Aurelius Augustinus est le vrai nom de Saint Augustin (354-430). Né à Thagaste (Souk Ahras, Algérie), le 13 Novembre 354, il est mort à Hippone (Annaba), le 28 Août 430. Cet homme a vécu à une époque bien plus proche de celle de Jesus- Christ que de la nôtre. Son père est un païen, tandis que sa mère, sainte Monique est une fervente chrétienne. Par son éducation, Augustin dispose dans son âme du sentiment profond et indéniable du salut prêché par le Christ. A cela, s’ajoute la lecture de l’Hortensius de Cicéron (106-43 av JC) que Saint Augustin avait lu à l’âge de 19 ans. La couleur sapientiale du contenu de cet ouvrage l’avait enflammé d’amour. Cette lecture dissipe les égarements dans sa jeunesse. Il s’interroge ainsi sur l’origine du problème du mal. Cette même lecture lui fait comprendre que le bonheur est dans la passion de la vérité. De là, naît sa prise de conscience du rapport du monde à Dieu, réconfortant son malaise intérieur. Dans Les Confessions, Augustin affirme :
« C’est de telles fantasmagories que je me nourrissais alors, que je n’étais pas nourri. Mais vous, ô mon amour en qui je détaille pour être fort, vous n’êtes ni ces corps que nous voyons même dans les cieux, ni ceux que nous ne voyons pas sur terre, car c’est vous qui les avez crées, et vous ne les rangez pas parmi vos plus hautes créatures ».
Dans le même ouvrage, il insiste sur la qualité spécifique de la bonté du créateur :
« ils se trompaient non seulement sur vous, qui êtes vraiment la vérité, mais aussi sur les éléments de ce monde, […], même quand les philosophes ont dit vrai, j’ai dû les dépasser par amour de vous, ô mon père qui êtes souverainement bon et la beauté de toutes les beautés » .
L’évolution de la pensée augustinienne vers l’absolu
L’Incarnation de l’amour dans l’esprit d’Augustin
Dans leur Dictionnaire de philosophie, Gérard Durozoi et A.Roussel explique comment l’amour interpelle une force différente des sentiments humains : « L’amour est une vision qui nous renvoie à une pluralité des sentiments » . Par là, tout sentiment naturel pourrait différer de l’affection qu’un enfant a pour ses parents. Mais ce terme renvoie également à d’autres interprétations en philosophie. Dans le Banquet, par exemple, Platon parle des mystiques de l’amour, lesquels s’expriment par une ascension érotique. Par une sorte d’enthousiasme divin, le désir amoureux conduit l’âme jusqu’à l’Idée du Bien. Ces mystiques de l’amour traduisent donc l’élévation de l’esprit vers les formes les plus intellectualisées. Les scolastiques, dont Saint Thomas d’Aquin et Saint Augustin, l’isolent par la distinction entre « amour de concupiscence » et « amour de bienveillance ». A leurs yeux, ce dernier a une portée morale et spirituelle : l’«amour chrétien a seul ordre vers Dieu ». Ici, repose le but que tout un chacun doit éprouver dans leur vie. De ce fait, nous pouvons même dire que l’amour produit une joie accompagnée de la représentation d’une cause extérieure. Voilà pourquoi, pour Descartes, « L’amour est une émotion de l’âme causée par le mouvement des esprits qui l’incite à se joindre de volonté aux objets qui lui paraissent être convenables » . C’est-à-dire que, pour Descartes, l’amour associe donc un désir convenable de l’âme à un sentiment de causalité.
Toutefois, dans la langue littéraire, l’amour désigne un sentiment très intense, exprimant la tendresse et l’attirance physique d’un individu vers quelqu’un d’autre. Dans cette perspective, cette notion nous renvoie à un mouvement de dévotion, de dévouement qui nous porte, certes, vers une autre personne, mais aussi vers une divinité, un idéal ou vers une autre personne. Cependant, dans une perspective trinitaire à laquelle nous voulons orienter le concept d’amour, nous pouvons sans doute parler de l’amour de Dieu sans crainte de déviation. Nous nous demandons ainsi comment se réalise l’amour d’une personne absolue qui n’a besoin de rien d’autre pour être lui-même. De cette interrogation, se dégage une autre, celle touchant l’impossibilité comme un don total. Pourtant, la révélation de l’amour de Dieu est don total.
Dans la façon de voir l’amour comme un sentiment intéressé de toutes les actions humaines,Pascal ajoute que tout sentiment d’amour traduit l’état de péché par la « mort de Dieu » .
En ce sens, ces différentes notes assignées à l’amour renvoient à l’idée que cet amour repose sur trois facteurs essentiels qui s’interpellent. Tout acte d’amour fait appel à la volonté, à la bonté et à la liberté des hommes animés d’un attrait mutuel pour agir. Ce que l’Apôtre Jean affirme, quand il dit : « Par là, tous sauront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour entre vous » . De ce fait, la fidélité envers le maître témoigne de la volonté associée à la bonté du cœur. Et par ce verset, nous retenons l’idée que, par l’amour, les hommes peuvent s’unir pour suivre une même direction .Cela est exprimé par l’écrivain pilote Saint-Exupéry pour qui « aimer, c’est se regarder l’un et l’autre vers une même direction » .
C’est dans cette perspective que Saint Augustin cherche à établir, par la raison, les motifs du commandement d’amour. La question est ainsi de savoir : comment les spéculations de Saint Augustin rattachent l’idée biblique de la création à la béatitude et à l’ordre. Et l’enjeu du problème est de comprendre comment sa pensée de l’amour exprime une tradition psycho – ontologique dominée par la présentation d’un Dieu considéré par lui comme souverain Bien. Sous l’influence grandissante de la conception biblique et, particulièrement, philosophique, la pensée de notre auteur veut remonter à la source même de l’amour chrétien : amour divin transmis par le Saint-Esprit. Effectivement, cet amour est dans la personne du Christ qui prescrit la miséricorde divine dans le cœur de tous les hommes. C’est ainsi que Saint Augustin a saisi la source de cette incarnation qu’il entrevoit d’ailleurs à travers la conception biblique de l’amour par Saint Ambroise. En effet, c’est Ambroise qui lui a expliqué, d’une façon toute nouvelle, la Bible. Dès lors, Augustin a saisi la clarté biblique par Ambroise. Voilà pourquoi, par une recherche opiniâtre, sa pensée s’éleve progressivement pour découvrir le sens spirituel de l’amour. Et il s’élevait, comme d’un coup d’aile jusqu’au sens spirituel qui était caché pour lui. Saint Augustin y parvient alors par la lecture de divers passages de l’Ancien Testament concernant l’interprétation littérale de la mort.
La Recherche objective de l’aimable
Dans les explications précédentes, nous avons tenté de montrer comment l’amour est ainsi incarné dans l’esprit d’Augustin. Dans le présent travail, nous nous soucions de faire un parcours suivi par Augustin et qui a conduit à la sensation d’amour. Ce chemin a engagé toute la vie de notre auteur. Il y a lieu de rappeler qu’à travers ses recherches, Augustin veut identifier ce qui caractérise l’être aimable à travers les Ecritures Saintes et l’enseignement de l’Eglise. C’est ainsi que, par ses méditations profondes, il s’efforce de s’élever jusqu’à l’objet d’amour. Son milieu familial et social fut, pour Augustin, une véritable école de perfection chrétienne. De cette atmosphère exceptionnelle, Augustin devient spontanément un modèle, ayant suivi l’exemple de son entourage. Consolidé par l’affection que lui a offert sa mère, il considère l’amour comme source de l’éternité. A l’amour de sa mère, s’ajoute l’illumination gracieuse de Dieu, laquelle suscite en lui ce qu’on doit parfaitement aimer. Ce cheminement vers Dieu fait naître en lui le sentiment miséricordieux : synthèse de la vie intérieure et de la spiritualité. Augustin a constaté ainsi que la valeur spirituelle vient du primat absolu de l’amour, lequel exprime l’affection de l’enfant envers sa mère ou celui de Dieu envers ses créatures. Rien n’est alors évangélique que ce primat d’amour. C’est la raison pour laquelle le christianisme est, pour Augustin, une religion d’amour. Cette idée est affirmée dans la Bible à travers les propos de Deutéronome :
« Ecoute, Israël, tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toutes tes forces, c’est là le premier et le plus grand des commandements. En lui, se résument la loi et les prophètes » .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : L’INTINERAIRE DE LA CONSCIENCE FACE A LA DECOUVERTE DE DIEU PAR L’AMOUR
Chapitre I : L’EVOLUTION DE LA PENSEE AUGUSTINENNE VERS L’ABSOLU
I.1-1. L’incarnation de l’amour dans l’esprit d’Augustin
I.1-2. La recherche objective de l’aimable
I.1.3- Le besoin de la certitude face aux problèmes du mal
Chapitre II : LE DEVELOPPEMENT DE L’AMOUR A TRAVERS LES IDEES THEOLOGIQUES DE SAINT AUGUSTIN
II.2.1- De la conception théologique à l’idéal philosophique de Saint Augustin
II.2-2- La Connaissance de Dieu, condition de la connaissance de soi
II.2.3- Des fondements psychologiques et ontologiques à la vision spirituelle de l’amour
DEUXIEME PARTIE : DE LA COMMUNICATION EFFECTIVE DE L’ACTE DIVIN
Chapitre I : LE RAPPORT DE L’AMOUR ET DE LA LIBERTE
II.1.1- Le mal et le libre arbitre
II.1.2- La grâce divine confère à l’homme sa liberté
II.1.3- L’amour chrétien découle la liberté par la charité divine
Chapitre II : LES CONDITIONS DE LA REALISATION DE L’AMOUR
II.2.1- Amour de soi-même et amour du prochain
II.2.2- Dialectique de la foi et de la raison
II.2.3- L’amour de Dieu : principe de la vie spirituelle
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE