L’évaluation sommative différenciée en espagnol LV2 en classe de 2nde générale

Après ces premiers mois en tant qu’enseignante d’espagnol au sein du Lycée Général Gabriel Guist’Hau de Nantes, je me suis rendue compte que les élèves de mes classes avaient un niveau hétérogène. En tant qu’enseignante – stagiaire, j’ai en charge deux classes de 2nde et une classe de première scientifique, chacune d’un effectif avoisinant 35 élèves par classe (à raison de neuf heures d’enseignement par semaine). Certes, il y a des élèves qui atteignent parfaitement les objectifs que je me suis fixés dans mes séquences, mais ce n’est pas le cas de tous. Alors, en tant qu’enseignante, il me parait naturel de m’interroger sur la pédagogie à mettre en place dans une classe qui disposerait d’élèves aux profils d’apprentissages divers et variés et pouvant obtenir des résultats très différents. Or, la mission de tout enseignant est liée aux valeurs de la République française, de facto, je me dois d’appliquer le système de l’égalité des chances et donc, m’adapter à chaque élève en lui donnant tous les outils dont il a besoin pour arriver au même endroit que les autres sur le chemin des apprentissages.

Étant donné que mon interrogation nait du fait que les élèves obtiennent des résultats (aux évaluations sommatives de fin de séquence) inégaux, j’ai décidé de me questionner sur la différenciation de l’évaluation. De cette façon, je souhaite proportionner à chaque élève les moyens nécessaires pour qu’il puisse mobiliser ses connaissances et donc donner le meilleur de lui-même au cours d’un moment que nombre d’entre eux redoutent, celui de l’évaluation sommative. Toutefois, je ne souhaite pas perdre de vue qu’à moyen terme (deux ans pour les élèves de 2nde et un an pour ceux de première), ils devront passer le Baccalauréat et ne disposeront pas de différenciation.

Cadre théorique 

Terminologie

L’objet d’étude de ce travail porte sur la différenciation de l’évaluation, il convient donc de définir ce que nous entendons par « différenciation », en nous référant à une pédagogie différenciée, et par « évaluation ». Nous allons ici faire un inventaire non exhaustif de quelques définitions de la pédagogie différenciée dans le but de définir l’étendue du travail réflexif. Ainsi, pour Perrenoud (2005) cette démarche doit permettre aux élèves d’apprendre dans des conditions optimales. Plus généralement, Mersch-Van Turenhoudt (1991) définit la pédagogie différenciée comme étant la démarche :

[…] qui permet de rencontrer le type de fonctionnement de chaque apprenant, celle où chacun peut travailler, et ainsi se former, à son rythme. C’est pour y arriver que nous partons chaque fois de l’élève, de sa recherche personnelle. C’est l’ensemble des recherches individuelles qui permet d’ancrer le fonctionnement du groupe classe. (Mersch-Van Turenhoudt, 1991, p.71).

En d’autres termes, c’est en prenant en considération les différences de chacun des élèves que la classe avancera mieux.

En ce qui me concerne, il ne s’agit pas de mettre en place une pédagogie différenciée tout au long de la séquence, mais au moment de l’évaluation. Ce choix a été pris suite au constat que j’ai pu faire en observant les réactions des élèves face aux documents que je leur proposais au cours des séquences. Je n’ai senti aucune réticence particulière, et une appropriation générale des contenus c’est pourquoi, ce travail se concentre sur l’évaluation différenciée. Car c’est au moment de l’évaluation sommative que l’appropriation des différents éléments de la séquence est constatable. En somme, mon souhait est d’apporter à chacun tout le contenu (culturel et linguistique) et la méthodologie dont il a besoin pour progresser cours après cours et de ne pas le pénaliser au moment de l’évaluation en lui accordant le droit à l’oubli et dont en lui proposant une différenciation. Je souhaite rappeler que j’entends l’évaluation comme étant un « modèle intégratif » qui, définit par M.-F. Narcy-Combes lors d’un de ses cours, prend en compte tant l’oral que l’écrit et tant la compréhension que l’expression.

L’expression « différenciation de l’évaluation » permet alors de décrire les conséquences de la différenciation pédagogique sur les pratiques d’évaluation. Comme je l’ai dit plus haut, la différenciation portera sur l’évaluation sommative et non la diagnostique ou la formative. Pour Robbes (2009), terminer une séquence avec une évaluation sommative, permet à l’enseignant d’être en mesure de constater l’efficacité du dispositif qu’il a mis en place pour ses élèves. Autrement dit, observer si les élèves ont progressé par rapport à leur point de départ. En effet, il ne me semble pas pertinent d’effectuer une différenciation lors de l’évaluation diagnostique, bien au contraire, car c’est l’évaluation qui nous permet de réaliser « un état des lieux » sur ce que l’élève connait de notre thématique. L’évaluation formative peut se différencier afin de savoir où en est précisément chacun des élèves, mais, étant donné qu’elle n’est pas sensée mener à une notation, elle ne sera pas prise en compte dans les bulletins et moyennes des élèves. C’est donc en partie pour cela que j’ai choisi de me centrer sur l’évaluation sommative afin que les élèves ne soient pas pénalisés dans ce qui reste de leur parcours d’un point de vue administratif. En effet, depuis le début j’insiste auprès des élèves pour leur expliquer que l’évaluation de la tâche finale ne sera jamais une surprise, qu’elle découlera logiquement de la séquence, ils savent à l’avance quelle sera l’activité langagière dominante (compréhension de l’écrit ou de l’oral, expression écrite, expression orale en continu ou en interaction), j’essaie d’être bienveillante envers eux afin qu’ils relativisent cette étape de leur parcours, c’est pourquoi l’évaluation différenciée me semble pertinente. Cependant, comme l’écrivent Poutoux et al. , il est vrai que « L’évaluation différenciée sert une logique d’apprentissage et non une logique de résultat, de performance » (p.5). Ainsi, la différenciation s’applique à l’évaluation sommative, dans le fond l’idée est bien celle-ci : s’adapter à l’élève, à ce dont il a besoin et à ce qu’il connait sans pour autant le desservir au niveau de ses résultats scolaires. À ce titre, Hoeben, Leroy et Reuter énoncent que l’évaluation « repose sur une prise d’informations [qui sont] confrontées à un ensemble de critères, voire – quand c’est possible – à d’autres personnes (l’enfant lui-même), […]. » (2010, p.80). En nous centrant sur cet aspect, « évaluer » n’a pas le sens qu’on peut lui attribuer en temps normal. Il s’agit de voir l’évaluation comme un outil qui doit aider l’enfant à s’améliorer et non pas le pénaliser ou le sanctionner avec une note qu’il ne comprendrait pas nécessairement. D’ailleurs, M.- F. Narcy-Combes, mentionna lors d’un de ses cours (à la Faculté des Langues et Cultures Étrangères de Nantes) un écrit de Laugier et Weinberg de 1936 qui montra à travers une expérience de multi correction qu’une même copie de français, évaluée et notée par différents correcteurs, pouvait passer d’une note allant de 3 à 16/20.

Pourquoi : Dans quels buts appliquer une évaluation différenciée ?

Je viens de mentionner le manque de pertinence de la notation par rapport à une norme et donc l’intérêt d’une évaluation différenciée, c’est très clairement l’une des raisons qui a motivé ma réflexion sur l’application d’une évaluation différenciée. Précisons un élément qui peut sembler évident mais que Perrenoud souligne : la différenciation s’établit par rapport aux objectifs de la formation, non par rapport au reste des camarades (2005, p.2). L’idée est que tous puissent acquérir les savoirs, connaissances et compétences minimaux qui seront exigés à la fin de l’année pour continuer au niveau supérieur. De plus, en étant enseignante pour la première fois dans un lycée, bien qu’ayant connaissance des niveaux que doivent atteindre mes élèves (A2 / B1), au début je ne savais pas exactement quelles exigences avoir auprès de mes élèves et donc l’idée de les évaluer par rapport à eux-mêmes me rassurait et me déculpabilisait. Ensuite, en faisant le choix de devenir professeure de l’Éducation Nationale française, je me suis engagée à : faire partager les valeurs de la République, connaître les élèves et les processus d’apprentissage, prendre en compte la diversité des élèves, accompagner les élèves dans leur parcours de formation, construire, mettre en œuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage prenant en compte la diversité des élèves, et enfin, organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves. De ce fait, je me suis engagée à ne pas faire preuve d’indifférence face aux différences des élèves et à les aider, non seulement, à ne pas abandonner mais aussi à se surpasser. Alors, en considérant que l’Éducation Nationale désire favoriser à tous un accès à la culture et à l’éducation en prônant aux élèves une politique d’égalité des chances et, lutter contre le décrochage scolaire, il me semble que se poser la question d’une différenciation de l’évaluation est pertinente et pourrait, peutêtre, apporter des réponses. En effet, l’évaluation différenciée s’adapte à chacun, en proposant des tâches accessibles aux élèves. Cela implique aussi que le professeur propose aux élèves des tâches de plus en plus complexes afin que, même si cela reste plus simple que ce qui peut être proposé aux autres élèves, il y ait une gradation et une évolution pour ne pas freiner leurs apprentissages. Sans oublier, qu’il ne faut pas enfermer les élèves dans une catégorie, ce n’est pas parce qu’à un moment donné ils ont besoin d’une différenciation qu’ils en auront besoin toute l’année, le risque serait de les lasser et de les perdre (effet Golem). On peut donc supposer que les élèves décrocheront moins que si on leur proposait une évaluation hors ou en deçà de leur portée et donc sans intérêt pour eux. En somme, mon souhait serait de réussir à appliquer en symbiose ce que Zakhartchouk dénomme les logiques pédagogique et sociale de l’évaluation :

Quand on a la responsabilité d’une classe, d’une part, on s’engage à mettre en œuvre tout ce qui pourra être envisagé pour aider chaque élève à progresser dans ses acquisitions et ses compétences : logique pédagogique de l’évaluation. D’autre part, on accepte de certifier le niveau des apprentissages construits par les élèves : logique sociale de l’évaluation. (Zakhartchouk, 2014, p.132). 

Autrement dit, j’aimerais aider chaque élève à progresser par rapport à ses possibilités, que ses compétences et connaissances s’accroissent au fur et à mesure que les séquences se terminent. Tout ceci en lui donnant une note, mais qui s’établit en prenant appui sur des critères définis et adaptables aux besoins de chacun pour ne pas les pénaliser.

Troisièmement, en accord avec ce que relate Mersch-Van Turenhoudt (1991) il est vrai que l’une des grandes difficultés du travail de l’enseignement reste à prendre en compte l’hétérogénéité de sa classe (p.50). Partir de ce constat me pousse à élaborer une évaluation différenciée afin de mieux prendre en considération les différences de chacun et permettre à tout le monde d’avancer et de réussir. De plus, faire une évaluation différenciée permettra à chacun d’aller au bout de ces possibilités et donc de ne pas se décourager face à une évaluation qu’il vivra comme une sanction couronnée d’une mauvaise note.

D’autre part, le CECRL (Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues) en vigueur actuellement pour l’enseignement des langues étrangères indique qu’il serait bon que les apprenants (ici les élèves d’espagnol), soient au centre de leur apprentissage et acteurs de celui-ci. Or, si l’on entend par évaluation différenciée une opportunité pour l’élève de choisir quand il souhaite passer l’évaluation et sous quelle modalité, comme cela est explicité par Munck, Pillard et Terrien (2014) : « Instaurer des ‘évaluations sur demande’, l’élève sera non seulement acteur, mais aussi maître de son apprentissage. L’élève demande à être évalué, quand il se sent prêt et en ayant connaissance des attendus du professeur. Comme le disent Hoeben et al., on peut proposer une différenciation de l’évaluation en : « mettant à l’agenda trois sessions pour le contrôle. L’élève s’inscrit à la session quand il se sent prêt » (2010, p.59). Comme le signale Munck, Pillard et Terrien (2014), « Ceci responsabilise l’élève dans l’acquisition de ses savoirs et atténue le côté angoissant de l’évaluation » (p.14). Ainsi, on confère à l’élève une certaine autonomie : il doit lui-même gérer son rythme d’apprentissage et se responsabiliser pour s’affronter à ses connaissances au moment où il pense être prêt. Alors, si le professeur souhaite favoriser l’autonomie de ses élèves, il va pouvoir jouer sur la durée de la tâche. Ainsi, une même tâche pourra se faire avec plus de temps pour les élèves qui en ont besoin ou bien ceux qui ont un rythme de travail plus rapide devront effectuer plusieurs tâches dans le temps imparti. Une fois encore, on ressent cette idée de bienveillance envers les élèves, l’enseignant est sensé proposer différentes modalités d’évaluation pour qu’ils réussissent. Comme le dit Puren :

Que ce soit en France avec la « pédagogie différenciée » ou en Espagne avec la « atención a la diversidad », la perspective adoptée est celle de l’enseignant : c’est lui qui est supposé devoir adapter son enseignement à l’hétérogénéité de ses élèves ou mettre à profit leur diversité (Puren, 2001, p.64).

En d’autres termes, les raisons qui peuvent amener à vouloir pratiquer une évaluation différenciée sont de différents ordres (bienveillance, observer une réelle amélioration par rapport à un travail suivi et constant, favoriser l’autonomie des élèves, réduire les inégalités, etc.). Il reste maintenant à voir ce que proposent les chercheurs quant à la mise en place de cette pratique pédagogique.

Comment : sous quelle forme aborder l’évaluation différenciée ?

En tout premier lieu, comme le suggère Mersch-Van Turenhoudt, (1991) la prise de contact avec les responsables légaux des élèves et l’explicitation de ce qui va être attendu de leur enfant au sein des cours sont primordiales. C’est de cette façon que les élèves prendront conscience qu’il y a un continuum entre ce qui se fait en cours et à la maison et de cette façon leurs parents seront plus à même de leur venir en aide :

[…] il est essentiel pour leur formation que les jeunes sentent une action conjuguée dans leurs deux principaux milieux de vie : la famille et l’école. […], il nous paraît important que le professeur établisse un contact avec les parents dès le début […] et qu’il explicite les objectifs pédagogiques mis en œuvre. (Mersch Van Turenhoudt, 1991, pp.52-53).

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Table des matières

I> Introduction
II> Cadre théorique
1. Terminologie
2. Pourquoi : Dans quels buts appliquer une évaluation différenciée ?
3. Comment : sous quelle forme aborder l’évaluation différenciée ?
4. Des limites à considérer
III> Mise en place de l’évaluation sommative différenciée en classe de 2nde générale en espagnol
1. Les outils : Le tableau pour s’autoévaluer – types d’erreurs
2. Les outils : La fiche des règles à retenir
3. La première évaluation sommative différenciée
4. Les limites de la démarche mise en place
IV> Conclusion
V> Bibliographie
VI> Sitographie
VII> Annexes
Annexe nº1 : La Guía de la Buena Esposa
Annexe nº2 : Remédiation collective de l’évaluation formative du 19 janvier
Annexe nº3 : Tableau pour s’autoévaluer – types d’erreurs
Annexe nº4 : Copie de l’élève A suivie de ses fiches – outils de correction
Annexe nº5 : Copie de l’élève B suivie de ses fiches – outils de correction
Annexe nº6 : Reglas para mejorar
Annexe nº7 : Quelques exemples de dessins proposés aux élèves pour l’évaluation finale
Annexe nº8 : La différenciation, les aides méthodologiques

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