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L’étude des réseaux trophiques dans un contexte d’introduction d’espèces
Au niveau des poissons, les interactions entre espèces indigènes et exotiques et leurs conséquences sur la biodiversité et le fonctionnement écologique des communautés en place restent peu documentées au plan international. Les communautés piscicoles sont situées au sommet des réseaux trophiques aquatiques, cette position leur confère donc un rôle intégrateur des processus écologiques au sein des écosystèmes d’eau douce. Au cours de ce travail de thèse je me suis focalisée sur les impacts des introductions de poissons top-prédateurs au niveau des peuplements et des réseaux trophiques. L’analyse des compositions isotopiques naturelles fournit une mesure représentative de la nourriture réellement consommée et assimilée par un organisme, contrairement aux classiques contenus stomacaux qui (i) ne donnent qu’un instantané du régime alimentaire (proies ingérées quelques heures avant le prélèvement), et (ii) ne donnent pas une idée précise du carbone assimilé par rapport à celui qui est ingéré.
Parmi les outils d’investigation en Écologie, la comparaison isotopique sources-consommateur permet donc d’évaluer l’importance de diverses sources carbonées dans le régime alimentaire d’un consommateur (niveau de sélectivité), ainsi que son niveau trophique. L’approche se distingue par son caractère intégrateur à l’échelle de l’écosystème par la prise en compte des divers compartiments de la biocénose. La mesure des teneurs en isotopes stables naturellement présents dans le matériel biologique, en tant qu’outil d’investigation en Écologie, a connu un développement sans précédent au cours de la dernière décennie (Griths 1998). L’intérêt des écologistes a notamment été précipité par les développements technologiques qui ont rendu l’analyse isotopique plus accessible aux chercheurs (Lajtha & Michener 1994).
Si les méthodes et techniques associées au traçage des isotopes stables ont été largement développées par les Sciences de la Terre, elles sont de plus en plus utilisées en Écologie pour répondre à des problématiques se déclinant de l’échelle moléculaire à l’échelle des écosystèmes (Rundel et al. 1989). Dans le domaine de l’écologie animale, et plus particulièrement des poissons, ce sont les problématiques liées aux migrations d’individus (dispersion, cycles de vie impliquant des changements de milieu) et aux ajustements trophiques au sein des communautés (niveau trophique des individus ou espèces, impact d’espèces introduites, changements ontogénétiques de régime alimentaire, plasticité) qui suscitent le plus grand nombre de travaux (Hansson et al. 1997a). A titre d’exemple, les valeurs du Deutérium dans les tissus des consommateurs reètent celles de l’eau issue de précipitations locales, tandis que les valeurs du 13C dépendent de la nature de l’alimentation carbonée (Fry & Sherr 1984) et donc de la distribution des proies (Hamilton et al. 1992). Ainsi, l’identication des signatures isotopique associées à des latitudes, mi lieux ou habitats saisonnièrement parcourus par des espèces, ore un outil nouveau pour l’identication des déplacements de l’échelle locale à continentale.
L’écologie isotopique autorise notamment une approche non destructive (et éthiquement plus acceptable dans le cas d’espèces menacées), puisque seuls quelques milligrammes de tissus sont en général prélevés sur les organismes vivants. Les isotopes stables ont permis des avancées considé- rables dans l’indentication et la compréhension des interactions biologiques, souvent en complément des approches traditionnelles (marquage des individus et télémétrie, contenus stomacaux, analyse des fèces, observations in situ ; Beaudoin et al. 1999). De plus, les besoins en interprétation des données isotopiques ont donné lieu au développement de modèles mathématiques nouveaux (Hall-Aspland et al. 2005). Notre travail est centré sur les interactions trophiques chez les poissons d’eau douce et tire donc partie de développements méthodologiques récents.
L’application des isotopes stables en écologie des réseaux trophique est basée sur l’existence d’une relation prévisible entre la composition isotopique des consommateurs et celles de leurs proies, permettant ainsi l’étude de la composition des régimes alimentaires et aussi l’étude des ux d’énergie au sein des réseaux trophiques (Grey 2006). En eet le niveau trophique de la proie est séparé de celui du consommateur par un taux de fractionnement pour le carbone et l’azote relativement xe selon les niveaux trophiques (consommateurs 1aire, 2aire etc.) Ainsi les isotopes du carbone permettent de déterminer les sources de carbone présentes dans le réseau trophique et ceux de l’azote de déterminer le niveau trophique des individus, espèces et guildes dans le réseau (Minagawa & Wada 1984, Peterson & Fry 1987). Les isotopes stables fournissent une appréciation du régime alimentaire sur le long terme (environ 3 mois, selon le turn-over des tissus étudiés). Le nombre de publications en rapport avec les isotopes stables appliqués à l’écologie trophique et les espèces piscicoles introduites est resté bas jusqu’en 2008 (entre 0 et 7 publications par an (ISI Web Of Science) sur 45 publication sélectionnées dans Cucherousset et al., 2012). Ce nombre a augmenté (12 publications sur les 45) en 2009 et 2010 montrant l’utilisation croissante de cette technique ces 2 dernières années pour mettre en évidence les eets des poissons non natifs sur les écosystèmes aquatiques. Cet outil présente de nombreux avantages mais a également des limites notamment dans l’utilisation des résultats.
L’écologie trophique des poissons top-prédateurs
Pysek et al. (2008), ainsi que Cucherousset et al. (2012), ont montré des inégalités dans les espèces et les zones géographiques échantillonnées et utilisées dans les AIS . Les études sont majoritairement réalisées en Amérique du nord (environ 62 %), puis en Europe (environ 27 %) et seulement 4,5 ; 4,5 et 2% des études sont réalisées en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, respectivement. Ces études se focalisent sur les Salmonidés (20,5 %), les Cyprinidés (20,5 %) et les Centrarchidés (17,5 %). Les études en France sur les impacts des introductions de poissons top-prédateurs restent faibles (Cucheroussetet al. 2007, Syvaranta et al. 2010). Pourtant les poissons top-prédateurs, au sommet des réseaux trophiques, sont des espèces clés des écosystèmes. De par leur écologie trophique (recherche de nourriture, technique de chasse), les poissons top-prédateurs sont les liens entre les diérents ux d’énergie dans un écosystème (Schindler et al. 1997).
Leur introduction peut modier la structure (composition, abondance) et le fonctionnement (réseau trophique) des milieux natifs. Certains eets des introductions, à travers le monde, ont montré que l’introduction d’un top prédateur non natif engendre notamment de la compétition pour les ressources et souvent une pression de prédation plus importante. Cela pouvant conduire à la disparition d’une espèce native et à la modication de la longueur de la chaîne trophique. Les top-prédateurs exotiques et natifs peuvent également montrer des recouvrements (partiels ou totaux) dans leurs niches trophiques, pouvant entraîner un changement dans le régime alimentaire des espèces natives (shift) vers des proies moins utilisées.
Le sandre et le silure sont des espèces non natives de poissons top-prédateurs et introduites en France au 20ème siècle (Rosecchi et al. 1997, Keith & Allardi 2001, Copp et al. 2009).
En dehors de leur aire de répartition natale, l’écologie trophique de ces top-prédateurs est mal connue. En Europe, des études relativement peu nombreuses (Wysujack & Mehner 2005, Carol et al. 2007, Skov & Nilsson 2007, Craig 2008) sur ces top-prédateurs ont apporté quelques hypothèses sur leur écologie trophique. Le sandre de par une forte pression de prédation sur les juvéniles de poissons top-prédateurs (Percidés ; brochet, Esox lucius L. 1758 ; sandre), consommerait des proies ayant des concentrations isotopiques en azote plus élevées que les autres poissons fourrages (Kangur et al. 2007). Ce qui lui permettrait d’être au sommet du réseau avec une position trophique plus haute que celles des autres espèces de top-prédateurs, entraînant une scission dans la guilde des poissons piscivores.
Le silure, étant le plus gros poisson d’eau douce introduit au monde (Stone 2007), entraînerait une modication de la taille refuge des poissons natifs. Ces derniers seraient alors soumis à une pression de prédation inconnue jusqu’alors, pouvant modier les abondances des espèces et entraîner un eet top-down sur le milieu. Le silure est également connu pour son régime alimentaire présentant un large spectre de proies. En eet le silure est un poisson opportuniste, qui peut se nourrir aux interfaces des écosystèmes (marin, dulçaquicole, terrestre) créant alors des interactions entre les diérents milieux et modiant les uxd’énergie existants. Au cours de nos études sur les poissons top-prédateurs, centrées sur des rivières ou des petits milieux fermés, nous pouvons nous attendre à observer l’impact des introductions du sandre et du silure sur les top-prédateurs natifs (brochet ; perche, Perca uviatilis L. 1758) et les milieux aquatiques : pression de prédation et position trophique supérieure pour le sandre, changement des tailles refuge pour les prédateurs natifs soumis à de nouvelle pression de prédation, création ou modication des ux d’énergie au sein des écosystèmes (origine des sources de nourriture) et aux interfaces.
Propriétés générales et mesures des isotopes stables
Présentation des isotopes stables
Deux atomes qui ont le même nombre de protons mais un nombre de neutrons diérent sont appelés isotopes. Ils se distinguent par une masse atomique diérente modiant ainsi les propriétés physiques et chimiques des molécules formées. Les éléments principaux des composés biologiques (C, N, O, H, . . . ), comme tous les autres éléments, existent sous plusieurs formes isotopiques stables. L’abondance naturelle de ces isotopes varie entre les diérents compartiments de la biosphère et ainsi au niveau des chaînes trophiques. Les abondances isotopiques peuvent être exprimées comme la quantité d’une certaine espèce isotopique par rapport au nombre total d’atomes d’un élément donné (Tableau II.1).
Echantillonnage et traitement
Les échantillonnages réalisés au cours de ce travail, ont été eectués, pour les poissons, grâce à des lets de pêche de diérentes mailles, des nasses, des pièges à poissons (notamment pour les anguilles en Camargue) et des cannes à pêche (échantillons fournis par les pécheurs amateurs). Les invertébrés ont été prélevés grâce à des lets troubleau et surber lorsque la faible profondeur et le substrat (< 1 m, granulométrie grossière, végétation) le permettaient, et à l’aide d’une benne Eckman au delà (sédiments ns). Le zooplancton a été collecté à l’aide de lets à plancton. Les tissus biologiques (morceaux de muscle ou de nageoire, animaux entiers pour les invertébrés) sont nettoyés à l’eau milli-Q puis séchés (dans des tubes Eppendorf® adaptés) à l’étuve à 60°C pendant 48h. Les échantillons secs sont broyés soit avec un broyeur à billes (Retsch MM 200) soit au pilon et au mortier, et réduits en une poudre ne et homogène. La quantité de poudre nécessaire par échantillon est de 0,2 mg environ pour réaliser les analyses isotopiques. Cette quantité pour chaque échantillon est pesée et enfermée dans des capsules en étain avant d’être introduite dans le passeur de l’analyseur élémentaire pour les mesures isotopiques.
Mesure des rapports isotopiques
Pour eectuer les mesures des rapports isotopiques des isotopes stables du carbone et de l’azote des échantillons solides (tissus biologiques), un analyseur élémentaire (Carlo Erba NC2500), couplé à un spectromètre de masse isotopique (Thermo Finnigan MatDelta XP), sont nécessaires. Le principe de mesure du Spectromètre de Masse Isotopique (SMI) est le suivant : le spectromètre de masse isotopique mesure le rapport isotopique (13C=12C, 15N=14N, 18O=16O par exemple) du gaz pur (CO2, N2, O2) et le compare à celui d’un gaz de référence (étalonné par rapport au standard international). Le gaz pur (gaz échantillon) est introduit dans la source du SMI où il est bombardé par les électrons. Le gaz ainsi ionisé est chargé positivement. Il est accéléré et projeté sous forme d’un faisceau très n dans un champ magnétique et les ions sont déviés sur les trajectoires circulaires en fonction de leur masse. Les ions ainsi séparés arrivent dans 3 collecteurs réglés pour collecter les masses 44, 45 et 46 pour le CO2 ou les masses 28, 29 et 30 pour le N2 et masses 32, 33 et 34 pour le O2. Un amplicateur relié aux collecteurs permet d’amplier les signaux électriques qui dépendent de la quantité d’ions collectés. Ces signaux sont transmis à un ordinateur où ces données sont analysées et les rapports de masses isotopiques (45/44 et 46/44 pour le CO2, 29/28 et 30/28 pour N2, 33/32 et 34/32 pour O2) sont déterminés et comparés à ceux du gaz de référence (Figure II.1). La précision de mesure est de 0,2 .
A partir d’échantillons solides comme de la poudre de tissu d’origine animale, l’utilisation d’un analyseur élémentaire en amont et relié au SMI, est indispensable à l’obtention des gaz purs qui seront comparés aux gaz de référence dans le SMI. L’analyseur élémentaire (analyse de CO2 et N2 de la matière organique) permet de mesurer le rapport isotopique (13C=12C ou 15N=14N) d’un échantillon de matière organique sur le CO2 (ou N2) moléculaire qui rassemble sous la forme gazeuse la totalité du carbone (ou de l’azote) de l’échantillon soumis à l’analyse. Cette transformation solide-gaz est eectuée par l’analyseur élémentaire qui permet la combustion de l’échantillon solide en présence de l’oxygène dans une atmosphère d’Hélium (He). Les gaz issus de cette combustion sont séparés dans une colonne de chromatographie de gaz intégrée dans l’analyseur élémentaire et le pic d’intérêt passe ensuite, poussé par le ux continu d’He, dans le spectromètre de masse isotopique. A la n des analyses, les rapports isotopiques 13C=12C, 15N=14N ou 18O=16O sont disponibles pour étudier la structure des réseaux trophiques concernés. Toutes les mesures isotopiques des travaux présentés ont été réalisées par le laboratoire Stable Isotope in Nature Laboratory (SINLAB, New Brunswick, Canada).
Utilisation des isotopes stables dans l’étude des ré- seaux trophiques
Relation et utilisations des isotopes stables au sein d’un réseau trophique
L’intérêt de l’utilisation des isotopes stables dans l’étude des réseaux trophiques est que les signatures ou rapports isotopiques mesurés permettent de reconstituer la structure du réseau. Il existe une relation entre les signatures isotopiques des consommateurs et de leur nourriture, sur laquelle se base la reconstruction du réseau. Chaque organisme possède une signature isotopique qui est plus ou moins conservée au sein de la chaîne trophique.
Lorsqu’un consommateur mange sa nourriture, il y a un transfert d’énergie trophique qui s’accompagne d’un fractionnement isotopique, de valeur variable en fonction de l’isotope considéré (Dufour & Gerdeaux 2001). Le consommateur présente une signature identique à sa nourriture plus le fractionnement isotopique. « You are what you eat. . . plus a few per mille » De Niro & Epstein, 1978. De nombreuses études ont permis d’estimer ces taux de fractionnement entre 0 et 1 pour le carbone et à 3,4 pour l’azote (De Niro & Epstein 1978, Peterson & Fry 1987, Figure II.2). Les taux sont négligeables pour l’hydrogène et le soufre. Les mesures isotopiques permettent ainsi de connaître la nature du régime alimentaire du consommateur au cours des dernièr(e)s semaines-mois. Cela varie selon le type d’organismes et le turn-over des tissus étudiés (sources consommées lors des 3 derniers mois pour muscles et nageoires de poissons). Les taux de fractionnement peuvent être mesurés à travers des études en aquarium en laboratoire, et sont plus ou moins variables selon le niveau trophique de l’organisme considéré (i.e. consommateur primaire, secondaire etc.)
Impacts des méthodes de conservation sur les signatures isotopiques
Introduction
L’utilisation des AIS du carbone et de l’azote sur des échantillons récoltés et conservés depuis des années, permet d’obtenir des séries de données temporelles sur des réseaux trophiques et de pouvoir comparer diérents états d’un même milieu au cours du temps. Ces analyses permettent de reconstituer les structures trophiques, de connaître les niveaux trophiques des individus (consommateur 1aire, 2aire, etc), les sources d’énergie passées ou actuelles et les ux au sein des écosystèmes. De plus en plus d’échantillons anciens sont utilisés pour les AIS même si de nombreuses études ont rapporté un léger impact des techniques de conservation sur les signatures isotopiques, notamment sur le δ15N (environ 1 ). Si de tels échantillons sont utilisés il faut tenir compte des eets des techniques de conservation sur les résultats.
Cependant les valeurs dans la littérature concernant ces eets sont très variables selon la méthode de conservation utilisée (éthanol, formol, congélation), la catégorie d’organismes considérés (zooplancton, poissons, etc.) et l’isotope choisi. Les variations rapportées dans les signatures isotopiques varient entre 0 et plus de 2 par rapport à des témoins et semble être surtout dépendantes de l’espèce conservée. Cette expérience de conservation est réalisée sur Corbicula uminea. Les corbicules sont des consommateurs primaires à durée de vie longue et qui intègrent les variations iso topiques des milieux qu’elles peuplent. Il s’agit d’une espèce invasive très répandue qui recouvre les lits des rivières et des lacs en Europe et en Amérique du Nord. Ce sont de bons indicateurs pour les lignes de base et ils pourraient servir pour réaliser des séries temporelles isotopiques. Seulement 2 études (Sarakinos et al. 2002, Carabel et al. 2009) se sont déjà intéressées aux eets de la conservation sur les corbicules malgré leur intérêt biologique. Cette étude a pour but de déterminer dans quelle mesure les méthodes classiques de conservation et la congélation peuvent modier et altérer les signatures isotopiques des corbicules au cours d’une année de conservation, par rapport à un échantillon témoin (matière fraîche).
Matériel et Méthodes
Les corbicules ont été prélevées avec une pelle et un tamis sur le site de Roques-surGaronne (cf plus haut) sur la Garonne en décembre 2008. Elles ont été immédiatement ramenées au laboratoire. Pour le lot témoin elles ont été disséquées (seul le pied est utilisé) nettoyées et envoyées directement au AIS, les autres ont été préparées pour les diérentes méthodes de conservation. Le lot témoin (matière fraîche) comprend 3 échantillons composés d’un seul individu chacun et 1 échantillon poolé comprenant 5 individus. Il constitue la référence pour les signatures isotopiques. Les individus restant ont été répartis selon 4 traitements de conservations diérents : le formol (4%), l’éthanol (70%), mélange formol- éthanol et la congélation (-20°C). Les corbicules sont conservées entières par groupe de 5-6 individus. Pour chaque traitement, les échantillons ont été conservés pendant 4 temps de conservation diérent : 1 semaine, 1 mois, 6 mois et 1 an. Au bout d’1 semaine, les 4 échantillons (1 par traitement) de 5-6 individus ont été disséqués puis rincés à l’eau et envoyé aux AIS. Le même mode opératoire a été réalisé au bout d’ 1 mois, 6 moiset 1 an. Après avoir testé la normalité des données et l’homocédasticité des variances, les signatures isotopiques des échantillons conservés ont été comparées avec celles du lot témoin grâce à des ANOVA, complétées par des tests de Tukey.
Régime alimentaire et utilisation des diérentes sources de carbone par les poissons top-prédateurs
Introduction et sites d’étude
Cette partie porte sur les diérentes sources de carbone qui peuvent exister en milieu fermé et être consommées directement ou indirectement par les poissons, top-prédateurs ou fourrage. Au sein de milieux fermés (lacs, gravières etc.), le carbone peut avoir 3 grandes origines diérentes : une littorale (Mollusques Gastéropodes, diérents invertébrés), une pélagique (tout ce qui est dans la colonne d’eau, matière organique particulaire etc.) et une profonde (déchets organiques présents sur le fond, en décomposition). Les 3 sources de carbone sont utilisées par les poissons dans des proportions diérentes et peuvent varier selon les saisons et les disponibilités des sources. L’intérêt de connaître la consommation de ces sources par les poissons est de mieux appréhender les ux d’énergie (Vander Zanden & Vadeboncoeur 2002) qui transitent entre les diérents compartiments d’un écosystème.
Déterminer la proportion de carbone profond réutilisé par les poissons permet de mieux juger la quantité de carbone recyclé mis en jeu dans l’écosystème. Les poissons participent généralement au couplage littoral-pélagique car ils interviennent dans les ux d’énergie en se nourrissant dans plusieurs compartiments. Notre étude s’est concentrée sur les 5 gravières précédentes (Figure III.4, présentées dans la partie III.1), de caractéristiques abiotiques similaires mais avec des communautés piscicoles différentes (proportions top prédateurs natifs et non-natifs). Il s’agit grâce à différents indicateurs (calcul de alpha, modèles de mélange) de déterminer dans quelles proportions le régime alimentaire des poissons top-prédateurs est basé sur les 3 sources de carbone potentielles au sein des gravières. Les proportions de carbone utilisées sont-elles modiées si le top-prédateur est un poisson natif ou un poisson introduit ? Ou au contraire, les top-prédateurs présententils la même utilisation des différents compartiments avec un recouvrement dans les niches trophiques ?
Matériel et méthodes
Au sein des 5 gravières, le sandre est le top-prédateur non natif (Gensac, Gouyre et Filheit) et les 2 espèces natives sont le brochet (Gensac, Gouyre et Mondély) et la perche commune (présentes dans les 5 milieux étudiés). Les eectifs de poissons top-prédateurs échantillonnés sont décrits dans les Tableaux III.2, III.3 et III.4 précédents. Le groupe des poissons fourrage est composé d’espèces de Cyprinidés (brèmes bordelières, brèmes communes, gardons, rotengles) ainsi que de petites perches (Perca uviatilis). Ces poissons ont été échantillonnés avec le petit let (ie. partie 1). Les invertébrés ont été échantillonnés en zone littorale avec une pelle et un tamis ou directement ramassés à la main pour les écrevisses (juvéniles et adultes de Orconectes limosus), en milieu pélagique avec un let à plancton et avec une benne Eckman pour les échantillons pélagiques profonds.
Les individus ont été triés et identiffiés au laboratoire, disséqués si nécessaire puis mis à sécher et utilisés pour les AIS. Un premier aspect de l’étude de l’utilisation des sources de carbone par les poissons a été visualisé dans le calcul de la proportion alpha, comme vu précédemment, pour les lignes de bases, au chapitre II. Selon Post (2002a), avec 2 sources de carbone, littorale et pélagique, on obtient : Position trophique = λ + (δ15NC2aire – [δ15NLittoral × α + δ15NPelagique ´ × (1 – α)]) ∆n avec λ la position trophique du consommateur primaire utilisée comme ligne de base, α la proportion de carbone littoral utilisée par le consommateur 2aire et ∆n le taux de fractionnement moyen du δ15N soit 3,4 ici.
La proportion de carbone d’origine littoral peut être calculée comme suit : α = (δ13CC2aire – δ13CPelagique ´ ) (δ13CLittoral – δ13CPelagique ´ ).
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Table des matières
Liste des abréviations
Introduction générale
I Contexte général et problématique
I.1 L’introduction de poissons en eaux douces
I.2 Les impacts écologiques des introductions
I.3 L’étude des réseaux trophiques dans un contexte d’introduction d’espèces
I.4 L’écologie trophique des poissons top-prédateurs
II Présentation et développement de l’outil isotopique, son intérêt et ses limites
II.1 Propriétés générales et mesures des isotopes stables
II.1.1 Présentation des isotopes stables
II.1.2 Echantillonnage et traitement
II.1.3 Mesure des rapports isotopiques
II.2 Utilisation des isotopes stables dans l’étude des réseaux trophiques
II.2.1 Relation et utilisations des isotopes stables au sein d’un réseau trophique
II.2.2 Utilisation des AIS pour établir des lignes de base
II.3 Impacts des méthodes de conservation sur les signatures isotopiques
II.3.1 Introduction
II.3.2 Matériel et Méthodes
II.3.3 Résultats
II.3.4 Conclusions
III Top-prédateurs natifs et introduits : écologie trophique et interactions aux interfaces entre écosystèmes
III.1 Signatures isotopiques et positions trophiques
III.1.1 Etudes en milieux ouverts
III.1.2 Etudes en milieux fermés
III.2 Régime alimentaire et utilisation des diérentes sources de carbone par les poissons top-prédateurs
III.2.1 Introduction et sites d’étude
III.2.2 Matériel et méthodes
III.2.3 Résultats
III.2.4 Conclusions
III.3 Interactions aux interfaces
III.3.1 Contexte
III.3.2 Interaction trophique silure – poissons migrateurs marins
III.3.3 Interaction trophique silure – anguille
IV Discrimination de populations natives et introduites à l’aide des otolithes, application à un top-prédateur menacé : le brochet (Esox lucius)
IV.1 Introduction
IV.2 Matériel et méthodes
IV.2.1 Prélèvement des otolithes
IV.2.2 Etude de forme des otolithes
IV.2.3 Etude des signatures chimiques des otolithes
IV.3 Résultats
IV.3.1 Forme des otolithes
IV.3.2 Signatures chimiques des otolithes
IV.4 Conclusions
Conclusion
Bibliographie
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