Depuis de nombreuses années, l’évaluation fait partie des principales préoccupations du système éducatif français. Trop souvent considérée comme injuste et inefficace, il est compliqué pour les professionnels de l’éducation de savoir comment « bien » évaluer (Merle, 2014). De nombreuses recherches ont été faites, et ce dès 1930, suite à l’étude effectuée par Laugier et Weinberg (« La docimologie », s.d.). Cette dernière a mis en avant l’incertitude qui subsiste face à la notation réellement différente de plusieurs copies d’un correcteur à l’autre, en l’occurrence pour des copies du baccalauréat (« La docimologie », s.d.).
Plus récemment, le gouvernement a affirmé sa volonté de faire évoluer l’évaluation en milieu scolaire. En effet, dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la république (2013), le gouvernement a rappelé la nécessité de faire évoluer les modalités de la notation, « pour éviter une notation-sanction à faible valeur pédagogique et privilégier une évaluation positive, simple et lisible, valorisant les progrès, encourageant les initiatives et compréhensible par les familles » (Hollande et al., 2013, p. 37). Le gouvernement insiste ainsi sur le fait que l’évaluation positive doit permettre à l’enseignant de constater où l’élève en est dans l’acquisition des connaissances et des compétences vues en classe, tout en rendant compte de la progression de chaque élève (Hollande et al., 2013).
Suite à cela, en décembre 2014, Najat Vallaud-Belkacem – alors ministre de l’Education Nationale – a relancé la question de l’évaluation avec le lancement officiel de la conférence nationale sur l’évaluation des élèves. De cette conférence a découlé un rapport de jury proposant plusieurs recommandations pour une évaluation permettant aux élèves de mieux apprécier leurs progrès et ainsi de vouloir progresser, tout en leur évitant de perdre confiance en eux (Klein et al., 2014). En d’autres termes, cette conférence souhaitait faire émerger la « perspective d’une évaluation qui stimulerait les élèves, au lieu de les décourager » (Hadji, 2015, p.30-31). En effet, l’évaluation, dans notre système éducatif, est mal vécue par une grande part d’élèves qui la subissent et ne la considèrent pas comme un outil leur permettant de constater leurs progrès (Antibi, 2003). Cette dernière a de nombreuses répercussions négatives sur les élèves, parmi lesquelles figurent la perte de confiance en soi, le mal être à l’école, le stress, etc. (Antibi, 2007). Comme dit précédemment, l’évaluation est au cœur de divers questionnements dans le système scolaire actuel, tant sur sa forme que sur l’effet négatif qu’elle engendre chez certains élèves. Il me paraissait ainsi intéressant d’orienter ce mémoire sur le stress généré par les évaluations sur les élèves.
L’évaluation dans le système scolaire français
L’évolution de l’évaluation dans le système scolaire français
Dans le système scolaire français, l’évaluation du travail de l’élève est apparue relativement tôt, dès que l’instruction publique a été répandue (Castincaud & Zakhartchouk, 2014). A cette époque, un système provenant des Jésuites alliant à la fois compétition et diverses stimulations existait. Les élèves n’étaient pas notés, mais un ordre était établi et les faisait apparaître dans un classement, similaire à ce que l’on connaît aujourd’hui dans les classes préparatoires aux Grandes Ecoles (Castincaud & Zakhartchouk, 2014). C’est avec l’arrêté ministériel du 5 juillet 1890 que la France adopte la notation chiffrée de 0 à 20. Cette dernière aurait dû être supprimée suite à la circulaire de 1969, dans laquelle il est stipulé que la notation chiffrée ne découle que sur un classement linéaire, la montée de l’individualisme, et qu’elle ne permet pas d’atteindre son objectif premier, à savoir permettre à l’élève de constater ses progrès (Circulaire n° IV-69-1 du 6 janvier 1969). De plus, cette circulaire recommande aux chefs d’établissement et aux enseignants des premier et second degrés de substituer à l’échelle de notation une échelle simplifiée, constituée à partir d’appréciations globales. Les appréciations proposées sont « très satisfaisant, satisfaisant, moyen, insuffisant, très insuffisant, auxquelles on peut faire correspondre, si on le juge bon, les symboles A, B, C, D, E ou 1, 2, 3, 4, 5 » (Circulaire n° IV-69-1,1969, paragr.13). Néanmoins, dans cette circulaire, Edgar Faure – Ministre de l’Education Nationale à l’époque– ne se prononce pas aussi catégoriquement pour les classes de CM2, de troisième ou de terminale (c’est-à-dire les classes d’examen), qui ne sont pas concernées par ces mesures « jusqu’à nouvel ordre » (Circulaire n° IV-69-1,1969, paragr.18).
Peu d’années après, la circulaire du 9 juillet 1971 va à l’encontre de cela, en stipulant que les résultats pour les classes d’examen seront exprimés sous forme de notes allant de 0 à 20, sans pour autant exclure d’autres appréciations (« Des évolutions de notation difficiles », 2014). Selon un rapport de l’inspection générale de l’Education Nationale sur la notation et l’évaluation des élèves (2013), l’évaluation chiffrée a connu un réel recul dans le premier degré. Cela s’explique en partie par la succession de deux lois, à savoir la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 et la loi du 23 avril 2005, l’une instaurant les cycles à l’école maternelle et élémentaire ; l’autre créant le socle commun (Inspection générale de l’Education Nationale, IGEN, 2013). La nouveauté apportée par la création du socle commun est l’organisation de l’enseignement en compétences. Ainsi, l’évaluation de ces compétences ne se traduit plus par une notation chiffrée, mais par des appréciations, à savoir « acquis », « non acquis », « en voie d’acquisition» (IGEN, 2013).
Les nombreux changements de position et les avis divergents font de l’évaluation un sujet récurrent de l’actualité en matière d’éducation (Hadji, 2015). C’est pour faire de l’évaluation « un véritable outil de réussite qui permette à tous les élèves de mieux mesurer les progrès qu’ils réalisent dans leurs apprentissages, de prendre confiance dans leurs capacités et d’identifier leurs difficultés pour y remédier » (Ministère de l’Education Nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, 2014, paragr. 1), que l’ancienne Ministre de l’Education Nationale – Najat Vallaud-Belkacem – met en place une conférence nationale sur l’évaluation des élèves, le but étant d’aboutir à un rapport de jury répondant à cinq grandes questions.
Enfin, plus récemment, avec l’instauration du Livret Scolaire Unique en 2016, le gouvernement a souhaité créer un outil simplifié, permettant de « rendre compte aux parents des acquis de leurs enfants et restituer ainsi une évaluation plus complète et exigeante » (« Le livret scolaire unique du CP à la troisième », paragr. 1). Force est de constater que l’évaluation est un sujet qui questionne depuis de nombreuses années. En 1922, Henri Piéron crée la docimologie, pouvant aussi être appelée science des examens et des concours (Connac, Duvert & Zakhartchouk, 2014). Hadji (2015) expose les trois principaux acquis de cette science, à savoir premièrement que les notes ne sont pas fiables car ces dernières diffèrent en fonction du correcteur ; deuxièmement, le jugement du correcteur peut être altéré par plusieurs paramètres appelés les causes de biais (place de la copie dans la pile de copies à corriger, note attribuée à la copie précédente, a priori sur la personne ayant fait l’évaluation, etc.) ; troisièmement, la « nécessité de se délivrer du mythe de la note vraie » (Hadji, 2015, p. 21).
Evaluer, qu’est-ce que cela signifie ?
Il convient tout d’abord de définir l’acte d’évaluer. Pour Hadji (2015), l’évaluation repose sur deux mécanismes fondamentaux. Le premier est l’acte de régulation, ce qui signifie que pour que l’évaluation prenne sens, il faut qu’elle ait pour but de repérer des éléments permettant par la suite « d’intervenir dans le déroulement d’un processus pour le conduire vers un but. » (Hadji, 2015, p.83). Dans l’enseignement, ce but est la maîtrise de connaissances et de compétences (Hadji, 2015). Pour mesurer le degré de maîtrise des élèves, le professeur récolte des informations lui permettant de « juger » la situation de chaque élève. De cela découle un ajustement des contenus proposés, afin de réduire l’écart entre la maîtrise de chaque élève et le but attendu (Hadji, 2015). Le second est l’explicitation claire et précise des attentes du professeur, sans quoi il ne peut y avoir d’évaluation rigoureuse (Hadji, 2015).
De la notion de jugement énoncée ci-dessus découle la notion de valeur. Lomonède (2014) et Hadji (2015) émettent une réserve quant à cette dérive qui peut découler de l’évaluation. Le premier dit de l’évaluation qu’elle a « bien à voir avec un jugement de valeur, que ce soit à l’égard du travail, de la moralité mais aussi de la personne en tant que telle ! » (Lomonède, 2014, p. 22). Hadji (2015), souligne le fait que l’évaluation ne devrait pas être considérée comme un instrument de mesure, et que les notes ne mesurent pas « quelque chose qui serait de l’ordre de la valeur scolaire » (Hadji, 2015, p. 23).
La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République indique que « dans l’enseignement primaire, l’évaluation sert à mesurer la progression de l’acquisition des compétences et des connaissances de chaque élève. » (Hollande et al., 2013, p. 12). Une autre dimension de l’évaluation est mentionnée dans la circulaire n° IV-69-1 de 1969, à savoir le fait que l’évaluation « permet au maître d’orienter de manière plus efficace les directions de son action » (Circulaire n° IV-69-1, 1969, paragr. 11). Ce dernier point apparaît également dans le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation (2013). Ainsi, pour ce faire, le professeur doit différencier son enseignement en fonction des besoins de ses élèves (référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation, 2013).
Ainsi, l’évaluation sert d’indicateur pour différents acteurs, comptabilisés au nombre de trois par Hadji (2015). Tout d’abord, l’évaluation est utile pour le professeur (Circulaire n° IV-69-1, 1969 ; De Vecchi, 2014 ; Hadji, 2015). Cette utilité se manifeste sous différentes formes, allant de la vérification de la validité de l’enseignement (De Vecchi, 2014), au besoin de se rendre compte des acquis mais aussi des difficultés des élèves (Hadji, 2015). De plus, l’évaluation est utile aux parents d’élèves car elle leur permet d’avoir un regard sur ce qui est effectué en classe ainsi que sur les acquis de leurs enfants (Hadji, 2015). De façon plus générale, Hadji (2015) souligne le fait que l’évaluation permet à la société d’avoir un regard sur le système scolaire (pour savoir par exemple où en sont les élèves dans une région ou un établissement, à travers des évaluations nationales, les évaluations PISA, etc.). Le dernier acteur est le groupe des élèves (Hadji, 2015). L’évaluation devrait leur permettre de voir leur travail apprécié, leurs efforts reconnus, leur progression retracée (Circulaire n° IV-69-1, 1969), ou encore leur permettre de questionner leurs acquis ou lacunes, de cibler les points qu’ils doivent travailler en priorité, et ce afin de leur permettre d’entrer dans une dynamique d’autoévaluation (Hadji, 2015). Cette dynamique d’autoévaluation est possible lorsque la forme d’évaluation choisie par le professeur le permet .
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Table des matières
I. Introduction
II. Cadre théorique
2.1 L’évaluation dans le système scolaire français
2.1.1 L’évolution de l’évaluation dans le système scolaire français
2.1.2 Evaluer, qu’est-ce que cela signifie ?
2.2 Les différents types d’évaluation
2.2.1 L’évaluation diagnostique, en amont des apprentissages
2.2.2 L’évaluation formative, au cours des apprentissages
2.2.3 L’évaluation sommative, en fin d’apprentissage
2.2.4 L’autoévaluation
2.3 Les effets de l’évaluation sur les élèves
2.3.1 L’évaluation porteuse de stress pour les élèves
2.3.2 L’évaluation porteuse de pression de réussite pour les élèves et leurs familles
2.3.3 Le statut de l’erreur
2.4 Le rôle du professeur des écoles
2.5 Problématique et hypothèses
III. Méthodologie
3.1 Population
3.2 Outil
3.3 Procédure
IV. Résultats
4.1 Description des résultats
4.2 Analyse des résultats
V. Discussion
Conclusion
VI. Bibliographie
VII. Annexes