L’évolution du concept de la lecture-compréhension
Jocelyne Giasson, spécialiste de la didactique de la lecture nous informe que le concept de la lecture a beaucoup évolué, en particulier à partir des années 80. Autrefois, nous pensions que le lecteur devait chercher le sens exclusivement dans le texte alors que depuis les années 80 nous pensons que c’est aussi et surtout le lecteur qui crée le sens en se servant du texte, de ses connaissances et de ses intentions. (Giasson, La compréhension en lecture, 2008) . Ce concept part du principe que « la lecture est un processus du langage qui fait appel à des stratégies de prédiction, de confirmation, d’intégration. » (Giasson, 2004).
L’approche cognitive de la lecture
Alain Lieury et Fanny de la Haye, spécialistes de la psychologie cognitive, nous informent que l’on s’accorde à dire que l’activité de lecture possède deux facettes : celles du décodage et de la compréhension. Ces deux parties étant indissociables de la lecture. Cette philosophie fait penser aux équations proposées par Gough et Turner en 1986 et par Goigoux en 2009 :
Gough et Tunmer (1986) : L = D x C
Lecture = Décodage x Compréhension du langage oral.
Goigoux (2009) rajoute une composante à cette équation : L = D x Co x Cé
Lire = Décodage x Compréhension du langage oral x Compréhension des textes écrits.
Les deux auteurs soutiennent qu’on ne lit pas pour lire mais pour comprendre ce dont parle le texte. C’est pourquoi, l’enseignement de la lecture doit passer par un travail sur le décodage et sur la compréhension . Par ailleurs, ils pensent que le décodage demande un effort couteux cognitivement et tant que la lecture n’est pas automatique (rapide et inconsciente) il n’est pas évident de rentrer dans le sens . Dans ce mémoire nous nous concentreront principalement sur la construction du sens.
Les mécanismes de la compréhension : l’élaboration du sens
Voici une définition de la compréhension proposée par Sylvie Cèbe, Rolland Goigoux et Serge Thomazet : elle est « la capacité à construire, à partir de données d’un texte et des connaissances antérieures, une représentation mentale cohérente de la situation évoquée par le texte . » Pour lire il est indispensable d’utiliser simultanément des procédures : identifier les mots écrits, établir des relations entre ces mots (analyse syntaxique) et enfin construire la signification du texte en établissant des relations entre les différentes phrases du texte. Voici les procédures nécessaires à la compréhension d’après ces deux auteurs (Alain Lieury, Fanny de La Haye 2009) :
➤ Au niveau de la phrase, l’analyse syntaxique : le lecteur doit mettre en relation les mots entre eux pour que la phrase ait un sens ;
➤ Au niveau du texte : les auteurs citent Kintsch et Van Dijk : les éléments lus sont mis en mémoire et comparés à ce que le lecteur connaît. Cette mise en relation entre les phrases permet de créer une image mentale du texte écrit. Le sens est construit peu à peu par le lecteur ;
➤ Au niveau du contexte : des composantes sont importantes à la compréhension :
● du type d’écrit (narratif, descriptif, consigne) qui dispose de ses propres caractéristiques. Par ailleurs le lecteur a des intentions différentes lorsqu’il s’engage dans un type de texte ou dans un autre ;
● des connaissances du lecteur : lexique, structure, culture générale ;
● Le contexte de lecture : s’il y a une consigne ou un objectif par exemple ;
● Le titre, il peut être d’une grande aide pour la compréhension car il permet au lecteur de connaître l’idée générale de ce qui va suivre .
Jocelyne Giasson, dans l’ouvrage « la compréhension en lecture » paru en 2008 aux éditions de Boeck , propose un modèle de compréhension en lecture plus élaboré, en s’appuyant sur la classification d’Irwin en ce qui concerne les cinq grandes catégories de processus. Les mécanismes nécessaires à la compréhension sont très précis et organisés entre eux. Par ailleurs elle inclut une dimension métacognitive à l’activité de la lecture.
● Les microprocessus englobent le décodage et la compréhension du sens de portions de textes : mots, groupes de mots, phrases.
● Les processus d’intégration permettent de relier les phrases entre elles grâce aux connecteurs, substituts et inférences.
● Les macroprocessus sont orientés vers la compréhension du texte dans son entier: identifier l’idée principale, être en mesure de faire un résumé mais également d’identifier et comprendre les spécificités structurelles et grammaticales d’un texte narratif ou informatif.
● Les processus d’élaboration concernent : les prédictions, la construction d’une image mentale, le raisonnement, le rapport affectif au texte lu et l’intégration de l’information aux connaissances.
● Les processus métacognitifs concernent le comportement du lecteur vis-à-vis de sa compréhension.
Ces deux explications des mécanismes de la compréhension en lecture se rejoignent sur de nombreux points. La compréhension s’appuie donc sur plusieurs variables et les problèmes de compréhension résident dans des déficits qui se cumulent.
Les origines des difficultés de compréhension en lecture
Pour que le mécanisme de la compréhension fonctionne il est nécessaire que toutes les parties qui mènent à la compréhension soient maîtrisées. Or cette activité est complexe et les élèves peuvent avoir des difficultés à tous les niveaux de compréhension. Sylvie Cèbe, Roland Goigoux et Serge Thomazet proposent un classement de ces difficultés dans « Enseigner la compréhension : principes didactiques, exemples de tâches et d’activités ». Les sources des difficultés éprouvées par les lecteurs peu efficaces sont d’origine différente :
● Des déficits de « bas niveau », l’activité de décodage n’est pas automatisée ;
● Des déficits généraux pour comprendre le langage oral, qui empêchent une bonne compréhension. Ceci peut être dû à des problèmes d’attention, de raisonnement ou de mémoire par exemple ;
● Des déficits liés à la compréhension de textes écrits de par l’insuffisance de compétences linguistiques (lexique ou syntaxe de l’écrit) et textuelles (permettant la cohésion du texte) ;
● Des déficits de connaissances (encyclopédiques et socio-culturelles) ;
● Des déficits pour réguler l’activité de lecture (stratégies de contrôle de la compréhension).
Enseigner la compréhension en lecture
Nous sommes dorénavant conscients que la compréhension ne peut être conçue comme le simple fait de poser des questions . Au même titre que le décodage, la compréhension peut et doit être enseignée, et ce, avant même que l’élève soit en mesure de décoder .
L’enseignement de stratégies de lecture
D’après Jocelyne Giasson , « L’enseignement stratégique en lecture vise à amener les élèves à acquérir un éventail de stratégies de lecture ». Dans l’ouvrage, « La lecture : de la théorie à la pratique », elle propose plusieurs stratégies à enseigner en fonction des niveaux de lecture des élèves : « le lecteur débutant », « le lecteur en transition », « l’apprenti stratège en lecture », « le lecteur qui utilise des stratégies de lecture ». Une stratégie consiste à savoir « comment », « quoi », « pourquoi » et «quand » faire quelque chose pour mieux comprendre . Maryse Bianco, Laurent Lima et Emmanuel Sylvestre ont démontré qu’un enseignement de stratégies de compréhension utilisées par les bons lecteurs pouvait avoir un impact positif . Ils proposent un classement de stratégies pouvant être enseignées :
➤ Les stratégies d’enrichissement des connaissances : clarifier le vocabulaire, utiliser ses connaissances encyclopédiques.
➤ Les stratégies d’organisation de l’information : identifier la structure de la narration, s’entraîner au résumé, construire des organisateurs graphiques.
➤ Les stratégies de traitement détaillé de l’information : pour répondre à des questions, et les formuler.
➤ Les stratégies de contrôle pour évaluer et réguler sa compréhension.
On retrouve ici tout ce qui concerne la variable « lecteur » dans le mécanisme de la compréhension élaboré par Jocelyne Giasson, tant au niveau des structures que des processus , ces quatre familles de stratégies englobent de nombreuses stratégies.
L’enseignement explicite de la lecture-compréhension
Le professeur guide ses élèves en détaillant tout ce qu’il fait, ce qu’il fait faire et l’objectif de chaque leçon. Cet enseignement est progressif, structuré et répétitif. Il est particulièrement bénéfique aux élèves en difficulté . De plus, il est préconisé dans les programmes en lecture-compréhension. Jocelyne Giasson le présente comme un modèle d’enseignement de la compréhension en lecture : l’enseignant doit mener ses élèves vers l’autonomie en lecture au travers de lectures signifiantes. Pour y parvenir il doit leur enseigner explicitement les stratégies des bons lecteurs.
Dans cet ouvrage elle détaille les étapes de l’enseignement explicite :
1) Définir la stratégie et son utilité ;
2) Expliciter ce qu’il se passe dans la tête d’un lecteur expert ;
3) Interagir avec les élèves pour les guider vers la maîtrise de la stratégie ;
4) Favoriser l’autonomie des élèves ;
5) Assurer l’application des stratégies.
|
Table des matières
INTRODUCTION
1. CADRE DE L’ÉTUDE
1.1. CONTEXTE PROFESSIONNEL
1.2. CONTEXTE INSTITUTIONNEL
1.3. CONTEXTE ET RÉFÉRENCES THÉORIQUES
a) L’évolution du concept de la lecture-compréhension
b) L’approche cognitive de la lecture
c) Les mécanismes de la compréhension : l’élaboration du sens
d) Les origines des difficultés de compréhension en lecture
e) Enseigner la compréhension en lecture
1.4. PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSE
1.5. PROTOCOLE D’EXPÉRIMENTATION
2. ETUDE
2.1. CHOIX MÉTHODOLOGIQUES
a) Organisation du travail en lecture-compréhension
b) Organisation des séances
2.2. LES RÉSULTATS
a) Recueil des données et analyses
b) Analyse de la méthodologie
2.3. DISCUSSION ET PERSPECTIVES
2.4. CONCLUSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE – SITOGRAPHIE
ANNEXES
4ÈME DE COUVERTURE