L’évaluation de la durabilité environnementale
Le concept de développement durable doit être clairement défini avant de définir le concept d’évaluation de la durabilité environnementale. La description du concept de développement durable permet, en effet, d’identifier les principes fondamentaux, le cadre d’évaluation et les objectifs d’une évaluation de la durabilité environnementale. Dans un contexte plus général, il s’applique aux trois piliers que sont : l’économie, la société et l’environnement. La durabilité environnementale se restreint cependant à une perspective sur le pilier environnemental.
Définition du concept de développement durable
Le concept de développement durable est apparu au début du XXe siècle. Ces origines sont imprécises puisque l’idée repose sur des notions générales de saine gestion considérant une nécessité de prévision dans un système limité. L’élément fondateur généralement accepté repose sur une définition provenant des travaux de la commission mondiale sur l’environnement et le développement qui a été défini dans le rapport Brundtland (1987). Voici les principes repris dans la définition :
« C’est un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion :
Le concept de “besoins”, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité.
L’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir»
Analyse du concept de développement durable
La recherche d’un développement qui respecte le concept de développement durable requiert donc une perspective d’analyse qui fait référence aux besoins. L’analyse ou l’évaluation de la durabilité d’un développement doit aussi considérer, au minimum, les effets présents et futurs de ce développement sur les piliers économique, social et environnemental. Ces aspects peuvent être considérés par une évaluation sous perspective du cycle de vie. En effet, l’évaluation sous perspective du cycle de vie considère le système, dans le temps et l’espace, qui est nécessaire à la réalisation d’un besoin.
Le concept de développement durable souligne aussi l’importance de considérer les effets des limites technologiques et sociales sur l’environnement. C’est-à-dire qu’il existe une limite dans la capacité de l’environnement à s’adapter aux flux provenant de l’activité humaine et une limite d’adaptation de l’activité humaine face aux modifications de l’environnement. Ces limites doivent donc être mises en perspective avec la capacité de l’environnement à répondre à nos besoins. Le concept de « biocapacité » est proposé par Catton (1982) pour définir cette limite (Blanc 2010). Il s’agit, dans ce cas, de la charge maximale de substance supportable à long terme par l’environnement. De plus, ces limites se modifient dans le temps et sont variables en fonction de l’endroit où se situe la réponse au besoin. Il existe donc une variabilité spatiale et temporelle (spatiotemporelle) des limites qui complexifie l’évaluation de la durabilité d’un développement. La variabilité des réponses de l’environnement dans différentes régions et moments face aux interactions avec l’activité humaine (système anthropogénique) doit aussi être considérée pour une évaluation plus représentative.
Ces deux principes de la définition du concept de développement durable sont également des principes fondamentaux de l’évaluation de la durabilité environnementale.
Définition du concept d’évaluation de la durabilité environnementale
La durabilité environnementale décrit le niveau de durabilité d’un choix en fonction de son effet sur l’environnement. Plus précisément, le niveau de durabilité environnementale décrit à quel point un système de l’activité humaine a un effet important sur l’état de l’environnement actuel. L’évaluation de la durabilité environnementale est donc l’action d’analyser l’effet d’un système sur l’environnement. Pour suivre les principes fondamentaux du développement durable, cette évaluation doit se faire en fonction de besoins auxquels le système répond. L’évaluation du système dans le temps (présent et futur) impose aussi une modélisation du système puisqu’il faut faire des hypothèses sur la description du futur des systèmes. La considération des limites/contraintes du système lors de la modélisation est aussi nécessaire pour correspondre aux principes fondamentaux du développement durable. L’identification de ses limites est toutefois aussi complexe que pour le concept de développement durable. L’imprécision des limites/contraintes est un problème pour l’évaluation des limites physiques, au moins pour le pilier environnemental. En effet, ces limites sont difficiles, voire impossibles, à évaluer précisément parce qu’il faut considérer la capacité d’adaptation présente et future de l’environnement et des systèmes anthropogéniques. Il n’est donc pas possible, actuellement, de dire avec certitude si une solution est durable ou non au niveau environnemental. Une tentative de réponse partielle à ce problème global est toutefois proposée par Meinhausen et al. (2009) pour appréhender la question du changement climatique en fixant une limite de 2°C à la hausse en température terrestre globale. Une solution envisagée est de contourner ce problème, donc de ne pas identifier les limites, mais plutôt d’évaluer les impacts environnementaux de différents systèmes de l’activité humaine pour déterminer le niveau d’effets néfastes de ces systèmes. Il est alors intéressant de classer ces systèmes en fonction du niveau d’effets néfastes qu’ils occasionnent. Ce type d’évaluation de la durabilité environnementale reste tout de même un outil pour la prise de décisions nécessaires au développement durable bien qu’il ne reflète plus une évaluation de la durabilité de l’environnement face à un système anthropogénique global. Il reste toutefois une difficulté dans la description des systèmes. En effet, une modélisation permettant de faire une évaluation de la durabilité environnementale ne peut considérer la totalité des processus qui constituent le monde dans lequel nous vivons. Il y a tout simplement trop de variables à considérer. Une description schématique du système global (activité humaine – environnement) permet l’identification des aspects critiques d’une modélisation environnementale par l’évaluation de la durabilité environnementale. Cette description, le DPSIR (EEA 1999; Holten-Andersen et al. 1995; Jesinghaus 1999) synthétise les relations clés entre l’activité humaine et l’environnement.
Modèle DPSIR
DPSIR est un acronyme pour cinq composantes des systèmes de l’activité humaine et de l’environnement. C’est un acronyme anglais qui signifie « Drivers, Pressures, State, Impacts et Responses ». Cet acronyme peut se traduire de la manière suivante : Dynamiques, Pressions, Etats, Impacts et Réponses.
Les impacts environnementaux du secteur de l’énergie
La durabilité environnementale du secteur de la production d’énergie est un sujet qui a pris de l’importance depuis quelques années. Le lien direct établi entre l’émission de certains gaz par plusieurs sources d’énergie et l’effet de serre (IPCC 2007) est un des exemples les plus connus qui explique l’importance grandissante de ce sujet au niveau international. Les travaux annuels de recensement des émissions de gaz à effet de serre (GES), effectués par l’AIEi , soulignent l’importance d’une caractérisation temporelle de ces émissions pour l’évaluation des impacts provenant des différentes formes de production d’énergie. Ces données permettent, en effet, de comparer les tendances dans le temps d’émissions anthropogéniques de GES avec le réchauffement climatique observé. Cette comparaison semble indiquer aujourd’hui l’importance des sources anthropogéniques de GES par rapport à l’augmentation de la température terrestre moyenne.
Plusieurs autres impacts environnementaux observés peuvent s’expliquer en partie par des sources en lien plus ou moins direct avec les systèmes de production d’énergie. Les trois exemples suivants permettent d’alimenter la discussion sur les aspects à considérer pour l’évaluation de la durabilité environnementale :
➤ La combustion de charbon et lignite de centrales émet des particules microscopiques ayant des effets sur les capacités respiratoires de la population;
➤ Le même type de combustion a aussi des effets sur l’acidification des cours d’eau;
➤ La mise en place de certaines structures comme les barrages hydroélectriques peut avoir un effet sur la biodiversité dans une région restreinte;
Les effets de tous ces exemples d’émissions se distinguent de l’effet des émissions de GES par la limitation du périmètre régional. En effet, certaines particules et substances émises dans l’air n’auront pas un effet sur la terre entière puisque leur dispersion n’est pas aussi homogène que celle des GES.
Par ailleurs, les deux premiers exemples de la liste précédente décrivent des sources d’impacts environnementaux qui se lient directement à la combustion de ressources énergétiques. Le troisième exemple décrit plutôt un lien indirect entre l’impact potentiel d’une installation et la production d’électricité. La dépendance entre la création du barrage et sa production d’électricité explique toutefois pourquoi cet effet environnemental est conceptuellement lié. C’est ce type de dépendance qui impose une analyse plus poussée des impacts environnementaux des systèmes nécessaires à la production d’énergie. Il faut, en effet, considérer les impacts environnementaux indirectement liés à la production d’énergie pour pouvoir s’approprier la question d’évaluation de la durabilité environnementale des systèmes de production d’énergie.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 L’évaluation de la durabilité environnementale
1.1.1 Définition du concept de développement durable
1.1.2 Définition du concept d’évaluation de la durabilité environnementale
1.2 Les impacts environnementaux du secteur de l’énergie
1.3 Spécificités spatiotemporelles de la production d’énergie
1.4 Méthode pour l’évaluation de la durabilité environnementale
1.5 Objectif de la thèse
1.6 Démarche de la thèse
2 Méthode analyse cycle de vie
2.1 Description générale de la méthode ACV
2.1.1 Définition et principes généraux
2.1.2 Structure de l’ACV
2.1.3 Résumé et irrégularités dans l’application du cadre méthodologique
2.2 Historique de développement des considérations spatiotemporelles
2.2.1 Evolution générale
2.2.2 Développements au niveau spatial
2.2.3 Développements au niveau temporel
2.3 Phase 1 : Définition des objectifs et du champ de l’étude
2.3.1 Définition des objectifs
2.3.2 Définition du champ de l’étude
2.4 Phase 2 : Modélisation du système et calcul d’inventaire cycle de vie
2.4.1 Modélisation et caractérisation spatiotemporelle des systèmes
2.4.2 Calcul d’un inventaire cycle de vie
2.4.3 Forces et faiblesses identifiées pour la deuxième phase de la méthode ACV
2.5 Phase 3 : Modélisation des impacts environnementaux
2.5.1 Considérations spatiotemporelles générales pour la modélisation des impacts
2.5.2 Modélisation d’impacts environnementaux à partir de l’ICV
2.5.3 Définition des facteurs de caractérisation d’impacts
2.5.4 Forces et faiblesses identifiées pour la troisième phase de la méthode ACV
2.6 Résumé du chapitre
3 Démarche pour le développement
3.1 Forces et faiblesses des considérations spatiotemporelles
3.1.1 Description des forces et faiblesses
3.1.2 Positionnement des forces et faiblesses dans la structure de la méthode ACV
3.1.3 Identification des freins critiques aux considérations spatiotemporelles
3.2 Proposition pour le vocabulaire relatif aux considérations temporelles
3.2.1 Apparition du concept de modèle dynamique
3.2.2 Modélisation dynamique des systèmes
3.2.3 Modélisation dynamique des impacts environnementaux
3.2.4 Discussion sur l’utilisation de l’adjectif dynamique
3.3 Propositions pour atteindre l’objectif général de la thèse
3.3.1 Propositions au niveau spatial
3.3.2 Propositions au niveau temporel
3.3.3 Résumé des propositions de développement
3.4 Définition et organisation des objectifs spécifiques de la thèse
3.4.1 Effets de la structure de la méthode ACV sur l’organisation du travail
3.4.2 Objectifs spécifiques de la thèse
3.5 Protocole pour la proposition et vérification de développements
4 Mode de caractérisation spatiotemporelle
4.1 Cadre d’évaluation des modes de caractérisation
4.1.1 Définitions de critères de performance
4.1.2 Définition des conditions de viabilité d’un mode de caractérisation
4.1.3 Evaluation des modes à partir du cadre d’évaluation
4.2 Evaluation des modes de caractérisation spatiotemporelle existants
4.2.1 Evaluation de modes de caractérisation spatiale
4.2.2 Evaluation d’un mode de caractérisation temporelle
4.3 Proposition de nouveaux modes de caractérisation spatiotemporelle
4.3.1 Proposition d’un mode de caractérisation spatiale des flux élémentaires 2.0
4.3.2 Proposition d’un mode de caractérisation temporelle relatif des flux
4.4 Récapitulatif des évaluations des modes de caractérisation
4.5 Résumé du chapitre
5 Conclusion
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