L’état des lieux et la prospective stratégique des cabinets comptables

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La profession comptable libérale : une analyse sous l’angle sociologique

La revue de la littérature sur le sujet met au premier plan la polysémie de ce terme entre les différents courants de pensée. Tout d’abord, nous explicitons les différents sens du mot profession » (§ 1.1.1) avant de présenter les différents travaux anglo-saxons, qualifiés de sociologie des professions libérales (§ 1.1.2). Puis, nous abordons le caractère réglementaire et institutionnel de la profession comptable en France (§ 1.1.3).

La polysémie du concept « profession » en sociologie

Le mot « profession » est polysémique en français alors, qu’à contrario la langue anglaise définit le terme de façon plus restrictive (Eymeri-Douzans, s. d.). Traduire en français, le terme anglo-saxon “professions” par profession libérale ne recouvre qu’imparfaitement la notion (Maurice, 1972) ce qui conduit à confondre ses attributs avec un idéal-type. Le mot aurait une origine religieuse, « professer » qui signifie « porter en avant la parole » qui se distingue de métier (« ministerium », être au service) (Wittorski, 2007, p. 69). Selon Le Petit Robert, le terme « occupation » désigne ce à quoi on consacre son temps, son activité.
En français, quatre acceptions peuvent être considérées. La profession comme déclaration, vocation (“calling“), c’est-à-dire une identité professionnelle (1), comme emploi (2), au sens de classification, « gagner sa vie » ; comme métier (3) au sens de spécialisation et de communauté professionnelle, et enfin comme fonction (4), c’est-à-dire une position hiérarchique, une compétence reconnue. Dans le langage courant, « être pro, c’est être expérimenté, reconnu, expert dans son domaine » (Dubar & Tripier, 1998; Dubar et al., 2011). Contrairement au monde anglo-saxon, il n’y a pas d’opposition entre occupations et professions.
Selon la perspective anglo-saxonne, une différence prévaut entre les groupes bénéficiant d’une reconnaissance de compétence juridique (légitimité), fondée sur le savoir « abstrait » (”professions”) et ceux qui en sont dépourvus (”occupations”).26 Aux États-Unis, une distinction claire est faite entre les deux termes : le métier (”occupation”) est basé sur des activités coutumières et modifié par essai et erreur dans la pratique individuelle alors que la profession consiste à appliquer des principes généraux à des problèmes particuliers » (Schön, 1994, p. 46). ”Professions” est synonyme de profession réglementée. Chacun cherche à se réclamer du statut social et des avantages liés au fait d’exercer une profession. Cette distinction, par ailleurs, légitime l’important débat sur la définition d’une profession et explique l’imposante littérature sur la question aux États-Unis.
Au sens de Weber, « professions » désigne des activités distinctes, élitaires, élitistes jouissant d’un fort prestige social (reconnaissance). Ce sont aussi un sous-ensemble d’activités dans lequel les membres sont pourvus de droits spécifiques. Droits qui leur permettent de se regrouper en associations professionnelles volontaires et reconnues légalement (des Ordres) et faire reconnaitre leurs intérêts communs (Carr-Saunders, 1928) : l’Ordre des Experts- Comptables, la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes.27 Ces activités exigent une formation longue et spécialisée d’où l’autorisation d’exercice sur la base d’un diplôme. Elles se prévalent d’une forme de monopole (exercice légal d’une expertise) au nom de l’intérêt général, qui se caractérise par un ensemble de règles et de mécanismes de contrôle pour garantir le savoir de base, les compétences, l’éthique, et surtout la valeur reconnue à ses membres (Carr-Saunders, 1928; Menger, 2003; Freidson, 2001; Gadéa & Demazière, 2009; Lazega, 1994, cités par Gadéa & Demazière, 2009, p. 28; Menger, 2003 ; Wittorski, 2007; Von Nordenflycht, 2010). Au sommet de la hiérarchie, nous trouvons une sorte d’élite professionnelle, dotée d’une expertise élevée, autonome, qui exerce leur activité de façon indépendante ou au sein d’organisations. Le fait de devenir « salarié » (expert-comptable, avocat, médecin) n’enlève rien à l’état de « professionnel », car il s’agit d’une qualification « à prétention essentialiste de l’identité de celui qui a décroché le ticket d’entrée dans la profession » (Eymeri-Douzans, s. d.). Nous soulignons que l’autonomie professionnelle est actuellement « remise en question par un processus de logique mercantile, des contraintes d’efficacité et de rentabilité » (Boussard et al., 2010), mais aussi par un mouvement de libéralisation et des mutations de l’environnement (Jamin, 2012). Il nous semble que cette approche corresponde bien aux professions, dites libérales réglementées françaises, dont l’un des « segments », objet de notre étude, est la profession comptable.
Dans le cadre de nos propos, nous nous attachons aux acceptions, vocation (3) et métier (4), qui se rapprochent de la sociologie des professions au sens anglo-saxon (Dubar & Tripier, 1998). Quant à la distinction entre métier et profession, elle repose sur la nature des savoirs et savoir-faire des praticiens (acquis sur le terrain) et des savoirs théoriques, intellectuels ou techniques de haut niveau détenus par les professions (Sorel & Wittorski, 2005; Wittorski, 2007). Après ces liminaires, nous présentons dans la partie suivante les principaux courants de pensée de la sociologie des professions.

Les caractéristiques des professions vue par la sociologie des professions : corpus de savoirs abstraits, accès réservé, clôture des marchés, « luttes de juridictions »

Nous abordons donc ici les différents paradigmes qui se sont imposés dans la sociologie des professions : l’approche fonctionnaliste, dite ”trait approach”, l’approche interactionniste et l’approche monopolistique.
1.1.2.1 Les divergences des approches fonctionnalistes, interactionnistes et monopolistes L’objet de la sociologie des professions s’est constitué à partir d’un modèle professionnel situé historiquement, culturellement et géographiquement : la structuration des professions anglo-saxonnes (Boussard, 2008; Champy, 2009, 2011; Mioche, 2005). Sur cette base, des auteurs d’un courant, dit « fonctionnaliste » ou paradigme des faits sociaux, sous l’égide de Flexer (1915), puis de Carr-Saunders et Wilson (1933), Parsons (1939), Wilensky (1964), Greenwood (1957), Durkheim (1902) pour la France, ont développé entre les années 1930 et 1960, une théorie de la « professionnalisation » pour interpréter le rôle spécifique des savoirs scientifiques dans les sociétés et la manière dont les professions se structurent pour se faire reconnaître par l’État et devenir des professions « établies ». Selon ces auteurs, les professions assurent une fonction essentielle : la cohésion sociale et morale du système social, une alternative au capitalisme concurrentiel et de la lutte des classes.28

L’approche fonctionnaliste

Ce premier courant théorique privilégie l’enjeu de l’organisation sociale et se rattache au positivisme de la réalité sociale par lequel il est possible d’avoir une connaissance objective de l’objet étudié (Champy, 2009). Les travaux de Carr-Saunders & Wilson et de Durkheim29 s’inscrivent dans une conception selon laquelle les groupes professionnels constituent des formes de régulations sociales. La trinité professionnelle se fonde sur une technique intellectuelle spécialisée, une formation prolongée et formalisée30 et un service performant à la communauté (Carr-Saunders et Wilson, 1933). Pour ces auteurs, c’est « l’unicité de ces trois composantes qui assure le lien entre la responsabilité des professionnels et leur reconnaissance par le public » (Dubar & Tripier, 1998, p. 80). Ce schéma repose sur l’acquisition de « traits » fonctionnels qui permet de distinguer une profession d’une occupation. Flexer (1915) fut l’un des premiers à avoir dressé une liste de caractéristiques en ces termes :
Les professions traitent d’opérations intellectuelles associées à de grandes responsabilités individuelles, leurs matériaux de base sont tirés de la science et d’un savoir théorique, qui comportent des applications pratiques et variées, et sont transmissibles par un enseignement formalisé. Les professions tendent à l’auto-organisation dans des associations et leurs membres ont une motivation altruiste. » (Flexer, 1915, cité par Dubar & Tripier, 1998; Maurice, 1972)
Quant à Wilenski (1964), la profession se caractériserait selon six critères. C’est une activité (de services) exercée à temps plein, régie par des règles d’activité, comprenant une formation et des écoles spécialisées, possédant des organisations professionnelles, comportant une protection légale de son monopole, ayant établi un code de déontologie.
Les organisations professionnelles ont un rôle important en matière de surveillance, de sanctions et de défense des intérêts collectifs en veillant ainsi au maintien du prestige social (“dignity”). La déontologie est un moyen pour perpétuer un « idéal de service » qui passe par la satisfaction des intérêts des clients et de la communauté avant les siens31 en contrepartie d’une rémunération. Pour Parsons, l’idéologie professionnelle contribue à remédier à l’opacité de la qualité liée à l’asymétrie de l’expertise (§ 1.2.1.1) : “A professionnel ideology consists of a set of norms, manifested both in explicit ethical codes, enforced by professional associations and in internalized training.” (Von Nordenflycht, 2010, p. 163)
Pour le sociologue français R. Bourdoncle (1991), les attributs des professions sont : Une base de connaissances à la fois générales mais aussi relativement spécifiques à l’exercice d’une profession, des individus ayant le souci de servir l’intérêt général plutôt qu’un intérêt particulier, un code éthique organisant le comportement des professionnels vis-à-vis de leurs clients, […] d’honoraires32 correspondant aux services rendus. » (cité par Sorel & Wittorski, 2005)
D’autres listes de traits ont été établis mettant en exergue : le savoir théorique et scientifique, le désintérêt et l’altruisme, le respect de normes culturelles et sociales, l’éthique, la formation spécialisée et continue, la responsabilité et la tutelle sur la technique au mieux des intérêts des parties prenantes, l’autorité professionnelle au sein d’une juridiction, l’autonomie dans la prise de décision, la nature de la relation entre le professionnel et son client, les associations de contrôle, l’inscription ou la certification (Sciulli, cité par Evetts, 2003, p. 24). Cette succession de caractéristiques montre une « scientisation » des savoirs de haut niveau (Champy, 2009, 2011; Gadrey, 1994; Vézinat, 2010) d’une profession ce qui ne la rend pas accessible à tous, et justifie ainsi la délégation de monopole par l’État, au titre de mandat de service au public ; comme c’est le cas des médecins et des avocats (Gand, 2008), des commissaires aux comptes et dans une moindre mesure des experts-comptables. Pour Sapiro (2006), l’État joue un rôle essentiel dans le processus de développement des professions.
Force est de constater que la profession comptable, cœur de notre travail de recherche, semble correspondre à la définition proposée par les tenants du courant fonctionnaliste : assises techniques et scientifiques, formation spécialisée, protection juridique du monopole, associations professionnelles et déontologie professionnelle, etc. Les comptables des ”Professional, Technical and Kindred Workers” au même titre que les avocats, les médecins (Abbott, 1988; Boussard, 2008). L’approche fonctionnaliste33 des professions a été critiquée à partir des années 1960 par deux courants, les « interactionnistes » et les « monopolistes ».

L’approche interactionniste

Ce deuxième courant théorique est une forme de matrice d’étude des activités organisées en segments : les groupes professionnels. Les interactionnistes sont issus de l’École de Chicago (Hughes, Becker, Strauss, Freidson, Abbott, etc.), inspirés par les pensées de G. Simmel et Park, « l’esprit collectif d’un groupe se matérialise par le partage de conduites, de normes d’ajustement mutuel et non par son intégration dans un Ordre préétabli ». Leur critique porte essentiellement sur la construction du concept « profession ». Ils se sont attachés à étudier les activités professionnelles comme un processus non seulement bibliographique mais également identitaire. Selon eux, les groupes professionnels sont des construits interactionnels en perpétuelle recomposition. Les professions sont valorisées comme autant de formes d’accomplissement de soi » (Dubar & Tripier, 1998). Pour Freidson (1986), les comptables et les avocats doivent être rangés dans les grappes de professions (Brock, Powell, & Hinings, 1999). Pour les interactionnistes, les “occupational groups” sont des collectifs à l’intérieur desquels les membres s’auto-organisent, défendent leur autonomie, leur territoire, leur spécificité professionnelle. Ils cherchent à se protéger de la concurrence par le biais de l’obtention d’un monopole (Larson Sarfatti, 1977; Mioche, 2005; Vézinat, 2010), à l’issue de luttes avec d’autres « segments » professionnels concurrents pour lesquels des compromis doivent être trouvés (Hughes, 1996, Strauss, 1992). Les professionnels se réclament le droit de donner des conseils issus de leur champ de connaissances. C’est la base de la « licence »34 qui est une autorisation d’exercice. L’obligation de mission (”mandate”) découle également du savoir ésotérique ainsi que du niveau élevé de connaissances détenues. Ainsi, des stratégies sont mises en place pour élever des barrières à l’entrée des professions telles que l’institutionnalisation des programmes de formation, les diplômes (notamment la profession d’expert-comptable et de commissaire aux comptes), l’expérience. Le savoir-faire est une notion centrale, associé à la capacité à contrôler les territoires professionnels pour se faire respecter tant par les instances institutionnelles que par les éventuels concurrents,  » abstract system of knowledge in order to claim professional status » (Abbott, 1988, p. 8‑9). Le système abstrait de connaissances doit être régénéré en permanence afin d’étendre sa « juridiction » (Tourna-Germanou, s. d.).
La profession comptable est dite « établie » par le biais de ses associations institutionnelles. Mais au-delà du processus d’institutionnalisation, il s’agit aussi de convaincre « le public » de la pertinence des savoirs détenus, d’où la notion de confiance, rendue possible par le contrôle et l’évaluation des pratiques par des experts de la profession, c’est-à-dire le contrôle de qualité au sein de la profession comptable libérale française (Boussard, 2008). Nous ajoutons que le client est une composante à ne pas négliger puisqu’il participe à la légitimité des activités des professionnels. Pour Larson (1977), il y a deux catégories de professionnels : les proactifs, qui vont chercher à élargir leur champ d’action (missions nouvelles, nouvelles pratiques), et les plus conservateurs. Il nous importe également de présenter les points de vue de A. Strauss (1992) : la société est le produit des rencontres entre groupes, de leur travail, de leur négociation, des processus d’apprentissage et de connaissance. Les hommes sont en interaction et sont considérés comme actifs, créatifs, réflexifs et non passifs, soumis des forces sociales sur lesquels ils n’ont pas de contrôle.
Pour M. Weber, les nouvelles figures professionnelles sont les savants, les experts ce qui se traduit par l’émergence du modèle bureaucratique ; « celui reconnu dans le cadre d’une légitimité rationnelle légale, détenteur d’un savoir « scientifique labellisé, d’un prestige, d’un pouvoir, d’une éthique de la responsabilité ». Ce phénomène serait lié à la multiplication des professions établies (Hughes, 1996).

Le cadrage de la profession comptable libérale

De nombreux travaux en sociologie des professions ont montré les traits distinctifs d’une profession sans préciser clairement ce qu’est une profession réglementée. Avant d’aborder la régulation (§ 1.1.3.2) nous nous attachons à circonscrire le concept de profession libérale réglementée (§ 1.1.3.1). Cette partie s’achèvera par un exposé de l’apprentissage initial et de l’accès à la profession (§ 1.1.3.3)

Le concept de profession libérale réglementée

Les professions libérales sont un sous-groupe des « professions », qui exercent leur profession  dans un cadre régleenté, monopolistique, organisé (Ordre) et formalisé (normes) (Menger, 2003). Les membres se considèrent tous comme des experts aux compétences spécifiques, qui justifient à leurs yeux la qualité de professionnel. Savatier (1947) les définit comme : « Une activité intellectuelle, une activité indépendante, une activité désintéressée qui constitue le trait principal puisque le professionnel n’apporte que ses qualités personnelles de science, d’intelligence et de dévouement. » (In Dubar et al., 2011, p. 219) Ces traits distinctifs permettent donc à la profession libérale de se distinguer des professions manuelles, salariées et commerciales. L’idéal-type français serait incarné par les avocats : des privilèges, une mobilisation de savoirs complexes, au service de l’intérêt général (Karpik, 1995). Les privilèges seraient la contrepartie de leur capacité à exclure les concurrents (Larson Sarfatti, 1977). Pour Abbott (1988), la concurrence entre professions est liée à leurs aspirations à se développer en s’emparant de sphères de travail qu’elles cherchent à transformer en juridictions » auprès des Pouvoirs publics. Il nous semble que les professions libérales subissent actuellement une concurrence de plus en plus acharnée venant de formes plus rationnalisées et compétitives qui les oblige à s’adapter, à se moderniser, à innover au niveau de leur organisation (modèle), de leurs offres de produits et services. Pour assurer leur survie-développement, elles cherchent à élargir leurs activités à des champs périphériques.
La directive européenne « services » est l’exemple type de libéralisation qui a conduit à une réforme de la profession comptable française. Selon Bruxelles, dans le sens où elles sont réglementées,35 la profession libérale couvre « toute profession exercée sur la base de qualifications appropriées, à titre personnel, sous sa responsabilité et de façon professionnellement indépendante, en offrant des services intellectuels et conceptuels dans l’intérêt du client et du public » (N° 43, Directive n° 2005/36/CE). Juridiquement, la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 donne une définition des professions libérales, réparties entre professions réglementées, dont le titre est protégé et les autres : Les professions libérales groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client ou public, des prestations principalement intellectuelles, techniques […] mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle […]. » (http://www.legifrance.gouv.fr/).

L’inséparabilité

L’inséparabilité renvoie à l’existence d’une simultanéité de la production, de la consommation et de la distribution d’un service. La simultanéité se traduit par la présence indispensable du client au processus de production du service (Gervais, 2000; Malleret, 2008). L’interaction plus ou moins importante entre le prestataire-vendeur et le client intègre expressément une coproduction de service dans un processus, dit de servuction, qui conduit à une coresponsabilité. Le système de servuction est composé de quatre éléments : le client, le support physique nécessaire à la production du service, le personnel en contact avec les clients et le système d’organisation interne de l’entreprise de service. Le service est la résultante de l’interaction entre les trois premiers éléments. La relation entre le client et le personnel de contact est fondamentale puisqu’elle détermine en grande partie les jugements des clients concernant la qualité des missions prestées par les professionnels comptables (Cerruti & Richard, 2008).

La périssabilité

A l’inverse des biens manufacturés, les services ne peuvent pas être stockés en raison de leur caractère immatériel et de la nécessité de les adapter aux besoins spécifiques des clients. En effet, ils sont consommés dès qu’ils sont produits et ne peuvent pas être fabriqués à l’avance. Cette caractéristique complique aussi l’optimisation des ressources. A titre d’exemple, une journée ou une heure non facturée correspond à une perte d’activité perdue. Le résultat des services, comme la formation, les prestations de conseil, ne peut s’apprécier que sur une période et non à un instant T. Nous soulignons également que les services n’ont pas de valeur de « revente ».
Les quatre critères ci-exposés sont proches du triptyque des caractères techniques que certains auteurs francophones ont proposés pour définir les activités de service : immatérialité, interactivité et immédiateté (Djellal & Gallouj, 2002; Gadrey & Gallouj, 1998). L’interactivité consiste en l’échange d’informations et de savoir, et parfois de mise en œuvre, concertée entre le client (utilisateur du service) et le prestataire.
Des classifications des services peuvent donc être construites à partir de tous ces critères auxquels peuvent être ajoutés des critères comme l’importance de la phase de contact entre le personnel et le client, le degré de personnalisation des services, l’orientation vers les personnes, etc.
Parmi les nombreuses typologies existantes, nous retenons celle de Fitzgerald et al. (1991)45 : Les services professionnels qui se basent directement sur le capital humain et se caractérisent par un haut degré de contact avec les clients.
Les services de masse qui utilisent principalement les ressources matérielles et sont orientés vers le produit (maintenance, installation, etc.). Le contact avec le client est limité et la relation entre ressources et résultats est plus claire,
Les services shop qui se situent au milieu de deux catégories précédentes.
Après cette réflexion sur la nature des activités de service, nous allons maintenant examiner les caractéristiques des entreprises de services professionnels intellectuels.

Les entreprises de services professionnels intellectuels

Les Professional Service Firms (PSFs)46 sont devenues des objets de recherche dans les sciences de gestion : des exemples d’organisation qui réussissent, différentes des autres types d’entreprises. Les PSFs sont souvent décrites comme des exemples de Knowledge-Intensive Firms, ou Knowledge-Based Organizations.47 Certains chercheurs se sont précisément intéressés aux spécificités des PSFs et à leur organisation (Aharoni, 1999; Anand et al., 2007; Brock et al., 1999; Gadrey, 1994; Gadrey & Gallouj, 1998; Greenwood & Lachman, 1996; Greenwood et al., 2005; Hinings & Greenwood Royston, 1999; Lowendahl, 2005; D. Maister, 1996; Simonet & Bouchez, 2003; Von Nordenflycht, 2010). Certains se sont appuyés sur la Fitzgerald et al. (1991), Performance measurement in service business, CIMA.

Les caractéristiques et la délimitation des entreprises de services professionnels intellectuels49

Quelque soit le cadre conceptuel adopté, les auteurs proposent de définir les ESP autour de deux caractéristiques : les « inputs » et les « outputs » de l’activité. “Their outputs are intangible and encoded with complex knowledge and customized to the circumstances of each client » […] Professionals are employed as the primary carriers, interpreters and appliers of knowledge » (Greenwood et al., 2005; D. Maister, 1996) [… ] Knowledge has more importance than other inputs” (Starbuck 1992). Les auteurs relèvent deux conséquences qui influencent les choix stratégiques et organisationnels ce qui les distinguent des entreprises du secteur industriel : une asymétrie d’information et d’expertise, une mobilité élevée des ressources humaines.
Gadrey (1994)50 propose de caractériser les ESP selon deux ensembles : d’une part, « la détention des savoirs spécialisés, d’accès non aisés et formalisés », et d’autre part l’existence de barrières à l’entrée ». L’auteur ajoute qu’une grande partie de l’activité des professionnels est exercée en interaction directe avec des clients. Des clients qui sont à la recherche de conseils, d’assistance pour résoudre des problèmes exigeant des compétences en termes de savoir scientifique et relationnelles. La relation entre les parties s’inscrit ainsi dans une « économie de qualité » des prestations et des échanges. Les échanges sont fondés sur une asymétrie de connaissances, de l’expertise51, de répartition des informations52 entre le client (demandeur) et l’offreur ce qui a pour conséquence que les clients sont bien souvent incapables d’évaluer le niveau de compétences et/ou la qualité du service rendu.

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Table des matières

Introduction
0.1 Le contexte de la recherche
0.2 Les motivations
0.3 L’objet de la recherche
0.3.1 Le champ de la recherche
0.3.2 Les domaines d’étude
0.3.2.1 La sociologie des professions
0.3.2.2 La performance, la performance durable
0.3.2.3 L’innovation dans les services professionnels intellectuels
0.3.3 La problématique
0.3.4 Les hypothèses de recherche
0.3.4.1 L’hypothèse centrale
0.3.4.2 Le Corps d’hypothèse
0.3.5 Les enjeux de la recherche
0.4 L’approche scientifique de la recherche
0.4.1 La posture épistémologique
0.4.2 Les choix méthodologiques
0.4.2.1 Les études de cas
0.4.2.2 L’étude quantitative
0.5 Le plan de la recherche
Première partie : Le contexte de l’étude : état de l’art, fondements de notre réflexion théorique et élaboration d’une grille de lecture
Introduction de la première partie
Chapitre 1 : Les caractéristiques de la profession comptable libérale ; d’un modèle profession libérale vers un modèle entrepreneurial
1.1 La profession comptable libérale : une analyse sous l’angle sociologique
1.1.1 La polysémie du concept « profession » en sociologie
1.1.2 Les caractéristiques des professions vue par la sociologie des professions : corpus de savoirs abstraits, accès réservé, clôture des marchés, « luttes de juridictions »
1.1.2.1 Les divergences des approches fonctionnalistes, interactionnistes et monopolistes
1.1.2.1.1 L’approche fonctionnaliste
1.1.2.1.2 L’approche interactionniste
1.1.2.1.3 L’approche monopolistique
1.1.2.2 Les points communs entre les différents courants sociologiques
1.1.3 Le cadrage de la profession comptable libérale
1.1.3.1 Le concept de profession libérale réglementée
1.1.3.2 La régulation de la profession comptable
1.1.3.3 L’apprentissage initial et l’accès à la profession comptable libérale
1.2 Les cabinets comptables : une entreprise de services professionnels intellectuels particulière
1.2.1 Les spécificités des activités de service
1.2.1.1 L’intangibilité
1.2.1.2 L’hétérogénéité
1.2.1.3 L’inséparabilité
1.2.1.4 La périssabilité
1.2.2 Les entreprises de services professionnels intellectuels
1.2.2.1 Les caractéristiques et la délimitation des entreprises de services professionnels intellectuels
1.2.2.2 La question de la qualité de service
1.2.2.3 La modernisation des entreprises de services professionnels
1.2.3 Le cabinet comptable : une entreprise de services professionnels intellectuels particulière 76
1.2.3.1 La spécificité du champ étudié
1.2.3.1.1 Les activités et les missions des professionnels comptables libéraux
1.2.3.1.2 La déontologie et la responsabilité des professionnels
1.2.3.2 Une profession sous contrôle
1.2.3.3 La profession comptable ; une bureaucratie professionnelle en évolution
Conclusion du chapitre 1
Chapitre 2 : L’état des lieux et la prospective stratégique des cabinets comptables
2.1 Les éléments de cadrage de la profession comptable
2.1.1 Le panorama de la profession comptable : des cabinets disparates
2.1.2 Une brève analyse économique du secteur
2.1.2.1 La recomposition du champ professionnel
2.1.2.1.1 La concurrence confraternelle
2.1.2.1.2 Un secteur en recomposition aux limites poreuses
2.1.2.2 La gestion des cabinets comptables
2.1.2.2.1 L’évolution de l’activité et des performances économiques
2.1.2.2.2 Les modes de facturation et les outils de gestion
2.1.2.3 Les atouts de la profession comptable (une marque ?)
2.1.3 Le cap vers un modèle entreprise cabinet comptable
2.1.3.1 Les nouvelles technologies de l’information
2.1.3.2 Les clients et les offres de services
2.1.3.3 Les changements réglementaires
2.2 La prospective stratégique des cabinets comptables
2.2.1 La démarche prospective stratégique
2.2.1.1 Qu’est-ce la prospective stratégique ?
2.2.1.1.1 Origine du mot « prospective »
2.2.1.1.2 La prospective : une démarche volontariste indissociable de la stratégie
2.2.1.1.3 La relation entre innovation, compétitivité et prospective
2.2.1.2 La prospective dans la profession comptable
2.2.1.2.1 L’utilité de la démarche pour la profession comptable libérale
2.2.1.2.2 Les études prospectives dans la profession comptable
2.2.2 La construction d’un projet de cabinet
2.2.2.1 Pourquoi un projet de cabinet ?
2.2.2.2 Le Projet de cabinet : un levier à activer
Conclusion du chapitre 2
Chapitre 3 : De la performance à la performance durable dans les entreprises de services professionnels réglementées
3.1 Le concept polysémique de performance
3.1.1 Origine et évolution du terme polysémique de « performance »
3.1.2 L’approche traditionnelle de la performance
3.1.2.1 Les notions de base de l’approche classique ou rationnelle
3.1.2.2 Critiques de l’approche classique de la performance
3.1.3 L’approche multidimensionnelle de la performance
3.1.3.1 La performance stratégique ou à long terme
3.1.3.2 La performance concurrentielle
3.1.3.3 La performance commerciale ou marketing
3.1.4 Notre définition de la performance
3.2 La performance durable : une approche globale de la performance
3.2.1 Le concept général de performance durable
3.2.2 Les modèles intégrés d’analyse de la performance durable
3.2.2.1 Le modèle de l’efficacité organisationnelle de Quinn & Rohrbaugh
3.2.2.2 Le modèle intégré de l’efficacité organisationnelle de Morin et al. (1994)
3.3.2.3 Le modèle prospectif de Norton et Kaplan (1992)
3.3 La performance durable dans la profession comptable : proposition d’un cadre théorique
3.3.1 La performance dans les entreprises de service
3.3.2 La performance durable dans la profession comptable libérale
3.3.3 Notre modèle de performance durable
Conclusion du chapitre 3
Chapitre 4 : L’innovation dans les entreprises de service professionnel de type réglementées
4.1 Définitions de l’innovation et discussion
4.1.1 Origines du terme « innovation »
4.1.2 Premiers éléments de définition du terme « innovation »
4.1.3 La distinction entre innovation, invention et changement
4.1.4 Existe-t-il une définition consensuelle de l’innovation ?
4.2 Les typologies de l’innovation
4.2.1 Innovation technologique vs. Innovation managériale
4.2.2 Innovation de produit vs. Innovation de procédé
4.2.3 Innovation radicale vs. Innovation incrémentale
4.3 Les enjeux de l’innovation
4.3.1 Pourquoi innover ?
4.3.1.1 Au plan macro-économique
4.3.1.2 Au plan micro-économique ; une question de pérennité
4.4 L’innovation dans les entreprises de service professionnel : le cas de la profession comptable
4.4.1 Un long désintérêt pour l’innovation dans les entreprises de service : ”innovation gap”
4.4.2 La vision classique de l’innovation remise en cause
4.4.3 L’identification des innovations dans les services
4.4.4 Les perspectives pour aborder l’innovation dans les services
4.4.4.1 Le premier axe de recherche : les approches technologistes
4.4.4.2 Le second axe de recherche : une perspective moins technologique
4.4.4.3 Les typologies intégratives : le modèle de Gallouj
4.5 L’innovation facteur de performance durable dans la profession comptable libérale et proposition de notre grille de lecture
Conclusion du chapitre 4
Conclusion de la première partie
Deuxième partie La Performance durable dans la profession comptable libérale : résultats de l’étude
Introduction de la seconde partie
Chapitre 5 : La conception et le protocole de la recherche
5.1 La conception de la connaissance
5.1.1 Le positionnement
5.1.2 Une combinaison de postures celle de praticien et celle de chercheur
5.1.2.1 La valorisation de notre expérience professionnelle
5.1.2.2 Qu’est-ce un praticien ?
5.1.2.3 L’épistémologie de l’agir professionnel selon D. Schön
5.1.2.4 Qu’est-ce un praticien réflexif ?
5.2 Le pluralisme méthodologique de notre recherche
5.2.1 Une méthodologie qualitative : les études de cas
5.2.1.1 La justification du recours aux études de cas
5.2.1.2 La constitution de l’échantillon
5.2.1.3 Les dispositifs adaptés du traitement des données
5.2.1.4 Présentation des six cas étudiés
5.2.1.4.1 Présentation de l’étude de cas A
5.2.1.4.2 Présentation de l’étude de cas B
5.2.1.4.3 Présentation de l’étude de cas C
5.2.1.4.4 Présentation de l’étude de cas D
5.2.1.4.5 Présentation de l’étude de cas E
5.2.1.4.6 Présentation de l’étude de cas F
5.2.2 Une méthodologie quantitative : le questionnaire
5.2.2.1 Le recueil des données par questionnaire
5.2.2.2 La constitution de l’échantillon
5.2.2.3 L’administration du questionnaire
5.2.2.4 L’envoi et le retour du questionnaire
5.2.2.5 Le codage et l’analyse des données recueillies par questionnaire
5.3 La documentation professionnelle
5.3.1 Le recueil des données documentaires
5.3.2 L’analyse des données documentaires
Conclusion du chapitre 5
Chapitre 6 : La réalité des cabinets face au modèle élaboré de performance durable : résultats des études de cas
6.1 La matrice d’observation
6.2 Le cabinet A
6.2.1 Le positionnement et la stratégie du cabinet A
6.2.2 L’identification des innovations et leur positionnement
6.2.3 La contribution de l’innovation à la performance du cabinet A
6.3 Le cabinet B
6.3.1 Le positionnement et la stratégie du cabinet B
6.3.2 L’identification des innovations et leur positionnement
6.3.3 La contribution de l’innovation à la performance du cabinet B
6.4 Le cabinet C
6.4.1 La stratégie du cabinet C
6.4.2 L’identification des innovations et leur positionnement
6.4.3 La contribution de l’innovation à la performance du cabinet C
6.5 Le cabinet D
6.5.1 La stratégie du cabinet D
6.5.2 L’identification des innovations et leur positionnement
6.5.3 La contribution de l’innovation à la performance du cabinet D
6.6 Le cabinet E
6.6.1 La stratégie du cabinet E
6.6.2 L’identification des innovations et leur positionnement
6.6.3 La contribution de l’innovation à la performance du cabinet E
6.7 Le cas F
6.7.1 La stratégie du cas F
6.7.2 L’identification des innovations et leur positionnement
6.7.3 La contribution de l’innovation à la performance du cas F
6.8 Synthèse et discussion
Conclusion du chapitre 6
Chapitre 7 : La performance durable et les innovations vues par les cabinets comptables
7.1 Les indicateurs retenus
7.2 L’analyse descriptive de l’échantillon
7.2.1 Le profil des répondants
7.2.2 Les traits des cabinets comptables de l’échantillon
7.2.2.1 L’activité exercée
7.2.2.2 L’évolution de l’activité selon les missions prestées
7.2.2.3 La taille des cabinets comptables
7.2.3 La description des variables du questionnaire
7.2.3.1 Les points de vue sur la perception de la profession (H1)
7.2.3.2 L’évolution du modèle professionnel : un modèle entrepreneurial « particulier » (H2)
7.2.3.3 La démarche prospective stratégique (H3)
7.2.3.4 Les stratégies d’innovation des cabinets (H4)
7.2.3.5 La contribution de l’innovation à la performance des cabinets (H5)
7.2.3.6 Le caractère multidimensionnel de la performance perçu par les cabinets (H5)
7.2.4 Le virage vers un modèle d’entreprise cabinet d’expertise comptable
7.2.5 Un cabinet comptable innovant pour assurer la survie développement sur le long terme
7.3 Relation entre innovation et performance durable
7.3.1 L’identification des facteurs sous-jacents par l’analyse factorielle (AF)
7.3.1.1 AF de la dimension Performance
7.3.1.2 AF des dimensions Innovation et Stratégie d’Innovation
7.3.2 Relation entre l’innovation et la performance durable
7.3.2.1 Relation entre innovation et la dimension Finance
7.3.2.2 Relation entre l’innovation et la dimension Clients – Adaptation à l’environnement
7.3.2.3 Relation entre l’innovation et la performance Processus interne
7.3.2.4 Relation entre l’innovation et la performance sociétale et sociale Légitimité et Professionnalisme
7.3.2.5 Synthèse
7.3.3 Les résultats des analyses univariées de la variance
7.3.3.1 L’influence de la Taille du cabinet sur la performance durable
7.3.3.2 L’influence de la Dominante du cabinet sur la performance durable
7.3.3.3 L’influence de la Fonction exercée sur la performance durable
7.3.3.4 L’influence de l’Ancienneté dans l’exercice de la profession sur la performance durable
7.3.3.5 L’impact de l’adoption d’une logique Entreprise cabinet d’expertise comptable sur la performance durable
7.3.3.6 Synthèse
Conclusion du chapitre 7
Conclusion générale
8.1 Synthèse des résultats
8.1.1 L’évolution du modèle professionnel des cabinets comptables
8.1.2 Les pratiques innovantes des cabinets comptables
8.1.3 La contribution de l’innovation à la performance durable
8.1.3.1 Le modèle des dimensions de la performance durable dans les cabinets
8.1.3.2 La contribution des innovations observées à la performance
8.1.3.3 Les résultats de l’enquête par questionnaire
8.1.4 Validation du corps d’hypothèses
8.2 Contributions de la recherche
8.2.1 Les contributions théoriques
8.2.2 Les contributions méthodologiques
8.3 Les limites de la recherche
8.4 Les perspectives
BIBLIOGRAPHIE

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