L’évocation de la mort

L’évocation de la mort

Matériel et méthode

Nous avons choisi la méthode qualitative pour explorer le vécu des internes et plus précisément la méthode des entretiens individuels afin d’avoir une parole la plus libre et spontanée possible. La population cible était les internes en 1ère et 2ème année de médecine générale à la faculté de médecine d’Angers. Les internes ont été recrutés par volontariat après invitation via la mailing list des internes en médecine générale à Angers. Devant le besoin de réaliser d’autres entretiens une nouvelle invitation a été réalisée lors d’un cours de module A en juin 2015 à la faculté d’Angers. Les entretiens ont été réalisés dans un lieu neutre laissé à la convenance de l’interne. Les entretiens individuels ont été semi-dirigés. Initialement nous avons explicité le déroulé et le caractère anonyme et enregistré de l’entretien. Le guide d’entretien (disponible en annexe), réalisé après lecture d’un ouvrage référent sur les entretiens qualitatifs (12) a été construit selon le schéma suivant : dans un premier temps laisser libre parole à l’interne en lui demandant de raconter un cas d’annonce de mauvaise nouvelle puis explorer les différentes étapes de l’annonce au travers de son récit (4).

Ensuite d’autres questions exploraient la formation antérieure ou future de l’interne, son ressenti quant à sa capacité à annoncer en tant que professionnel de soins primaires, son vécu personnel pour lui ou des proches d’annonces de mauvaises nouvelles. Enfin l’entretien se terminait par une invitation à ajouter un point qui lui paraissait important sur le sujet traité. La grille d’entretien a été modifiée après relecture de l’entretien test avec la directrice de thèse. Les entretiens ont été enregistrés puis retranscrits intégralement par écrit ultérieurement. Les verbatims obtenus ont été analysés afin d’en extraire des unités de sens puis des thématiques via une grille d’analyse. L’analyse a été faite en triangulation avec la directrice de thèse. Onze entretiens (disponibles en annexe) ont été réalisés entre 05/2014 et 07/2015, d’une durée allant de 15 à 35 minutes.

Réaction du patient par rapport à celle attendue

Plusieurs types de réaction du patient ont été décrits à travers les différentes annonces. Du mutisme pour l’interne n°1 « un très long silence et puis euh… des larmes très silencieuses en fait, il y avait pas de questions, il y avait pas de réaction verbale » et le n°5 « Il y a eu des gros blancs ». De la sidération pour le n°4 « On voyait au niveau de son visage, enfin elle s’est un peu figée quoi », le n°10 « il était pas mal dans la sidération, il était « bah qu’est-ce que je vais devenir » » et le n°11 « c’est vrai que ça l’a un peu tassé quoi ». Des pleurs pour le n°2 « elle a fondu en larmes ». De la surprise pour le n°3 « je crois que sa première réaction ça a été vraiment la surprise, du désarroi, quand je lui ai parlé de dialyse » et le n°9 « de la surprise parce que je pense qu’elle s’attendait pas forcément à quelque chose comme ça ».

Du calme pour le n°6 « je pense qu’elle devait être inquiète, mais elle maitrisait bien je trouvais, elle gardait bien son sang-froid » et le n°8 « il était, bah hyper calme, pas stressé, il avait bien compris pourtant ». Du désespoir enfin pour l’interne n°7 « elle m’a demandé de l’achever, (…) de faire ce que je pouvais mais de pas m’inquiéter ». Ces réactions ont pu étonner certains internes qui pouvaient s’imaginer des réactions différentes comme pour l’interne n°2 « je pensais qu’elle allait être très froide (…) je sais pas pourquoi ça m’a rassurée, peut-être que je me suis identifiée beaucoup, moi j’aurai réagi comme ça », le n°6 « ça m’a surpris qu’elle soit aussi calme », le n°7 « Je m’attendais pas du tout à cette réaction là en fait », le n°8 « moi j’étais un peu surpris de voir que ça se passe vraiment, tout, de manière lisse, qu’il y ait pas un peu de colère ou un peu d’inquiétude » ou le n°11 « c’est vrai elle s’est pas effondrée en pleurant ». Ces réactions ont pu également être mal vécues comme pour le n°7 « J’ai du retenir de pas (…) me mettre à pleurer », le n°10 « on avait presque les larmes aux yeux » et le n°9 « je me sentais pas très à l’aise ». D’autres ont modifié leur attitude, adapté leur discours, en réponse à cette réaction, attendue ou non : l’interne n°1 en respectant le silence « j’ai donné des mouchoirs à la maman, puis après le papa a commencé à pleurer aussi donc j’ai donné des mouchoirs au papa, je suis resté avec eux un moment en silence », le n°2 « j’ai essayé de la rassurer, de dédramatiser un peu les choses, de lui expliquer pourquoi c’était absolument nécessaire (la dialyse)» ou le n°3 « de lui expliquer le plus clairement possible, qu’effectivement c’était grave, et que enfin j’ai essayé (…) de lui expliquer dans des termes assez simples ».

Les actions mises en place pour effectuer l’annonce

Les internes rapportent avoir pensé au préalable la réalisation de leur annonce. On retrouve la notion du temps de l’annonce, que nous approfondirons plus bas. L’interne n°1 rapporte « Tout mon travail ça a été de faire en sorte qu’ils puissent prendre le temps, dans la pièce où on avait annoncé » et le n°10 dit s’être « mis dans une pièce dédiée, avec beaucoup de questions, du temps pour les silences, des mots, des vrais mots ». Celui-ci intègre aussi dans sa préparation le lieu de l’annonce comme l’interne n°6 « Finalement comme elle restait la nuit je savais qu’elle aurait une chambre seule donc je me suis dit que je ferai ça dans la chambre ». Deux internes ont pris en compte les tiers concernés. Par exemple l’interne n°10 dit avoir attendu « qu’il y ait toute la famille réunie ».

Regard critique sur leur récit

Deux étaient globalement satisfaits. L’interne n°3 « je vois rien que j’aurais pu faire différemment, donc c’était pas une annonce parfaite hein… mais là comme ça je vois pas » et le n°10 « là ça s’est très bien passé ». Parmi les motifs d’insatisfaction nous avons retenu tout d’abord le contenu de l’annonce en lui même, que ce soit le vocabulaire utilisé par l’annonceur comme pour l’interne n°7 « J’aurais peut-être demandé un peu plus à un chef de me dire exactement quels mots utiliser », le n°9 « j’aurais dit ponction lombaire déjà », le ton de l’annonce pour le n°11 « Je pense que j’aurais fait peut-être avec un petit peu plus de douceur » ou le contenu quantitatif de l’annonce pour l’interne n°8 « J’aurais peut-être pas expliqué tout de suite la chimio ». Le contexte de l’annonce a pu être décrit comme motif d’insatisfaction. Le lieu, le temps ou les personnes présentes au moment de l’annonce ont pu poser problème. Ainsi l’interne n°2 aurait souhaité « définir un moment, que elle (la patiente) puisse être ou non accompagnée de son mari parce que finalement elle était toute seule » et « une pièce dédiée ». La présence d’un tiers a également posé question au n°6 « je sais pas trop, si il fallait parler à la patiente toute seule ou si il fallait avoir quelqu’un avec, enfin, un accompagnant. »

Le temps entre le diagnostic su et le diagnostic révélé Ce laps de temps, pendant lequel l’interne connaît le diagnostic au contraire du patient, a pu être difficile à appréhender. L’interne n°6 a trouvé que ce délai était « une période un peu floue où il y avait des gens qui savaient, des gens qui savaient pas ». Alors le fait de différer l’annonce était délicat, toujours pour l’interne n°6 « ce qui allait pas être évident c’est de différer l’annonce entre le moment où moi j’ai su et le moment où (…) on a pu bien se mettre en condition pour lui dire » ou pour le n°7 « j’étais partagée entre l’idée d’attendre, d’avoir les informations, toutes les informations, voir si elle allait ou pas être transférée avant de lui annoncer parce que du coup j’étais obligée de lui donner une information complètement partielle », quitte à devoir mentir pour le n°6 « j’avais pas envie de lui dire dans le couloir les résultats que je savais donc je lui ai dit que, en fait c’est un peu un mensonge, enfin c’est un mensonge je lui disais que c’était en cours ». Par ailleurs, ce temps a pu être perçu comme trop court, l’interne pouvant se sentir dans l’obligation d’annoncer.

La raison était technique pour l’interne n°1 qui devait annoncer une fausse couche directement après la fin de l’examen échographique : « il y avait une sorte de télescopage entre le moment du diagnostic et le moment de l’annonce, ce n’était pas comme lorsqu’on reçoit par courrier un compte rendu anapath ou quelque chose comme ça, où on a le temps de préparer ses mots là il fallait tout de suite que je dise ce que j’avais vu ». Nous voyons ici que l’interne aurait eu besoin d’assimiler le diagnostic pour préparer son annonce. Cette obligation d’annoncer se faisait aussi ressentir chez l’interne n°7, cette fois ci en raison du pronostic vital de la patiente « Je me suis dit que je pouvais pas faire attendre plus longtemps parce que là, je voulais qu’elle soit informée avant, au cas où elle se dégrade ». L’initiation du traitement a été la raison invoquée par le n°2 « Il fallait qu’on aille assez vite parce qu’elle était assez jeune pour lancer tout le processus donc on a annoncé le diagnostic assez rapidement ». Enfin pour le n°5 c’était l’insistance du patient « Je savais pertinemment qu’on était un vendredi soir mais j’étais coincée ça faisait 3-4 fois qu’il me demandait ce qu’il y avait sur l’écho ».

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Table des matières

COMPOSITION DU JURY
REMERCIEMENTS
ABREVIATIONS
PLAN
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODE
RESULTATS
I) Caractéristiques entretiens
1) Population des internes
2) Caractéristiques des cas d’annonce
II) Thématiques
1) La représentation de l’annonce
1-Réaction du patient par rapport à celle attendue
2-Les actions mises en place pour effectuer l’annonce
3-Regard critique sur leur récit
4-Représentations de la place du médecin
5-Les mots pour décrire l’annonce
2) Le temps et l’annonce
1-Le temps entre le diagnostic su et le diagnostic révélé
2-La gestion de la temporalité lors de l’annonce
3) Les non-dits de l’annonce
1-Le non-dit et son interprétation
2-L’évocation de la mort
4) Un moment de solitude et d’incertitude
1-Le manque de certitudes
2-L’évocation de la solitude du patient/du médecin
3-Les mécanismes de défense de l’interne
5) Une compétence relationnelle
1-La relation avec le patient
2-L’effet sur l’entourage
6) La formation et la compétence à annoncer
1-Formation antérieure
2-Le débriefing avec le sénior
3-Le vécu personnel d’une annonce
4-Compétence à annoncer en tant que professionnel de soins primaires
5-Solutions envisagées
6-La construction de cette compétence
DISCUSSION
I) Critique de la méthode
1) La population étudiée
2) Les entretiens
3) Le guide d’entretien
II) Le vécu de l’annonce
1) La connaissance de la théorie confrontée à la mise en pratique
2) Les difficultés à l’annonce : nos résultats confrontés à la littérature
1-Représentation de l’annonce
2-L’information à transmettre
3-La pré et la post-annonce
III) La construction de la compétence à l’annonce
1) La formation
2) La mise en situation réelle
3) Représentations de ce qui améliorerait leur pratique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
ANNEXE n°1
ANNEXE n°2
SERMENT D’HIPPOCRATE

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