L’évaporateur capillaire

L’activité aéronautique représente environ 3 % des émissions de CO2 avec une augmentation annuelle de consommation de carburant d’environ 5 %. La diminution de l’impact de ce moyen de transport sur notre environnement passe en premier lieu par la réduction de son utilisation. Par ailleurs, il est nécessaire de développer des technologies où la consommation de carburant fossile est fortement limitée voire nulle. Un des projets porté par l’IRT Antoine de Saint-Exupery est de développer des aéronefs plus électriques (A+E). On retrouve cette tendance à l’électrification dans le transport terrestre, mais également spatial, qui se traduit par l’augmentation générale de la puissance électrique totale embarquée.

Un système électronique, regroupant plusieurs composants électroniques avec un rendement généralement compris entre 60 % et 99 %, peut dissiper des puissances calorifiques de quelques watts à plusieurs kilowatts sur des surfaces que l’on tend à vouloir diminuer [1]. Cette tendance à l’électrification est donc liée à la capacité à extraire des aéronefs toujours plus de chaleur dissipée par effet Joule. Afin d’éviter leur dégradation prématurée, la température de jonction des composants silicium doit être maintenue entre 20 °C et 120 °C (jusqu’à 225 °C pour les composants en SiC). La problématique du contrôle thermique de l’électronique se formule ainsi : comment transférer toujours plus de chaleur dissipée sur des surfaces toujours plus petites avec une différence de température fixée ?

Les boucles diphasiques à pompage capillaire peuvent apporter des solutions pour le refroidissement de composants et cela dans plusieurs domaines d’applications grâce à leur capacité de transport thermique de puissance de l’ordre du kW sur une dizaine de mètres ou de la dizaine de kW sur quelques mètres. L’évaporateur capillaire possède d’excellentes performances thermiques, il permet de dissiper des densités de flux de l’ordre de la centaine de W.cm−2 avec des coefficients d’échange atteignant plusieurs W.cm−2 .K−1 . De plus, il permet la circulation totalement auto-adaptative du fluide rendant de ce fait le système robuste dans le sens où il ne dépend pas entièrement de la fiabilité d’un système mécanique. Le pompage capillaire repose sur le piégeage d’une interface de vaporisation dans un milieu poreux dont la courbure s’ajuste alors « naturellement » au flux de vaporisation. Cependant, ce processus connaît deux limites principales :
— une capacité de pompage maximal intrinsèque aux propriétés de l’évaporateur (diamètres de pore) et du fluide caloporteur appelé limite capillaire. Comme le pompage capillaire évolue avec les pertes de charge dans la boucle, cette limite est généralement associée pour un système donné à un flux imposé maximal à une limitation de la gamme opératoire en puissance imposée à l’évaporateur.
— le pompage n’est possible que si l’évaporateur est alimenté en liquide sous-refroidi. En effet, lorsque de fortes densités de flux sont imposées sur l’évaporateur, de l’ébullition peut se développer sous la mèche poreuse et bloquer l’alimentation en liquide. On parle alors de limite d’ébullition.

L’utilisation de ces boucles est délicate dans des domaines et des conditions opératoires soumises à de fortes contraintes mécanique du type :
— forte gamme de puissance de fonctionnement et/ou grande longueur de transport.
— sauts de puissance rapides et de fortes amplitudes.
— changement d’orientation dans le champs de pesanteur et accélération.
— arrêt et démarrage de l’élément dissipateur.

D’autre part, les limitations de l’évaporateur capillaire imposent de fait le choix du fluide caloporteur. Les propriétés thermo-physiques de l’eau en feraient un excellent fluide caloporteur mais sa température de fusion ainsi que sa compatibilité chimique sont problématiques notamment dans le contexte aérospatial. Des fluides comme l’ammoniac, le méthanol, l’éthanol ou l’acétone peuvent être utilisés mais leur utilisation peut être proscrite en fonction de la toxicité admissible ce qui peut freiner le développement de solution de refroidissement intégrant des boucles à pompage capillaire. Le but de la collaboration entre le groupe GREPHE au LAPLACE, l’équipe COST de l’institut PPRIME et l’équipe SOCOOL de l’IRT Antoine de Saint-Exupery a alors été d’identifier un moyen de s’affranchir de la limite capillaire de façon à étendre fortement la gamme opératoire des CPL/LHP, de rendre le système plus robuste face aux contraintes précédemment décrites et de donner la possibilité d’utiliser une gamme élargie de fluide de travail. La démarche de l’hybridation des boucles à pompage capillaire répond à cet objectif. Elle consiste à coupler une boucle à pompage capillaire avec une pompe centrifuge contrôlée. Le but est de pouvoir assister l’évaporateur avec un pompage mécanique de faible puissance, soit pour un fonctionnement continu dans le cas où la capacité de transport thermique nécessaire est élevée soit pour un fonctionnement transitoire dans le cas de fortes sollicitations ponctuelles. Cependant il s’agit simultanément de ne pas dégrader les performances thermiques de l’évaporateur capillaire (différence de pression aux bornes de l’interface de vaporisation positive et inférieure à sa limite capillaire). Pour cela, la pompe doit être contrôlée afin que l’évaporateur reste dans sa gamme de fonctionnement lui conférant son caractère auto-adaptatif au flux de chaleur à dissiper.

L’évaporateur capillaire

Description des principaux constituants

Un évaporateur capillaire est constitué d’une mèche poreuse alimentée en son cœur par un distributeur de liquide et rainurée à sa surface par des canaux (qu’on appellera canaux vapeur) permettant d’évacuer la vapeur produite . On trouve deux types de géométries d’évaporateur : les évaporateurs cylindriques et les évaporateurs plats. Les évaporateurs plats permettent de minimiser l’épaisseur de la semelle entre le composant et la paroi de l’évaporateur, améliorant le transfert thermique global dans l’évaporateur. Cependant la résistance mécanique des évaporateurs plats est bien plus faible que celle des évaporateurs cylindriques ce qui ne leur permet pas de fonctionner en forte surpression ou dépression par rapport au milieu ambiant.

Les performances des évaporateurs dépendent également du matériau de la mèche ainsi que de la structuration des pores, imposant un rayon de pore moyen dans la mèche, dont on retrouve un synthèse exhaustive dans Launay [4] et Mottet [3] qui décrivent les principaux types de mèche utilisés. Elles sont séparées en trois familles: les mèches métalliques, les mèches plastiques et les mèches céramiques, plus rares. Le matériau le plus utilisé pour les mèches est le Nickel qui permet d’obtenir une porosité entre 55 % et 86 % .

Les canaux vapeur ont une influence non négligeable sur le transfert thermique global dans la mèche. Plusieurs configurations sont possibles : soit les cannelures sont usinées dans la culasse de l’évaporateur soit dans la mèche poreuse (figure 1.3). Il existe également plusieurs géométries de canaux vapeur, dont les deux principales sont les canaux rectangulaires ou trapézoïdaux (figure 1.4). L’enjeu majeur de cette géométrie est de pouvoir maximiser la surface de contact mèche paroi, tout en limitant les pertes de charge associées à l’écoulement dans les cannelures. De nombreuses études ont alors démontré la performance des cannelures trapézoïdales creusées dans la mèche .

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Table des matières

Introduction
1 Contexte et objectifs scientifiques de l’étude
1.1 L’évaporateur capillaire
1.1.1 Description des principaux constituants
1.1.2 Pompage capillaire et limite capillaire
1.1.3 Transferts thermiques par vaporisation dans un évaporateur capillaire
1.1.4 Problématique associée à l’alimentation en liquide de la mèche
1.1.5 Synthèse
1.2 Couplages et dynamique de la boucle capillaire
1.2.1 Cycle et couplages entre composants
1.2.2 Comportement dynamique suite à des sauts de puissance
1.2.3 Phase de démarrage et installation de la vaporisation dans la mèche
1.3 Approche de l’hybridation
1.3.1 Les différents types de pompes mécaniques
1.3.2 État de l’art de l’hybridation mécanique des boucles à pompage capillaire
1.4 Cadre de la thèse
2 Présentation du dispositif expérimental
2.1 Description des composants
2.1.1 Évaporateur
2.1.2 Réservoir
2.1.3 Condenseur
2.1.4 Pompe centrifuge
2.2 Couplage avec l’assistance mécanique
2.2.1 Architectures
2.2.2 Contrôle de la HCPL
2.3 Instrumentation et conditions d’essais
2.3.1 Instrumentation
2.3.2 Étanchéité du système
2.3.3 Flux de pertes thermiques
2.4 Fluide de travail
2.4.1 Remplissage de la boucle
2.4.2 Dégazage en cours de fonctionnement
2.4.3 Vidange de la boucle
2.5 Présentation du fonctionnement de la boucle capillaire
2.5.1 Champ de pression
2.5.2 Performances thermiques
2.5.3 Limites capillaire et thermique
2.6 Conclusion
3 Résultats expérimentaux dans le cas où la pompe mécanique est placée entre le réservoir et l’évaporateur (architecture 1)
3.1 Réponse à des sollicitations d’amplitude modérée
3.1.1 Réponse à un cycle d’évolution des pertes de charge dans la conduite vapeur à puissance fixée
3.1.2 Réponse à un cycle de puissance appliquée à l’évaporateur
3.2 Réponse à des sollicitations de fortes amplitudes
3.2.1 Réponse à des échelons de pertes de charge vapeur
3.2.2 Réponse à des échelons de puissance
3.3 Réponse lors de la phase de démarrage
3.3.1 Description du démarrage d’une boucle à pompage strictement capillaire
3.3.2 Démarrage avec assistance mécanique
3.4 Conclusion
Conclusion

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