État de la question
À partir du XVIIe siècle, l’évaluation scolaire, déjà appelée « appréciation », « notation » ou « contrôle », a vu le jour dans les écoles. Elle s’est développée massivement au XIXe siècle avec le début de la scolarité obligatoire (Perrenoud, 1989). Après sa généralisation, la question de la notation scolaire fait l’objet de débats, notamment au sujet de la subjectivité des notes. C’est en 1922 que le psychologue Henri Piéron créé une nouvelle science : la docimologie (du grec dokime, qui signifie « épreuve »). Elle désigne l’étude des examens, des pratiques de notation, de l’influence des facteurs subjectifs et des examinateurs. Piéron (1951) lui-même la définit ainsi : « étude systématique des examens : modes de notation, variabilité interindividuelle et intra-individuelle des examinateurs, facteurs subjectifs, etc.) ». Plus tard, Barbier (1983), définit deux démarches de nature différente, mais dont le développement est étroitement lié : une démarche de lecture du fonctionnement des pratiques d’évaluation : c’est la docimologie « critique » et une démarche d’amélioration du fonctionnement de ces pratiques : c’est la docimologie « prescriptive ». La première révèle le caractère négatif du système de notation. Henri Piéron et d’autres précurseurs la développent dès les années 1920. Toujours selon Barbier (1983), leurs travaux présentent une caractéristique commune : ils ne remettent pas en cause l’existence de la notation, mais montrent son inadéquation et ses limites.
En constatant une variabilité ou une imprécision des jugements de valeur dans la notation, ils s’attaquent aux problèmes causés par la subjectivité du système de notation. Progressivement, la docimologie est entrée dans une phase constructive (deuxième démarche selon Barbier, 1983) : la docimologie prescriptive. Des chercheurs s’attèlent à améliorer et perfectionner le système de notation et les actes évaluatifs. Giraudeau (2014) soulève deux directions : l’amélioration de la notation (mesure du travail de l’élève) et l’harmonisation des distributions de notes entre différents évaluateurs. Dans ce travail, nous allons nous intéresser à la première direction, qui vise à améliorer la « justesse » de la notation. Elle s’appuie sur trois notions : la fidélité, la validité et la sensibilité, que Giraudeau (2014, pp. 29-30) décline ainsi : Pour qu’une note soit fidèle, il est nécessaire qu’un ou plusieurs évaluateurs puissent attribuer des valeurs chiffrées strictement identiques à des élèves présentant des types de travaux identiques ou comparables. Pour qu’une note scolaire soit valide, on doit être en mesure de déterminer une valeur absolue qui représente le travail de l’élève, indépendamment de facteurs secondaires ou halogènes. […] Enfin, la question de la sensibilité nous renvoie à la capacité à distinguer parmi les élèves ceux qui ont progressé de ceux qui ne l’on pas. […] Il est incontournable d’élaborer et d’utiliser de façon stricte un barème (fidélité), de mettre en place le plus souvent possible une procédure d’anonymat (validité), d’utiliser des épreuves critériées, permettant la comparaison du travail de l’élève à ce qui est attendu dans son apprentissage et non au reste de la classe (sensibilité).
Champs théoriques et concepts Évaluation
L’étymologie du terme « évaluation » laisse déjà apparaître des contradictions. En effet, selon Huver et Springer (2011), en ancien français, avaluer signifie simultanément « faire une évaluation » et « fixer la valeur de ». Il signifie également « déterminer approximativement par une appréciation la valeur de quelque chose » ainsi que « fixer le prix, la valeur de quelque chose ». Cette signification porte un double sens, puisqu’évaluer est à la fois une estimation subjective et approximative ainsi qu’une mesure objective et précise. De Landsheere (1979, p. 111) suppose que l’évaluation est « une estimation par une note, d’une modalité ou d’un critère considéré dans un comportement ou un produit ». Il indique qu’elle est une procédure qui permet de définir l’atteinte ou non des objectifs fixés au préalable ou non. De plus, il suggère que l’appréciation peut contenir un caractère plus ou moins subjectif. Selon Bonniol et Vial (2009, p. 48), « l’évaluation appartient à la catégorie des objets de recherche relevant des processus de jugement, elle est alors inscrite dans un champ théorique où le modèle de la décision occupe une place privilégiée ». De Ketele (2010) propose une définition complète du processus d’évaluation, exprimée de manière opérationnelle. Le processus évaluatif permet à l’enseignant de recueillir un ensemble d’informations pertinentes dans le choix, valides pour l’exploitation et fiables dans le recueil. Puis, il confronte, par une démarche adéquate, cet ensemble d’informations à un ensemble de critères pertinents dans le choix, valides dans l’opérationnalisation et fiables dans l’utilisation. Ensuite, il attribue une signification aux résultats de cette confrontation (processus d’attribution de sens). Finalement, il fonde une prise de décision cohérente avec la fonction visée par l’évaluation.
Hadji (1989, pp. 21-22) propose un éventail de significations du verbe « évaluer » : Évaluer peut signifier, entre autres : vérifier, juger, estimer, situer, représenter, déterminer, donner un avis… Vérifier ce qui a été appris, compris, retenu. Vérifier les acquis dans le cadre d’une progression. Juger un travail en fonction des consignes données ; juger du niveau d’un élève par rapport au reste de la classe ; juger selon des normes préétablies. Estimer le niveau de compétences d’un élève. Situer l’élève par rapport à ses possibilités, ou par rapport aux autres ; situer la production de l’élève par rapport au niveau général. Représenter par un nombre le degré de réussite d’une production scolaire en fonction de critères variant selon les exercices et le niveau de la classe. Déterminer le niveau d’une production. Donner un avis sur les savoirs ou savoir-faire maîtrisés par un individu ; donner un avis qui concerne la valeur d’un travail. En ce qui concerne les fonctions de l’évaluation, il en existe trois grandes catégories : l’évaluation formative, l’évaluation diagnostique/pronostique et l’évaluation sommative/certificative. La première fonction relève davantage de la régulation des apprentissages alors que les deux autres fonctions relèvent davantage du contrôle des apprentissages. L’évaluation formative consiste à vérifier si les élèves progressent en fonction d’objectifs d’apprentissage déterminés au préalable. Elle se déroule pendant les apprentissages, durant une séquence d’enseignement. Ainsi, elle informe à la fois l’enseignant et l’élève sur l’atteinte ou non des objectifs et permet donc à l’enseignant de réguler les apprentissages.
Concernant l’évaluation pronostique, elle intervient pour prédire l’aptitude à réaliser des tâches. Elle permet ainsi de sélectionner et/ou d’orienter les élèves en fonction de leurs facultés présumées à suivre tel ou tel cursus. L’évaluation diagnostique, quant à elle, fait le point de la situation de départ et permet de vérifier les prérequis. Quant à l’évaluation sommative (fonction qui va être traitée plus en détail dans ce travail professionnel), elle vérifie l’atteinte ou non d’objectifs d’apprentissage à la fin d’un apprentissage et revêt donc un caractère de bilan. Elle est caractérisée par l’attribution d’une note ou d’une appréciation. Albrecht (1991), cité dans Talbot (2009), mentionne que l’évaluation sommative permet de vérifier les acquis, en sanctionnant la performance et en rejetant l’erreur, contrairement à l’évaluation formative, où l’erreur est un moyen pour comprendre la cause et la signification, ainsi que de prendre appui sur elle pour améliorer l’enseignement. Selon Talbot (2009), elle permet de dresser un bilan des performances des élèves et de leur situation au terme d’un cursus d’enseignement. Si l’évaluation sommative débouche sur la délivrance d’une reconnaissance institutionnelle, elle devient certificative.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1. Problématique
1.1 Définition et importance de l’objet de recherche
1.1.1 Raison d’être de l’étude
1.1.2 Présentation du problème
1.1.3 Intérêt de l’objet de recherche
1.2 État de la question
1.2.1 Bref historique
1.2.2 Champs théoriques et concepts
1.2.3 Résultats de recherches, théories et synthèses
1.3 Question de recherche et objectifs de recherche
1.3.1 Identification de la question de recherche
1.3.2 Objectifs de recherche
Chapitre 2. Méthodologie
2.1 Fondements méthodologiques
2.1.1 Type de recherche
2.1.2 Type d’approche
2.1.3 Type de démarche
2.2 Nature du corpus
2.2.1 Récolte des données
2.2.2 Procédure et protocole de recherche
2.2.3 Échantillonnage
2.3 Méthodes et/ou techniques d’analyse des données
2.3.1 Transcription
2.3.2 Traitement des données
2.3.3 Méthodes et analyse
Chapitre 3. Analyse et interprétation des résultats
3.1 Compte-rendu des pratiques par entretien
3.1.1 Enregistrement 1 – Josette
3.1.2 Enregistrement 2 – Bernard
3.1.3 Enregistrement 3 – Cosette
3.1.4 Enregistrement 4 – Élisabeth
3.2 Comparaison des résultats en lien avec les axes de recherche
3.2.1 Les pratiques effectives
3.2.2 Les biais évaluatifs/arrangements
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes
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