Le concept de la « subjectivité » apparaît, chez Jean –Paul SARTRE, comme l’expression de sa manière de professer l’être de la réalité humaine. S’attachant à la valeur primordiale de la liberté, l’homme est, selon lui, cet être inséré dans l’espace phénoménologique. La philosophie de Sartre décrit ainsi un monde dont le temps et l’espace constituent les modalités propres. Il en résulte une spécificité de l’essence humaine qui s’exprime dans la réalité de la subjectivité , thème qui introduit l’unité de toute activité humaine dans son rapport avec le monde.
L’EVOLUTION DU CONCEPT DE LA SUBJECTIVITE DANS LA PENSEE EXISTENTIALISTE
L’idée de la subjectivité humaine est d’une très grande importance pour pénétrer le fond du cheminement de la pensée de Sartre. Elle constitue le point de départ de sa préoccupation. C’est là, nous semble t-il, une des voies multiples, une des portes d’entrées pour découvrir le sens de l’existentialisme. Au sens littéraire du terme, la subjectivité couvre l’ensemble des particularités psychologiques appartenant à un sujet. Toute tendance ou théorie privilégiant le subjectif sur l’objectif est appelée « subjectivisme ». Plus philosophiquement, subjectivité est synonyme de vie consciente , telle que le sujet peut la saisir en lui et où il cerne sa singularité. La subjectivité est un phénomène qui concerne l’homme en tant qu’existant et apparaît comme une partie de conscience de soi dans la manière de mener sa vie. D’où l’affirmation de Sartre :
« L’homme est d’abord un projet qui se vit subjectivement » .
Ainsi, la subjectivité apparaît comme la saisie de la réalité humaine. L’homme est un être jeté dans le temps et dans l’espace. Mais, à la seule différence de l’animal, il prend conscience de cette localisation temporelle et spatiale. En tant qu’être sensible, il a la gamme de ses sentiments. Ce qui l’intéresse, c’est ce qui le touche et l’affecte. Autrement dit, l’homme se trouve ressaisi par la conscience au lieu d’être une pure facticité. C’est cette conscience qui lui permet précisément de se représenter le monde ainsi que la réalité tant intérieure qu’extérieure. Il y a donc une saisie de la subjectivité humaine de sa propre essence. Cette essence, Sartre la considère comme l’individualité de la personne elle – même. Cette individualité selon Sartre a la promesse de la durée, elle a donc la possibilité de dépasser sa singularité individuelle limitée par le temps.
Selon Sartre, l’homme parvient à se projeter au-delà du temps présent, autrement dit, à envisager le futur et à se mémoriser le passé. C’est là la grandeur de la conscience humaine. C’est ce qui permet à Sartre de faire la distinction entre « le pour-soi » et « l’en – soi ». C’est dans cette distinction que la subjectivité humaine se trouve inscrite :
« Tel est le premier principe de l’existentialisme » .
Sartre ajoute :
« C’est aussi ce qu’on appelle la subjectivité » .
Ce concept de la subjectivité sert de base à partir de laquelle se développe toute la philosophie de Sartre , qui lui permet d’exposer son ontologie, plus précisément, son étude de la réalité humaine. Cette dernière est considérée entre autres dans sa particularité, dans sa subjectivité. Il importe de remarquer que, cette subjectivité de la réalité humaine est bien explicitée dans presque tous les écrits de Sartre. Dans tous ses ouvrages en effet, aussi bien philosophiques que littéraires (romans, théâtre, essai . . . ), l’auteur met en lumière son point de vue philosophique portant sur la liberté de chaque individu . A ces yeux donc, le primat de la subjectivité constitue la spécificité de l’existentialisme. Tout l’effort de Sartre sera entièrement consacré à l’accomplissement de l’homme , à la réalisation et à son affirmation. C’est effectivement dans ce sens qu’il faut comprendre cette affirmation de Jean Paul Sartre.
« Ainsi, la première démarche de l’existentialisme est de mettre tout homme en possession de ce qu’il est. » .
De là, la découverte de la subjectivité qui se produit dans une réflexion transcendantale. Celle – ci libère l’homme de l’emprise d’essences générales qui s’imposent à lui. Par subjectivité, le sujet fait constamment l’épreuve du monde, du fait qu’il s’éprouve soi- même. La subjectivité telle que la conçoit Sartre, est la réalité qui se construit intérieurement à l’individu, tout en déployant son essence. A vrai dire, Sartre se veut prédécesseur de Kierkegaard dans l’histoire de la pensée existentialiste. L’idée de la subjectivité que nous retrouvons plus tard chez lui, était déjà la préoccupation de son précurseur.
SOURCES ET ETAPES DE LA SUBJECTIVITE
Tout au long de notre analyse , nous nous efforçons d’éclaircir l’idée de la subjectivité. Saisir la véritable pensée de Jean – Paul Sartre en ce qui concerne le problème de la subjectivité humaine sera donc notre préoccupation première. L’analyse de la subjectivité est l’objet qui fonde l’unité de la pensée existentialiste. Il se trouve dans différentes œuvres des courants philosophiques existentiels suivant des époques différentes. Ce fait mérite d’être souligné au préalable pour montrer tout simplement que Jean-Paul Sarre est imprégné de l’influence de divers courants d’idées philosophiques, politiques et sociales de son temps. Ce qui explique la richesse et l’étendue de sa conception du monde et de l’homme.
La liste des auteurs qui ont influencé sur la philosophie existentialiste est inexhaustive. Comme le disait Emmanuel Mounier dans son ouvrage intitulé Introduction aux existentialismes,
« […], il n’ est pas de philosophie qui ne soit existentialiste. » .
A ce sujet, nous essayerons d’étudier les penseurs qui sont restés fidèles au thème de la subjectivité qui est une notion en filigrane dans toute l’évolution de l’existentialisme. Ainsi, pour mieux cerner le problème qui nous préoccupe, nous suivrons le cheminement de la philosophie existentialiste.
GENEALOGIE DE LA PHILOSOPHIE EXISTENTIALISTE
Cette représentation est significative. Elle nous permet d’établir une vision générale sur la lignée de la pensée existentialiste. Une telle étude est à bien des égards, arbitraire mais elle mérite d’être évoquée afin d’établir les filiations reconstituant les liens logiques d’une philosophie à une autre. D’une manière générale, les doctrines que l’on qualifie d’existentialistes ont une sorte d’arrière-fond commun. Elles s’inscrivent dans le cadre d’un seul et même mouvement de pensées. Ce mouvement de pensée pose l’existence comme centre d’intérêt de la réflexion philosophique, plus particulièrement l’existence subjective de l’homme, bref l’existant par excellence.
Force est de préciser que l’existentialisme est un courant de pensée cosmopolite. Il regroupe un essai de doctrines qui vont toujours ensemble de part les contradictions internes qui les habitent . Tel est le propos d’Emmanuel Mounier :
« Tout existentialisme est d’abord une philosophie de l’homme » .
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : L’EVOLUTION DU CONCEPT DE LA SUBJECTIVITE DANS LA PENSEE EXISTENTIALISTE
I – Sources et étapes de la subjectivité
I.1 – La généalogie de la philosophie existentielle
I.2 – La révolte de la subjectivité face aux systèmes philosophiques
I.3 – La perspective sartrienne de l’existant
II- L’homme subjectif à travers la conception de Sartre
II.1- L’existence précède l’essence
II.2- L’homme en quête de son identité
II.3- De la transcendance à la réalisation du projet
II.4 – L’existence personnelle
DEUXIEME PARTIE : LES MANIFESTATIONS DE LA SUBJECTIVITE ET L’ANALYSE SARTRIENNE
III – Réveil de la subjectivité et conquête existentielle
III.1 – La liberté : fondement de L’existence
III.2 – Le choix comme expression de la liberté
III.3 – L’engagement : source de l’existence humaine
IV.1- Sens et portée de la subjectivité
IV.1 – Subjectivité et détermination de l’humanisme sartrien
IV.2 – L’angoisse : analyse de la responsabilité
IV.3 – Vers une critique de la religion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE