L’Histoire du grand port de Tamatave et son évolution sont étroitement liés aux différentes conjonctures de la vie nationale. Aujourd’hui, il est l’un des plus grands ports de l’Océan Indien et le plus important de l’île par son dynamisme, sa position géographique et son ouverture aux influences extérieures depuis plusieurs siècles. Madagascar est un pays insulaire entouré des sites portuaires. Dès les débuts du IIIème millénaire, Tamatave, une des provinces de la Grande île, occupe la première place parmi les quelques dizaines de ports que compte le littoral malgache. C’est une société d’envergure nationale et de renommée surtout au niveau de l’Océan Indien. Le Port de Tamatave est considérée comme une grande porte maritime qui s’ouvre vers le monde extérieure. C’est le principal et le plus dynamique des Ports de la Côte Est. Ce site naturel est bordé de récifs coralliens. Il se situe sur la côte orientale de l’Ile, façade Océan Indien 18°08 de latitude Sud et 49°22 de longitude Est. Sa position géographique lui donne une place très importante avant et depuis 1896 parmi les autres ports de Madagascar. C’est un site ouvert depuis longtemps aux influences extérieures, plus visité depuis plusieurs siècles par des navigateurs étrangers, habité ou fréquenté par des traitants et des colons européens depuis le XVIIIeme siècle.
En plus il se situe dans la première grande région d’échange et la première province maritime de Madagascar. Ce littoral est en relation très étroite avec le monde extérieur depuis longtemps. Il comporte les sites portuaires les plus nombreux et compte parmi les plus importants de l’île. Ensuite, il réunit les conditions écologiques favorables au développement d’une agriculture tropicale d’exportation. La nature, le volume et les directions des trafics portuaires montrent le rôle de premier plan que joue cette région dans l’économie du pays. Depuis son existence, il constitue le principal carrefour des activités liées aux relations commerciales avec l’extérieur .Donc le principal tributaire des devises.
Les premiers ports de la Grande île avant 1896
La Baie du Boina
Avant XVIIIème siècle, c’est la Baie du Boina au Nord-Ouest de Madagascar qui était une importante zone de commerce fréquentée par les islamisés venus de la côte orientale d’Afrique et de l’Asie du Sud-Ouest Ces Arabes s’y installaient dès le XII° siècle en créant des comptoirs commerciaux. Les relations commerciales s’établissent surtout sur cette côte Nord Ouest par rapport à l’Est. Mais en 1506, l’Amiral Tristan da Cunha pillait ces comptoirs arabes et massacrait les habitants Parallèlement à ces arrivées, c’est à dire au début du XVI° siècle, les portugais arrivaient aussi sur le comptoir commercial de la côte Nord Ouest malgache. A partir de cette période, les premières relations commerciales avec les européens s’établissent Ensuite, entre 1613 et 1620, les missionnaires portugais dont le R.P Luis Mariano commencent à s’installer dans la Baie du Boina. Depuis, le Nord Ouest est devenu une des plaques tournantes d’un commerce où les esclaves tiennent une place croissante. Vers le début du XVIII siècle, les Hollandais, Anglais et Français continuent de commercer dans la Baie. Mais celle-ci a été perturbée par la venue des pirates Un historien nommé Hamilton indique en 1723 que « les Anglais craignent de faire la traite à cause de la présence des pirates » Et en 1726, un Hollandais Valentin note la fin du comptoir hollandais sur la côte Nord Ouest de la Grande île Cependant, cette côte restait fréquentée par diverses nations : anglais français, Portugais, Arabes de la côte orientale d’Afrique et des Comores. Ainsi, sur le plan commercial, la Baie du Boina de 1750 à 1889 confirmait sa place de capitale économique de l’Ouest de Madagascar. Mais à partir de 1889, le Port de Majunga avait un déclin du trafic commercial à cause de la diminution des échanges avec Antananarivo et à la recrudescence de la contrebande (les boutres mouillent dans les rades non contrôlées) Dès cette date, Majunga était détrôné par Mananjary qui détenait alors le second port du royaume de Madagascar .
Le site de Tamatave
A partir de la deuxième moitié du XVIII siècle, après avoir quitté la côte Nord-Ouest, les Hollandais s’aventuraient sur la côte Est de la Grande île en continuant la traite des esclaves avec Bourbon et l’île de France ou Maurice actuel. Depuis, les sites de la côte orientale de Madagascar étaient un simple point de relâche pour les navires d’étrangers de différentes nationalités surtout depuis la fin du XVIII siècle. On distingue les traitants européens et créoles des Mascareignes c’est à dire des marchands de Maurice et de Bourbon . Plusieurs hypothèses apparaissent concernant les premières arrivées des étrangers à Tamatave. Certains disaient que « Tamatave semblaient déjà fréquenté dès le XVI siècle par des marins et des forbans de l’Océan Indien », D’autres affirmaient que « c’est surtout à partir du XVIII siècle que des navigateurs arabes et européens ainsi que des pirates arabes et américains viennent s’y approvisionner ou en faire une base d’opération De 1862 à 1880, les traitants français, anglais, créoles, américains et allemands se sont installés successivement à Tamatave en laissant les barques s’échouer sur le sable à l’abri du récif Hostie. C’est cette traite des esclaves effectuée avec les îles des Mascareignes qui développe Tamatave et le Royaume Merina à partir du XVIII siècle. Puis cette prise ne importance des îles de l’Océan Indien qui a fait les beaux jours de Tamatave. Elles doivent la plus fréquentée des autres sites portuaires de Madagascar .
Le développement de l’économie de traite
Le début de l’économie
Sous la royauté, des traitants européens et créoles des Mascareignes s’installaient déjà à Tamatave depuis le règne de Ratsimilaho sur la côte Est, fils du pirate anglais Thomas White et de la Princesse Rahena, de 1712 à 1754 et son successeur Jean René, en 1811 avant de se soumettre en 1817 au Roi Radama I devenu Roi de Madagascar et qui le nomme gouverneur de l’Est(1) Et elle passait d’un petit village de pêcheurs à un principal marché de la côte Est fréquenté par les marchands de Maurice et de Bourbon(2)
Ainsi, Tamatave devient le centre du commerce où l’on trouvait les principaux produits suivants : le riz, les bœufs, des volailles, du miel et de la cire, des fruits et des tubercules, du bois et des esclaves Cette vitalité de Tamatave était souvent évoquée tout au long du XIX siècle par des voyageurs. Et le baron Brossard de Corbigny le dépeint comme étant « le poste des Hovas où se fait le plus de commerce. » Quant aux produits échangés, ils sont très vairés : les traitants font le commerce avec des produits qui leur viennent de la Réunion, de Maurice et de l’Amérique car tous les ans, il y a 3 ou 4 navires américains qui viennent jeter sur le marché de Tamatave. Les traitants échangent les différents produits contre des bœufs, du riz et des animaux domestiques qu’ils expédient à la Réunion et à Maurice. En agent commercial américain John Finkelmeier disait même que les cotonnades américaines intéressaient les Malgaches à cause de leur qualité supérieure. Il a même fait des suggestions à Washington pour le lancement sur le marché de Tamatave d’autres produits (dont des maisons préfabriqués en bois) en précisant que Tamatave offrait des avantages supérieurs à ceux de Maurice et de Cape Town en 1866. Quand au mouvement des navires, à cette époque, Ida PFEIFFER rapporte qu’il y a parfois en même temps dans le Port 6 à 8 vaisseaux .
Le plein essor que Tamatave connaît au XIX siècle est donc dû à la présence des négociants étrangers et aussi à la volonté du gouvernement malgache de l’époque d’en faire le premier port du Royaume. Cette présence étrangère s’organise. Et peu à peu des banques et des sociétés commerciales de différentes nationalités s’installaient : succursales des grands établissements américains, allemands et français, maisons d’import- export anglaises et françaises En ce qui concerne le gouvernement malgache de l’époque, Radama I après sa visite à Tamatave en 1817, a sûrement compris, selon BIRKELI, l’importance de la mer pour Madagascar. Tout en essayant de supprimer la traite des esclaves, il a tenté de développer les relations commerciales Ses successeurs avaient également intensifié les relations commerciales avec l’extérieur : Plus tard, le Premier Ministre Rainilaiarivony s’intéressait encore au commerce maritime. Il élaborait des projets d’aménagement du Port et proposait, par exemple en 1874 à un capitaine norvégien LARSEN de construire un phare à Tamatave Capitale de la Province des Betsimisaraka par son dynamisme, Tamatave acquiert ainsi à la fin du XIX siècle le rang de capitale commerciale de Madagascar « Elle est à la fois le débouché de l’Imerina et l’entrepôt de la côte Est. Les produits venus de l’intérieur ou collectés dans les petits ports par une flottille de goélettes s’y concentrent avant d’être emportés. De là aussi se distribuent les articles d’importation apportés par les navires d’Europe d’Amérique et parfois d’Asie Mais en même temps que le rôle économique de Tamatave prenait de l’importance, le monopole des étrangers aussi bien sur le trafic côtier que sur les relations commerciales maritimes de Madagascar avec l’intérieur s’affermissait. Si au départ, la concurrence n’existait qu’entre les marchands merina, annonçant la tension puis le conflit franco malgache (1883 Ŕ 1885). Après trois années d’hostilités, le commerce tamatavien connaît un marasme économique débouchant sur des crises à la fin du siècle. Néanmoins, entre 1882 et 1895, Tamatave avec après de 70% du trafic portuaire total, renforce sa position de premier port du royaume de Madagascar les exportations avaient été assurées sous pavillon anglais, français, américain et allemand .
Afin de renforcer davantage les relations commerciales, le gouvernement de Madagascar avait passé diverses conventions(2) à savoir :
-Une convention d’Amitié, de commerce et de Navigation avec l’Italie le 06 Juillet 1883.
-Une convention sur les importations, à l’île Maurice, des denrées venant de Madagascar et vice Ŕversa (1882-1883) avec l’Angleterre, et
-Une convention secrète sur « l’exploitation du charbon » avec la France.
-L’une des causes de l’expansion du commerce extérieur pendant la royauté (à partir du XIX siècle) est la montée de la classe des roturiers (HOVA). Ces derniers se spécialisaient dans ce domaine et trouvaient un débouché pour exporter leurs produits. Cet engagement dans le commerce extérieur a rapporté au Royaume des bénéfices énormes.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : LE PORT DE TAMATAVE : SON RAYONNEMENT MARITIME DE 1896 A 1944
CHAPITRE I : LES ORIGINES HISTORIQUES
A- Les premiers ports de la Grande île avant 1896
1.La Baie du Boina
2.Le site de Tamatave
B- Le développement économique de traite
1. Le début de l’économie
2. Les principaux produits de l’importation et d’exportation
3. Le trafic portuaire de Tamatave
4. Le système de portage
CHAPITRE II : TAMATAVE : UNE VILLE COMPTOIR AU PORT DE COMMERCE
A- Le vieux Tamatave
B- Le développement de la ville
C- La construction du port
1. Les installations primitives
2. Tamatave : Un port moderne après 1927
CHAPITRE III : UN PORT PROFONDEMENT MARQUE PAR LES CONDITIONS NATURELLES
A- Présentation originale du site portuaire
B- Le rôle de deux passes et de récifs
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
PARTIE II : LA PLACE DU GRAND PORT DANS LA VIE NATIONALE DE 1896 A 1944
CHAPITRE I : TAMATAVE : POUMON DE L’ECONOMIE DE MADAGASCAR COLONIE FRANÇAISE
A- Les trafics portuaires
1. Les liaisons commerciales
2. L’évolution du trafic avant 1927
B- La situation au port de Tamatave après 1927
1. a fin de travaux de construction et l’inauguration du grand port
2. Le trafic du port dans les années 30 et
C- Le rôle majeur de la Métropole
1. La politique économique coloniale française
2. Le port de Tamatave dans la politique coloniale française
CHAPITRE II : LE PORT ET SON HINTERLAND
A- Les impacts sociaux sur le développement de la ville
1. Effets sur la démographie
2. Les impacts politico- culturels
3. Les impacts économiques
CHAPITRE III: LE PORT ET LES VOIES DE COMMUNICATIONS
A- Les voies terrestres
1. L’état de la route
2. Le rôle des réseaux routiers
B- Le canal de Pangalane
1. La construction d’une voie fluviale
2. Le rôle du canal de Pangalane
C- Le réseau ferroviaire
1. Sa construction
2. Le rôle du TCE (Tananarive-Côte Est)
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
PARTIE III : LE PORT DE TAMATAVE ET SON ADMINISTRATION DE 1896 A 1944
CHAPITRE I : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE DOUANE
A- L’administration des douanes
1. Section des exportations
2. Section des importations
3. Des magasins de douanes
4. Le service de l’inspection
B- La gestion du port de Tamatave de 1896 à 1944
1. Le Statut du Port
2. L’administration de douane
CHAPITRE I : LES PROBLEMES DU PORT DE TAMATAVE
A- Problèmes d’origine naturelle
1. Un port constamment menacé par les cyclones
2. Les ravages
3. Les conséquences
B- Les guerres de 1882 à 1895
1.Un Port perturbé par les guerres
2.Les ravages
3.Conséquences
C- Les crises économiques avant 1896
1. Une ville portuaire touchée par des crises
2. Les causes
3. Conséquences
D- Les problèmes de 1896 à 1944
1. L’insuffisance des ouvrages de protection
2. Insuffisance des quais
3. Insuffisance des terre-pleins et magasins
4. Insuffisance des voies de communication à l’intérieur du port
CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE
CONCLUSION