L’ethique du bonheur chez EPICURE

L’être humain est un être naturel. Il tend toujours vers le Bien. Or il y a le Mal derrière ce Bien. Mais ce Mal n’est pas naturel, ce n’est qu’un accident de la nature. Quand il s’agit de la vie humaine, le Bien est la fin de tout acte. La diversité des activités humaines multiplient l’idée du Bien dans la vie. Chacun juge ce Bien à partir des circonstances qui se présentent, car notre vision de la vie bonne est déterminée par le contexte socio-culturel que nous vivons. Pourtant cette multiplicité du Bien se subordonne à un premier qui n’est que le bonheur.

Alors, toutes les activités tant théoriques que pratiques de l’homme ont pour but de rechercher le bonheur. Celui-ci est le Bien par excellence vers lequel tout autre Bien tend. Pour cela, beaucoup de philosophes de l’Antiquité se penchaient sur la réflexion du bonheur comme Socrate, Platon, Aristote, les stoïciens (…).

LA CONCEPTION EPICURIENNE DU BONHEUR 

La Source de la pensée

Selon Diogène Laërce, Epicure a laissé trois cents manuscrits, dont trente sept traités sur la physique et de nombreux ouvrages sur l’amour, la justice, les dieux, etc. Le célèbre de sa biographie nous a conservés, au livre X de « ses vies, Doctrines et Sentences des philosophes », hormis les courts fragments, trois lettres qui sont : « lettre à Hérodote » ou lettre sur l’univers, « lettre à Pythocles » ou lettre sur la physique et « lettre à Menécée » ou lettre sur le bonheur concernant l’éthique et le couronnement de la philosophie épicurienne. Ces trois lettres représentent un abrégé de sa philosophie. En effet, la philosophie d’Epicure est divisée en trois parties : premièrement, la canonique basée sur la « lettre à Herodote », deuxièmement, la physique prenant sa source sur la « lettre à Pythoclès » et troisièmement, l’éthique exposée dans la « lettre à Menécée ». Les deux premières parties sont notamment orientées vers l’élaboration du système de l’éthique épicurienne qui réfléchit sur ce qu’il faut faire pour mener une vie heureuse.

Pour Epicure, la fin de la vie humaine suivant l’accord tacite de tous les hommes, c’est le Bonheur. C’est le Bien Suprême, celui auquel tous les autres Biens doivent se rapporter et qui ne se rapportent à aucun autre. Les difficultés c’est de savoir l’objet de ce bonheur et la manière de l’atteindre. C’est le point de commencement des différentes optiques entre les différentes écoles philosophiques. C’est sur ce point qu’apparaît la plus grande originalité d’Epicure. Dans l’hiérarchie des Biens, il faut comprendre la place du souverain Bien, le Bonheur. Le philosophe, à travers ses œuvres, nous indique la voie à suivre et nous fournit les moyens. Les solutions à ces difficultés nous obligent à examiner l’éthique épicurienne telle qu’elle est exposée dans ses différentes « lettres ».

Avant d’aborder le fond de la pensée épicurienne sur le bonheur, il est plus que nécessaire d’analyser, en premier lieu, les démarches suivies par Epicure pour atteindre le bonheur : à savoir la canonique puis la physique.

La canonique épicurienne

La curiosité de connaître est naturelle à l’homme. Même les petits enfants ne cessent de poser la question : « qu’est ce que c’est ? ». Mais pour mieux connaître, il faut de la théorie. Ici, notre philosophe, contrairement aux philosophes dits rationalistes ou

idéalistes, fait confiance à nos sens pour toute connaissance. Epicure, en effet, se fie à l’évidence des choses. C’est pourquoi on l’a qualifié de sensualiste, c’est la canonique épicurienne. Elle traite des critères et principes de la vérité. Elle n’est ni dialectique comme chez Platon, ni une théorie du concept et de l’argumentation apodictique comme chez Aristote. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre Jean Brun lors qu’il disait : « Il repousse la dialectique comme une chose superflue. Il suffit aux physiciens de suivre ce que les choses disent d’elles-mêmes » .

Pour cela, la canonique épicurienne est un moyen de s’approcher de la réalité. Le principe de l’évidence sensible se comprend comme sensation, comme anticipation et comme affection.

La sensation
Pour connaitre quelque chose, il nous suffit de ne pas changer ni modifier, au moyen de jugement de la raison, les apparences des choses telles qu’elles parviennent à nos sens. En d’autres termes, il faut avoir confiance en nos organes des sens car tout ce que nous sentons est vrai. La sensation est donc la seule grande messagère du réel. De ce fait, elle est le fondement de toutes connaissances, le seul juge de la véracité de tout ce que nous disons et pensons. C’est pourquoi Epicure disait que :

Toutes les sensations sont vraies et existantes, car il ne faisait pas de différence entre dire qu’une chose est vraie ou qu’elle existe. C’est pourquoi il dit : est vrai ce qui est ainsi comme on dit qu’il est, et est faux ce qui n’est pas ainsi comme on dit qu’il est  .

La sensation naît du contact du corps, par le biais de nos cinq organes des sens. Le contact s’effectue, selon Epicure, par le fait que tout le corps senti émet sans cesse des « simulacres », des fines particules identiques de même forme et de même couleur, de même quantité qu’eux, qui viennent frapper nos sens. Nos connaissances commencent par cette rencontre. La sensation est antérieure à la raison. Elle est irrationnelle. Par conséquent, la raison ne peut, en aucun cas, la réfuter. Epicure disait :

Une sensation homogène ne peut pas réfuter une autre sensation homogène car elles sont de puissance égale, une sensation non homogène ne peut pas davantage réfuter une sensation non homogène, parce qu’elles ne concernent pas les mêmes objets, la raison non plus car elle dépend entièrement des sensations .

Par conséquent, il y a une nette différence entre le rationalisme et le scepticisme. Ce dernier est critiqué par l’Epicurisme car si le scepticisme est une doctrine selon laquelle l’esprit humain est incapable de connaître avec certitude, l’épicurisme insiste sur le fait que par la sensation, on trouve la vérité. Le rationalisme est également critiqué parce que pour celui-ci la connaissance dépend de la seule raison et non du sens. Lucrèce (98-55 av. JC) disait à ce propos :

Quand à ceux qui pensent que toute science est impossible, ils ignorent également si elle est possible puisqu’ils font profession de tout ignorer. Je négligerais donc de discuter avec les gens qui veulent marcher la tête en bas … Mais je leur demanderais à mon tour comment n’ayant jamais rencontré la vérité ils savent ce que savoir et ne pas savoir ? D’où leur vient la notion du vrai et du faux ? […] Tu trouves que ce sont les sens qui aux premiers nous ont donné la notion de la vérité et que leur témoignage est irréfutable .

S’il y a la sensation, il existe la réalité à laquelle elle nous renvoie. Elle ne part pas d’un vide. Elle est toujours sensation de quelques choses et douter que la sensation soit peut nuire à la possibilité de toutes pensées vraies. Epicure soutenait que le faux jugement et l’erreur résident dans ce qu’ajoute l’opinion. Il le confirme dans la « lettre à Pythoclès » :

La grandeur du Soleil et de la lune est par rapport à nous telle qu’elle paraît être. Il est possible qu’en réalité elle soit ou largement plus grande ou légèrement plus petite ou exactement semblable .

La sensation, selon Epicure est une saisie de l’instant. C’est en fonction de cette saisie que nous devons bénéficier d’une attitude sereine. Il ne faut pas nous comporter comme le passionné qui est victime de l’opinion. Pourtant, Epicure reconnaît « l’incomplet » des renseignements que nous donnent nos sens. Ce qui importe c’est de prouver cette paix solitaire face à cette nature si difficile à expliquer.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre I : La Source de la pensée
I-1-1 La canonique épicurienne
a. La sensation
b. L’anticipation ou « prénotion »
c. L’affection
I-1-2 La physique épicurienne
a. L’univers
b. Les éléments constitutifs du monde : les atomes, les corps composés et le vide
c. L’âme et l’esprit
I-1-3 Les conséquences de ces principes
a. Les dieux et la religion
b. Nature et condition de l’homme
Chapitre II : La théorie du Bonheur
I-2-1 Le plaisir d’après Epicure
I-2-2 Les différentes sortes de désirs
I-2-3 L’ataraxie et l’importance de la philosophie chez Epicure
Chapitre II : La théorie de la vertu
I-3-1 La tempérance
I-3-2 La sagesse selon Epicure
I-3-3 La justice et la liberté
I-3-4 L’amitié et la solitude
Chapitre I : Le bonheur épicurien vis-à-vis de l’évolution scientifique
II-1-1 Les changements apportés par les progrès scientifiques
II-1-2 Les impacts de l’évolution scientifique dans la vie humaine
a. Avantages
b. Les inconvénients
II-1-3 Les problèmes éthiques soulevés par les progrès de la science aux yeux d’Epicure
Chapitre II : Le bonheur épicurien face à la religion dans le monde
II-2-1 Les doctrines religieuses les plus connues
a. Le bouddhisme
b. Le christianisme
c. L’Islam
II-2-2 L’éthique théologique vue par l’épicurisme
Chapitre III : Le bonheur épicurien à l’égard des valeurs traditionnelles malgaches
II-3-1 Les valeurs traditionnelles malgaches
II-3-2 Les valeurs traditionnelles malgaches, face à l’épicurisme
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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