L’Evidence-Based Practice un défi pour les étudiants
Travail personnel
La préoccupation d’un système de santé plus performant et plus sécurisant pour la société a émergé dans les années 1970 dans le cadre des travaux d’Archibald Cochrane sur la notion de preuve (Stavrou, Challoumas, & Dimitrakakis, 2014). Pour plaider en faveur de la sécurité hospitalière, il a fallu mettre en place des stratégies pour un développement de la recherche et pour son utilisation par les professionnels (Brown et al., 2010). L’intégration de la recherche dans la pratique clinique a donné naissance à une approche appelée Evidence-Based Practice (EBP), traduite en français par la pratique fondée sur des résultats probants. Ainsi, le professeur Archibald Cochrane (1909-1988) est considéré comme le pionnier du mouvement de l’EBP (Stavrou et al., 2014). En 1972, il affirme que « les ressources disponibles en soins de santé seront toujours limitées et qu’en conséquence, elles devraient être utilisées pour offrir des soins dont l’efficacité a été démontrée par la recherche » (Goulet, Lampron, Morin, & Héon, 2004a, p. 12). Peu après son décès, une initiative internationale nommée « Collaboration Cochrane » voit le jour. Reynolds (2000) affirme qu’elle a comme mission d’accomplir et de diffuser des revues systématiques ainsi que des essais cliniques randomisés pour permettre de souligner les difficultés liées à l’application des résultats à la pratique (Goulet et al., 2004a). Aujourd’hui, la pratique basée sur des preuves est devenu le fondement de la discipline infirmière en matière de soins (Cruz et al., 2016, p.406). Cette pratique contribue à la résolution de problèmes cliniques basée sur les meilleures preuves scientifiques afin d’améliorer la qualité et la sécurité des soins (LoBiondo-Wood & Haber, 2014). Elle permet de justifier les actions des professionnels de la santé et d’avoir recours à des informations dont l’efficacité a montré certaines évidences par les recherches scientifiques consistant en une amélioration de la qualité des soins et une meilleure prise de décision concernant les besoins des patients (Goulet et al., 2004a). La qualité des soins est tributaire de la pratique réflexive, concept introduit par Schön en 1983. Cette pratique implique que les professionnels soignants exercent une réflexion dans l’action et sur l’action. Elle se développe au fur et à mesure des trois années d’enseignement spécifique et n’est pas acquise en début de carrière. La différence entre ces deux termes est importante : « la réflexion dans l’action » est un processus qui permet de s’autoréguler dans une action, tandis que « la réflexion sur l’action » est une analyse critique d’une action passée (Saint-Arnaud, 2001, p.19). L’EBP un défi pour les étudiants de la filière Soins Infirmiers de la HES-SO Valais/Wallis ? Ramos Pinto Stéphanie Page 6 7.1.2 Définition du concept de l’evidence-based practice Sackett et al. (1996) ont défini l’EBP comme « l’utilisation consciencieuse, formelle et judicieuse des meilleures preuves scientifiques dans les prises de décisions concernant les soins aux patients » [traduction libre] (p.71). Selon le Centre de Collaboration Cochrane le terme « consciencieuse » fait référence à la connaissance des sources d’informations, « formelle » signifie la traçabilité et la rigueur du processus de la recherche, et « judicieux » sous-entend l’utilité de l’information pour la pratique (Centre Cochrane français, 2011). Selon Stevens et al. (2013), « Les connaissances et les compétences de l’EBP sont essentielles pour les infirmières à tous les niveaux pour fournir des soins de santé sûrs et de qualité » [traduction libre] (comme cité par Rojjanasrirat & Rice, 2017, p. 49). 7.1.3 Le processus de l’evidence-based practice Le processus de l’EBP implique plusieurs étapes. Selon Melnyk et al. (2010) sept étapes sont nécessaires pour mettre en œuvre la pratique fondée sur des résultats probants. – Étape 0 : cette étape correspond à la pratique réflexive et sert à cultiver un esprit d’enquête. Elle implique un questionnement de la part des professionnels face à des problématiques rencontrées. Sans cet esprit d’enquête, les étapes suivantes ne pourront pas être atteintes. – Étape 1 : permet de formuler une question clinique selon la méthode PICOT ou la méthode PEO. La première comporte des informations précises sur l’acronyme : (P) Population, (I) Intervention, (C) Comparaison entre les interventions, (O) Résultats et (T) Temps. La seconde comporte des interrogations sur l’acronyme : (P) Population et leurs problèmes, (E) Exposition, (O) Résultats (Bettany-Saltikov, 2012). L’utilisation de ces deux méthodes permettra de cibler seulement les articles pertinents pour la question de recherche énoncée. – Étape 2 : consiste à utiliser les bases de données de recherche comme MEDLINE ou CINAHL pour rechercher les meilleures évidences sur le sujet qui nous intéresse. – Étape 3 : correspond à l’évaluation critique des écrits scientifiques. Une fois que les articles sont choisis pour l’étude, ils doivent être évalués pour identifier lesquels sont les plus pertinents, acceptables, fiables et adéquats pour la question PICOT/PEO initiale. – Étape 4 : permet d’appliquer les résultats dans la pratique, en fonction de l’expertise clinique. Dans cette étape, la pratique clinique est comparée avec la pratique décrite dans les écrits. – Étape 5 : correspond à la prise de décision basée sur les résultats. « Il est important de vérifier et d’évaluer tous les changements de résultats pour que des effets positifs puissent être soutenus et les effets négatifs corrigés » [traduction libre] (p.53). L’EBP un défi pour les étudiants de la filière Soins Infirmiers de la HES-SO Valais/Wallis ? Ramos Pinto Stéphanie Page 7 Pour ce faire, DiCenso, Cullum, & Ciliska (1998) proposent un modèle de prise de décision intégrant quatre composantes qui guident la prise de décision cliniques et pourraient agir sur la qualité des problèmes des patients : « les preuves de la recherche clinique », « les ressources disponibles », « l’expertise clinique » et « les caractéristiques / valeurs du patient ». La figure 1 montre que les résultats probants ne sont pas la source unique de connaissances
L’intégration de l’evidence-based practice dans la formation Bachelor en Soins Infirmiers
CREATE est « une grille de classification pour les outils d’évaluation de l’EBP dans l’éducation ». Elle a été créée par des délégués de la 5ème Conférence Internationale des Enseignants et Développeurs de Soins et Santé Evidence-Based (EBHC) tenue en Sicile en octobre 2009. Le but de cette grille est de « fournir un système de classification des nouveaux outils existants, et de fournir des définitions opérationnelles unifiées pour faciliter un langage commun dans l’évaluation de l’apprentissage EBP » [traduction libre] (Tilson et al., 2011, p. 9). Les auteurs de cette recherche prévoient que l’utilisation du cadre CREATE permettra aux enseignants et aux chercheurs une procédure efficace pour reconnaître les meilleurs instruments disponibles pour leurs nécessités. Cela comporte cinq étapes mettant en évidence les principes à saisir lors du développement de l’outil : 1. Réaction à l’expérience éducative : se réfère aux visions des étudiants sur la pratique d’apprentissage, y compris les aspects structurels ; 2. Attitudes et auto-efficacité : se renvoient aux valeurs données et aux jugements des étudiants à l’importance et à la fonction de l’EBP pour éclairer la prise de décision clinique ainsi qu’à l’aptitude d’effectuer une certaine activité ; 3. Connaissances et compétences : se renvoient au maintien des faits et des concepts par les étudiants à propos de l’EBP, tandis que les compétences se basent sur l’application des connaissances, idéalement dans la pratique ; 4. Comportement dans le cadre des soins aux patients : se renvoie à ce que les étudiants font vraiment dans la pratique ; 5. Avantage pour les patients : est l’objectif des interventions éducatives sur leur santé [traduction libre] (Tilson et al., 2011, p. 3-6). L’étude en cours de réalisation dans la filière Soins Infirmiers de la HES-SO Valais/Wallis utilise l’échelle Croyances fondées sur l’EBP réalisée par Melnyk et Fineout-Overholt en 2008. Ces auteurs se sont référés à la grille CREATE pour construire leurs 16 items. L’EBP un défi pour les étudiants de la filière Soins Infirmiers de la HES-SO Valais/Wallis ? Ramos Pinto Stéphanie Page 11 « Afin d’accélérer la pratique infirmière, les étudiants doivent recevoir des informations qui renforcent leurs croyances sur l’amélioration des soins et des résultats des patients, ainsi que des ateliers éducatifs interactifs qui améliorent leurs connaissances et compétences en EBP » [traduction libre] (Melnyk et al., 2004, p. 192). En Suisse, le Plan d’études cadre du programme Bachelor en Soins Infirmiers mis à jour en 2012 contribue au renforcement des connaissances et des compétences en EBP. En effet, l’EBP intègre depuis 2012 le référentiel de compétences de la formation initiale de la HES-SO Valais/Wallis, particulièrement dans la compétence A4 : « Baser ses pratiques sur le plus haut niveau de preuves scientifiques disponible et promouvoir le transfert des résultats de recherche dans la formation et la pratique » (PEC, 2012, p. 28). Cette compétence va permettre aux futurs infirmiers de : 1. Disposer des connaissances scientifiques essentielles pour prendre des mesures préventives, diagnostiques, thérapeutiques, palliatives et de réhabilitation ; 2. Adhérer aux méthodes de recherche scientifique dans le domaine de la santé et de la pratique basée sur l’EBP ; 3. Connaître les caractéristiques qui maintiennent et favorisent la santé et être capable d’apprendre les mesures qui contribuent à l’amélioration de la qualité de vie ; 4. Être aptes à maîtriser le raisonnement clinique et être capables d’élaborer des mesures qui s’introduisent de manière systémique dans la prise en charge et l’accompagnement de la personne ; 5. Être des acteurs du système de santé qui assure la qualité de la prise en charge selon les spécificités et une meilleure pratique de la profession (PEC, 2012, p. 21). Bien que le concept de l’EBP soit présent tout au long de la formation Bachelor en Soins Infirmiers à la HES-SO Valais/Wallis, en première année les étudiants n’ont que trois cours sur le concept de l’EBP au deuxième semestre. Ce n’est qu’en deuxième année qu’ils abordent réellement le concept avec deux modules sur la recherche scientifique nommés « Recherche 1 et 2 ». En troisième année, la recherche est mise en pratique dans le module « Travail de Bachelor ». Le programme est identique pour les étudiants en emploi (cf. Annexe IV). Malgré les modifications du programme Bachelor en Soins Infirmiers depuis 2012, aucune étude au niveau Romand s’est intéressée – à notre connaissance – à explorer les croyances et les connaissances sur l’EBP des étudiants en Soins Infirmiers de la HES-SO L’EBP un défi pour les étudiants de la filière Soins Infirmiers de la HES-SO Valais/Wallis ? Ramos Pinto Stéphanie Page 12 Valais/Wallis. Ont-ils des croyances et des connaissances en EBP solides pour leur future vie professionnelle ? Et qu’en est-il de l’évolution tout au long de la formation
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Table des matières
1 Résumé
2 Remerciements
3 Déclaration
4 Liste d’abréviations
5 Introduction
5.1 Motivations personnelles
5.2 Motivations professionnelles
5.3 Motivations économiques
5.4 Plan de l’étude
6 Section I : Description du projet de recherche
6.1 Titre du projet
6.2 Instance de financement
6.3 Requérant, co-requérant(s), assistants de recherches et partenaires du terrain
6.4 Résumé du projet
6.5 Problématique
7 Section II : Travail personnel
7.1 État des connaissances empiriques et théoriques
7.1.1 Historique de la pratique basée sur les preuves
7.1.2 Définition du concept de l’evidence-based practice
7.1.3 Le processus de l’evidence-based practice
7.1.4 L’utilisation de l’evidence-based practice
7.1.5 Concepts de croyances et connaissances de l’evidence-based practice
7.1.6 L’intégration de l’evidence-based practice dans la formation Bachelor en
Soins Infirmiers
8 Question de recherche
9 Méthode
9.1 Design de recherche
9.2 Population de recherche et échantillon
9.3 Instrument de recherche
9.4 Déroulement de la collecte de données
9.5 Plan d’analyse statistique
9.6 Composantes éthiques
10 Résultats
10.1 Échantillon
10.2 Données sociodémographiques et académiques
10.3 Scores totaux et des items de l’échelle sur les Croyances de l’evidence-based
practice
11 Discussion
11.1 Rapport avec les deux études de la pratique (Hôpital du Valais et Centre MédicoSocial)
11.2 Forces – limites et critiques de l’étude
11.3 Propositions pour la formation
11.4 Propositions pour la pratique
11.5 Propositions pour la recherche
12 Conclusion
12.1 Implication dans le projet de recherche
13 Références bibliographiques
14 Annexes
14.1 Annexe I : Clause de confidentialité
14.2 Annexe II : Tableau récapitulatif d’articles inclus dans la section « état des
connaissances
14.3 Annexe III : Grille d’analyse (Schultz) avec articles retenus
14.4 Annexe IV : Déroulement du programme d’étude 2017/2018
14.5 Annexe V : Échelle Croyances de l’evidence-based practice
14.6 Annexe VI : Questionnaire sociodémographique et académique
14.7 Annexe VII : Activités de participation au projet de recherche
14.8 Annexe VIII : Glossaire
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