Institution et commande publique
Les rapports du Ministre de l’Education Nationale de mai 2002 » Les modalités de scolarisation des élèves non-francophones nouvellement arrivés en France « , et de l’Inspecteur Générale de l’ Education Nationale de 2009 » La scolarisation des élèves nouvellement arrivés en France » ainsi que les repères historiques fournis par le CASNAV de Toulouse nous permettent d’établir un historique des CEFISEM en France, une description de leurs statuts et actions, pour définir le rôle qui leur est attribué. De plus, l’étude des différents textes officiels régissant l’activité des CASNAV est cruciale pour cerner leurs évolutions au sein des politiques publiques.
Selon l’auteur A. Perotti, la création des classes spéciales sous le gouvernement G. d’Estaing coïncide avec les mesures politiques d’incitation au retour des immigrés dans leur pays d’origine pour faciliter la réinsertion des enfants dans les cultures d’origine en cas de retour.
On entendait offrir aux enfants non francophones les rudiments du savoir (apprendre à lire, écrire et compter) pour qu’ils soient en mesure de réintégrer leur pays d’origine. Puis, dans les années 1990, on souhaite intégrer ces enfants dans le système éducatif français et plus largement dans la société française. Cela est significatif, dansles correspondances, il faut attendre l’année 1993 pour que le mot » intégration » relatif à la scolarisation les enfants non francophones soit mentionné. (cf. Annexe n°1: Grille de dépouillement Correspondances). En 2012, le terme d’ »inclusion » des ENAF est employé. De même, pour désigner les ENAF, on passe de l’emploi du concept d’enfants de migrants, ou issus de l’immigration au conce pt d’enfants allophones nouvellement arrivés ou enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs. En analysant les archives du CASNAV et les textes officiels, on remarque une évolution des concepts utilisés, une étude du vocabulaire employé est intéressante pour percevoir l’évolution des politiques publiques à l’égard du public ENAF. L’auteur M. Abdallah-Pretceille définit les concepts d’assimilation, d’intégration, d’insertion, et d’inclusion, des notions essentielles pour comprendre les enjeux du sujet.
D’une part, l’assimilation se définit comme l’ensemble des phénomènes qui résultent du contact entre des groupes d’individus de cultures différentes et des changements qui interviennent dans les modèles culturels. Dans cette perspective, l’assimilation se comprend comme » une des modalités du processus d’acculturation qui aboutit à l’abandon des schèmes culturels d’origine et à l’adoption de nouveaux modèles culturels « . D’autre part, l’insertionrelève d’une problématique sociale et non culturelle comme l’assimilationselon l’auteur. Etre inséré, c’est avoir une place dans la société, une place qui s’appuie sur un travail et un logement et qui entraîne la reconnaissance d’autrui. En outre, le Haut Conseil à l’Intégration désigne l’intégrationcomme » à la fois un processus et les politiques qui ont pour objet de faciliter sa mise en œuvre ». Ainsi, mener une politique d’intégration, c’est » définir et développer des actions tendant à maintenir la cohésion sociale au niveau local comme au plan national, de sorte que chacun puisse vivre paisiblement et normalement dans le respect des lois et l’exercice de ses droits et de ses devoirs « . L’intégration demande alors un effort réciproque, une ouverture. D’après la grille de dépouillement des circulaires, l’inscription de la scolarisation des ENAF dans le cadre d’une politique d’intégration est effective dans les textes officiels à partir de la loi d’orientation de 1989 : » son rôle est d’assurer à ces enfants et adolescents comme à tous les élèves l’acquisition d’une culture générale et d’une qualification reconnue , le droit à l’éducation étant garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté « . Enfin, le terme « inclusion » signifie l’action d’inclure quelque chose dans un tout, un ensemble. Au cours du dernier siècle, le public des ENAF a été l’objet de politiques d’assimilation mais également d’insertion, et d’intégration pour tendre vers celle d’inclusion au sein de l’institution scolaire.
Les CEFISEM, rappel historique
Création et Origine
Les Centres de Formation et d’Information sur la Scolarisation des Enfants de Migrants (CEFISEM) ont été créés en 1976 par un Inspecteur Départemental de l’Education Nationale (IDEN) chargé de mission à la Direction des Ecoles, Monsieur René Picherot. Ils forment aujourd’hui un réseau national implanté dans la plupart des académies. Ils ont pour mission de dispenser information et formation aux personnels en poste dans le premier et le second degrés. Ils participent aussi généralement à la formation initiale dans le cadre des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM).
Les textes officiels régissant l’action des CEFISEM/CASNAV
Plusieurs circulaires sont venues modifier les missions et l’organisation des CEFISEM.
Les CEFISEM sont institués par les circulaires n° 76-387 du 4 novembre 1976et 77-310 du 1er septembre 1977 comme » sections pédagogiques d’écoles normales ayant vocation à accueillir, pour des réunions et stages de durées proportionnées à leurs besoins, l’ensemble des personnels intervenant dans les écoles et particulièrement les maîtres français des classes d’initiation et cours de rattrapage ainsi que les maîtres étrangers enseignant les langues nationales « .
Puis, la circulaire n° 86-121 du 13 mars 1986 indique que les CEFISEM ont pour mission générale de » contribuer à informer et former, au plan académique, les personnels de l’enseignement des premier et second degrés ainsi que les personnels non enseignants concernés par l’éducation des enfants issus de l’immigration ».
Il faudra cependant attendre 1990 pour qu’une circulaire précise officiellement les missions et l’organisation des CEFISEM. La circulaire n° 90-270 du 9 octobre 1990 institue que » l’attention portée à tous les élèves dans leur diversité sociale et culturelle, quelle que soit leur origine, doit être une préoccupation éducative et pédagogique constante ». La composition des équipes, la responsabilité des actions, l’implantation, les moyens d’actions, le suivi, le bilan et l’évaluation des activités sont également clairement définis.
La circulaire n° 2002-102 du 25 avril 2002 portant sur les missions et l’ organisation des Centres Académiques pour la Scolarisation des Nouveaux Arrivants et des enfants du Voyage (CASNAV) remplace et abroge la circulaire n° 90-270 du 9 octobre 1990.
Afin d’analyser au mieux les circulaires régissant les actions du CASNAV, j’ai élaboré une grille de dépouillement pour les circulaires encadrant l’activité et les missions des CASNAV depuis leur création en prenant en compte la mise en vigueur d’une nouvelle circulaire concernant l’organisation des CASNAV. Il s’agit de la Circulaire n° 2012 -143 du 2-10-2012. Cette grille de dépouillement nous permet de voir que les missions ainsi que les actions des CEFISEM/CASNAV d’académie ont connu beaucoup d’évolution à l’échelle nationale (cf. Annexe n°2 Grille de dépouillement Circulaires).Elle nous permet également de confirmer ou d’infirmer certaines hypothèses émises par l’analyse des archives du CASNAV de Toulouse qui seront reprises tout au long de ce mémoire de recherche.
Rôle et Actions
Les missions et les champs d’intervention des CEFISEM
Trois missions principales regroupent l’ensemble des actions de ces centres. La première consiste à être au service de l’académie. Le CEFISEM est considéré comme une source d’informations et permet ainsi l’élaboration et la mise en œuvre des politiques académiques en matière de scolarisation des enfants non-francophones. De cette manière, les CEFISEM jouent un rôle non négligeable dans la prise de décision et dans l’insertion des populations immigrées dans la société. La deuxième mission permet aux établissements scolaires et aux personnels d’éducation de faire appel aux CEFISEM. Ceux-ci apportent une aide dans l’élaboration de réponses adaptées aux situations propres à chaque établissement. Des actions d’information et de formation initiale et continue peuvent donc être mises en place. Les formateurs des CEFISEM apportent conseil et soutien aux équipes pédagogiques que ce soit pour l’élaboration de projets pédagogiques ou pour la recherche dans les établissements. Ses interventions ont lieu en direction des personnels divers ayant des relations avec les enfants migrants : enseignants des structures d’accueil, enseignants de langue et de culture d’origine, personnel en formation initiale. Les formateurs CEFISEM interviennent également auprès des équipes pédagogiques, éducatives, d’animation et d’encadrement des établissements accueillant des élèves d’origines différentes dont les difficultés paraissent liées au milieu social et culturel, en particulier dans les ZEP. Des actions peuvent aussi être mises en place en direction des personnels extérieurs aux établissements scolaires mais en rapport avec les enfants et leur famille (administrations, associations, éducateurs, formateurs, travailleurs sociaux…). Les thèmes des actions varient suivant les besoins exprimés. Accueil des primoarrivants et organisation interne des établissements permettant unebonne intégration scolaire des élèves sont les principaux sujets d’intervention. Cependant, les CEFISEM agissent aussi pour la promotion de l’ouverture culturelle, les relations entre le milieu familial et le milieu scolaire, les problèmes d’orientation, la lutte contre les difficultés scolaires, l’accompagnement scolaire et périscolaire. Les interventions des CEFISEM couvrent donc plusieurs domaines.
Le CEFISEM, également producteur d’outils d’information et de méthodologie avec l’appui des Centres Régionaux de Documentation Pédagogique (CRDP) ou des Centres Départementaux de Documentation Pédagogique (CDDP), est un centre de documentation spécialisé pour la scolarisation des enfants non-francophones. Enfin, les CEFISEM agissent en direction des personnels des différentes administrations, associations, travailleurs sociaux ayant des relations avec les populations immigrées. Si le champ d’actions des CEFISEM est spécifique, il est primordial que ses applications doivent être en accord avec la politique éducative de l’académie. Le recteur d’académie est donc le garant des mesures de formation et d’information de ces centres. En effet, la circulaire de 2002 précise que c’est le recteur qui arrête et impulse la politique académique relative à l’intégration scolaire des enfants et des jeunes nouvellement arrivés en France ou issus de familles du voyage. Le bon fonctionnement de la mise en place decette politique demande non seulement une bonne connaissance de ces besoins mais aussi une bonne articulation entre les différents servicesacadémiques et leurs actions. Cela nécessite également l’implication de l’ensemble des responsables pédagogiques etadministratifs.
Cas du CEFISEM de Toulouse
Avant de s’intéresser aux problématiques soulevées par l’analyse des archives du CASNAV de Toulouse, il semble utile de décrire le fonctionnement et l’orga nisation du CEFISEM de Toulouse grâce à l’analyse des archives communiquées par le CASNAV de Toulouse. Le CEFISEM de Toulouse a été créé en 1980 pour être un Centre de formation et d’information pour les enseignants et les différents acteurs en relation avec les enfants immigrés. Le statut actuel du CASNAV est un statut rectoral, ce qui permet une souplesse d’interventions et d’actions. Les crédits sont attribués par le rectorat et sont utilisés pour le fonctionnement du centre : achat de matériel informatique, téléphone, secrétariat, abonnements, achat de documents et livres, rétribution des intervenants extérieurs et déplacements des formateurs du CEFISEM. L’équipe pédagogique est composée de quatre formateurs, deux pour le premier degré (un formateur nouveaux arrivants, un formateur enfants du voyage) et deux pour le second degré (un formateur nouveaux arrivants, un formateur enfants du voyage).
Les missions du CASNAV de Toulouse ont évolué comme l’illustre les entretiens réalisés avec les formateurs du CEFISEM/CASNAV de Toulouse. En effet, afin d’étayer mes recherches sur le CEFISEM de Toulouse, j’ai interviewé d’une part, l’ancienne directrice du CEFISEM de Toulouse, Madame Françoise Vassal, ancienne enseignante à l’IUFM de Toulouse ainsi que Monsieur José Ségura, formateur au CASNAV nouveaux arrivants chargé du premier degré. Ces entretiens vont me permettre de retracer des évolutions et d’effectuer des comparaisons entre la structure CEFISEM des années 1990 et celle de nos jours. Afin d’analyser ces deux entretiens, la réalisation d’un tableau comparatif m’ a semblé adéquate pour retracer ces évolutions (cf. Annexe n°3 Tableau comparatif des entretiens des formateurs du CEFISEM/CASNAV). Tout d’abord, on constate que les publics auprès desquels sont amenés à intervenir les formateurs sont les mêmes : enseignants du premier et second degré.
Cependant, Mme Vassal intervenait aussi auprès des Enseignants de Langue et de Culture d’Origine (ELCO) et des éducateurs du contingent, au contraire Mr Ségura travaille avec des enseignants ainsi que les personnels intervenant dans le cadre du soutien scolaire. Le soutien scolaire est donc devenu une dimension importante pour accompagner la scolarisation des ENAF, ce qui est visible dans l’analyse des stages proposés par le CEFISEM de Toulouse.
Les fonctions des formateurs consistaient à des missions de conseils, d’organisation de stage et de gestion de la documentation. Des liens existent avec d’autres services et organismes d’état ou académiques. En effet, le CEFISEM collabore avec la préfecture, le service d’aide sociale aux immigrés, l’Université du Mirail, une convention le lie aussi avecle Fond d’Action Sociale. Les actions du CEFISEM concernent le premier degré, du CP au CM2, mais également le second degré, surtout le collège, les enseignants de langue et de culture d’origine, ainsi que la formation continue. Les interventions sont réalisées en direction de publics différents, les formations concernent aussi bien les professeurs d’école, les enseignants de lycée et collège et de lycée professionnel ainsi que les conseillers principaux d’éducation. Des stages sont également organisés pour les secrétaires, les attachés d’administration, les infirmières, les médecins… c’est à dire toutes les personnes susceptibles d’être en contact avec les enfants primo-arrivants ou tziganes et leurs familles. Les différentes formations assurées par le CASNAV peuvent être sous forme de stages, dans le cadre de la formation continue, ou de cours lorsqu’il s’agit de la formation initiale. La mise en place de ces interventions se fait dans le cadre du Plan Académique de Formation et du Plan Départemental de Formation. Les actions des formateurs concernent principalement la formation. L’information représente une part minime du rôle du CEFISEM. Les formateurs ne sont pas assez nombreux pour pouvoir assumer les différentes tâches recommandées par les circulaires. Les actionsde formation sont réalisées à la demande des écoles, des IEN ou de l’IUFM. Les thèmes des formations sont assez variés mais concernent tous les problèmes de la scolarisation des migrants : approche institutionnelle (classes spécifiques, suivi des enfants…), approche interculturelle de la pédagogie, approche sociologique des publics de deuxième ou troisième génération, maîtrise de la langue. Le rôle du CEFISEM est également d’assurer une aide auprès des enseignants de Clin et de CLA et d’assurer un suivi de ces classes. Les formateurs ont les mêmes moyens à disposition mais Mr José Ségura souligne qu’il n’y a plus de budget de fonctionnement depuis quelques années ni de secrétariat ce qui génère beaucoup de travail administratif.
Les CASNAV ont donc des statuts et des structures diverses selon les académies.
Cependant, leurs rôles et missions sont régis par les mêmes textes officiels depuis leur création et répondent ainsi à la commande publique. L’analyse des archives du CASNAV de Toulouse nous permet de nous intéresser plus particulièrement aux actions de ce centre à destination des ENAF ainsi que des enseignants de classes spéciales. Celle-ci a contribué à soulever plusieurs hypothèses quant à sa participation à l’intégration des ENAF à l’école républicaine par le biais de la formation des enseignants de classes spéciales. En effet, on peut constater une demande croissante de formation de la part des enseignants de classes spéciales d’après l’analyse de ces sources. Après avoir présenté un état des lieux des outils pédagogiques offerts aux enseignants, nous verrons que ceux-ci rencontrent des difficultés à enseigner au public des ENAF et sont donc en recherche constante de formation afin d’assurer leur intégration à la société française.
Une demande de formation croissante de la part des enseignants
Avant de débuter cette partie, présentons les dispositifs d’accueil des ENAF. La Circulaire » Modalités d’accueil et de scolarisation des nouveaux arrivants non francophones d’âge scolaire » de 2008 vise à clarifier les procédures d’accueil et à unifier la prise en charge des nouveaux arrivants d’âge scolaire dans les huit départements de l’académie de Toulouse. Cette circulaire indique qu’un temps d’accueil individualisé de l’enfant et sa famille est impératif. Le niveau scolaire acquis dans le pays d’origine et les compétences en français doivent faire l’objet d’un bilan personnalisé. Pour cela, l’élève est reçu avec sa famille par la cellule d’accueil départementale c’est à dire le CASNAV de l’académie lorsqu’il en existe une, sinon cet accueil est fait dans l’établissement scolaire où l’élève est inscrit. Un entretien et la reconstitution du parcours scolaire antérieur permettent à la fois de faire un bilan et de présenter le système scolaire du pays d’accueil. À l’école élémentaire comme dans les collèges et lycées, les élèves sont obligatoirement inscrits dans une classe ordinaire correspondant à leur niveau et à leur âge, avec un décalage d’un ou deux ans au plus. En parallèle, ils peuvent être regroupés dans une classe d’initiation à l’école élémentaire ou dans une classed’accueil en collège/lycée pour un enseignement quotidien de la langue française. La durée d’accueil dans ces classes spécifiques, variable selon les besoins de chaque élève, ne dépasse pas un an.
L’objectif est qu’ils puissent intégrer, le plus rapidement possible, les enseignements dans une classe ordinaire. La mise en place d’un Programme Personnalisé de Réussite Educative (PPRE) peut être un outil efficace. Dans tous les cas, une articulation étroite entre le maître de Clin et celui de la classe de rattachement de l’élève est primordiale. La circulaire précise que le suivi de ces élèves est un élément essentiel du dispositif. L’année suivant leur arrivée en France est souvent la plus difficile pour les élèves non francophones. Ils ont en effetintégré une classe ordinaire et doivent à la fois combler des lacunes dans différentes disciplines et maîtriser rapidement la langue de scolarisation qui permet l’entrée dans les apprentissages. Pour assurer ce suivi, l’outil mis à disposition des enseignants est le livret de compétences de l’élève allophone qui fait référence au socle commun (items : écouter et comprendre, dire, lire, écrire, outils de la langue, autonomie et initiative, méthode de travail, capacités de socialisation).
Enfin, elle souligne la prédominance du rôle du CASNAV de Toulouse dans l’accueil et l’intégration des ENAF.
L’évolution des actions du CEFISEM pour répondre à ces attentes et la réception des enseignants
Les deux formateurs interviewés du CASNAV de Toulouse soulignent une forte demande de soutiens pédagogiques de la part des enseignants et indiquent que celle-cia fait évoluer les actions du centre pour répondre à leurs besoins. Mme Françoise Vassal souligne beaucoup de détresse chez les enseignants et chez les ENAF qui se trouvent désemparés par le manque de formation et de supports pédagogiques. Le centre s’est cependant adapté aux sollicitations des enseignants, ce qui confirme l’hypothèse émise lors de l’analyse des archives du CASNAV de Toulouse : le centre a multiplié ses actions de formation. En effet,au regard de l’analyse des correspondances, on remarque que le CEFISEM de Toulouse tente de répondre aux demandes de formation des enseignants. La lettre n°1 de 1982 montre que le CEFISEM de Toulouse compte intervenir à Carcassonne auprès des institutrices de Grande Section de Maternelle ainsi qu’auprès des principaux des Collèges d’Enseignement Secondaire. De même, l a lettre n°4 de 1987 indique que suite à la circulaire n° 86-121 du 13 mars 1986 portant sur les missions et organisation des CEFISEM, le CEFISEM de Toulouse organiseen 1987-1988 la Formation Initiale obligatoire de 27 heures intitulée : » La scolarisation des enfants de migrants et d’origine étrangère ». La lettre n°15 de 1992 informe que des stages destinés aux enseignants d’école maternelle, primaire et de Section d’Education Spécialisée concernant la Culture Tsigane et la Culture Maghrébine sont organisés par la formatriceCEFISEM Solange Denègre. La Lettre n°16 de 1992 propose que conformément à la demande du Recteur d’Académie, il soit donné en formation initiale une large information sur les structures d’accueil des élèves étrangers dans le système éducatif français. Le CEFISEM offre alors plusieurs formations aux enseignants au sein de l’IUFM. Malgré l’extension de son réseau institutionnel afin d’intégrer les ENAF au système scolaire français, le CEFISEM de Toulouse a rencontré des difficultés de mise en œuvre.
Les difficultés rencontrées par le CEFISEM de Toulouse
Le CEFISEM : petite structure faisant l’objet de nombreuses sollicitations
Les rapports d’activités révèlent que le CE FISEM rencontre des difficultés. En 1981, les contraintes matérielles dues à l’absence de secrétaire occasionnent de lourdes pertes de temps, ce qui engendre un doublement du volume horaire normal de travail, ce qui confirme le surmenage des formateurs du CEFISEM évoqué dans la lettre n°6. Il faut savoir que le CEFISEM est composé d’une équipe de trois formateurs permanents issus des différents corps d’enseignants, des personnels éducatifs, affectés à titre provisoire pour un an puis par période de trois ans renouvelable. L’équipe est assistée de formateurs associés ainsi que d’intervenants extérieurs. Le recteur désigne un membre de l’équipe de formateurs comme interlocuteur des Autorités Académiques et départementales après avis du Directeur de l’Ecole Normale.De plus, les trois bilans d’action de 1987-1988 à 1989-1990 présentent des données quantitatives quant aux actions proposées par le CEFISEM de Toulouse. Ils révèlent que le total des heures effectuées par les trois formateurs (formation, information et réunions) est en nette augmentation, il passe de 1036 heures à 1114 heures en trois ans. Le nombre d’heures de formation subit une évolution similaire, il est de 650 heures en 1987 -1988 et de 778 heures en 1989-1990. De même, le nombre total des stagiaires éducation nationale et hors éducation nationale s’accroit également : il passe de 1064 en 1987-1988 à 1226 en 1989-1990.
Ces données chiffrées témoignent de l’augmentation des formations proposées par le CEFISEM de Toulouse mais aussi du » surmenage » des formateurs CEFISEM constatés par l’analyse des correspondances, des rapports d’activités ainsi que des stages proposés par le CEFISEM de Toulouse.
Lors de l’entretien réalisé avec Mr Ségura, formateur actuel au CASNAV de Toulouse celui-ci souligne qu’il n’y a plus de budget de fonctionnement depuis quelques années ni de secrétariat ce qui génère beaucoup de travail administratif. Il ajoute que les moyens humains sont très limités. L’hypothèse du surmenage des formateurs du CASNAV se vérifie alors encore aujourd’hui.La tache du CEFISEM est donc lourde, petite structure composée de trois formateurs, faisant l’objet de nombreuses sollicitations, les demandes augmentent sans cesse.
Cette idée révélée par les rapports d’activités vient confirmer notre hypothèse exprimée précédemment concernant une demande croissante de la part des enseignants. Enfin, avec un personnel restreint, les rapports d’activité révèlent que le CEFISEM de Toulouse dispose d’une marge d’autonomie limitée, par rapport à l’importance des besoins de formation et à la multiplicité des cibles. La dimension donnée par les textes officiels à la structure CEFISEM, celle qui prend le CEFISEM de Toulouse par les sollicitations dont il est l’objet dépasse largement le cadre d’une petite cellule de formation spécialisée fonctionnant dans l’Ecole Normale. Le champ d’activités des CEFISEM, par extensions successives, est passé des problèmes de scolarisation des enfants de migrants à ceux de » la prise en compte par le système éducatif, des caractéristiques socio-culturelles des enfants issus de milieux minoritaires, comme facteur de réussite « . Cela vient conforter l’hypothèse de la complexité et la multiplicité des publics pour lesquelles les actions du CEFISEM sont destinées.
Une multiplicité et une » confusion » des actions et des publics
L’étude des correspondances nous permet d’établir une hypothèse sur les publics pour lesquels est destinée l’action du CEFISEM de Toulouse. Dans la lettre n°5 de 1987, Max Laffont demande au directeur des Editions des outils pédagogiques pour l’enseignement du français pour les enfants, les adolescents mais également pour les adultes étrangers. De même, la lettre n°12 de 1989 informe que le CEFISEM de Toulouse continue à participer à l’insertion des personnes percevant le R.M.I. en collaboration étroite avecle Conseil Généra l de la Haute-Garonne. D’après la circulaire de 1986, le CEFISEM participe à la scolarisation des enfants de migrants, pourquoi les personnes touchant le R.M.I. sont-ils concernés ? S’agitil de personnes étrangères ou d’origine étrangère? Dans la lettre n° 17 de 1992, en pièce jointe, on trouve une fiche mission du CEFISEM de Toulouse dans laquelle il est indiqué que « son action prend aussi en compte les élèves dont les difficultés scolaires tiennent à la distance linguistique et culturelle existant entre l’école et leur milieu » et plus seulement les enfants issus de l’immigration. De par ces constats, on peut faire l’hypothèse d’une confusion ou d’une multiplicité des actions et des publics concernés par l’action du CEFISEM de Toulouse.
En effet, les ENAF ne sont plus l’objet seul des actions du CEFISEM, celui -ci prend désormais en compte les enfants d’origine étrangère et nés en France mais également les élèves scolarisés en ZEP.
De plus, le champ d’action, les interventions ainsi que les partenariats du CEFISEM sont nombreux et ne cessent d’augmenter de 1991-1992 à 1996-1997 comme le témoignent les grilles de dépouillement des bilans d’action. En effet, le rapport d’activités du CEFISEM concernant les élèves en difficulté de 1986 révèle que le champ d’activités des CEFISEM, par extensions successives, est passé » des problèmes de scolarisation des enfants de migrants à ceux de la prise en compte par le système éducatif, des caractéristiques socioculturelles des enfants issus de milieux minoritaires, comme facteur de réussite « . Peut-on établir l’hypothèse qu’il s’agit là d’une politique d’égalité des chances, ou de discrimination positive ? Cela va au-delà des enfants non francophones et ne relève pas du droit commun, qui est le même pour tous mais du droit spécifique, ce droit est donc destiné à une catégorie de population particulière, spécifique. De plus, le CEFISEM de Toulouse a déplacé ses priorités comme on peut le voir en analysant les bilans d’actions : il accorde désormais moins d’action à la construction de projets favorisant l’insertion des enfants étrangers dans les écoles, et plus à l’enseignement du Français Langue Etrangère et au soutien des acteurs des ZEP. En 1981, la mise en place des ZEP débouche sur une demande de formation du CEFISEM. Il faut savoir qu’au départ le CEFISEM de Toulouse était peu associé au projet ZEP, le suivi des stagiaires n’était que partiel, la pratique de classe est restée quasi -nulle selon le rapport d’activité de 1981. Dans les années 1990, le CEFISEM de Toulouse a été associé à la prise en charge de nouveaux besoins puisqu’il participe au groupe de pilotage académique ZEP depuis 1991. Il accompagne le développement des ZEP, la prévention de la violence, les actions partenariales et répond à des besoins éducatifs spécifiques. Selon F. Lorcerie, « ces infléchissements ont été rendus possibles dans une période où les nouveaux arrivants en France étaient moins nombreux et les efforts à réaliser en faveur de leur intégration scolaire moins importants, depuis quelques années, la tendance s’est inversée et des évolutions notoires sont constatées : les jeunes qui arrivent de l’étranger sont plus nombreux « .
Du fait de cette augmentation, le CEFISEM s’est-il consacré en priorité à faciliter l’intégration scolaire des nouvea ux arrivants ?
Par ailleurs, Françoise Lorcerie nous informe que la loi n° 2000-614 du 5 juillet2000 relative à l’accueil des gens du voyage permet la mise en place de nouvelles aires de stationnement et, en conséquence, crée des conditions plus favorables à une amélioration de la scolarisation des enfants du voyage.
|
Table des matières
Introduction
I. Institution et commande publique
A. Les CEFISEM, rappel historique
B. Structures et statuts
C. Rôles et actions des CEFISEM/CASNAV
II. Une demande croissante de formation de la part des enseignants
A. Etat des lieux des outils pédagogiques proposés aux enseignants
B. Les difficultés des enseignants à enseigner dans les classes spéciales
C. Une recherche de formation pour enseigner aux ENAF
III.L’évolution des actions des CEFISEM pour répondre à ces attentes
A. Les difficultés rencontrées par le CEFISEM de Toulouse
B. L’extension du réseau institutionnel du CEFISEM
C. La réception des enseignants quant à ces formations
Conclusion
Liste des sigles utilisés
Corpus de sources
Bibliographie commentée
Annexes
Télécharger le rapport complet