LEUCEMIE AIGUE MYELOÏDE

LEUCEMIE AIGUE MYELOÏDE

INTRODUCTION

– La leucémie myéloïde aiguë (LAM) est une hémopathie clonale maline caractérisée par une altération de la production de cellules hématopoïétiques saines ; ces altérations inhibent la différenciation des cellules hématopoïétiques, et induisent la prolifération ou l’accumulation de blastes. La LAM est un groupe hétérogène, dont le traitement dépend de plusieurs facteurs, tels que l’âge et les comorbidités du patient, le statut cytogénétique et moléculaire. Malgré les progrès dans la compréhension de la biologie moléculaire de la LAM, son traitement reste difficile. – Les schémas thérapeutiques standards utilisent la cytarabine et les anthracyclines pour l’induction, suivis d’un traitement de post rémission, soit par l’utilisation de forte dose de cytarabine pour le groupe avec un pronostic favorable, soit par une allogreffe de CSH pour les groupes intermédiaires et défavorables. Ces schémas offrent des taux de réponses jusqu’à 80 % et un taux de survie entre 25-60% à 5 ans. De nouvelles thérapies ciblées prometteuses en fonction de la définition d’anomalies cytogénétiques et moléculaires spécifiques sont en cours d’évaluation. De telles thérapies ciblées offrent une meilleure activité anti leucémique.

DEFINITION DES LAM

– La LAM, également connues sous le nom leucémie aiguë non lymphocytaire est un groupe de néoplasmes hématopoïétiques relativement bien définis impliquant des cellules précurseurs engagées sur la lignée myéloïde. La LAM est caractérisée par une prolifération clonale de précurseurs myéloïdes avec une capacité réduite à se différencier en éléments cellulaires plus matures. Il en résulte une accumulation de cellules immatures leucémiques appelées « blastes » dans la moelle osseuse, le sang périphérique et parfois dans d’autres tissus, avec une réduction variable de la production de globules rouges normaux, de plaquettes et de granulocytes matures. La production accrue de cellules malignes, avec une réduction de ces éléments matures, entraîne une variété de conséquences systémiques, y compris l’anémie, les saignements et un risque accru
d’infections.

EPIDEMIOLOGIE

– La LAM est la leucémie aiguë la plus fréquente chez les adultes et représente environ 80% des cas dans ce groupe (1). Aux États-Unis et en Europe, l’incidence est stable de 3 à 5 cas pour 100 000 habitants (2, 3).
– En Algérie, les hémopathies malignes de l’adulte, représentent 10% de l’ensemble des pathologies cancéreuses et l’évaluation de leur fréquence réalisées sur 3 années (2011 à 2013) montre que les leucémies aigües occupent la deuxième place après les lymphomes non hodgkiniens. Elles représentent 18% de l’ensemble des hémopathies malignes (4). Trois enquêtes nationales réalisées sur trois périodes différentes montrent que l’incidence des LAM est en augmentation continue, dont l’incidence évaluée en 2017 est de 1.2/100000 habitants, avec un âge médian au diagnostic de 46.5 ans. La fréquence la plus élévée est observée entre 41 ans et 50 ans. le sexe ration est de 1.1 (5-7). Au contraire, la LAM représente moins de 10% des leucémies aiguës chez l’enfant de moins de 10 ans

PATHOGENESE DES LAM

Origine cellulaire
– Les cellules souches hématopoïétiques (CSH) sont des cellules multipotentes, et ont la capacité de se différencier en cellules des 10 lignées de sang ; érythrocytes, plaquettes, neutrophiles, éosinophiles, basophiles, monocytes, lymphocytes T et B, cellules naturelles killers (NK) et cellules dendritiques (figure 1). Afin de maintenir l’hématopoïèse, les cellules souches sont capables de trois fonctions de base :  Maintien la cellule à un l’état non cyclique  Auto-renouvèlement, permettant la production de cellules souches multipotentes supplémentaires.  Production de cellules progénitrices engagées. – L’hématopoïèse normale est un processus dynamique hautement régulé contrôlé par les effets combinés des facteurs de croissances, qui permettent la prolifération cellulaire, et des facteurs de transcriptions nucléaires qui activent des programmes génétiques spécifiques, ce qui entraîne un engagement envers une lignée spécifique et une différenciation terminale(8). – De nombreux facteurs de croissances régulateurs, et un certain nombre de facteurs de transcriptions spécifiques ont été identifiés, qui jouent un rôle critique dans l’engagement de chaque lignée hématopoïétiquen, et dans le développement ultérieur des lignées
lymphoïdes et myéloïdes.

Clonalité

– La LAM est un processus clonal qui se développe à partir d’une seule cellule progénitrice hématopoïétique transformée. On pense que pratiquement tous les cas de LAM sont précédés d’une maladie proliférante prémaligne, caractérisée par une hématopoïèse clonale. L’hématopoïèse clonale a été identifiée dans environ 4% de la population générale et l’incidence a augmenté avec l’âge: 6% des personnes âgées entre 60 et 69 ans, 10% des personnes âgées entre 70 et 79 ans; 12% des personnes âgées 80 et 89 ans et 18% des personnes âgés de 90 ans ou plus (9).  L’hématopoïèse clonale implique plusieurs types de mutations DNMT3A (DNA methyltransferase 3 alpha), TET2 (tet methylcytosine dioxygenase 2) ou ASXL1 (additional sex combs like 1) qui sont associées à des tumeurs malignes myéloïdes. Alors  que l’hématopoïèse clonale était associée à un risque accru de cancer hématologique, le risque absolu de progression était très faible.

Les cellules souches leucémiques
– En 1994, Dick et ses collègues ont montré que seules les cellules leucémiques exprimant les mêmes marqueurs comme des CSH normales (CD34+CD38) pourraient initier une hémopathie maligne (10). Ces cellules souches leucémiques peuvent être plus immatures que la majorité des cellules leucémiques en circulation. Selon la même hypothèse, la majorité des cellules leucémiques n’ont pas d’auto-renouvèlement illimité et présentent certaines caractéristiques de différenciation partielle en fonction de l’aberration génétique présente (11). – Deux modèles ont été proposés pour expliquer l’hétérogénéité de la LAM observée au niveau moléculaire, cytogénétique, phénotypique et clinique.  La transformation en leucémie se produisant au sein des cellules primitives multipotentes  La transformation en leucémie se produit à un stade de développement.

Protection par les cellules stromales
– Les cellules leucémiques se développent dans la moelle osseuse où l’interaction avec le microenvironnement peut d’une part favoriser la chimiorésistance (12), et d’un autre part des études sur des modèles murins de la leucémie aigue promyélocytaire (LAM3) ont démontré que le déplacement des cellules leucémiques de leur environnement stromal via l’interruption de la signalisation CXCR4« C-X-C chemokine receptor type 4 » a entraîné une sensibilité accrue des cellules leucémiques à la chimiothérapie (13). Ce microenvironnement anormal dû à la croissance des cellules leucémiques perturbe les niches de cellules progénitrices hématopoïétiques normales dans la moelle osseuse.

Suppression de l’hématopoïèse normale
– La pancytopénie est fréquente chez les patients atteints de LAM, et de nombreux patients présentent initialement des complications en rapport avec la leucopénie, l’anémie et la thrombopénie. – Le nombre de CSH dans la moelle osseuse est normal ou augmenté (14). Les cellules leucémiques semblent inhibe la capacité des CSH à produire des cellules hématopoïétiques plus matures. Lorsque les cellules souches ont été retirées de  10 l’environnement leucémique, la capacité de produire des cellules hématopoïétiques matures a été restaurée.

Leucémogenese
– La progression vers une leucémie aigue peut nécessiter une série d’événements génétiques. Le 1er évènement est l’expansion clonale d’une cellule souche leucémique transformée (15). Les événements mutationnels spécifiques requis pour cette progression ne sont pas actuellement bien définis. – L’hypothèse de la leucémogenèse implique que la LAM est la conséquence d’au moins deux mutations, l’une conférant un avantage prolifératif (mutations de classe I), et une autre altérant la différenciation hématopoïétique (mutations de classe II) (Figure 2) (16, 17). Les mutations de type I incluent par exemple ; les mutations Fms-like tyrosine kinase 3- internal tandem duplication (FLT3-ITD), Kirsten rat sarcoma (K-RAS) et tyrosineprotein kinase Kit(KIT), tandis que les mutations dans CCAAT/enhancer-binding protein alpha (CEBPA) sont des anomalies de type II.
Gilliland and Griffin, Blood 2002.
– Les études de clonalité ont montré que les patients atteints de LAM en rémission clinique peuvent encore avoir une hématopoïèse clonale plutôt que polyclonale.

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Table des matières

LISTE DES ABREVIATIONS
REVUE DE LA LITERATURE
CHAPITRE (1) LEUCEMIE AIGUE MYELOÏDE
1. INTRODUCTION 
2. DEFINITION DE LA LEUCEMIE AIGUE MYELOÏDE
3. EPIDEMIOLOGIE
4. PATHOGENESE
4.1 Origine cellulaire
4.2 Clonalité
4.2.1 Les cellules souches leucémiques
4.2.2 Protection par les cellules stromales
4.2.3 Suppression de l’hématopoïèse normale
4.3 Leucémogénèse
4.4 Mécanismes des dommages génétiques
5. EHIOPATHOGENIE
6. PHYSIOPATHOLOGIE
7. MANIFESTATIONS CLINIQUES AU COURS DES LAM
7.1 Circonstances de découverte
7.2 Mode d’apparition
7.3 Clinique
8. BIOLOGIE DES LAM
8.1 Hémogramme
8.2 Myélogramme
8.3 Coloration cytochimique
8.4 Biopsie ostéomédullaire
8.5 Immunophénotypage cellulaire par cytometrie de flux (CMF)
8.6 Cytogénétique des LAM
8.7 Biologie moléculaire des LAM
8.7.1 Mutations affectant la méthylation de l’ADN
8.7.2 Mutations impactant l’activation du signal
8.7.3 Gènes suppresseurs des tumeurs
9. DIAGNOSTIC POSITIF DES LAM
10. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
10.1Situations au cours desquelles on observe des blastes dans le sang
10.2Présence de blastes uniquement lors du myélogramme
11. CLASSIFICATION DES LAM
11.1 Classification morphologique (franco-american-britannique (FAB))
11.2 Classification OMS 2008 des LAM
11.3 Classification OMS 2016 des LAM
12. LES FORMES CLINIQUES DES LAM
13. PRONOSTIC DES LAM
13.1 Facteurs pronostiques liés aux patients
13.2 Facteurs pronostiques liés a la LAM
13.2.1 Anomalies cytogénétiques et moléculaires
13.2.1.1 Classification ELN 2017
13.2.1.2 Incorporation de d’autres facteurs génétiques
13.3 Facteurs pronostiques après traitemen
14. COMPLICATIONS DE LA LAM
15. BILAN PRETHERAPEUTIQUE
16. TRAITEMENT DES LAM
16.1  traitement intensif (fit) (18- 60/65 ans)
16.1.1 Chimiothérapie standard d’induction (3+7)
16.1.2 Rôle des autres agents thérapeutiques
16.1.2.1 Inhibiteurs de FLT3
16.1.2.2 Gemtuzumab ozogamicine (GO)
16.1.2.3 CPX-351
16.1.2.4 Inhibiteurs du BCR-ABL1
16.1.2.5 Les analogues de purine
16.2 Traitement d’induction des sujets non éligibles à un traitement intensif (patients > 65 ans
16.2.1 Aracyctine à faible dose
16.2.2 Les agents hypométhylants
16.2.3 Gemtuzumab ozogamicin (GO)
16.3 Évaluation de la réponse
16.4 Traitement de post rémission du sujet jeune (< 60/65 ans)
16.4.1 Chimiothérapie intensive conventionnelle
16.4.2 Autogreffe de CSH
16.4.3 Allogreffe de CSH
16.5 LAM réfractaires primaires et en rechute
16.6 Traitement de post rémission du sujet âgé
16.7 Traitement des formes cliniques de la LAM
16.7.2 Traitement de la localisation extramédullaire
16.7.3 Traitement de l’association LAM et grossesse
16.7.4 Traitement des patients atteints d’une LAM et maladies cardiaques
16.8 Traitement de support
16.8.1 Support transfusionnel
16.8.2 Antiémétiques
16.8.3 Prise en charge des infections
16.9 Réanimation hématologique (prise en charge des complications)
16.9.1 Traitement de l’hyperleucytose et de la leucostase
16.9.2 Prise en charge de la coagulopathie (CIVD)
16.9.3 Prise en charge des manifestations respiratoires aigues
16.10 Prise en charge des LAM réfractaires primaires ou en rechute avant allogreffe
16.10.1 Approches standards
16.10.2Nouvelles approches (CAR T-cell)
17. CONCLUSION
CHAPITRE (2) ALLOGREFFE DE CSH
1. HISTORIQUE DE L’ALLOGREFFE DE CSH
2. GENERALITES/TERMINOLOGIE SUR L’ALLOGREFFE DE CSH
3. DONNEES STATISTIQUES SUR L’ACTIVITE DE L’ALLOGREFFE
4. ASPECT BIOLOGIQUE DES CSH
5. ASPECT IMMUNOLOGIQUE DE L’ALLOGREFFE DE CSH
6. PRINCIPE IMMUNOLOGIQUE DE L’ALLOGREFFE DE CSH
7. SELECTION DU DONNEUR POUR L’ALLOGREFFE DE CSH
7.1. Choix du donneur selon le typage HLA
7.2. Allogreffe de CSH à partir d’un donneur apparenté identique
7.2.1 Allogreffe de CSH à partir d’un donneur intrafamilial identique(génoidentique)
7.2.2 Allogreffe de CSH à partir d’un donneur non apparenté identique (phénoidentique)
7.2.3 Incompatibilité HLA
7.2.4 Allogreffe de haplo identique
7.3. Les autres critères du choix du donneur
8. LES DIFFERENTES ETAPES DE L’ALLOGREFFE DE CSH
9. BILAN PREGREFFE DU RECEVEUR ET DU DONNEUR
10. CONDITIONNEMENT
11. LES DIFFERENTES SOURCES DES CSH
11.1 Prélèvement de moelle osseuse
11.2 Prélèvement de CSP
11.3 Sang de cordon ombilical
11.4 Choix entre CSP et la moelle osseuse
12. TRANSFUSION DE CSH
13. TRAITEMENT DE SUPPORT APRES ALLOGREFFE DE CSH
13.1 Précautions générales à l’unité d’allogreffe
13.2 Support nutritionnel et métabolique
13.3 Support hématopoïétique
13.4 Facteurs de croissances hématopoïétiques
13.5 Prise en charge de la neutropénie fébrile
13.6 Hospitalisation dans une unité de réanimation
13.7 Support social et psychologique
14. RECONSTITUTION HEMATOLOGIQUE APRES ALLOGREFFE DE CSH
15. RECONSTITUTION IMMUNITAIRE APRES ALLOGREFFE DE CSH
15.1. Chronologie de la reconstitution immunitaire
15.2. Reconstitution de l’immunité innée
15.3. Reconstitution de l’immunité adaptative
15.4. Les facteurs qui influencent la reconstitution immunitaire
15.5. Influence des cellules T CD4 et CD8 sur l’effet GVL
15.6. Les stratégies pour améliorer la reconstitution immunitaire
16. GESTION DES COMPLICATIONS APRES ALLOGREFFE DE CSH
16.1. Maladie du greffon contre l’hôte aigue (GVHD aigue)
16.2. Complications endothéliales aigues post allogreffe
16.3. Cystite hémorragique
16.4. Complications infectieuses
16.5. Complications immuno-hématologiques
16.6. Maladie du greffon contre l’hôte chronique
17. LES EFFETS A LONG TERME DE L’ALLOGREFFE DE CSH
18. VACCINATION APRES ALLOGREFFE DE CSH
19. MONITORING DE LA MALADIE RESIDUELLE APRES ALLOGREFFE DE CSH
19.1 Détection de la maladie résiduelle par cytometrie en flux multiparametrique
19.2 Détection de la maladie résiduelle par biologie moléculaire
19.3 Chimérisme après allogreffe de CSH
19.4 Prise en charge de la rechute après allogreffe de CSH
19.4.1 Mécanismes de la rechute
19.4.2 Effet graft verus leukemia (GVL)
19.4.3 Facteurs pronostiques de la rechute après allogreffe de CSH
19.4.4 Prévention de la rechute
19.4.5 Traitement de la rechute
20. SURVIE A LONG TERME ET LES CAUSES DE DECES APRES ALLOGREFFE DE CSH
21. CONCLUSION

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