L’attitude des grandes puissances
Depuis que l’organisation des Nation Unies s’était saisie de l’affaire palestinienne pour suppléer aux défaillances du mandat britannique, il devenait évident que le conflit israéloarabe a échappé désormais à ses protagonistes pour constituer un des éléments du jeu international entre les mains des puissances occidentales elles-mêmes, puis est entrée celles-ci et leur principale rivale : l’Union soviétique. Toutefois, lorsque l’on examine l’histoire de la question palestinienne à cette époque, il ressort d’emblée que deux faits majeurs ont marqué les différentes attitudes des grandes puissances : il s’agissait de la guerre froid d’une part et de leurs intérêts notamment économiques au Proche-Orient d’autre part. Ainsi prolonger cette analyse nous amène à identifier que ces intérêts contradictoires sont venus ainsi se greffer sur un problème suffisamment complexe par lui-même, plutôt que de contribuer à une solution au conflit qui se profile à l’horizon, et allaient au contraire créer au Moyen-Orient une situation explosive dont les dimensions déborderaient les frontières régionales. Telle est la phase dans laquelle entre le conflit israélo arabe dès son début. Par ailleurs, au sein des grandes puissances, on sait que seule le Royaume-Uni était le principal acteur impliqué directement dans le conflit israélo-arabe en sa qualité de puissance mandataire et ne voulait pas perdre ses positions au Proche-Orient. Ainsi sa position officielle de neutralité lors du vote du partage en est parfaitement illustrateur. Et cette dernière l’a conduit à ne fournir aucun effort à rendre la décision onusienne effective. Dans cette perspective, la Grande-Bretagne va sous tendre le projet de l’annexion de la Transjordanie sur la partie qui avait été alloué à l’État arabe palestinien. Cette position de la Grande-Bretagne visait le maintien de son influence dans la région malgré la fin de son mandat. Mais avec l’évolution du conflit et la déstabilisation de la région, l’ancienne puissance mandataire principale responsable du conflit s’en lave les mains et on sait aujourd’hui comment les Britanniques sont distanciés du conflit. Seuls les États Unis et l’URSS vont suivre l’évolution du conflit et tentent toujours à trouver une solution pacifique comme c’était le cas avec la conférence de Madrid et les accords d’Oslo. Cependant, la politique américaine dans la région était totalement floue notamment pendant les heures dramatiques du printemps de 1948. Pris entre ses engagements envers le mouvement sioniste et ses amitiés arabes, Washington essaya alors de louvoyer en reculant les échéances. On sait que les points de vue étaient loin d’être harmonisés entre la maison Blanche et le Département d’État. Mais ce qui est important à retenir c’est que l’acceptation du principe de partition et le rôle joué par les USA n’ont connu aucune suite logique : ils ont préféré laisser la guerre se déclencher plutôt que de s’engager dans la recherche de la solution immédiatement. C’est après la défaite des Arabes que les États Unis vont réunir les deux adversaires à la table des négociations. Par ailleurs, si on jette un coup d’œil sur l’évolution du conflit dans ces différentes étapes, il apparait que la position des États-Unis s’est inclinée en faveur de l’État juif. Ce qui fait que le problème se complique au fil des jours. Les intérêts évoqués ci-dessus ne font plus le poids, et la Palestine n’a plus le soutien qu’il avait auprès des Arabes au début du conflit, et que sa principale rivale (URSS) est absente de la scène internationale. Effectivement, l’URSS à l’instar des autres puissances, avait son option individuelle, qui était équivoque : il avait commencé à manifester un avis favorable à un État arabe indépendant où seraient associés Arabes et Juifs. Mais étant animé d’un principal sentiment qui s’inscrit dans une dynamique de tenir en échec le mandat britannique et d’étendre sa position dans la région, il va changer de fusil d’épaule pour appuyer l’idée de division de la Palestine. L’objectif principal de cette posture était non seulement de faire perdre toutes bases aux Britanniques dans la région du Proche-Orient, mais aussi du fait que la grande majorité des immigrants juifs venaient de la Pologne, de l’Union soviétique et de l’Europe centrale, elle espérait qu’un État juif lui permettra d’avoir des alliés au Proche-Orient et d’étendre son influence dans la région.
Les prises de positions judéo-arabes
Le conflit israélo-arabe repose sur une profondeur historique très riche qui fournit aux antagonistes des éléments sur lesquels ils ont basé les revendications et les positions. Ainsi, ils emploient l’histoire comme méthode de légitimation politique. Cependant, une analyse scientifique qui se veut objective et réaliste ne peut pas retenir l’histoire comme une méthode de légitimation de la position défendue en termes de droits politiques ou territoriaux par chacune des parties du conflit. Pour les Sionistes, ils déclaraient avoir habité le territoire palestinien dans l’antiquité et y avoir formé un État dont ils ont été dépossédés et chassés par la force. Mais quoi qu’il en soit l’organisation des Nations-Unies ne devait pas appliquer un partage sur le territoire de la Palestine parce qu’une partie de leurs ancêtres (les Sionistes) y avaient habité, il y a plusieurs siècles. D’autre part, il faudrait que les Israéliens reconnaissent qu’ils ont fait subir un tort considérable à un autre peuple, qu’ils ont privé de ses droits. La rancune de ce peuple auquel ils ont porté préjudice persiste, et tant qu’elle persiste, les droits des Israéliens resteront dans l’abstrait. Si on examine cette conception sioniste on comprend pourquoi les Arabes s’opposaient à l’État juif en refusant de réparer un crime dont ils ne sont pas responsables car on sait que les pires persécutions antisémites ont eu lieu en Europe et non dans le monde arabe. Par ailleurs, la volonté de la création d’un État juif est qualifiée comme une agression de l’Occident et une reprise de la colonisation. Néanmoins, pour les Juifs, la solution du partage de la Palestine est une question de survie qu’ils ne pouvaient perdre sous peine de voir leur rêve se briser. C’est pourquoi quand il était question de présenter leurs points de vue, leur représentant Hillel Silver faisant référence au martyre des Juifs durant la seconde guerre mondiale lançait un appel pour l’établissement d’un foyer national juif en Palestine, conformément à la déclaration de Balfour. Du côté des Palestiniens, on écarte toute idée de division du territoire. A cet effet, les Palestiniens et les Arabes en général sont accusés d’intransigeance, d’un manque d’esprit de compromis. La position des autorités représentant le peuple juif, devenu par la suite l’État d’Israël est marquée par une acceptation mesurée du plan de partage même si les limites ne correspondaient pas à celles envisagées par l’Assemblée générale. Mais en fait, les Palestiniens désiraient un État unique sur toute la Palestine et remettant en cause l’immigration depuis la déclaration de Balfour, en rejetant ainsi toute légitimité à l’existence d’un État juif indépendant. La partie juive, elle est farouchement attachée à un État hébreu indépendant en Palestine donc favorable à une division de celle-ci, au contraire des Arabes. Ces deux postures sur lesquelles, dans l’esprit des leaders de chaque camp, il n’est pas question de transiger, sont la cause d’une instabilité impossible à surmonter par les pourparlers. L’organisation des Nations Unies proposa une solution négociée pour mettre fin au différend. Avec l’évolution du conflit les Arabes commencèrent à abandonner la cause palestinienne de départ pour reconnaitre l’existence d’Israël à commencer par l’Égypte à travers l’accord de Camp David, ainsi que les divisions intervenues entre les Arabes ont cassé la dynamique du soutien à la Palestine. En effet, pour autant il serait erroné de croire que les chefs d’États arabes qui constituaient un bloc uni tous étaient pour un État palestinien, mais plutôt ils avaient leurs propres enjeux et pensaient d’abord à leurs intérêts nationaux. L’exemple du roi Abdallah de la Transjordanie en est une parfaite illustration. Pourtant les Arabes mettaient en avant l’incompétence de l’Assemblée générale des NationsUnies à partager la Palestine en ces termes : « Elle ne possède aucune souveraineté sur la Palestine, ni le pouvoir de priver le peuple palestinien de son droit à l’indépendance sur toute sa patrie et de porter atteinte à leurs droits nationaux »14. Cela laisse entendre que la décision des Nations-Unies ne possède aucune valeur en droit ou en fait. Mais pour cerner les contours de cette position des Arabes, on peut se référer aux propos de Potter qui affirmait que : « Les Nations-Unies n’ont aucun droit de dicter une solution en Palestine ». La logique de ce rejet du partage conduit les Palestiniens à refuser même de créer un État sur l’espace qui leur était alloué. Et la situation actuelle en est assez révélatrice qu’Israël aurai préféré qu’il n’y ait pas de Palestiniens et aimé exercer son pouvoir sur toute la zone qui va du Jourdain à la mer. De même, les Palestiniens auraient préféré qu’Israël n’existât pas et souhaité qu’un État palestinien qui s’étend sur le même ensemble de territoire. Israéliens et Palestiniens se seraient en effet bien passés de l’existence du camp adverse, mais à l’heure actuelle les deux existent, et aucun ne peut faire comme si l’autre n’était pas là.
Les Frères musulmans avant la naissance de l’État d’Israël
L’Association des Frères musulmans fondé par Hassan al-Banā a très tôt soutenu les Palestiniens contre les forces britanniques et les organisations sionistes. Leur apparition en Palestine remonte aux années 1930. Depuis l’Égypte où ils étaient, les Frères se sont largement activés à propager la question palestinienne en publiant d’une part des tracts, des communiqués dans lesquels ils menacèrent les Britanniques et leur politique en Palestine ; et d’autre part, en distribuant leur revue An-Nazir en Palestine et lancèrent des attaques acerbes contres la Grande-Bretagne et soutiennent la lutte du peuple palestinien. Toutefois, si on considère la position des Frères musulmans à cette époque, il semble que leur mobilisation sur la question palestinienne se limitée en Égypte car les Frères n’étaient pas encore arrivés en Palestine. Certes, ce sentiment que les Frères avaient envers la Palestine relève de la place que revêt la Palestine dans l’Islam. Cependant, les Frères musulmans égyptiens, ne laissent pas échapper l’occasion d’objectiver le patriotisme arabe et islamique, donc transnational. En effet, il importe de souligner que la première manifestation de l’intervention des Frères en Palestine remonte à la grande révolte de 1936-1939 en Palestine. Mais des auteurs comme Khaled Hroub, Zakaria Usamatu etc., ne s’accordent pas sur la première intervention des Frères en Palestine. En effet, c’est depuis Égypte que le signal est donné. Les Frères procédèrent à des collectes de fonds pour une assistance notamment sanitaire et médicale au peuple Palestinien. Ainsi la question palestinienne constitua depuis lors un objectif structurant du programme politique et d’action des Frères. Cet état de fait s’était accentué au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Par ailleurs, l’implication des Frères dans la question palestinienne était étroitement liée à leurs relations avec le Haut Comité arabe et à son dirigeant le Mufti de Jérusalem Amin alHussein, qui envoya des émissaires en Égypte afin de mobiliser les autorités religieux, gouvernementales et les médias en faveur de la cause arabe en Palestine. Cette initiative avait pour finalité la sensibilisation de l’opinion arabe, prétendant que les Juifs ont voulu profaner les Lieux saints musulmans à Jérusalem, prétendument pour construire le troisième temple sur l’emplacement de la mosquée d’Umar. Notons ici que l’enjeu principal visait une sensibilisation de l’opinion publique arabe et islamique. Car à cette époque, la cause palestinienne n’avait joué quasiment aucun rôle dans la politique des États arabes. Et que ces campagnes de sensibilisations pouvaient mobiliser la lutte à deux niveaux : défendre la Palestine, faire échouer l’aspiration des Juifs sur la terre palestinienne dans la mesure même où la première pourrait être le prolongement de la seconde. En effet, cette rumeur se propagea au sein des mosquées, dans lesquelles, les prédicateurs estimant que c’est une obligation pour chaque musulman de s’engager en faveur de la Palestine, vont faire la propagande de la cause palestinienne ; et cette dernière sera relayée par les Frères musulmans qui appelaient au soutien de la cause palestinienne et prônèrent la destruction des intérêts sionistes en Égypte. Ceci était sous-tendu par une commission de soutien au peuple palestinien, et la revue An-Nazir qui était consacrée uniquement au service de la cause palestinienne. La même époque, les Frères commencèrent à appeler les responsables et les dirigeants des pays arabes à soutenir la Palestine et à œuvrer pour une solution. Dès lors, la question de la Palestine est l’occasion pour les Frères de prendre la tête d’une révolte arabe et musulmane ; le combat pour Jérusalem, troisième lieux saint de l’Islam, peut, plus que tout autre, donner aux Frères de Banā les dimensions auxquelles ils aspiraient. Très rapidement, la cause arabe en Palestine sert de prétexte et on assista à de violents attaques contre les Juifs en Égypte. En1936, les Frères musulmans appelaient au boycott des magasins juifs en Égypte, des tracts sont distribués appelant aussi au boycott des marchandises des Juifs. Désormais, la campagne de boycott des magasins et marchandises juifs en Égypte organisée tout d’abord par les Frères musulmans, est très vite reprise par d’autres mouvements et parties politiques. Parmi ces derniers, nous pouvons citer « jeune Égypte », qui en avait fait sa principale activité politique à partir de 1939. En outre, le combat de soutien de la Palestine est également préparé à l’université d’Al Azhar, des tracts sont distribués aux étudiants. Mais cette fois ci cet appel au soutien se traduisait fréquemment par des violences physiques à l’encontre des Juifs. Les manifestants se rendaient souvent dans les quartiers juifs du Caire pour trouver un exutoire à leur haine. L’hostilité envers les Juifs se manifeste également par la multiplication des menaces, et des mises en garde envers les Juifs en Égypte.
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Table des matières
Introduction
Première partie : Le conflit qui oppose Israël et ses voisins (1948-1967)
Chapitre1 : La fin du mandat Britannique sur la Palestine et ses conséquences
1. Le problème palestinien sur la scène internationale
1.1 L’attitude des grandes puissances
1.2 La définition des frontières
1.3 Les prises de position judéo- arabes
2 La fin de l’hypothèse d’un Etat palestinien
2.1 L’échec de la résolution 181 des Nation-Unies
2.2 Le nouveau contexte au Proche-Orient après la déroute arabe de 1948
2.3 Le rôle de l’O.N.U au lendemain de la « Nakba »
Chapitre2 : L’intervention des Frères musulmans dans le conflit
1 La position des Frères musulmans au début du conflit
1.1 Les Frères musulmans avant la naissance de l’Etat d’Israël
1.2 Les Frères musulmans dans la guerre de 1948
1.3 Les Frères musulmans après 1948
2 Les Frères musulmans et le conflit de 1967
2.1 L’influence des Frères dans les territoires occupés
2.2 La fondation du Jihād et du rassemblement islamique pour relancer la lutte
2.3 Les Frères musulmans hors des territoires occupés
Deuxième partie : Le face à face israélo-palestinien (1967-1993)
Chapitre 1 : Le peuple palestinien prend son destin en main
1 La renaissance de la résistance palestinienne
1.1 La nouvelle donne géopolitique au Proche-Orient
1.2 Contexte arabe et tournant de la résistance palestinienne
1.3 Le nouveau phénomène de la résistance palestinienne
2 L’unité nationale palestinienne face à Israël
2.1 Islamistes et nationalistes en quête d’État
2.2 La réaction de la société israélienne
2.3 Le jeu diplomatique
Chapitre2 : Le processus de paix israélo-palestinienne
1 La solution pacifique proposée aux belligérants
1.1 Les USA et URSS pour la paix au Proche-Orient
1.2 Oslo un processus complexe et inachevé
1.3 Les suites chaotiques de l’accord d’Oslo
2 Les problèmes en suspens
2.1 La question des réfugiés
2.2 Les ressources hydrauliques
2.3 La dimension économique
Conclusion
Bibliographie
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