La littérature de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle s’inscrit dans un siècle tumultueux marqué par des guerres mondiales. Elle verra aussi son statut évoluer sous l’effet des transformations technologiques comme l’apparition et le développement des éditions de poche ou la concurrence d’autres loisirs comme le cinéma, la télévision ou la pratique informatique. Ainsi on assistera à une dilution progressive des courants esthétiques et intellectuels.
Cette littérature commence pratiquement dans un esprit de liberté où évolue une nouvelle atmosphère dans laquelle les artistes novateurs sont nombreux dans le domaine de la peinture avec le fauvisme et le cubisme qui ouvrent le chemin à l’abstraction. Ainsi la modernité s’impose dans le domaine de la littérature. Par ailleurs nous assistons aussi à la mise en évidence des sentiments humanitaires et un besoin constant de renouvellement de l’écriture. Cependant certains auteurs à l’instar d’André Gide considèrent l’écriture comme une introspection.
Ainsi toute l’œuvre d’André Gide a des fondements autobiographiques, même dans les transpositions les plus élaborées. Elle appartient pourtant aux genres les plus divers, et témoigne de son époque, même si l’actualité en a été longtemps absente.De ce fait Gide, à ses débuts emprunte pour les Cahiers D’André Walter, les langueurs du style symboliste. Ainsi nous considérerons le symbolisme comme un mouvement littéraire de la fin du XIXe siècle qui a mis l’accent sur la valeur suggestive du langage, seule apte à déchiffrer l’univers considéré comme le symbole d’un autre monde. Même s’il est difficile d’en dater les débuts, ce courant, duquel se réclament les artistes à la recherche du sens caché du monde, est situé à la fin du XIXe et au tout début du XXe siècle. C’est peu à peu, en continuité et en opposition avec d’autres écoles que se développa ce mouvement qui assigna au poète le rôle de déchiffreur. C’est peut-être dans cet ordre d’idées qu’André Gide s’imposa dans les années 20 non seulement comme écrivain mais aussi comme figure importante du monde des lettres, notamment grâce à son rôle au sein des éditions Gallimard. Dans ses récits, Gide opéra une critique interne du genre romanesque ; il y exprima, tour à tour, une recherche de spiritualité, la force de la sensualité et la nécessité de l’engagement politique. Pour remplacer le naturalisme dans le roman, plusieurs formules avaient déjà été essayées : le roman d’analyse psychologique puis le roman poétique d’inspiration symboliste. Il était en quête d’un nouveau classicisme mais contre l’existentialisme. C’est pourquoi Jean d’Ormesson le décrit dans son ouvrage Une autre histoire de la littérature française comme étant un esprit non prévenu, c’est un insoumis, c’est un ardent partenaire d’une contradiction permanente qui n’est pas seulement acceptée, mais hautement revendiquée.
L’EVEIL SPIRITUEL
Les sociétés humaines ont toujours éduqué leurs enfants selon leurs conceptions du monde, leur système axiologique, leur idéologie et selon leurs aspirations profondes. L’éducation a pour finalité de former des personnes et de participer à leur réintégration dans la société en favorisant leur développement et leur autonomie. De ce fait il est important de souligner que la majeur partie des éducateurs impriment le plus souvent leur monde intérieur sur leurs élèves d’où leurs difficultés d’être objectif. Ce phénomène n’est pas absent chez Gide surtout dans son ouvrage La Symphonie pastorale.
En outre, Gide a notamment contribué à renouveler l’analyse psychologique par la profondeur de ses enquêtes, dont il est parfois lui-même le sujet. Il reçut une éducation sévère et grandit dans une atmosphère religieuse stricte, entre un père protestant et une mère catholique d’où son recours omniprésent à la spiritualité et a l’éveil. Par conséquent dans la Symphonie pastorale, l’éducation se présente comme étant la principale thématique autour de laquelle tourne l’essentiel de l’œuvre. Il s’agit ici d’une jeune fille orpheline aveugle de naissance et quasi-sauvage qui venait juste de perdre sa vielle nourrice, sourde qu’un pasteur a recueillie. Ainsi il entreprend d’assurer sa formation et son éveil dans le milieu .En effet cet homme de Dieu amène la jeune fille dans sa maison malgré tout et décide d’assurer son développement intégral.
En outre l’éducation dans cette œuvre apparait sous deux formes majeures. Elles y occupent une place considérable. L’une renvoie à tout ce qui concerne l’éveil des sens et au développement intellectuel tandis que l’autre s’accentue sur le domaine de la religion et la spiritualité.
L’INSTRUCTION SOCIALE
Dans La symphonie pastorale d’André Gide la tâche que se prescrit le pasteur à l’origine du récit n’est pas de peindre une épiphanie , mais de rapporter un cheminement, la formation et le développement intellectuel d’une personne. D’abord ce roman se présente sous la forme d’un faux journal intime, tenu par un pasteur vivant avec sa famille dans le Jura suisse. Ainsi ce journal est dédié aux progrès de Gertrude, une enfant aveugle et quasi sauvage, recueillie par le narrateur qui s’efforce au fil des pages, tout en s’émerveillent de l’éveiller à la vie et à la culture donc de la socialiser. C’est sous cet angle que le pasteur décide alors de la sortir de sa torpeur et de l’ouvrir vers le monde qui semble lui être complètement inconnu jusque-là. Ainsi cette volonté d’éveil et d’éducation intellectuelle du pasteur envers Gertrude peut être vue sous deux perspectives relativement complémentaires : l’univers familial et la formation.
L’univers familial
La première forme du rapport que le personnage gidien envisage est celui avec la famille. Une telle proposition nous amène à nous interroger sur les formes de relation entre l’individu et la famille et sur les conséquences de ces rapports sur l’individu en devenir. Il est rare de trouver des rapports affectueux dans l’univers familial des romans de Gide, les malentendus et les fausses relations en sont les marques essentielles. La déception que l’individu éprouve au sein de la famille le pousse à penser à une autre forme de vie et à rêver à un espace ouvert et paisible. Autrement dit, cette crise des relations familiales est à l’origine de la naissance de ce désir. Certains personnages pressentent que la vie, ailleurs, peut être autre chose. Les liens conflictuels apparaissent le plus souvent au niveau de l’organisation familiale par la mésentente et la confrontation des désirs.
Ainsi il est important de passer à la peinture de la structure interne de la famille, dans la mesure où il ne s’agit que d’une image de la mésentente et de non-communication entre les membres de la même famille. En effet, la structure familiale qui permet aux personnages d’exister joue, par la contrainte qu’elle leur impose, un rôle primordial pour nourrir la révolte de certains d’entre eux et les pousse à chercher ailleurs un autre refuge. Au niveau de la famille gidienne, les personnages sont animés par une interaction réciproque.
Michel Erman remarque :
« Tout comme il ne saurait exister de roman sans action, il ne peut y avoir d’action sans personnage car qu’est-ce qu’une action sinon un être qui agit ? Sans personnage pas de langage, pas de passion, pas de temporalité, pas de vraisemblance. Pas de roman».
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : L’EVEIL SPIRITUEL
CHAPITRE 1 : L’INSTRUCTION SOCIALE
CHAPITRE 2 : L’EVEIL RELIGIEUX
DEUXIEME PARTIE : LE SYMBOLISME DE LA CECITE
CHAPITRE 3 : LA PARABOLE DE L’AVEUGLEMENT DE GERTRUDE
CHAPITRE 4 : LE SYMBOLISME DE LA CECITE
CONLUSION
BIBLIOGRAPHIE