L’étude de rentabilité (simulation de comptes d’exploitations)
DISCUSSION
Les paramètres de reproduction du porc-épic en captivité tirés de l’élevage de la FDW sur plusieurs années indiquent un intervalle moyen entre deux portées de 171 jours (n=44) avec 1,65 petits par portées (n=88). Ce résultat est équivalent au chiffre de 1,5 petits par portée en moyenne (n=165) chez le porc-épic du cap mais diffère fortement de l’intervalle entre conceptions de 340 jours en moyenne (n=25) enregistré par Van Aarde (1998). La variabilité importante dans les données enregistrées ainsi que l’observation des valeurs extrêmes indiquent que cette espèce est capable d’atteindre un intervalle entre deux portées de 4 mois (environ 120 jours) grâce à un œstrus post-partum. Cela permet d’obtenir trois portées par an par couple de porc-épic avec un nombre moyen de petits par portée pouvant atteindre une valeur comprise entre 2 et 3.
Le rendement carcasse du porc-épic relativement fort, de l’ordre de 68,5 %, est une caractéristique connue des rongeurs. Cependant il semble qu’elle puisse être supérieure à celle des autres espèces d’élevage. Le rendement carcasse du lapin domestique en croissance est de l’ordre de 55 à 58 % (Ouyed A., 2006), celui de l’aulacode est d’environ 63,8 % et enfin, celui du cricétome de 51,6 % (Ajayi S.S., 1997). Les données relatives au porc-épic demandent à être confirmées par des données se basant sur des effectifs plus important que lors de cette étude. Cependant, les résultats obtenus confèrent à l’espèce un réel potentiel pour le secteur de la boucherie. Les ressources alimentaires présentes dans les écosystèmes naturels et cultivés et consommées par Hystrix cristata au Burkina Faso paraissent abondantes malgré une disponibilité caractérisée par une variation saisonnière importante. Un grand nombre fruits secs (gousses, capsules et drupes) ainsi que de céréales et de granulés industriels peuvent êtres stockés pendant plusieurs mois permettant en partie de contourner la contrainte saisonnière. Les courbes de croissances obtenues pour les jeunes animaux en période post sevrage révèlent deux phases : la première correspond aux 60 premiers jours de vie de l’animal associé à un GMQ maximal observé de l’ordre de 44 g / j, la seconde correspond à la période post sevrage allant jusqu’à un âge d’environ 200 jours (6,5 mois) pour le lot d’animaux nés en 2009 et associé à un GMQ de 27,1 g / j. Ces chiffres sont supérieurs à ceux observés chez l’aulacode, Fantodji et al. (2002) ont relevés un GMQ de 11,5 g / j pendant les deux premiers mois post sevrage des animaux. Cependant, le GMQ durant les deux premiers mois de vie du porc-épic (44 g / j) est identique à celui du lapin domestique jusqu’à l’âge de 63 jours (Ouyed A., 2006).
Van Aarde (1998) fait remarquer que le temps relativement long de gestation est atypique pour un rongeur hystricomorphe mais qu’il est associé à un développement prénatal conséquent et à une croissance rapide des jeunes. Les écarts types des poids moyens observables sur le graphique de la figure 4 sont relativement importants, cela traduit une variabilité importante des paramètres de croissance qui suggèrent un fort potentiel d’amélioration des ces performances. Les courbes présentées dans la figure 4 ne dépassent pas un âge correspondant à environ 6,5 mois, il serait intéressant d’obtenir des courbes de croissances sur une durée comprise entre 1 et 2 ans ; jusqu’à l’âge de la maturité sexuelle des animaux. Il s’agit d’identifier le point ou la courbe fléchie, c’est à dire à partir duquel la croissance diminue très fortement et ou le gain en valeur marchande de l’animal est inférieur à son cout d’alimentation. Avec un GMQ théorique de 31 g / j, correspondant à la moyenne obtenue sur les cinq premiers mois de vie des animaux à la FDW, les porcs-épics atteignent un poids de 11,7 kg en un an ce qui leur confère une valeur marchande comprise entre 40 000 et 58 000 F Cfa par tête. D’après Ohlsen A., 2010 : Analyse technico-économique de l’élevage du porc-épic à crête (Hystrix cristata) au Burkina Faso, l’exemple de la ferme de démonstration de Wédbila. 24 Le protocole expérimental mis en œuvre qui compare l’effet de deux aliments différents sur la croissance des porcs-épics en période post sevrage (cf. figure 6) révèle qu’une formule alimentaire enrichie avec une bouille cuite comprenant une source de protéine à hauteur d’environ 15 % n’a aucun effet sur les lots d’animaux testés. Ce résultat est cependant peu
fiable vu le faible effectif d’animaux employés et la période relativement courte de l’étude. Le taux de protéine animale total dans l’aliment 2 de 3 % pourrait être augmenté à 5 %, plus proche des valeurs observées dans les granulés d’engraissement pour lapins, afin de tester son effet sur la croissance. Il serait intéressant de tester cette alimentation sur des animaux adultes en âge de se reproduire, sur des périodes longues et de mesurer son effet sur le poids à la naissance et la croissance pondérale des jeunes nés de ces géniteurs.
En effet, la bouille cuite contenant de la farine de poisson séché a été servie de façon quotidienne aux porcs-épics de la ferme entre 2004 et début 2006, périodiquement remplacée par un aliment pour lapins en granulés contenant également 5 % de farine de poisson. Or on observe sur la courbe correspondante de la figure 4 que le poids moyen des animaux nés pendant cette même période 2005 / 2006 est significativement supérieur à celui des animaux nés en 2009 et en 2010. L’alimentation contenant une source relativement élevée de protéines pourrait avoir un effet sur les performances zootechniques des couples reproducteurs, l’allaitement et la croissance des jeunes animaux nés de ces reproducteurs. L’apparition d’un problème de santé dans le cheptel a entrainé un doute quant à la qualité du poisson inséré dans cet aliment. L’hypothèse n’a jamais pu être vérifiée si ce n’est que l’aliment en question a été définitivement remplacé par des granulés pour chevaux ne contenant pas de protéines d’origine animale et qu’aucun problème de santé similaire chez les porcs-épics n’a été observé depuis cette date.
Les indices de consommation (IC) obtenus pour les aliments 1 et 2 sont respectivement 8,2 et 12,6. Ces chiffres montrent que l’alimentation du porc-épic en captivité peut être fortement améliorée. Pour cela, il est nécessaire d’entreprendre des recherches sur les besoins alimentaires des animaux à différents stades physiologiques. A titre de comparaison, l’IC obtenu par Lebas (2000) pour un aliment complet en granulés chez le lapin en croissance est de 3,3. Un aliment expérimental en granulés mis au point en Côte d’Ivoire et adapté à l’alimentation des aulacodes en période post sevrage a obtenu un IC de 3,5 (Ohlsen, 2009). L’efficacité de l’alimentation des porcs-épics sur la prise de poids peut être optimisée dans la mesure où cette espèce possède une croissance rapide et un poids à maturité sexuelle élevé pour un rongeur.
L’étude de rentabilité réalisée à travers la simulation des comptes d’exploitation du lancement d’un élevage de 5 couples de porcs-épics sur une période de 10 ans démontre que cette activité génère une marge bénéficiaire annuelle de 276 000 F Cfa. Ce montant correspond à un salaire mensuel de 23 000 F Cfa qui représente 77 % du SMIG burkinabé sur la base d’un salaire mensuel de 30 000 F Cfa. L’investissement correspondant à la construction du bâtiment d’élevage et à l’achat des animaux reproducteurs est conséquent et représente la principale contrainte pour les populations rurales au Burkina Faso. On peut imaginer que le prix du logement des porcs-épics puisse être amoindri en adaptant les enclos d’élevage à chaque cas particulier et en la reliant à la nature des matériaux de construction disponible localement. Par exemple, des enclos à porc-épic grillagés sans toiture sur l’ensemble de la surface, diminuant fortement les coûts de construction peuvent être envisagés. De plus, les paramètres zootechniques du porc-épic pouvant être fortement améliorés, on peut estimer qu’avec des paramètres de reproduction tels que trois portées par an et deux petits par portée on multiplie la marge bénéficiaire annuelle et par conséquent le revenu mensuel de l’éleveur par deux. La valorisation économique des pics de porc-épic à travers l’artisanat ainsi D’après Ohlsen A., 2010 : Analyse technico-économique de l’élevage du porc-épic à crête (Hystrix cristata) au Burkina Faso, l’exemple de la ferme de démonstration de Wédbila. 25 que la vente de fumier ou de compost permettent aussi d’augmenter le revenu associé à l’élevage de cette espèce. L’intégration de paramètres tels que les risques environnementaux et sanitaires ou la faisabilité permettrait d’affiner d’avantage l’analyse économique de cet élevage.
Des études doivent être menés sur l’élevage du porc-épic en Afrique de l’Ouest pour pouvoir obtenir des données fiables sur ses performances zootechniques. Les références sur cette espèce pour des données de reproduction abordés dans cette étude ou encore le taux de prolificité et les taux de mortalités à la naissance et au sevrage sont quasiment inexistantes dans la littérature scientifique. Des enquêtes sont également nécessaires pour évaluer la demande en viande de porc-épic dans les zones rurales et les centres urbains au Burkina Faso. La contribution du gibier à la ration de protéines animales est importante au Burkina Faso (dans le contexte Ouest Africain), elle est estimée à 3,7 kg en moyenne par habitant et par an. Cette contribution est déterminante en milieu rural, la part de gibier serait de 23 % du total de viande consommée (3,9 kg en moyenne par habitant et par an). Cependant la filière « viande de brousse » manque d’organisation et il existe la possibilité d’écouler les produits sur un marché existant et non satisfaisant par l’approvisionnement licite (Chardonnet, 1995). Des informations supplémentaires pourraient amener à une étude de viabilité économique sur la création d’une filière complète (élevage, abattoir, transport, boucherie, restauration) de viande de gibier d’élevage.
CONCLUSION
Le porc-épic apparaît comme une espèce candidate à l’élevage « non conventionnel » à dimension commerciale. C’est un rongeur qui s’adapte bien à la captivité et présente des paramètres zootechniques avec un fort potentiel d’amélioration. La rentabilité de cette activité a été démontrée même si elle est encore fragile. Comme toute espèce sauvage, le porc-épic peut faire l’objet d’un schéma de sélection pour atteindre des critères d’élevage satisfaisants. Cette sélection pourrait être orientée sur les femelles reproductrices en retenant des caractères tels que la docilité, la fertilité, la prolificité, le poids des jeunes à la naissance et la croissance pondérale. Le schéma de sélection doit être accompagné de l’optimisation de l’efficacité de l’alimentation des animaux. C’est un élevage destiné aux milieux ruraux voir périurbain (demande en viande des centres urbains) mais peu envisageable en milieu urbain du fait de la place nécessaire pour les enclos d’élevage et des besoins importants en ressources alimentaires. L’élevage du porc-épic est une activité qui peut représenter un moyen de développement économique des zones rurales périphériques d’aires protégées et des Zones Villageoises de Chasse (ZVC) en Afrique subsaharienne. Il s’insère parfaitement dans un schéma de valorisation des ressources fauniques, au même titre que de nombreuses autres espèces de mammifères, d’oiseaux et de reptiles pouvant être exploitées de façon raisonnée et destinées à la chasse, à la consommation humaine, à la conservation où au marché des animaux de compagnie.
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Table des matières
RESUME ET MOTS CLES
ABSTRACT AND KEYS WORDS
REMERCIEMENTS
ABREVIATIONS
LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
I. INTRODUCTION
II. MATERIELS ET METHODE
1. Le Burkina Faso
2. Le porc-épic
• Description de l’espèce
• Reproduction
• Alimentation
• Logement
• Santé
• Comportement
3. Analyse des données techniques de la FDW et enquête de terrain
4. Le protocole expérimental
5. L’étude de rentabilité
III. RESULTATS
1. Les données techniques de la FDW et enquête de terrain
2. Le protocole expérimental
3. L’étude de rentabilité (simulation de comptes d’exploitations)
IV. DISCUSSION
V. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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