissances et leurs modes de vie traditionnelle doivent jouer un rôle important dans la conservation. Pour d’autres la conservation implique une limitation sévère des activités humaines (parfois même de la présence humaine dans les régions ciblées). Dans cette étude nous dissocions ces deux approches de la conservation. La première qui exclue ou qui minimise la présence humaine dans le site à conserver apparaît comme le modèle classique de conservation de la biodiversité bien qu’elle soit toujours en vigueur à travers les parcs et les forêts classées. Cette forme de conservation nous la désignerons « conservation classique». La deuxième approche de la conservation qui réintègre l’homme dans le milieu à conserver et sollicite son savoir et ses pratiques traditionnelles, apparaît comme le modèle moderne de conservation de la biodiversité. Nous la désignerons dans cette étude « conservation moderne ». Ces deux formes de conservation font également appel à des savoirs différents dans leur mise en œuvre. La conservation classique fait appel presque exclusivement aux savoirs administratifs. Les savoirs administratifs sont construits sur la base de systèmes internationaux de connaissances générées par les universités et les institutions. C’est un système « top down ». C’est à dire qui opère du sommet vers la base. Ce sont des savoirs fondés sur des procédures et règlements formels qui n’ont le plus souvent aucune prise avec les réalités locales. Selon Sardan (1995) ce sont des savoirs standardisés, formalisés et uniformisés. C’est l’exemple des plans de gestion des ressources naturelles et de tout le dispositif qui l’accompagne.

La conservation moderne quant à elle sollicite les savoirs locaux en plus des savoirs administratifs. Les savoirs locaux sont définis comme la base de l’information pour une société donnée. Ils facilitent la communication et la prise de décisions. Les systèmes d’informations locaux sont dynamiques et continuellement influencés par la créativité et l’expérimentation au sein des communautés, ainsi que par le contact avec des systèmes extérieurs (Flavier et al.1995). Ces savoirs locaux peuvent comprendre deux dimensions : les savoirs locaux techniques et les savoirs locaux non techniques (Sardan 1995). Les savoirs locaux techniques sont constitués des savoirs pratico empiriques : des savoirs sur les plantes, le sol et la dynamique écologique en général. Les savoirs locaux non techniques sont constitués de savoirs sociaux qui renseignent sur la manière d’agir, de penser et de sentir de toute une communauté. Ce sont ces savoirs qui révèlent des modes d’organisation locaux, les processus de prise de décision et les conventions locales (interdits, tabous, sacrés…) La prise en compte des savoirs sociaux dans les systèmes de conservation de la biodiversité facilite toute entreprise de cogestion des ressources naturelles. Du fait de leurs caractères diffus et de leur complexité les savoirs locaux sont difficilement caractérisables. Ils ne sont pas comme le dit F Berkes (1993) simplement un système de connaissances et de pratiques, c’est aussi un système intégré de connaissances et de pratiques. Ainsi, si les savoirs locaux sont analysés indépendamment des structures sociales et écologiques ils ne peuvent être compris (Lore, 1992). Les savoirs locaux sont enracinés dans une communauté particulière et font partie d’une tradition culturelle plus large. Il s’agit d’une série d’expériences générées par des gens vivant dans ces communautés. Les savoirs locaux sont passés par des épreuves dures et des erreurs, et font preuve actuellement d’assez de souplesse pour faire face aux changements. C’est le cas de plusieurs initiatives locales : gestion de pépinières et développement de vergers par les populations de Néma Ba dans la RBDS. Les savoirs locaux sont liés à la cosmologie et à la cosmogonie locale et entretiennent des rapports consubstantiels avec le sacré et le symbolique. Comme l’exemple de la forêt de Sountoutou qui malgré sa profanation par la Société d’Appui et d’Aménagement du Delta (SAPAD), qui y mène des activités de conservation, les populations de Néma Ba riveraines de cette forêt continuent de croire en sa dimension sacrée en évitant d’y mener des activités comme l’exploitation des produits forestiers. C’est le cas également du site de Laga, dans la RBDS où les bolons sont sacrés et ne peuvent être exploités qu’avec l’accord du conservateur des milieux.

L’EVOLUTION INTERNATIONALE DES POLITIQUES DE CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE

Les politiques de conservation des ressources naturelles ont été initiées pour la première fois aux Etats Unis. Notamment avec le parc naturel de Yellow Stone (Etat du Wyoming) créé en 1872. D’une superficie de 10000 km², il contribua a sauvé les derniers bisons américains (Lévêque, 1994). Au cours de l’histoire elles ont connu une évolution sensible. Les présupposés qui les fondaient ont varié en fonction des époques et de la prise de conscience du rôle de la diversité biologique dans le devenir de l’humanité.

LE PARADIGME NATURISTE

C’est au début du XXème Siècle, avec l’avènement de l’ère industrielle que furent créées diverses « sociétés » de protection de la nature. Les mouvements qui visaient principalement à protéger les paysages ont eu une certaine influence sur l’adoption des premières législations nationales et internationales en matière de protection des sites et monuments naturels de caractère artistique. Cette époque a vu naître dans les pays occidentaux le sentiment parfois un peu confus et chargé d’une certaine culpabilité qu’il était nécessaire et urgent de protéger une nature fortement dégradée par les activités humaines (Lévêque, 1994). Cependant, cette conservation était beaucoup plus liée à des considérations éthiques et morales qu’à une volonté de conserver une biodiversité gage, de viabilité. L’amour de la nature et le droit à la vie des espèces sauvages ont motivé leur démarche. A cette époque également, les connaissances sur le rôle de la biodiversité dans les processus écologiques étaient quasi inexistantes. C’est par la suite que des recherches vont être menées pour déterminer l’importance de la diversité biologique et favoriser l’éclosion d’un nouveau paradigme.

LE PARADIGME ECOLOGIQUE

Depuis 1970 le terme écologie désigne un courant de pensée, qui de manière simplifiée pose la question de la place de l’homme dans le monde vivant, et brandit le spectre d’un désastre écologique pouvant conduire à l’extinction de l’espèce humaine. Ce mouvement d’opposition aux excès du développement technique et industriel a donné naissance à divers mouvements et institutions de conservation tels que le Fonds Mondial pour le Nature (WWF), Green Peace, l’Union Mondiale pour la Nature (UICN)… (Lévêque, 1994). Ce paradigme a été porté par les milieux scientifiques. Les différentes recherches sur l’écologie ayant permis la découverte de l’importance des écosystèmes et de la chaîne trophique en arrivent rapidement à établir la liaison entre perte de la biodiversité et risque de déclin de l’humanité. Ainsi, des institutions comme l’UICN vont voir le jour en 1948 et vont réfléchir sur les stratégies de préservation de cette biodiversité à travers des stratégies mondiales de conservation (SMC). L’objectif de cette stratégie de conservation était de redonner à la nature son « cadre naturel » en procédant à l’exclusion des hommes qui sont considérés comme principaux responsables de sa dégradation. Les mesures de conservation qui ont été initiées étaient fondées sur l’interdiction de l’accès à ces milieux aux populations locales.

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Table des matières

INTRODUCTION
Première partie : Cadre Général et méthodologique
Chapitre 1 : Problématique de la recherche
Chapitre 2 : Approche conceptuelle et théorique
Chapitre 3 : Stratégie de la recherche
Deuxième partie : Présentation des résultats de la recherche
Chapitre 4 : Cadre géographique
Chapitre 5 : L’évolution internationale des politiques de conservation de la biodiversité
Chapitre 6 : Le contexte et l’évolution des politiques de conservation de la biodiversité au Sénégal
Chapitre 7 : Les acteurs de la conservation de la biodiversité dans la RBDS
Chapitre 8 : Les modes de conservation de la biodiversité dans la RBDS
Chapitre 9 : Les savoirs dans les modes de conservation
Troisième partie : Analyse et interprétation des données
Chapitre 10 : Les enjeux et les défis de la conservation de la biodiversité
Chapitre 11 : Les nouvelles formes de valorisation de la biodiversité
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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