L’utilisation des nouvelles technologies au travail a considérablement évolué ces dernières années. Les nouvelles technologies ont changé notre façon de travailler, d’apprendre, de vivre et de penser. Il s’agit d’une évolution du support de l’information qui a induit une révolution culturelle, sociale et cognitive (Serres, 2011). Plusieurs travaux de recherches se sont intéressés rapidement à l’étude de l’impact de ces nouvelles techniques de stockage, de traitement, d’émission et de réception de l’information sur l’économie et sur le plan organisationnel. Toutefois, les recherches qui portent sur l’impact des nouvelles technologies sur les individus (leurs habitudes, leurs comportements, leurs pratiques au quotidien, leurs identités professionnelles, leur stress au travail et leurs représentations du monde social dans lequel ils évoluent), sont beaucoup moins nombreuses.
En effet, l’impact économique des nouvelles technologies est plus facile à mesurer que leur impact social qui relève beaucoup plus de la subjectivité des personnes, de leur vécu professionnel, de leur histoire de vie au travail ainsi que de leurs rapports avec soi et avec les autres (Roberts, 2008). Dans cette perspective, l’intérêt de toute recherche qui porte sur l’utilisation des nouvelles technologies est d’améliorer leurs usages et de comprendre comment elles agissent sur les individus (Lasfargues, 1993 ; Proulx, 2005). Dans notre recherche, nous nous proposons d’étudier l’impact de l’utilisation des technologies de l’information et de la communication sur les conseillers des missions locales en région BasseNormandie.
Les missions locales sont présentes dans l’ensemble du territoire national en France. Depuis plus de trente-cinq ans, les 450 missions locales continuent d’accueillir des jeunes en difficultés d’insertion sociale et professionnelle. En 2013, plus de 534 000 jeunes ont bénéficié des services publics des missions locales. Le nombre des jeunes reçus par les conseillers est en augmentation de 5% par rapport à celui en 2012 et de 10% par rapport à leur nombre en 2011 (Bonnevialle, 2014). A l’origine de leur création en 1982, le rapport de Schwartz (1981) a déterminé leur intervention comme sociale, professionnelle, globale, locale, temporaire et avec des effectifs limités. Depuis, les missions locales ont été confrontées à l’évolution du contexte socio-économique, à l’évolution des jeunes et à l’évolution des pratiques professionnelles notamment l’utilisation accrue des nouvelles technologies au travail.
L’évolution de l’histoire des missions locales
Les missions locales, qui à l’origine avaient la vocation temporaire de diminuer le taux de chômage élevé des jeunes par la formation, la qualification et l’insertion professionnelle, sont devenues, aujourd’hui, un acteur majeur et un partenaire incontournable des institutions de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes non scolarisés. Ce chapitre présente l’évolution de la commande publique notamment l’évolution des politiques et des dispositifs d’insertion des jeunes. Il développe le lien entre l’évolution de la commande publique et l’évolution des pratiques professionnelles.
Les politiques sociales d’insertion des jeunes
Le rapport fondateur des missions locales
Au début des années quatre-vingt, les lois et les politiques ont renforcé les dispositifs de la formation et de l’emploi. Les travaux de Schwartz (1981) sont à l’origine de la création du réseau des missions locales. Schwartz (1981) formule les concepts de base et définit le cadre juridique des politiques de l’insertion des jeunes adultes dans les missions locales. Schwartz (1981) insiste sur l’importance de la participation active des jeunes dans le choix de leurs parcours d’orientation professionnelle. La commande publique était de créer un lieu unique de prise en compte de la vie du jeune dans sa globalité.
Schwartz (1981) souligne que le taux de chômage des jeunes est nettement supérieur à celui des adultes et que les jeunes occupent des emplois précaires. Afin de remédier à cette situation difficile des jeunes, Schwartz (1981) propose trois axes d’action : Premièrement, il propose de garantir aux jeunes une qualification professionnelle et sociale notamment par l’alternance formation-production et l’élaboration de projets de formation individualisée. Deuxièmement, il s’agit de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes par le partage du travail (par exemple un jeune peut remplacer un adulte de plus de 55 ans) et la création de nouvelles activités et emplois. Troisièmement, il suggère d’associer les jeunes à la vie de la cité. Schwartz (1981) précise que le mode d’intervention doit être global mais adapté à des situations locales. En ce sens, l’intervention des missions locales est envisagée comme temporaire, locale et avec des équipes légères. Les mesures proposées concernent l’emploi, la formation, la santé, le logement, les relations des jeunes avec les médias, les loisirs, etc. Camberlein (2011, p.369) précise que : « Le rapport de Schwartz avait préconisé la création de guichets uniques pour l’accueil, l’orientation et l’accompagnement social et professionnel des jeunes en difficulté, privilégiant ainsi l’approche globale des besoins des jeunes. Telle est la mission principale des missions locale ».
L’approche globale s’articule autour de quatre points : le partenariat local, des interventions pluridisciplinaires (formation, emploi, santé, etc.), le caractère innovant des actions et le développement social et économique local. Il s’agit d’une action sociale et locale c’est-à-dire au niveau de la ville ou de la région. Bregeon (2008, p. 9) précise que : « Le mot mission doit mettre l’accent sur la dimension de l’action pour le bien commun et s’opposer au moins symboliquement à la production de nouvelles structures qui, tôt ou tard, s’institutionnaliseraient. Le mot local entend souligner que la priorité est bien à la prise en compte du contexte d’un territoire, c’est-à-dire le plus souvent celui d’une ville ». Schwartz (1981) souligne que l’approche globale prend en considération l’ensemble des difficultés du jeune. Il est question de détecter les problèmes qui peuvent freiner l’insertion sociale et professionnelle du jeune, puis, de l’orienter vers un autre partenaire social plus spécialisé. La mission locale est un partenaire dans le processus d’insertion sociale et professionnelle des jeunes parmi plusieurs d’autres et sa vocation est d’assurer l’accueil des jeunes en vue de leur proposer une formation qualifiante, un stage ou un emploi. Rocard (1987) souligne que les différents partenaires doivent traiter les jeunes comme des adultes et que l’objet de l’orientation professionnelle est de leur apporter une réponse individualisée.
Les missions locales sont des organismes chargés d’aider les jeunes adultes dans la construction d’un projet professionnel. Il s’agit d’un service public d’insertion professionnelle et sociale des jeunes adultes en difficultés qui tient compte de l’aptitude et des compétences de l’individu ainsi que de son intérêt pour un métier. Pour chaque action d’insertion sociale ou professionnelle, les missions locales ont la possibilité d’ajuster leurs actions en fonction de la situation économique locale. Dans cette perspective, les missions locales conçoivent des actions d’aide sociale en fonction des besoins du jeune. Les aides sociales peuvent avoir plusieurs formes comme l’aide à la mobilité, les aides financières, les actions de formation sur la santé, la prévention des maladies et le suivi psychologique des jeunes. Les conseillers informent les jeunes sur leurs droits et leurs obligations civiques. Ils facilitent leurs démarches de recherche de logement. Ils interviennent auprès des jeunes hospitalisés pour une longue période ou les jeunes incarcérés. Ils conçoivent des actions d’information sur les formations et sur les métiers. Les missions locales participent à l’élévation des niveaux de qualification des jeunes adultes en leur proposant des formations qualifiantes.
Leur action vise plus particulièrement l’augmentation du niveau de formation des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme ou sans bagage suffisant pour exercer un métier. Il s’agit d’identifier les besoins de formation du jeune et d’entreprendre des actions de recherche de formations qualifiantes. Les conseillers aident le jeune à construire son parcours professionnel. Ils l’aident à prendre conscience de ses compétences. Ils retravaillent avec lui son projet de vie. Ils lui permettent de découvrir son environnement, le tissu économique local et les possibilités de l’emploi dans une ville ou une région. Les conseillers réalisent un suivi continu des jeunes stagiaires, suivi dont le but est de s’assurer de l’intégration du jeune dans l’entreprise. Dans cette perspective, les conseillers proposent des services aux jeunes dans trois domaines : professionnel, social et vie sociale. Par exemple, les conseillers aident les jeunes à définir leurs projets professionnels, à trouver une formation professionnelle et dans leurs recherches d’emploi. Aussi, les conseillers organisent des ateliers d’informations sur la santé et la recherche de logement. Les conseillers informent les jeunes sur les activités culturelles, sportives et de loisirs.
Les dispositifs d’insertion des jeunes des missions locales
En 1989, le nombre des jeunes sortis du système scolaire sans qualification a dépassé les 100000 jeunes. Dans ce contexte, l’Etat a créé un dispositif de formation appelé le crédit formation individualisé (CFI) qui s’adressait aux jeunes adultes de 16 à 25 ans sans qualification. Le crédit formation individualisé consistait à engager les jeunes dans une démarche de formation individualisée alternant formation qualifiante et développement des compétences professionnelles. Il permet aux jeunes d’atteindre une qualification et d’apprendre un métier. Schwartz (1990) considère le crédit formation individualisé comme une seconde chance. Brégeon (2008, p.11) souligne que le nombre de jeunes ayant suivi cette démarche de formation a rapidement dépassé les financements prévus.
|
Table des matières
INTRODUCTION
Cadre théorique
Chapitre I : L’évolution de l’histoire des missions locales
Introduction
1. Les politiques sociales d’insertion des jeunes
1.1. Le rapport fondateur des missions locales
1.2. Les dispositifs d’insertion des jeunes des missions locales
1.3. Le suivi de l’activité professionnelle des conseillers.èrs des missions locales
2. Les conseillers.ères des missions locales : le statut professionnel, la formation et les pratiques
3. Les caractéristiques des jeunes des missions locales
3.1. La situation professionnelle des jeunes
3.2. Les stratégies de recherche d’informations et les préoccupations des jeunes
Conclusion
Chapitre II : Représentations sociales, pratiques et identités
1. Les caractéristiques des représentations sociales
1.1. La contribution de la théorie des représentations sociales
1.2. Les spécificités des représentations sociales
1.3. Les fonctions des représentations sociales
1.4. La genèse des représentations sociales
2. La structure interne des représentations sociales
2.1. La théorie du noyau central
2.2. Les éléments périphériques
3. La dynamique des représentations sociales
3.1. Le changement de l’environnement et la stabilité des représentations sociales
3.2. Les pratiques nouvelles et la transformation des représentations
4. Les transformations de l’identité professionnelle
4.1. L’identité professionnelle
4.2. Les liens entre l’identité et les représentations sociales
4.3. Les pratiques nouvelles et la transformation des identités professionnelles
5. Les dimensions de l’identité professionnelle des conseillers.ères des missions locales
5.1. Des militants : une relation d’aide et un travail sur autrui
5.2. Des exécutants de la commande publique : un travail institutionnel
5.3. Une identité professionnelle peu saillante
Chapitre III : Risques psychosociaux et nouvelles technologies
1. Les risques psychosociaux
1.1. Les conceptions physiologiques
1.2. Le modèle de Cooper et Marshall
1.3. Les conceptions transactionnelles
1.4. L’approche causaliste de stress
1.4.1. Le modèle de Karasek
1.4.2. Le modèle de Siegrist
1.5. L’approche psychodynamique du stress
1.6. Les liens entre le sentiment d’efficacité personnelle et la perception du stress
2. Les nouvelles technologies
2.1. Une révolution culturelle, sociale et cognitive
2.2. Les technologies de l’information dans les services d’orientation professionnelle
3. Les déterminants du stress professionnel technologique
3.1. La surcharge informationnelle et communicationnelle
3.2. La surcharge cognitive
3.3. Le sentiment d’urgence
3.4. Les relations au travail
3.5. L’interface « vie au travail-vie privée »
Conclusion
Chapitre IV : Problématique, hypothèses générales
1. Problématique générale
2. Les hypothèses générales
CONCLUSION