À l’origine de la tragédie : la tragédie grecque
La tragédie est un genre théâtral qui remonte à l’antiquité, elle est née en Grèce au VI e siècle av. J-C ; c’est la plus ancienne forme de théâtre au monde. Sa forme littéraire achevée apparait à Athènes, au cours du Ve siècle. Selon les spécialistes, Son origine religieuse est une certitude, liée au culte de Dionysos. Parmi ceux qui se sont intéressés à la tragédie grecque, nous citons Jacqueline de Romilly, qui confirme que : « la tragédie grecque a sans doute une origine religieuse. Cette origine était encore fortement sensible dans les représentations de l’Athènes classique. Et celles-ci relèvent ouvertement du culte de Dionysos ». Les tragédies étaient jouées à Athènes à l’occasion des fêtes de Dionysos, célébrées chaque année au début de printemps. Il y avait aussi des concours de tragédie à la fête des Lénéennes qui se déroulait vers la fin de décembre. D’après l’étymologie du mot : tragédie, ou tragédien, grec tragodia, qui signifie, chant du bouc (pendant l’immolation du bouc), ce chant est associé à l’animal sacrifié en l’honneur de Dionysos, ainsi la tragédie est liée à une sorte de cérémonies sacrificielles dans laquelle, dix à quinze personnes, dans un chœur récitent un texte selon le même débit pour ponctuer le rythme de la tragédie.Le chœur qui est chanté et dansé, était présenté sur l’orchestra, qui est une plate-forme circulaire qui se trouve devant la scène, autour d’un autel. A se propos Jacqueline de Romilly a écrit : « L’orchestra, ou l’orchestre, au sens ou l’on dit : « fauteuils d’orchestre ». L’orchestre était une vaste esplanade de forme circulaire, dont le centre était occupé par un autel ronde dédié à Dionysos ; et cette esplanade était entièrement réservée aux évolutions du chœur » Les représentations se déroulaient toujours en plein air, dans la lumière du jour. Fréquemment les tragédies mettaient en scène des héros de la mythologie tels que Dionysos, Zeus, Œdipe. Selon J.de Romilly, dans son ouvrage, La tragédie grecque, les protagonistes qui interprétaient les rôles devaient porter des masques, pour représenter une référence, et montrer au publique le personnage jouait. Ces derniers affrontaient de violentes péripéties comme la guerre, le meurtre et la violence. La première représentation donnée aux Dionysies Athéniennes, remonte à 534 avant notre ère, mais la première tragédie soumise à l’appréciation et à l’étude par lesanciens était en 480 avant A-C, lors de la victoire remportée par les Athéniens sur les Perses. L’une des premières pièces conservées, fut créée par Eschyle en 472 avant J C,s’intitule les Perses, pour montrer la douleur des vaincus. Depuis les chefs-d’œuvre succèdes, et durent en tout quatre-vingts ans. L’ensemble de ces tragédies produites, ne sont connues dans leurs totalités que trente-deux tragédies : sept d’Eschyle, sept de Sophocle et dix-huit d’Euripide : « Autrement dit, quand on parle aujourd’hui de tragédie grecque, on se fonde entièrement sur les œuvres conservées des trois grands tragiques : sept tragédies d’Eschyle, sept de Sophocle et dix-huit d’Euripide […] le choix de ces trente-deux tragédies remonte, en gros, au règne d’Hadrien ». Ce nombre de tragédie est peu, si l’on pense à la production de tous les autres auteurs qui ont suivi, c’est peu aussi s’il on pense à la production des trois grands eux mêmes, avec quatre-vingt-dix tragédies d’Eschyle, plus d’une centaine de Sophocle, et qu’Euripide en avait écrit quatre-vingt-douze. En tout, on ne connait qu’une trentaine sur plus d’un millier.
La tragédie française à travers le temps
Après sa brillante éclosion dans le théâtre antique, le tragique se manifeste nettement dans la littérature française au milieu du XVIe siècle, grâce a la découverte de textes antiques, traduits et édités par les humanistes, tel que les textes d’Aristote, lesauteurs tragiques grecs et le théâtre de Sénèque. Au XVIIe siècle, la tragédie classique connait un grand épanouissement avec les pièces théâtrales de Racine et Corneille. La tragédie est dominée par la règle des trois unités qui sont celle du lieu, de temps et d’action, et elle est découpée en cinq actes. Nicolas Boileau explique les règles de la tragédie dans Art Poétique : « […] ses règles engage, nous voulons qu’aveart l’Action se ménage : qu’en un lieu, en un jour, en un seul Fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli ». À cela s’ajoute les règles de bienséance et de la vraisemblance. Le héros tragique, Racine le résume bien dans la première préface d’Andromaque de cette manière : « Et Aristote, bien éloigné de nous de nous demander des héros parfaits, veut au contraire les personnages tragiques, c’est-à-dire ceux dont le malheur fait la catastrophe de la tragédie, ne soient tout à fait bon ni tout à fait méchants » .Il ne veut pas choisir un héros bon, pour qu’il inspire la pitié et non pas l’indignation. Le hérosragique en littérature doit avoir des faiblesses qui le laisseront tomber dans le malheur à cause de quelques fautes.Par ailleurs, si les tragédies grecques cherchaient à provoquer chez les spectateurs la compassion et la terreur, les tragédies classiques sont dominées par le pathétique.George Forestier a émis : « il n’est pas d’autre appréhension du tragique au XVIIe siècle, qu’une quête du pathétique ».1Qui éveille la compassion en insistant sur les manifestations de l’émotion. Au dix-huitième siècle, la tragédie va s’atténuer et disparaitre, à part quelques tragédies de Voltaire qui manifestaitune admiration particulière à ce genre. Après la mort de Voltaire le drame va prendre la place de la tragédie.À partir du dix-neuvième siècle, le mot « tragique » se sépare de la tragédie, cette dernière déjà contesté au XVIII siècle, en particulier par le drame bourgeois de Diderot, un genre qui se situe entre tragédie et comédie. Il représente une peinture réaliste du milieu bourgeois dans le but d’émouvoir et de moraliser. Au début du dix-neuvièmesiècle, la tragédie qui ne correspond plus aux attentes de l’époque est remplacée par le drame romantique dans le sillage du drame bourgeois du dix-huitième siècle. Cette nouvelle forme de théâtre, développée par des auteurs aussi variés que Victor Hugo, Alexandre Dumas, Alfred de Vigny ou Alfred de Musset, refuse de se confronter aux règles d’écritures du théâtre classique comme larègle des trois unités, ou le respect de la bienséance. Le héros du drame romantique est passionné, et le dénouement, des pièces est comme celles de « RuyBlas de Hugo ou les principales pièces de Musset, en particulier Lorenzaccio, ce terminent par la mort ou l’échec des héros, comme dans les tragédies grecques »
Structure d’une intrigue tragique
Pour démontrer la structure de l’évènement tragique, nous devons d’abord étudier l’intrigue de notre roman. Cette dernière peut nous dévoiler le degré de dramatisation de ce récit. La sémiotique narrative part d’un constat :« Quels que soient le lieu et l’époque où elles sont nées, toutes les histoires se ressemblent. Entre l’Odyssée, Le père Goriot et Astérix, les parentés sontévidentes : dans les trois cas, un personnage cherche à réaliser un but et doit, pour ce faire, affronter une série d’obstacles. Que le héros d’Homère ait à lutter contre des êtres mythologiques, le personnage de Balzac contre l’indifférence de ses filles ou […] ne change rien à la constante de la structure ». En effet, tout récit est composé d’actions, qui ne peuvent avoir de signification que dans une totalité achevée, qui possède un début et une fin. Pour rendre compte de cet enchainement, et des rapports que peuvent avoir les actions ou les évènements, Vladimir Propp(Morphologie du conte) il s’est penché sur l’étude des contes russes, qui ont un socle commun constitué de d’un ensemble de trente et une fonctions qui engloberaient toutes les fonctions que pourraient avoir les actions d’un récit. Ce répertoire, bien qu’il soit très efficace pour l’étude des contes, il reste très difficile à appliquer sur l’œuvreque nous analysons. Donc les successeurs de Propp ont tenté de simplifier son modèle et de le généraliser sur l’ensemble des textes narratifs, parmi eux, le modèle de Paul Larivaille « l’analyse morphologique du récit » 1974. Pour cela, il faut appliquer le schéma quinaire sur l’intrigue afin de délimiter les situations principales, et de rendre compte de la complexité de l’intrigue de la chambre de la vierge impure. Les actions qui composent une intrigue suivent une organisation qui suscite l’intérêt des spécialistes. Ainsi Paul Larivaille définit-il le récit comme suite : « Un récit idéal commence par une situation stable qu’une force quelconque vient perturber. Il en résulte un état de déséquilibre ; par l’action d’une force dirigée en sens inverse, l’équilibre est rétabli ; le second équilibre est bien semblable au premier, mais les deux ne sont jamais identiques. Il ya par conséquent deux types d’épisode dans un récit ; ceux qui décrivent un état (d’équilibre ou de déséquilibre) et ceux qui décrivent le passage d’un état à l’autre » Donc selon Larivaille. P, l’intrigue se résume dans toute œuvre en cinq étapesqui sont : l’état initial, complications (forces perturbatrices), dynamique, résolution (forces équilibres), et état final. De cette façon nous allons rendre compte de l’enchainement et des rapports que peuvent avoir les actions ou les évènements.Avant d’appliquer ce schéma à notre roman, il faut rappeler que le roman d’Amin Zaoui, ne respecte pas la forme d’un roman traditionnel, car le livre est un ensemble de récits qui s’emboitent, ce qui perturbe la linéarité de l’histoire. En plus de cette technique de mise en abime. Les évènements s’articulent autour de deux récits. Au premier récit s’imbriquent d’autres récits par le recourt au procédé narratif de l’analepse, qui est « toute anachronie constitue par rapport au récit dans lesquels elle s’insère-sur lesquels elle se greffe- un récit temporellement second, subordonné au premier […] ». L’intrigue de notre corpus est complexe, car elle contient un ensemble de récits emboités. Un premier récit raconté par un narrateur (Ailane), et un second récit raconté par une autre narratrice (Sultana). Au premier récit, s’imbriquent d’autres récits racontés par le même narrateur, en sachant que dans le premier récit (cadre) il n’y a pas de relation explicite entre les deux niveaux d’histoire, c’est l’acte de narration qui remplit une fonction dans la diégèse indépendamment du contenu métadiégétique. Gérard Genette l’explique dans son ouvrage Figures III, comme suit : « la relation n’est plus qu’entre l’acte narratif et la situation présente, le contenu métadiégétique n’importe (presque) pas plus que le message biblique lors d’une action de flibuster à la tribune du congrès ». Puisque la narration dans le premier récit est un acte comme un autre, et que le contenu du récit métadiégétique n’est pas important, nous appliquerons le schéma quinaire sur les deux récits racontés par les deux narrateurs, Ailane, et Sultana.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : L’évolution de la notion du tragique dans la littérature
1. À l’origine de la tragédie : la tragédie grecque
2. La tragédie française à travers le temps
3. Le tragique, concept philosophique
Chapitre II : L’analyse des elements paratextuels
1. Le titre ou la référence à un espace tragique
2. L’illustration, une représentation paratextuelle tragique
3. La quatrième de couverture, témoignage d’une tragédie
Chapitre III : Le tragique romanesque : personnages, événements et contexte de violence
1. Les voix narratives et le récit d’une tragédie
1.1. Le personnage principal, Alaine héros tragique
1.2. Le schéma actantiel
2. Structure d’une intrigue tragique
2.1. Le schéma quinaire de l’intrigue
2.2. Le tragique dans l’intrigue
3. Le texte, le contexte et la violence
3.1. Un contexte de violence
3.2. Rendre compte d’une tragédie par le texte littéraire
Conclusion
Bibliographie
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