L’étude socio-anthropologique d’un groupe ethnique au niger

Le Niger est situé au cœur de l’Afrique, en bordure Est de l’Afrique Occidentale . Il constitue une zone tampon entre les pays méditerranéens et riverains du Sahara au Nord, et ceux de la savane boisée au Sud. Il est circonscrit entre le 12ème et le 24ème parallèle Nord, entre les méridiens 0 et 16 d’Est en Ouest. Cette situation lui confère sa structure : zone sédentaire agricole au Sud et zone pastorale nomade au Nord. Une démarcation nette n’existe cependant pas entre les deux zones et on passe sensiblement de la zone des cultures à celle réservée à l’élevage. On assiste de plus en plus à un glissement des populations sédentaires agricoles au Nord en quête de terrains de culture et à un mouvement inverse des nomades qui vont au Sud s’adonner à diverses activités.

L’élevage constitue, après l’agriculture, la principale activité économique du pays. Il est pratiqué d’une façon extensive au Nord du pays, et c’est pour cela que des règlements administratifs datant de l’ère de l’Indépendance ont tracé une ligne de démarcation entre les zones de culture et celles d’élevage. Cette ligne de démarcation, débouche d’Aderamboukan à l’Ouest en passant par la vallée de l’Azhar, le Nord de Tahoua, Dakoro, Tanout, Gouré, avant de se jeter aux confins du Lac Tchad.

Le Niger occupe une superficie d’environ 1.267 000 km². Il se place au sixième rang par sa superficie en Afrique. Il s’étire sur 1.600 km d’Est en Ouest, et 1.200 km du Nord au Sud. Sa position continentale l’éloigne de plus de 700 km de la mer. Il est limité au Nord par deux pays arabo-berbères : l’Algérie et la Libye, à l’Est par le Tchad dont une importante fraction de la population est nomade ; à l’Ouest, le Niger confine au Mali et au Burkina Faso et enfin le Bénin et le Nigeria le bordent au Sud. Avec ce dernier pays, il partage une frontière longue de plus de 1.000 km. C’est du reste à partir du Nigeria du Nord que la domination peulhe a pris pied au début du 19ème siècle pour embrasser une importante superficie des régions sud de notre pays.

Du point de vue hydrographique, le Niger est flanqué de deux bassins, celui du fleuve de même nom à l’Ouest et celui du Lac Tchad. Le Niger comporte un relief plat, avec des massifs montagneux au Nord et au Nord-Est (Aïr et Tibesti). Dans sa partie Occidentale, le Niger est composé d’un socle hydrogéologique qui a donné lieu à la création d’une institution ayant pour mission la recherche géologique et minière ; il s’agit du « Liptako-Gourma ».

Le climat du Niger est multiforme mais se caractérise principalement par des températures opposées et une forte aridité. L’année climatique se divise en deux saisons : la saison sèche qui va d’octobre à juin, et la saison pluvieuse qui occupe le reste de l’année. On distingue trois zones climatiques : une zone désertique au Nord avec moins de 100 mm de pluies par an ; une zone sahélo-saharienne, avec des précipitations atteignant 200 à 350 mm de pluies par an. Cette zone propice à l’élevage constitue la zone du nomadisme par excellence. La troisième zone, celle de la savane sahélienne, connaît des précipitations pouvant atteindre 500 mm et favorisant l’agriculture.

CADRE THEORIQUE

La revue de la littérature

Une abondante littérature a été consacrée au Kel Tamasheq . Ainsi l’inventaire, le recueil et l’exploitation des manuscrits portant sur ce peuple ont été entrepris au Niger par Boubou HAMA . Ce dernier s’est appuyé sur les sources orales et écrites, notamment celles des administrateurs coloniaux. Mais, cette opération est loin d’être achevée. Aussi, avons-nous poussé notre curiosité plus loin en consultant les travaux des auteurs qui font autorité dans le cadre des recherches et études menées sur ce groupe ethnolinguistique.

Parmi ces auteurs, il convient de citer André BOURGEOT . Celui-ci met en exergue les transformations subies par les sociétés touarègues, depuis la conquête coloniale jusqu’aux événements des années 1990. Les travaux de BOURGEOT s’articulent autour de trois domaines principaux. D’abord, l’auteur s’intéresse à l’anthropologie politique des sociétés dominées par le politique. Ce dernier se manifeste notamment dans l’utilisation et l’organisation de l’espace. Cette approche a conduit l’auteur à aborder la question liée au pastoralisme nomade dans toutes ses composantes. En effet, ce cheminement et les circonstances politiques ont conduit M. BOURGEOT à envisager l’étude de l’identité des Kel Tamasheq dans une approche historique qui révèle les crispations identitaires.

En abordant la question de l’utilisation et l’organisation de l’espace par les sociétés nomades hiérarchisées, l’auteur évoque des problèmes d’ordre théorique et méthodologique qui se posent par rapport à la notion d’espace. Ainsi, adjoindre à la notion de l’espace des qualificatifs tels que « pastoral », « géographique », ne concourt pas à définir plus rigoureusement cette notion. Il s’agit, ici, d’envisager la notion d’espace dans son utilisation et son organisation comme étant un résultat des rapports sociaux de production et d’intégration de la conception idéologique de l’espace au niveau de sa perception. Pour ce faire, le recours à l’histoire dans l’analyse des écosystèmes pâturés est nécessaire car les éléments d’explications résident dans la nature des formations sociales précoloniales.

Dans ces conditions, l’auteur tend à analyser la notion d’espace comme étant un produit social déterminé par un processus historique. En effet, l’utilisation du terme « notion » se fonde, pour l’auteur sur le constat que l’espace se présente comme étant le lieu privilégié de l’expression d’un ensemble de processus qui vise à décrire la réalisation de multiples pratiques déterminées par un système économique, c’est-à dire par un ensemble de structures relativement stables et hiérarchisées qui se combinent organiquement. A partir des exemples que l’auteur donne au sein des grands groupements touaregs, il ressort que dans l’ensemble du monde touareg, la domination de l’homme et la domination politique passent par le biais de la domination de l’espace et de son contrôle. Dans ces conditions, le mode d’utilisation de l’espace apparaît comme la sphère où se réalise l’ordre social imposé par les groupes aristocratiques.

Dans la même optique, l’auteur évoque les causes du retarde de la pénétration et de l’implantation coloniales dans le Sahara. Parmi ces causes, M. BOURGEOT cite l’extermination de la colonne Flatters en 1881 par les Touaregs Kel Ahaggar dans l’oued Tin Tarabin (Ahaggar, Algérie). Par ailleurs, il soutient que depuis cette extermination, l’histoire politique des Touaregs à l’égard de la pénétration et de l’implantation coloniales est une succession de dissidences et de soulèvements dont les aboutissements ultimes furent d’une part la révolte de Fihrun en 1916 (Mali), d’autre part la guerre de l’Aïr menée en 1917 par Kaosen et Tagama, au Niger septentrional.

Il s’agit pour l’auteur d’analyser les causes profondes, politiques et économiques de cette agitation, qui s’est manifestée sous de multiples formes : traditionnelle (rezzous, vols, dissidences, fuites, mensonges, etc.) et « moderne », notamment en Aïr où l’insurrection armée relève plus d’une guerre anti-française que d’une simple révolte touarègue. La guerre de Kaosen en Aïr, soutenue matériellement et politiquement par la Senusiya , demeure un moment historique marquant.

L’histoire événementielle résulte de causes profondes, plus ou moins lointaines, dont il s’agit de fournir des éléments d’explication. Ceux-ci résident dans la mise en place par la puissance coloniale d’un processus de restructuration politique et économique des différents groupements politiques touaregs. Quelques rappels historiques s’imposent. Les pays nomades sahariens et sahéliens furent les derniers à être conquis. La soumission des pays touaregs date de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle. A cela deux raisons : d’une part, l’éloignement et l’environnement géographique particulièrement hostile et difficile (isolats montagnards, rareté des points d’eau, conditions écologiques précaires) ; de l’autre, le massacre de la colonne Flatters, en 1881. Ce massacre et les horreurs qui en découlèrent (on mangea de la chair humaine, Barbier, 1884 ; Pottier, 1948) mirent un frein, pendant plusieurs années, à la pénétration coloniale en milieu touareg. Il renforça le mythe de la puissance guerrière des « gens du voile » et provoqua une surestimation de leur valeur et de leurs capacités militaires, au fait réelles ajoute Bourgeot.

Evoquant les relations entre la colonisation et le commerce transsaharien, l’auteur souligne l’importance de rapport de protection. Ce rapport de protection, quels que soient la population et le statut social des individus, implique l’obligation de verser une prestation, nouant ainsi une alliance fluctuante par définition et se modifiant selon l’état des forces en présence.

LES TOUAREGS DU DAMERGOU PENDANT LA PERIODE PRECOLONIALE 

Les Kel Aïr au Damergou et du Tagama

Situé au Sud de la falaise de Tiguidit, le Damergou a toujours représenté une zone d’attrait pour les Kel Aïr. La quantité de pluies qu’il reçoit permet la production des céréales que l’Aïr, trop sec, ne peut cultiver. Malgré les problèmes d’eau que lui aussi connaissait en saison sèche, ses pâturages abondants attiraient également les pasteurs, surtout ceux de la zone montagneuse, aride en dehors des kori. Il était enfin une zone de refuge, une zone de repli pour tous ceux dont la situation devenait intenable dans le Nord. On ne peut donc s’étonner de voir cette région faire partie de l’histoire de l’Aïr dès les premiers moments de l’installation touarègue dans ce pays. Il a dû leur fournir des grains et des textiles en échange d’animaux .

Mais il nous faut attendre l’avènement du premier Sultan de l’Aïr pour voir les sources faire mention de la première émigration, celle des Imakkitan, au 15ème siècle . A la suite d’un affrontement avec les Itesen, ils furent vaincus et durent se sauver au Sud. En arrivant au Damergou, ils s’en prirent aux autochtones, provoquant ainsi leur repli vers les zones les plus accidentées du plateau ou même vers le Koutous  actuel. Certains membres de cette tribu reprirent plus tard le chemin de l’Aïr mais plusieurs fractions demeurèrent dans le pays. On est même en droit de penser à la poursuite du mouvement d’immigration des Touaregs vers le Sud. La plupart des départs de l’Aïr se firent en catimini et non à la suite de guerres ou de scissions violentes, c’est pourquoi les sources ne les mentionnent même pas.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERS PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE
CHAPITRE II : CADRE METHODOLOGIQUE
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DES DONNEES DE L’ENQUETE
CHAPITRE I : LES TOUAREGS DU DAMERGOU PENDANT LA PERIODE PRECOLONIALE
CHAPITRE II : LE DAMERGOU PENDANT LA PERIODE COLONIALE ET POSCOLONIALE
TROISIEME PARTIE : ANALYSES ET INTERPRETATIONS DES DONNEES DE L’ENQUETE
CHAPITRE I : LES KEL TEMISGUIDA ET LES PERIPETIES DE LEUR MIGRATION
CHAPITRE II : L’IDENTIFICATION DE LA POPULATION ENQUETEE
CONCLUSION

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