L’éveil aux langues en soutien de l’apprentissage du français
La dimension métalinguistique
La priorité de l’école maternelle est le développement du langage. Le domaine Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions rappelle qu’au centre de tous les apprentissages, il conditionne l’accès aux savoirs et demeure une préoccupation majeure à l’école, qui joue un rôle primordial dans la prévention de l’échec scolaire dès le plus jeune âge.
Les situations d’apprentissage préconisées visent donc à stimuler et structurer le langage oral, mais aussi à faire émerger une conscience phonologique.
L’éveil aux langues, en passant par des activités ludiques et réflexives sur la langue, contribue à l’acquisition du langage et à la consolidation de la maitrise du Français. La rencontre de langues étrangères à l’école invite les élèves à percevoir que chaque langue à son propre rythme et ses particularités phonologiques. Les comptines et musiques du monde, notamment, font appel à la sensibilité, la sensorialité ainsi qu’aux compétences relationnelles et cognitives des élèves. La démarche consistant à exposer les élèves régulièrement à différentes sonorités les amène à affiner leur écoute et à développer des compétences relatives à l’articulation et la prosodie. La prise de conscience des langues permet d’en percevoir les régularités, ce qui induit la comparaison de phénomènes linguistiques et la réflexion des élèves sur le fonctionnement du français. Le langage est un outil, mais il est également objet de travail, d’observation et de manipulation. L’éveil aux langues offre aux élèves une occasion de développer des compétences d’observation et de raisonnement. Discriminer les sons, reconnaitre et reproduire les syllabes contribue à une prise de conscience phonologique et à l’émergence d’habiletés métalinguistiques. Les approches intégrées et structurées étant complémentaires, la mission de l’enseignant consiste à mettre en œuvre des dispositifs cohérents qui mobilisent différents objectifs de langage. Dans son ouvrage Guide pour enseigner l’Anglais à l’école primaire, Sophie Rosenberger rappelle que les jeunes élèves ont « moins de difficultés à reproduire les sons et les schémas intonatifs que les adolescents ». Elle ajoute : « Le travail de prononciation consiste donc à multiplier les situations d’écoute de phrases, de comptines, de chants pour amener les élèves à les reproduire correctement. Ces activités de restitution de la ligne mélodique et de la prosodie de la langue sont plus des temps d’imprégnation que d’entrainement spécifique ». Les programmes scolaires, en introduisant l’éveil à la diversité linguistique dès la maternelle, s’inscrivent dans la continuité des recherches sur l’utilisation et l’influence des langues étrangères à l’école. Comme le soulignent Grossmann et Manesse , dans Repères, recherches en didactique du français langue maternelle, n°28, 2003. A propos de l’observ ation réfléchie de la langue : « De cet enseignement, on peut escompter des retombées importantes pour l’apprentissage du Français. Les élèves vont apprendre ce mouvement de va-et-vient entre distanciation et appropriation, entre les langues et la langue scolaire. »
Favoriser l’inclusion des élèves issus de familles allophones
Dans la société actuelle, l’école doit composer avec une hétérogénéité culturelle des élèves, de plus en plus importante. L’institution a vocation à accueillir tous les élèves, quelle que soit leur origine, et à favoriser l’inclusion de chacun dans le système scolaire.
Les élèves allophones, confrontés à une institution dont ils ne connaissent ni la langue, ni le fonctionnement doivent s’adapter à un nouveau contexte de communication. L’enjeu est alors de les aider à surmonter le décalage qu’il peut y avoir entre la langue parlée à la maison et la langue de l’école. Il est indispensable d’accompagner l’élève et sa famille dans ce processus d’intégration en établissant une relation de confiance. Dans Faire vivre et développer le plurilinguisme à l’école : les biographies langagières au cœur de la construction d’identités plurielles et du lien social , Diana Lee Simon, Marie-Odile Maire Sandoz indiquent : « L’école joue un rôle essentiel dans le processus de socialisation et d’individualisation des enfants. Les langues qui y sont accueillies et enseignées ont une valeur humaine qui va bien au-delà de leur utilité fonctionnelle, de leur « rentabilité ». Elles participent aussi à des finalités éducatives plus vastes, comme l’inclusion et la cohésion sociales, avec des enjeux cruciaux pour le vivre ensemble dans nos sociétés contemporaines. »
Les textes officiels rappellent la nécessité de s’appuyer sur les différentes langues présentes en classe, qui ne représentent pas un obstacle mais au contraire une richesse pour les élèves et les enseignants. Dans cette perspective, valoriser les langues « en présence » est un des objectifs de l’Éveil à la diversité linguistique.
L’élève allophone, notamment, n’arrive pas à l’école dépourvu de toute connaissance linguistique. Il possède ce que certains linguistes appellent le « Déjà là ».
Les ressources des élèves demandent alors à être reconnues et introduites dans les dispositifs didactiques, d’autant qu’elles constituent une aide précieuse pour l’enseignant qui peut favoriser les transferts nécessaires vers le français, langue de scolarisation en s’appuyant sur les compétences et les connaissances acquises dans la langue maternelle de l’élève.
Cela permet, en outre, de valoriser les élèves et de renforcer un sentiment de légitimité parfois mis à mal. « Une éducation qui ne prend pas en compte les racines de l’enfant le plonge dans des contradictions qui peuvent entrainer un échec scolaire », comme le souligne Bernard Charlot dans l’article Éducation et cultures, paru dans le VEI Enjeux N°129.
À ce propos, Michel Launey , linguiste et directeur honoraire de recherche à l’IRD de Guyane, insiste également sur les conséquences de cette frontière linguistique entre les mondes de l’enfant et sur l’importance, pour sa stabilité et son épanouissement, de mettre en plac e des activités de langage en langue maternelle à l’école. Il met en garde contre la hiérarchisation inconsciente des langues. Selon lui, il est fondamental de ne pas exclure la langue maternelle des élèves allophones mais au contraire, de la valoriser. Pour une raison d’identité, d’une part, car il est nécessaire dans la construction de chacun de savoir d’où l’on vient, d’en avoir conscience et d’en être fier. Et d’autre part, la langue maternelle est la première expérience du langage permet à l’enfant de construire le sens et de comprendre le monde qui l’entoure. « L’entraver est une erreur parce qu’elle met en jeu des problèmes intellectuels et cognitifs induisant que le plurilinguisme est un domaine de conflit, dans lequel l’enfant serait du côté des perdants parce qu’il n’a pas la « bonne » langue au départ…» précise-t-il.
Les bénéfices de l’éveil aux langues à l’école
Vers une éducation au plurilinguisme
La mondialisation et la mobilité des populations ont modifié le statut du Français qui se doit de cohabiter avec d’autres langues, même à l’école. De nos jours, nombreux sont les enfants à parler d’autres langues que le Français ; le plurilinguisme perd de son exceptionnalité et le monolinguisme de sa « normalité ». L’école se préoccupe depuis longtemps de favoriser une éducation plurilingue. En 2002, les programmes précisaient déjà l’objectif de « Faire découvrir […] l’enrichissement qui peut naître de la confrontation à d’autres langues, d’autres cultures et d’autres peuples ». (BOEN n°4 du 29 août 2002 p. 6). L’Éveil aux langues constitue une voie privilégiée pour mettre en œuvre les principes mis de l’avant par l’UNESCO en 2003dans un document cadre L’éducation dans un monde multilingue.
Ce document souligne la nécessité « d’encourager la démarche qui fait de la langue une composante essentielle de l’éducation interculturelle, en vue d’encourager la compréhension entre différentes populations et d’assurer le respect des droits fondamentaux » (2003, p.33).
L’éveil à la diversité linguistique a pour ambition à la fois de préparer aux divers apprentissages linguistiques et d’accompagner ces apprentissages en faisant des langues un objet d’étude. En cela, il participe à la mise en place des premiers jalons d’une école plurilingue. Lorsqu’on évoque l’ouverture de l’école au plurilinguisme, la tentation est grande de penser qu’elle ne concerne que les difficultés que peuvent rencontrer des élèves issus de familles allophones.
Mais la différenciation proposée s’inscrit simultanément dans un mouvement plurilingue et dans la nécessité de maitriser la langue de l’école. La dimension réflexive de l’éveil aux langues encourage une conscientisation des ressources, capacités et stratégies mobilisables pour communiquer. C’est d’ailleurs ce à quoi le terme de biographie langagière fait référence. Selon la définition de J-P Cuq , « La biographie langagière d’une personne est l’ensemble des chemins linguistiques, plus ou moins longs et plus ou moins nombreux, qu’elle a parcourus et qui forment désormais son capital langagier. Ce sont, au total, les expériences linguistiques vécues et accumulées dans un ordre aléatoire, qui différencient chacun de chacun ».
Particulièrement appropriée dans la situation d’élèves allophones, cette approche, en induisant la conscience des savoirs déjà-là, ouvre la voie à l’appropriation de nouvelles connaissances favorisant l’estime de soi.
Favoriser le vivre ensemble
L’interculturalité peut être un moyen de travailler également l’éducation à la citoyenneté dans ce sens où toutes deux poursuivent des objectifs de comportement et l’acquisition de valeurs telles que le respect d’autrui et la tolérance dans le but de vivre dans notre société de façon harmonieuse. L’éducation à la citoyenneté est une des missions de l’école. Il s’agit de donner des « outils » aux élèves pour mieux comprendre les autres, pour mieux vivre ensemble.
L’interculturalité vise à établir une reconnaissance puis un dialogue et un enrichissement réciproques des cultures. Les différences culturelles des élèves sont alors considérées comme des ressources pédagogiques mobilisables pour faire émerger des représentations et des attitudes positives envers la diversité. Les préconisations des programmes vont dans ce sens puisque à travers des situations variées, on attend des dispositifs pédagogiques qu’ils amènent les enfants à se décentrer, qu’ils stimulent leur curiosité et leur donnent le g out d’en savoir davantage à propos de ce qui les entoure. À l’école, on s’ouvre progressivement au monde extérieur et à toute l’altérité qu’il renferme. Par des activités dédiées à la découverte du monde, les enfants vont apprennent et vivent ensemble des expériences qui développent leur sentiment d’empathie, de tolérance et d’acceptation de la différence.
Expérimentations
Le contexte
L’école et la classe
L’école dans laquelle j’effectue mon stage en tant que professeure des écoles stagiaire est située dans le 11 e arrondissement à Paris. Il s’agit d’une école maternelle composée de cinq classes.
Je suis en charge, avec une autre professeure de écoles stagiaire, d’une classe de petite section.
Conformément à l’emploi du temps des stagiaires en 2 e année de master MEEF, nous alternonschacune les périodes d’enseignement en classe et la formation à l’INSPE de Paris.
De ce fait, notre temps de présence en classe avec les élèves, à chaque période, est assez limité puisque nous n’y sommes jamais plus de quatre semaines d’affilées.
La classe dont j’ai la responsabilité est composée de 22 élèves, 13 garçons et 9 filles.
Le niveau de cette classe est fortement hétérogène, qu’il s’agisse du développement langagier, de l’attitude en classe, des aptitudes et de la maturité des élèves. Certains sont nés en tout début d’année, d’autres en fin d’année, ce qui, pour des élèves de 3 – 4 ans, représente une différence parfois importante de maturité, mais ce n’est pas systématiquement le cas.
La priorité de l’école maternelle étant le développement du langage, je suis très attentive à ce qui peut freiner cette acquisition chez mes élèves.
Parmi eux, je note que 7 sont issus de familles qui parlent une autre langue que le français à la maison. Certains éprouvent des difficultés à s’exprimer, mais ce n’est pas le cas de tous.
En revanche, je remarque que 8 de mes élèves, pas forcément les 8 mentionnés ci-dessus, peinent à entrer dans le langage, à acquérir du lexique, à participer aux échanges, et parfois même à comprendre ce qui est dit en classe.
C’est pourquoi, afin de pouvoir observer les progrès de mes élèves et de mieux les comprendre, j’ai dressé un tableau récapitulatif en début d’année, en considérant leur contexte familial, leur développement langagier et les difficultés rencontrées, que je présente en annexe n°1.
Pourquoi j’ai choisi l’éveil à la diversité linguistique et culturelle
En observant la diversité culturelle et donc linguistique au sein de ma classe, j’ai eu envie de valoriser cette richesse.
Personnellement, j’ai toujours apprécié apprendre des langues étrangères et considéré que c’est une manière ludique de s’intéresser au monde qui nous entoure.
Ma famille maternelle étant originaire d’Italie, j’ai depuis toujours entendu parler le français et l’italien. J’ai passé une bonne partie de mon enfance à écouter des musiques venant de tous les horizons et j’ai su très tôt de chanter en italien, en anglais ou en portugais des chansons dont je ne comprenais pas toujours les paroles. Mais la restitution phonétique n’était pas une difficulté pour moi. Par la suite, lors de mes études, cette même capacité de mémorisation / restitution m’a beaucoup aidé pour apprendre l’anglais et l’espagnol.
Plus tard, j’ai eu l’occasion de vivre et de travailler quelques temps en Sicile en tant qu’animatrice, où je m’occupais d’un groupe d’enfants français et italiens. Cette expérience, très enrichissante m’a permis de constater l’incroyable capacité des enfants à apprendre une langue pour peu qu’ils en soient bercés régulièrement. Les groupes dont j’étais chaque semaine responsable étaient composés d’une quinzaine d’enfants, de 8 à 12 ans, français et italiens. Le fait d’être en présence d’enfants ne parlant pas la même langue m’obligeais à traduire chaque mot prononcé dans les deux langues. Je fus surprise de voir qu’à la fin de la semaine, les enfants français répondaient à mes sollicitations en italien et inversement.
Pour ces deux raisons, la diversité culturelle de ma classe et mon expérience personnelle, j’ai choisi de tirer parti de cet immense potentiel que les enfants possèdent et d’écrire mon mémoire sur l’éveil à la diversité linguistique pour ma classe de petite section , me permettant ainsi, d’expérimenter une approche transversale dans le but de développer les compétences langagières de mes élèves.
Les programmes de l’école maternelle préconisent cette approche dès la moyenne section, mais il m’a semblé pertinent de la mettre en place dès la petite section compte tenu de la diversité linguistique à laquelle sont confrontés mes élèves.
De plus, en observant les difficultés de certains élèves, j’ai pensé que s’appuyer sur les langues parlées par les élèves serait fructueux pour les aider à entrer dans le français, langue de la scolarisation. Par une approche pluridisciplinaire, j’ai essayé d’élaborer des séances qui leur fassent découvrir d’autres cultures et d’autres langues, en veillant à leur proposer des activités ludiques et à leur portée
Présentation de la séquence d’éveil à la diversité linguistique et culturelle
La mascotte
Le projet Tour du monde a débuté au mois de janvier 2021, lors de la période 3.
Lorsque j’ai présenté cette séquence aux élèves, je suis arrivée en classe avec une peluche nommée Lupo, qui signifie « loup » en italien.
J’ai expliqué aux enfants que Lupo était notre nouvel ami, qu’il ne cessait de voyager partout dans le monde et qu’à chaque période, il viendrait nous rendre visite pour nous raconter ses aventures.
Ainsi, à au moins deux reprises lors d’une période, Lupo revient dans la classe avec une grande enveloppe, contenant une lettre à destination des élèves. Dans cette enveloppe, il y a aussi des photographies du dernier pays visité, un ou plusieurs albums à lire, quelques chansons et musiques à écouter et des activités pour apprendre en jouant et en découvrant le monde. Ayant commencé ce projet en milieu d’année scolaire, je n’ai choisi que quelques régions du monde même si j’aurais aimé en aborder d’autres. Faute de temps, je n’ai sélectionné que sept destinations en cohérence avec les origines de mes élèves.
Présentation de la séquence et des objectifs généraux
La structure de la séquence
Les séances ne sont pas toutes construites de la même façon en fonction des activités que je propose (Annexes 1-2-3-4). En revanche, certaines étapes sont récurrentes.
J’ai choisi de mettre en œuvre les modalités pédagogiques suivantes :
Le cadre spatial et temporel
Les séances d’éveil à la diversité linguistique ont lieu chaque jour. Soit dans la continuité des rituels du matin, la séance de découverte notamment, soit l’après-midi, au retour de la sieste, pour les séances de lecture ou d’écoute musicale.
Nous consacrons environ deux semaines à une destination.
Les séances ont toutes lieu au coin regroupement, ce qui me permet à la fois d’être centrée sur mes objectifs et attentive aux réactions des élèves. Afin d’éviter les conflits et la déconcentration, j’ai désigné une place pour chaque élève dès la fin de la première période. Les enfants sont donc habitués à venir s’assoir dans le calme.
J’essaie de mettre en place une ambiance chaleureuse et propice à l’écoute. Lors des séances de lecture ou d’écoute musicale, les élèves les plus grands sont assis sur les bancs et les plus petits sont regroupés sur le tapis devant moi. Je prends soin de placer près de moi les petits parleurs, pour mieux les entendre et pour qu’ils se sentent en confiance.
Le groupe classe
J’ai décidé d’aborder ces séances en grand groupe, parce que j’ai remarqué une cohésion chez les élèves et une meilleure capacité d’attention lorsqu’ils sont tous ensemble que lorsqu’ils sont répartis en petits groupes. Cela évite le bruit et les distractions. Le fait de garder un groupe hétérogène s’est avéré plus efficace pour provoquer les prises de paroles. Les petits parleurs entre eux ne réagissant pas beaucoup plus, j’ai noté qu’ils osaient davantage s’exprimer une fois la discussion amorcée par les élèves les plus à l’aise.
Les rituels
Les séances de découverte étant ritualisées, elles s’organisent toujours de la même façon. Les enfants se rassemblent au coin regroupement et Lupo, la mascotte, les attend sur une chaise à mes côtés, avec son enveloppe.
Puis, je lis la lettre que Lupo a écrite aux élèves avant que l’on découvre les photos et que je les affiche au tableau.
Il était important de faire de cette séance un rituel, de façon à ce que les élèves se repèrent dans cette activité. Le rituel, à l’école maternelle procure aux élèves un cadre sécurisant. L’utilisation de la mascotte vise le même objectif puisqu’il s’agit d’un support investi affectivement par les élèves, qui les rassure.
La lecture de la lettre constitue un moment clé : les élèves, attentifs, prennent conscience d’une des fonctions de l’écrit et tentent de saisir le vocabulaire énoncé pour décrire le « nouvel endroit ». Enfin, le fait d’afficher toutes les photos au tableau fait également partie du rituel de découverte. Je dispose les photos les unes à côtés des autres afin de constituer un mur d’images,puis, nous commentons chaque photo.
Les supports
Pour chaque destination, je présente aux enfants une dizaine de photos. Ils vont devoir observer, décrire et comprendre chacune de ces images, c’est pourquoi je fais en sorte de trouver des photos représentatives de chaque pays et en même temps compréhensibles pour de jeunes enfants. J’imprime ensuite les photos en essayant de conserver la meilleure qualité possible. Elles sont ensuite affichées au tableau, à portée des élèves, pendant deux semaines.
En ce qui concerne les albums et autres livres utilisés durant cette séquence, mon choix s’est souvent porté sur des livres musicaux, pour la polyvalence de l’objet, et sur des contes adaptés aux enfants de petite section.
La priorité au langage
Les objectifs de cette séquence sont avant tout langagiers. Elle vise à faire verbaliser les élèves et à développer leur lexique.
Tout au long de la séquence, le langage est au centre des différentes activités proposées.
Lors des séances de découverte des photos, notamment, je demande aux élèves de me dire ce qu’ils reconnaissent, ce qu’ils voient, à quoi cela leur fait penser… Je les laisse répondre en prenant soin de valoriser chaque prise de parole.
J’ai, à ce moment-là, un rôle de médiateur : En fonction de leur participation et des dialogues entre pairs qui se mettent en place, je les laisse parler librement ou bien, je leur pose des questions ouvertes pour les guider et favoriser l’émergence d’arguments, d’indices. Je les soutiens par une écoute active et je sollicite en particulier les petits parleurs.
Les séances suivantes se déroulent dans le même cadre spatial et temporel.
À la suite de la séance de découverte, et toujours en lien avec le pays visité, les élèves vont découvrir des contes, des musiques traditionnelles et des comptines.
Les activités sont régulières et variées, et conformément aux programmes, les élèves sont amenés à apprendre en jouant, avec leur voix ou avec leur corps, à réfléchir seuls ou avec le groupe autour de documents variés et à mémoriser des comptines ou des histoires lues. Pour favoriser ce travail de mémorisation, j’organise des retours réguliers sur les découvertes et acquisitions antérieures.
C’est lors de séances d’écoute musicale que les élèves découvrent la diversité linguistique et de nouvelles sonorités. L’un de mes objectifs étant de valoriser les langues que les enfants entendent à la maison, je veille à proposer une sélection de musiques en lien avec les origines de leurs familles.
La production finale
Enfin, chaque « voyage » se termine par une production des élèves. La plupart du temps, il s’agit d’une production plastique. Pour la séquence sur l’Afrique subsaharienne, que je détaillerai plus loin, les élèves ont chanté la comptine Olélé Moliba Makasi et nous avons alors produit un enregistrement vidéo.
Le fait de conserver une trace de ces séances valorise les progrès des élèves et leur permet de prendre conscience du chemin parcouru. C’est également l’occasion de partager avec les familles un peu de ce qu’il se passe en classe. Par la suite, Nous réutilisons ces traces pour les commenter et se remémorer les étapes de réalisations afin de stabiliser ou remobiliser les savoirs.
Avant de procéder à l’analyse des effets de cette séquence, j’ai choisi de détailler les séances qui concernent l’Afrique subsaharienne.
À l’issue de ces séances, les élèves ont appris à chanter une comptine en langue Lingala. Plus que de la découverte, ils se sont appropriés des mots et des sonorités qui leur étaient jusqu’alors étrangers. C’est pourquoi, pour parler d’éveil à la diversité linguistique, cette séquence m’a semblée la plus significative.
Résultats
Les attitudes
En ce qui concernent les attitudes, les élèves se sont tous montrés très enthousiastes. Ils se sont immédiatement engagés dans le projet dès sa présentation. La mascotte Lupo a rapidement fait partie intégrante de la classe. Les élèves me questionnent régulièrement sur Lupo, comme Nehla : « où il est Lupo ? » ou Alexandre « Quand il revient Lupo ? ». Alexandre est un élève très introverti, n’ayant pas de difficulté langagière particulière mais témoignant d’une grande timidité et souvent d’un manque de motivation pour les activités proposées. Alexandre me demande presque chaque jour quand Lupo reviendra. Léon-Gabriel, très réservé lui aussi, saute de joie chaque fois que Lupo fait une apparition. L’enseignante avec qui j’ai la responsabilité de cette classe m’a récemment confié que les parents de Gabriel lui avaient rapporté au cours d’un entretien qu’il chantait très souvent la comptine Olélé Moliba Makasi à la maison.
Aussi, je remarque que souvent, les élèves se regroupent spontanément au tableau pour commenter les photos affichées et discuter entre eux. Par ailleurs, Axel, Enzo et Adélie, qui font partie des élèves très réservés, ayant habituellement des difficultés à participer avec le groupe ont montré un enthousiasme que je n’avais jamais vu auparavant. Axel, qui ne prend presque jamais la parole était très attentif et j’ai été agréablement surprise qu’il prononce spontanément le mot « djembés » en affichant un large sourire. Adélie et Enzo étaient eux aussi très joyeux, chantant et dansant avec le groupe aussitôt quel’occasion se présentait.
Lorsque nous avons abordé la musique d’Afrique du Nord, j’ai été surprise de la déclaration de Lou, avant même que l’on commence la séance d’écoute pour la toute première fois : « J’aime pas » m’a-t-elle dit. Je lui ai demandé d’attendre avant de dire cela, qu’elle n’avait pas encore entendu la musique dont il était question. Dès le début de la chanson Ya rayah de Rachid Taha, Lou fut une des premières à taper dans ses mains et à demander « Maitresse, on peut danser ? » Ce que j’ai autorisé. Les élèves se sont tous mis à danser. Tous, sans exception. Rayan, dont les parents ne parlent pas le français, étant arrivés d’Égypte depuis peu, semblait ému d’entendre en classe la langue qu’il n’entendait habituellement qu’à la maison. Dès les premières notes, il a reconnu le style musical : « ça c’est Raï ! », avant de rejoindre le groupe pour danser. Enzo, lui, restait encore un peu timide devant le groupe, mais lors d’une récréation, lorsque je lui ai demandé ce qu’il pensait des activités d’éveil aux langues il m’a répondu dans un français impeccable « ça me fait plaisir ».
Les aptitudes
À propos des aptitudes d’ordres communicatif et métalinguistique, j’ai observé des résultats satisfaisants chez la plupart de mes élèves. Lors des séances de chant, tous les élèves chantaient, à l’exception de Gianni. Les élèves ont bien saisi que le français n’est qu’une langue parmi d’autres. Au début de la séance, il a fallu que je le précise car ce n’était pas une évidence pour tous. De toutes les séquences mises en place depuis le début de l’année, c’est lors des séances d’éveil à la diversité linguistique que j’ai observé le plus de participation, que ce soit quantitativement et qualitativement. Comme si l’intérêt suscité les avaient amenés à mettre de côté leur timidité ou la peur de ne pas savoir faire. Même les élèves les plus silencieux se sont pris au jeu. Ils ont su apprendre une comptine dans une langue étrangère en articulant les syllabes parfaitement, en respectant le rythme, les répétitions et les intonations .
Par ailleurs, les séances d’écoutes musicales leur ont permis d’être attentifs aux sons et aux rythmes et également à être capable d’exprimer leurs émotions. Je note un réel progrès chez la plupart des élèves, notamment Axel et Rayan, qui ont réussi à exprimer un ressenti devant les autres et chez qui j’ai noté de grands progrès au niveau de leur prononciation. Les séances leur ont permis d’affiner leur écoute, d’éduquer l’oreille à différentes sonorités. Ils ont su mobiliseret développer leurs capacités d’observation et de raisonnement.
Pour procéder à l’évaluation des progrès de mes élèves, j’ai tout au long de la séquence, mené une observation fine du comportement de chacun. J’ai régulièrement pris des notes en cohérence avec ma grille d’observations. Concernant les élèves petits parleurs , j’ai observé leur comportement en grand groupe mais aussi en groupes plus restreints de deux-trois élèves lors de la mise en place d’ateliers. J’ai remarqué des progrès en communication chez presque tous mes élèves. Néanmoins, je pense que nombreux sont ceux qui ont besoin de temps pour montrer leurs progrès, et qu’il est nécessaire de faire preuve de patience. Je suis convaincue qu’à la fin de l’année scolaire, leur évolution me paraitre plus évidente.
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Table des matières
Introduction
Cadre Théorique
1. Les langues à l’école
1.1 Ce que disent les programmes
1.2 Qu’est-ce que l’éveil à la diversité linguistique ?
1.3 Pourquoi proposer l’éveil aux langues dès la maternelle
2. L’éveil aux langues en soutien de l’apprentissage du français
2.1 La dimension métalinguistique
2.2 Favoriser l’inclusion des élèves issus de familles allophones
3. Les bénéfices de l’éveil aux langues à l’école
3.1 Vers une éducation au plurilinguisme
3.2 Vers une éducation interculturelle
3.3 Favoriser le vivre ensemble
Expérimentations
1. Le contexte
1.1 L’école et la classe
1.2 Pourquoi j’ai choisi l’éveil à la diversité linguistique et culturelle
2. Présentation de la séquence d’éveil à la diversité linguistique
2.1 La mascotte
2.2 Présentation de la séquence et des objectifs généraux
2.3 Séquence L’Afrique subsaharienne
3. Analyse de l’expérimentation et observations
3.1 Grille d’observation
3.2 Résultats
3.3 Les difficultés et les inattendus
Conclusion
Bibliographie
Annexes