LA NUDITÉ DANS UN CORPS A CORPS MUSCLÉ AVEC LA TÉLÉVISION : ENTRE MAUVAIS GENRE TÉLÉVISUEL ET PASSION MONSTRUEUSE
D’une manière générale, la société occidentale contemporaine cache, etce quasiment depuis nla Rome Antique, la nudité. Les vêtements en sont l’une des premières preuves (les Romains, à la différence des Grecs voyaient le port de l’habit comme un signe de distinction sociale entre les riches et les pauvres et les esclaves), là où d’autres sociétés d’Amérique latine ou d’Afrique pratiquent des activités comme la chasse ou les combats, nues . EnEurope (XVIIIe), les Lumières ont très vite associé nudité et sexualité, faisant du corps nu qui se dévoile un tabou. L’époque Victorienne (XIXe) a par la suite contribué à renforcer l’idée que la nuditéest une transgression qui doit être punie. Aujourd’hui, comme nous le disions, le port du vêtement est devenu la norme dans la plupart des sociétés contemporaines, et la nudité est renvoyée du côtéde l’intimité (la famille, les relations amoureuses, le contexte médical, les vestiaires d’une salle de sport, etc) et choque ou peut faire l’objet d’incompréhension quand elle est exhibée sur la place publique (les Fémen ont réussi à faire parler d’elles en se dénudant, les polémiques sur les camps naturistes, des photos dans un journal, etc). Cette double casquette que revêt le corps nu trouve son pendant dans la sphère médiatique, et la télévision s’est bien évidemment emparée de cet objet : publicité, information, jeu, télé-réalité, chaque époque et chaque type d’émissions a connu son quart d’heure de gloire ou sa catabase parce que des culs et des seins étaient montrés aux yeux de tous. Mais le corps nu à la télévision ressemble-t-il à mon corps nu ? Existent-ils des règles audiovisuelles ou télévisuelles de cette intime/ultime monstration ? Dans cette première partie, nous nous attacherons en effet à dresser un bref état des lieux socio-historique de la monstration de la nudité à la télévision en tentant de mettre en lumière la diversité des formats qui s’y sont attachés, les tensions que le corps nu peut soulever dans le débat public, et observerons les logiques à l’oeuvre dans le souci de visibilité qu’impose le «!tout écran!» de l’époque dans laquelle nous vivons.
Petite histoire du corps nu à la télévision : une culture de la nudité déjà bien en place
L’avènement de la télévision du divertissement
En France, les années 1980 marquent un tournant dans l’histoire de la télévision. Peu à peu, on quitte la télévision d’Etat, contrôlée, asservie par la parole politique, pour entrer dans l’ère de la télévision commerciale, l’ère du divertissement et de la publicité. L’ère aussi de la concurrence entre les chaînes, et de la privatisation de certaines (1987 pour TF1, Canal+ en 1984). C’est donc le début de la télévision spectacle, celle qui surprend, qui choque, qui amuse, qui fait vendre des produits de grande consommation, et qui voit émerger une bataille pour les audiences entre les chaînes en même temps qu’une affirmation d’identités fortes. A « ! l’esprit Canal ! », libre et audacieux, sans filtre, de Canal +, s’oppose par exemple une télé familiale qui n’a pas peur du ridicule avec TF1, ou une télévision à vocation davantage informative ou exemplaire avec Antenne 2. C’est donc au moment où l’espace médiatique se libéralise – notons ici à titre indicatif que l’un des pionniers du divertissement télévisuel et pas l’un des plus avares concernant le nu dans les émissions de télé, Silvio Berlusconi, lance la première chaîne italienne privée Canale 5en 1980), que la nudité commence son petit bonhomme de chemin sur le petit écran. Au Royaume-Uni, la télévision semble avoir trouvé une certaine stabilité depuis les années 1970, notamment grâce à la BBC (British Broadcasting Company,premier organe historique de télévision dans le monde, créée à la fin des années 1920) qui domine le paysage audiovisuel britannique, lui insufflant les valeurs de service public. A côté de la BBC, il y a le parc (qui s’est constitué progressivement) des chaînes privées, dont principalement ITV (création en 1954, première chaîne privée au Royaume-Uni, diffusée par le réseau ITV) et Channel 4 (création en 1982, affiliée à ITV, diffusion nationale). Channel 4 apparaît dans un contexte de désengagement de l’Etat dans le financement de la télévision britannique, et donc d’essor de la privatisation des médias. Notons que la chaîne est aujourd’hui semi-publique, et doit respecter un cahier des charges qui repose sur un mandat d’engagements auprès du service public . C’est sur Channel 4 qu’ont été diffusés certains programmes phares du paysage audiovisuel international, comme par exemple Deal or no deal(A prendre ou à laisser), Celibrity Big Brother (l’équivalent de La ferme célébrité) ou bien sûr Big Borther(Le loft). Si nous nous essayions à une comparaison plus ou moins hasardeuse, mais qui nous permettra de mieux comprendre pourquoi Naked Attractionnous a semblé être une étude de cas intéressante, Channel 4 est au Royaume-Uni l’équivalent d’un TF1 en France : une chaîne privée, qui a des obligations envers la société et qui se fait le relais d’un grand nombre de questions sociales, mais qui conserve une dimension « ! télé du divertissement ! » très ancrée dans ses gênes, voire qui n’a pas froid aux yeux (ni aux parties du corps…) en affichant des corps nu à des heures de grande écoute.
En France, Stéphane Collaro et ses Coco-girls sont une institution, et l’undes exemples de cette télévision qui se débride aussi vite qu’elle se dénude. Dans Co-co Boy (1982-1984) puis Cororicoboy (programme TF1, avant le journal télévisé de 20h, diffusé entre 1984 et 1987), des femmes se retrouvaient régulièrement nues sur le plateau, à une heure de (très) grande écoute. Et cette nudité faisait même partie de la mécanique de l’émission, dont l’une des séquences phares intitulée non sans signe évocateur et suggestif «!La Playmate!» faisait se dévêtir une «!jeune et jolie femme!» à la vue de tout le monde.
Seins nus et en string, c’est donc un corps de femme presque totalement nuqui s’affiche ici. C’est d’ailleurs le seul corps à montrer sa vraie couleur, les autres protagonistes de la scène (deux hommes et une femme) restant en costumes de travail. Dans ce sketch, l’impresario (l’homme) de la comédienne sexy paternalise son poulain, la rappelant à se condition de soubrette et de femmeobjet. C’est donc une «! télé de papa ! », où les blagues sont légères et le rire gras, qui émerge, dans une société encore à domination patriarcale où, globalement, ce sont les hommes qui font de la télé, pour les hommes. En témoignent la bande des Coco-girl, ces «! quatre jeunes femmes au physique avantageux qui dansent dans des tenues sexy et dévêtues ! ». Ce male gaze est important dans l’étude des corps nus à la télévision. Car il y a les corps qui se montrent, les corps qui se cachent, et ceux qui se font montrer. De manière assez globale, c’est cette dernière catégorie qui prédomine ici à la télévision française à cette époque. De TF1 à M6 en passant par Antenne 2, la femme nue est un accessoire dont la télévision grivoise – et pas que – dispose à ses aises. Dans un classement BuzzFeed sur les « ! 16 preuves que tout était permis dans la France des années 70 et 80 ! », on trouve par exemple trois extraits de l’émission La Famille à remonter le temps : Destination 80 (diffusion en 2016, sur M6) où une femme danse seins nus et en culotte devant deux hommes assis à leur table (Figure n°2), où l’animateur de Matin Bonheursur Antenne 2, tout habillé, masse les seins d’une femme en top-less pour montrer comment appliquer une pommade (Figure n°3) ; et enfin où, le JT de 13h de TF1 n’hésite pas à mettre à l’antenne les seins d’une femme dépassant sciemment de son déguisement (Figure n°4). Deux constats ici : il s’agit à chaque fois de femme, et la nudité n’est pas totale. La télévision affiche donc essentiellement le corps féminin en jouant sur une certaine sensualité (et sexualité) qui s’en dégage.
Des corps normés, ni trop gros, ni trop dénudés
Nous venons de l’observer, la nudité à la télévision est alors essentiellement féminine, car la télé est à l’image de la société, misogyne sur bien des points. La nudité apparaît ici comme un artifice pour illustrer un propos, faire vendre un produit, rendre plus sexy une information. Pour autant, c’est une nudité assez timide que la télévision dessine, bien loin du cinéma ou des téléfilms érotiques (à l’image du film de Just Jaeckin Emmanuelle, sorti en 1975, qui a donné suite à un bon nombre de séries et téléfilms dérivés du même personnage) où le sexe est davantage présent à l’écran, et pas seulement suggéré par des strings et des culottes échancrées. Cet artifice, la publicité l’a repris à son compte, pour les produits de beauté et d’hygiène dans un premier temps, mais également pour vendre des produits que la nudité ne met pas nécessairement en valeur. Pourquoi cela ? Le corps nu, féminin toujours, en tant qu’objet de fantasme et tabou cathodique, assure une publicité sans précédent, qui va marquer les téléspectateurs, en même temps que le corps érotisé de la mannequin participe d’un fantasme pour les hommes (qui se «!la feraient bien!») comme pour les femmes (qui pourraient chercher à s’identifier ou à se projeter dans ce corps «! de rêve! »). C’est le cas d’une publicité pour des chaussures Gourmet où une femme, après être apparuede façon sexy mais habillée ou en maillot de bain, se trouve finalement complètement nue, seules les diteschaussures aux pieds. Ce corps publicitaire, n’est pas le corps de Madame tout le monde, de même que les hommes qui font du rugby façon Dieux du Stade en caleçon DIM dans la publicité pour les sous-vêtements de la marque, ne représentent pas Monsieur tout le monde non plus. Ces corps dévêtus sont une projection fantasmagorique du corps beau, du corps sexy, du corps idéal. Pourquoi ne pas déshabiller davantage ces hommes et ces femmes ? Parce que le fantasme est justement ce que l’on ne peut atteindre, ou plutôt ce qui ne doit pas être accompli s’ilsouhaite garder sa nature. La nudité à la télévision c’est donc la suggestion d’un corps sexualisé avant toute chose. Nous sommes ici très loin de la promesse d’un programme comme Naked Attraction qui, comme nous allons l’étudier en deuxième partie de ce travail de recherche, est demontrer des corps tels que ceux que nous voyons le matin dans notre propre miroir. Paradoxalement, sont ainsi acceptés à la télévision des corps très érotisés, symboles de tous les désirs, plus que des corps qui se veulent faire écho à la société. La télévision n’autorise pas – ou très rarement, ou avec difficulté – la diversité des corps (couleurs, formes, tailles) ni la monstration des parties (très) intimes (nous ne rentrerons pas dans le débat ici de savoir si une poitrine ou des fesses font partie des parties très intimes d’une personne, nous parlerons uniquement du sexe). Et elle le fait par le biais de la normalisation des corps, comprendre ici un lissage vers ce que serait le corps parfait, celui qui est grand, musclé, fin, principalement blanc.
De même que les mannequins gardent leur sous-vêtement, le flouttage des parties intimes dans les émissions où le nudité est présente, participe de cette normalisation : tout le monde logé à la même enseigne. Ce flou tend en effet à effacer toutes les distinctions, tout ce qui fait qu’un corps est unique en son genre. La nudité n’est maintenant visible que si elle est flouttée. Peut-on donc parler de nudité à proprement parlé, ou devrions-nous forger un néologisme comme la «! floudité! » pour qualifier ces corps sans forme, ces corps qui n’ont finalement plus aucune matière, plus aucun corps. Ces corps qui n’ont plus aucun moyen d’expression et qui doivent à tous prix secacher. Et à quel prix ? Celui d’une éthique médiatique ? Celui d’un puritanisme sociétal ? Prenons ici un exemple pas si lointain : Inès, candidate de la saison 2020 de Koh-Lantaet infirmière sportive de 25 ans (comme il y en a chaque année dans le programme familial) au quotidien, s’est faite insultée sur les réseaux sociaux pour avoir porté un maillot de bain échancré , qui laissait apparaître – sans aucune vulgarité – le bord de ses fesses. Après avoir enflammé la toile malgré elle, et Inès de twitter «! Il faut se détendre, c’est juste une paire de fesses! les gars, on va redescendre, on va se calmer ! », l’émission a finalement opté pour remplacer le maillot de bain par un short cycliste, recouvrant donc largement son corps. Cette polémique, sans rentrer dans les détails d’un sexisme peut-être ambiant dans notre société qui n’est pas notre objet ici, montre bien que la télévision tout comme ses téléspectateurs ne sont pas prêts d’accepter une nudité intégrale. Qu’elle choque les moeurs ou pour toute autre raison, il y a une forme d’habitude qui s’est créée chez le téléspectateur : un mec avec des abdos saillants et un slip qui moule le sexe, OK, mais une femme qui participe à un jeu d’aventure nécessitant d’être en maillot de bain, attention. Les faitssont là. Le téléspectateur serait donc plus conservateur que le CSA lui-même, qui statue sur la pornographie à la télévision, mais pas la nudité. Nous vivons dans une société du tout écran, où les images sexy fleurissent sous nos yeux, mais dans laquelle les chaînes de télévision (peut-être parce que la télévision est doté d’un caractère sacré par rapport à Internet, ou parce que le petit écran rassemble encore les familles ensemble devant des programmes ?) doivent s’auto-censurer pour un maillot de bain. Avec
l’émission Adam recherche Eve, c’était un sacré pari que prenait la chaîne D8 (2015) lors de la diffusion en première partie de soirée du programme. Une première en France, qui n’a d’ailleurs pas été aussi concluante que les tentatives outre-manche. Ce qui nous intéresse ici, c’est ce qu’a répondu le directeur de l’antenne et des programmes de D8 Xavier Gandon, sur les raisons du flouttage des corps nus dans l’émission : « ! On s’est posé la question, par rapport au cadre légal, mais aussi par rapport aux habitudes des téléspectateurs, ce qu’il était bon de faire. Et on s’est dit qu’en France, on n’avait pas forcément l’habitude de voir de la nudité intégrale ! » ; corroborant ainsi notre hypothèse sur la question de cette habitude que n’a pas le public à voir des corps nus, frontalement, sans détourner les yeux ni s’exciter sur les réseaux sociaux.
Vers une « »dérive exhibitionniste »» de la télévision et de la société ?
Montrer l’intime, prouver sa valeur
Souvenons-nous du tollé qu’avait fait l’émission Secret Storyquand Cindy, candidate de la saison 3 (2009) s’était douchée nue en présence de garçons, dans la cabine dedouche transparente. TF1 avait évidemment floutté (une barre noire sur la poitrine et le sexe de la candidate) ses parties intimes, et la presse people s’était empressé de tacler Cindy «! d’exhibitionniste trash! » . Mais qui d’une candidate qui se douche nue, ou d’une émission qui laisse ses participants se doucher sans aucune vitre pour leur laisser ne serait-ce qu’un soupçon d’intimité tels les prisonniers du «! panopticon! » de Michel Foucault , doit-être qualifiée d’exhibitionniste ? De même, la diffusion de la première saison de Love Island (dont nous parlions plus haut dans cette étude) aux Etats-Unis sur CBS n’a pas fait l’unanimité, le New-York Times qualifiant le programme de «!torride!» où les couples «!pris au piège d’une villa de luxe se forment aussi vite qu’ils se séparent!». Dans le sillon de ce que nous évoquions précédemment sur la normalisation des corps dénudés, lejournal ajoute que la casting est « ! à prédominance blanche, moins de 30 ans, hétérosexuels et avec très peu de graisse corporelle ! ». Couplé aux défis « ! scandaleusement ridicules et obscènes ! » tels que des concours de baisers, de reproduction des positions du Kamasutra (voir la vidéo de l’article du Figaroen note de bas de page) ou de réalisation en terre cuite de pénis, cela donne au programme une dimension nettement portée sur la sexualisation du corps (Figure n° 5).
Des corps, décor
Au téléspectateur donc d’associer les parties de chaque prétendant pour construire – à la différence du candidat qui ne peut rien modeler selon ses représentations et attentes – sa propre idée du corps nu idéal. Chaque bout de corps devient un indice de la personne avec qui l’on va partir en rendez-vous amoureux. Cet indice tend à ramener le sujet contemplant le corps-objet qu’il a devant lui à la réalité, à le tirer hors de ses représentations. Les questions pragmatiques de l’animatrice sur la taille d’un pénis ou sur les poils pubiens vont en ce sens : back to reality. Les corps font partie du décor. Ou plutôt, les corps sont le décor. Et le dispositif scénique tend à nous le montrer : en effet, l’absence de décor autre et l’absence de public crée une atmosphère clinique comparable à celle d’un bloc opératoire, propice à la dissection des corps des prétendants. Les lumières flashy, semblables à des néons fluorescents, participent de la mise en valeur des corps et de leur esthétisation, en même temps qu’elles assignent aux prétendants la fiction de décor. Véritables coquilles vides, enveloppes charnelles sans émotion, les prétendants ornementent le plateau et contribuent à l’aménagement esthétique de l’espace. C’est ici que réside le paradoxe sur lequel joue le programme : ces prétendants ne sont-ils qu’un simple décor ? Autrement dit, quelle réalité est cachée derrière cela ? Que signifie vraiment se mettre nu ? La promesse du programme, de nous montrer des gens «!sans apparat, sans artifice!» sera-t-elle tenue ?
Raconter le super intime : la mise en place d’une « »médiation désirante »»
Qu’est-ce que le super intime ?
Afin de définir clairement ce que nous entendons par «! super intime ! », il est essentiel de rappeler les multiples définitions de l’intime, à savoir, selon le Larousseen ligne : ce qui 1. « est au pas profond de quelqu’un, de quelque chose, qui constitue l’essence de quelque chose et reste généralement caché ! » ; 2. « ! qui se passe entre un petit nombre de personnes plus ou moins étroitement unies par des liens d’amitiés ou d’amour!» ; 3. «!qui est caché des autres et appartient à ce qu’il y a de tout à fait privé ! » ; 4. « ! qui a trait à l’hygiène des parties génitales internes et externes!». Est donc intime ce qui nous regarde en premier lieu en tant qu’individu,et que, de fait, nous souhaitons garder caché d’autrui, de la vie publique. Est également intime ce qui se rapporte aux «!parties intimes!», soit l’organe reproducteur. Pour forger le concept de «!super intime!», nous nous servirons donc de ces quatre définitions, pas si différentes les unes des autres après tout. Nous nous servirons également des travaux de Richard Senett sur le déséquilibre -amorcé en France au moins depuis le XVIIIe siècle – entre d’une part la vie sociale et les relations entre individus.
«!L’expérience du choc!» télévisuel
Un programme comme Naked Attractionplaît également car, au-delà de montrer du «!jamais vu ! » sur petit écran, il opère un véritable choc médiatique chez le téléspectateur. En effet, depuis longtemps la nudité à la télévision, surtout quand elle n’est pas prévue, fait parler d’elle car jugée choquante : en mai 1994, alors que Mallaury Nataf interprète sa chanson Fleur sauvage sur le plateau du Jacky Showdans le Club Dorothée, des téléspectateurs croient voir ses fesses. Résultat, la comédienne se retrouve « ! coupée du grand public et des projets grands public (…) blacklistée !» par certains producteurs. En 2004, lors du spectacle du Super Bowldonné par Justin Timberlake et Janet Jackson, cette-dernière a un sein qui sort de sa tenue devant des millions de téléspectateurs. Résultat, beaucoup de chaînes diffusent maintenant l’événement avec un léger différé afin d’éviter ce genre d’incident. Ces deux exemples illustrent ce que Walter Benjamin appelle « ! l’expérience du choc ! » à propos du cinéma et de la ville. L’auteur explique que notre «!sensorium!»,le siège de nos sensations qui nous permet d’expérimenter et d’interpréter,autrement dit nos dispositions à traiter l’information, s’ajuste à la caméra, qui elle-même s’ajuste à l’écran. Grâce à cela, le public est de plus en plus apte à «! tester ! » les «! performances devant l’appareil! » que produisent les acteurs (de spectacle et de sport dans un premier temps. Or ce sont précisément les deux exemples que nous venons de citer). Dans la mesure où Naked Attraction a su jouer avec notre « ! sensorium ! », comme nous avons tenté de le démontrer en seconde partie de ce mémoire,l’émission a en quelque sorte habitué l’oeil du téléspectateur aux images inédites qu’elle montrait, aux «!chocs!» successifs en saturant l’écran de sexes, de fesses et de seins.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : LA NUDITÉ DANS UN CORPS A CORPS MUSCLÉ AVEC LA TÉLÉVISION : ENTRE MAUVAIS GENRE TÉLÉVISUEL ET PASSION MONSTRUEUSE.
1. Petite histoire du corps nu à la télévision : une culture de la nudité déjà bien en place
a. L’avènement de la télévision du divertissement
b. Des corps normés, ni trop gros, ni trop dénudés
c. Quid des dating-shows ?
2. Vers une « »dérive exhibitionniste »» de la télévision et de la société ?
a. Montrer l’intime, prouver sa valeur
b. Injonction à la visibilité et «!suprématie de l’apparence!»
c. L’humour à la rescousse : rire pour évacuer la gêne
3. Le langage télévisuel s’est approprié le langage du corps
a. «!Néo-télévision!» et critique du médium sale : la parole profane change de paradigme
b. Le corps, produit audiovisuel sublimé par la télévision du divertissement
DEUXIEME PARTIE : LEVER DE RIDEAU SUR LA NUDITÉ, LES LOGIQUES À L’OEUVRE DANS L’ENTREPRISE DE RECONFIGURATION DU CORPS NU DANS LE PROGRAMME NAKED ATTRACTION
1. Dispositif de spectacularisation et esthétisation de l’intimité
a. Conception machiniste et ordonnancement du corps
b. «!La vertu hypnotique!» des images : la frontalité du sexe dans Naked Attraction
2. La découpe chirurgicale de l’unité humaine : fragmenter pour mieux incarner
a. «!!L’impérialisme du signe!» : la partie du corps incarne le corps
b. L’anatomie est un accessoire de la présence
c. Des corps, décor
3. Raconter le super intime : la mise en place d’une « »médiation désirante »»
a. Qu’est-ce que le super intime ?
b. «!Les médias «!fictionnent autant qu’ils fonctionnent!»
c. Entre rétention et distribution de l’information : omniprésencede l’animatrice et passage de l’idée de dating show à un programme de dating game
TROISIÈME PARTIE : DE LA PULSION SCOPIQUE A L’ANCRAGE D’UNDISPOSITIF BIEN RODÉ
1. Choquer le téléspectateur pour le séduire
a. Regarder des corps nus par le «!trou de la serrure!»
b. «!L’expérience du choc!» télévisuel
c. Attirer les téléspectateurs pour justifier sa mise à l’antenne
2. Discours transmédiatiques sur le show : critiques et éloges
a. La bienséance télévisuelle Versus le discours libérateur : les téléspectateurs ont le «! cul entre deux chaises!»
b. Le regard en demi-teinte des instances médiatiques extérieures
3. D’autres facteurs pour expliquer le succès du programme ?
a. La portée pédagogique du programme : en plein dans les missions de service public de Channel4
b. La révolution du «!body-positivisme!» est en marche : merci la «!politesse!télévisuelle!»
c. Relativité de la subversion et inscription dans le paysage social
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
RÉSUMÉ
MOTS-CLÉS
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