l’état de la recherche sur la gestion intégrée des ressources en eau
Le consensus international sur la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) s’est développé au cours d’un certain nombre d’années, et a été influencé par un certain nombre d’événements importants. Un des plus significatifs de ces événements est la décennie international d’adduction d’eau potable et de l’assainissement des Nations Unies (1981- 1990), également appelée la « Décennie de l’eau ». Celle-ci visait à fournir suffisamment d’eau potable et de services d’assainissement à tous. Au début de cette décennie, l’eau et l’assainissement étaient considérés comme les besoins fondamentaux devant être satisfaits à travers la planification efficace par les administrations centrales. Au cours de la Décennie de l’eau, l’Afrique a connu une amélioration de l’approvisionnement en eau, la couverture passant de 32% à 46%, alors que pour l’assainissement elle passait de 28% à 36% (WSSCC, 1998). En 1994, 381 millions de personnes (54 % de la population de l’Afrique) ne bénéficiaient toujours pas d’accès à l’eau potable et 464 millions (66%) n’avaient pas accès aux installations d’assainissement (WSSCC, 1998). La Décennie de l’eau s’est principalement concentrée sur l’eau et l’assainissement, aux dépens du développement des autres sous-secteurs de l’eau. Suite à la Décennie de l’eau, la Conférence internationale sur l’eau et l’environnement s’est tenue à Dublin en 1992. C’était la conférence mondiale sur l’eau la plus significative depuis celle des Nations Unies tenue à Mar de Plata en 1977. Cette conférence a fourni les principales données de base sur les problèmes d’eau douce à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED), tenue à Rio de Janeiro en juin 1992. La CNUED visait à élaborer des stratégies et des mesures en vue de freiner et d’inverser les effets de la dégradation de l’environnement et de promouvoir un développement écologiquement sain et durable dans tous les pays. Un plan d’action global pour les années 90 et se poursuivant au 21ème siècle, appelé Action 21, a été élaboré comme base d’un nouveau partenariat mondial pour le développement durable et la protection de l’environnement dans un monde de plus en plus interdépendant. Un autre événement important a été la création du partenariat mondial de l’eau et le Conseil mondial de l’eau en 1996 en vue d’améliorer la coordination des activités dans le secteur de l’eau au plan international. Les deux institutions ont pour mission la coordination de la mise en œuvre des principes et des pratiques de GIRE à travers le monde.
Un autre jalon important du développement d’un consensus mondial sur la gestion des ressources en eau est le deuxième forum mondial de l’eau et la conférence ministérielle de mars 2000 à La Hayes. L’objectif principal de cette rencontre consistait à donner aux parties prenantes l’occasion d’examiner la crise de l’eau qui menace le 21ème siècle et de rechercher le mécanisme le plus apte à assurer la sécurité de l’eau pour toutes les utilisations au cours du siècle. Les principaux documents qui ont servi de base pour l’examen d’une sécurité future de l’eau étaient les documents de vision mondiale de l’eau et de cadre d’action. Les principaux défis identifiés dans le cadre de la vision étaient la pénurie d’eau, la difficulté d’accès à l’eau potable et le manque d’hygiène en particulier, pour les plus vulnérables, les pauvres, les femmes et les enfants et la montée du besoin en eau pour la production vivrière en vue d’une alimentation correcte. Les grandes causes de ces défis sont la détérioration de la qualité de l’eau douce liée à la dégradation de l’environnement, la concurrence et les disputes plus nombreuses qui entourent les ressources en eau communes, la baisse de l’investissement et la gestion parcellaire des ressources en eau à l’échelon local, national et régional. Dans un effort pour encourager une évolution vers des approches plus durables du développement et de la gestion des ressources en eau, le Sommet mondial sur le développement durable (SMDD) de 2002 a appelé tous les pays à ébaucher une gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) et une stratégie d’efficience de l’eau d’ici la fin de 2005. De telles stratégies sont destinées à soutenir des pays dans leurs efforts pour atteindre des objectifs de développement, comme la réduction de la pauvreté, le renforcement de la sécurité alimentaire, la promotion du développement économique, la protection des écosystèmes ; et relever des défis spécifiques liés à l’eau, tels que la lutte contre les inondations, l’atténuation des effets de la sécheresse,l’accès accru à l’eau potable et à l’assainissement, et la lutte contre la concurrence croissante pour l’eau et la pénurie d’eau. À la fin de 2003, le GWP a mené une enquête informelle pour voir comment les pays avaient progressé vers des approches plus intégrées et durables du développement et de la gestion des ressources en eau et, en particulier, s’ils s’étaient rapprochés de la cible d’action du SMDD. Les résultats préliminaires montrent que, sur les 108 pays observés à ce jour, près de 10 % avaient bien évolué vers des approches plus intégrées, 50 % avaient fait quelques pas dans cette direction mais devaient accroître leurs efforts, tandis que les 40 % restants n’en étaient qu’au stade initial du processus. Les résultats de cette enquête suggèrent que certains pays ont des difficultés à percevoir en quoi une stratégie de GIRE peut les aider à servir leur développement économique et social, tandis que d’autres rencontrent divers obstacles dans leurs efforts pour faire décoller le processus. Pour la Méditerranée, le programme des nations Unies pour l’environnement et au sein du Plan d’Action, le Plan Bleu s’attache, depuis plus de trente ans, à rendre compte de la situation de l’environnement, de son évolution et à dessiner des scénarios d’avenir pour éclairer la décision, et dresser un constat des évolutions survenues au cours des dernières décennies. Il a pour objectifs d’alerter sur les principaux risques liés à la poursuite des tendances actuelles et d’inviter à l’action en proposant des orientations stratégiques pour mieux concilier l’environnement et le développement et renforcer les solidarités entre les rives.
Pour l’Algérie, l’organisation de la gestion de l’eau centralisée se fait par le ministère des ressources en eau, qui est le principal responsable de la politique de l’eau dont il assure l’élaboration et la mise en œuvre. Sa compétence s’étend à l’ensemble des activités relatives à la recherche, l’exploitation, le stockage, la distribution de l’eau pour tous les usages, à l’assainissement. Il veille, avec les ministères chargés de l’Environnement et de la Santé, à la préservation de la qualité des ressources en eau. Durant la dernière décennie, l’Algérie, est également engagée des réformes et développé des lois et des actions comme: le plan national de l’eau, la ministère des ressources en eau (2003), loi nationale de l’eau, le gouvernement d’Algérie (2005) et plan d’action pour la mise en œuvre d’un cadre de la GIRE, ministère des ressources en eau (projet 2006-2007) afin d’élaborer des plans directeurs d’aménagement et d’affectation des ressources, ainsi que l’information et la sensibilisation des usagers à l’utilisation rationnelle de l’eau.
Le contexte de mise en œuvre de la GIRE
Des recherches nombreuses sur l’application de la GIRE
La GIRE est un outil flexible qui permet de s’attaquer aux défis de l’eau et d’optimiser la contribution de l’eau au développement durable. Elle n’est pas un but en elle-même. La GIRE consiste à renforcer des cadres pour la gouvernance de l’eau afin d’encourager des prises de décision appropriées en réponse à des situations et des besoins changeants. Elle cherche à éviter de perdre des vies, de gaspiller de l’argent, et d’épuiser le capital naturel à cause de décisions qui n’ont pas pris en compte les ramifications plus étendues d’actions sectorielles. Elle vise à garantir que l’eau est développée et gérée équitablement et que les divers besoins en eau des femmes et des pauvres sont traités. Elle cherche à garantir que l’eau est utilisée pour faire avancer les objectifs de développement économique et social d’un pays par des moyens qui ne compromettent pas la pérennité d’écosystèmes vitaux ni la possibilité pour les générations futures de satisfaire leurs besoins en eau. Il n’existe pas un modèle universel de gestion intégrée. Il est fonction de la gouvernance de chaque territoire et des objectifs à atteindre pour une gestion durable des ressources en eau. (Global Water Partnership, 2004). Les réponses institutionnelles reposent sur l’élaboration de règles appropriées en matière de gouvernance et la création de structures organisationnelles adaptées à l’échelle de bassin versant (Global Water Partnership, 2009). L’intérêt d’une agence de bassin est notamment de transcender les divisions administratives, et d’encourager une gestion participative et des actions coordonnées sur la base de consensus. Néanmoins la création de ces structures ne garantit pas une approche GIRE. Elles doivent aussi être soutenues par des politiques, une législation et l’édification de capacités appropriées (Global Water Partnership, 2004). D’autres ONG préconisent aussi la GIRE à travers la création des organismes de bassins, comme le RIOB qui met en œuvre un plan d’actions pluriannuel ayant pour but de favoriser la création d’organismes de bassin à travers le monde et de renforcer leurs activités. Ainsi les recommandations des ONG internationales portent essentiellement sur deux grandes échelles du système : nationale et grand bassin hydrographique. Il est donc intéressant de compléter cette approche par d’autres travaux de recherches qui se concentrent sur d’autres points d’entrée de la GIRE.
Un grand nombre de recherches en sciences humaines porte aussi sur l’approche sociale et les perceptions (Point, 1996 ; Bonnal, 2002 ; De Vanssay, 2003). L’académie de l’eau a étudié les conditions d’évolution des perceptions liées à l’eau, en les schématisant sous la forme d’un diagramme appelé « diagramme de l’utopie stratégique ». L’évolution des perceptions est fonction du statut reconnu de l’eau mais aussi de l’organisation territoriale. Le diagramme qui la mesure est ainsi composé de deux axes, chaque axe comportant trois échelons :
– l’axe du questionnement lié à l’eau avec ses trois stades successifs :
1. absence d’intérêt,
2. identification unique à un problème momentanément dominant (pénurie, pollution, inondation…),
3. assimilation à un bien commun qu’il convient de gérer en fonction de diverses contraintes.
– l’axe de l’aménagement du territoire qui présente également trois stades :
1. non-organisation,
2. territoire approprié par un ou plusieurs groupes agissant éventuellement de façon conflictuelle ou rivale,
3. organisation pertinente vis-à-vis de la gestion de l’eau, permettant à tous les acteurs de participer à la prise de décision .
La situation optimale pour une évolution des perceptions favorables à la mise en place d’une GIRE est de se placer au troisième niveau de chaque axe (Fig.2.1). Quant aux gestionnaires et autres acteurs locaux, ils développent aussi des outils pour appliquer la GIRE, en se focalisant plus sur la recherche et la synthèse de données pour davantage connaître le territoire, les usages, les ressources en eau et les communiquer entre acteurs. L’intégration des connaissances interdisciplinaires s’accompagne généralement d’une intégration des acteurs et de leur différente échelle de gestion. Citons par exemple le modèle AGIRE (Aide à la GIRE), développé par le BRGM. C’est un modèle conceptuel du fonctionnement de l’hydrosystème permettant d’évaluer l’impact de différents scénarios de gestion sur l’évolution de la quantité d’eau avec une application développée pour la moyenne vallée de l’Hérault (Lanini et al, 2003 ; G. Rinaudo 2003). EDF a développé un outil du même nom dans les objectifs similaires, et en particulier pour la concertation et la communication (Rietjens, 1994). Des institutions utilisent aussi de plus en plus d’outils de gestion intégrée, comme le « Département de Sécurité Environnement » de l’Etat de Vaud qui gère et tient à jour le « SIG Gesreau », un système d’information géoréférencé, développé à l’EPFL regroupant l’ensemble des données relatives à la gestion des eaux dans le canton de Vaud (Crausaz, Musy, 2001 ; Talamba et al, 2000).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 L’approche système et les concepts
1. Le choix de l’approche systémique
1.1.Approche systémique et gestion des ressources en eau
2. Les concepts
2.1. Le concept de ressources
2.2. Le concept de gestion
2.3. La gestion des ressources en eau
2.4. Les territoires de montagne
2.5 Le concept de gestion intégrée
Chapitre 2 L’état de la recherche sur la gestion intégrée des ressources en eau
1. l’état de la recherche sur la gestion intégrée des ressources en eau
2. Le contexte de mise en œuvre de la GIRE
2.2. La GIRE comme outil du changement
2.3. La GIRE et les territoires de montagne
2.3.1. La montagne comme système d’interactions localisées
2.3.2. La montagne comme terme géographique d’une relation/interaction spatiale
2.3.3. La montagne comme objet de « géographie totale »
2.3.4. La reconnaissance internationale du rôle de « château d’eau » des montagnes
Chapitre 3 Le système de gestion intégrée des ressources en eau
1. Le système de gestion de l’eau
1.1 .La dimension temporelle
3.1 .Système de gestion de l’eau au temps du processus
2. Synthèse des paramètres des quatre sous-systèmes
2.2 Le sous-système « aménagement »
3. Les ressources en eau en Algérie : vue synthétique
3.1. Synthèse sur la stratégie de développement
3.2. Les réformes juridique et institutionnelle dans le secteur de l’eau
3.3. Le cadre juridique
3.4. La répartition des compétences entre les différentes agences du secteur de l’eau
Chapitre 4 Caractéristiques physiques du bassin versant du Guebli et ses ressources hydriques
1. Situation géographique
2. Identification administrative
3. Les caractéristiques morphométriques du bassin
4. Les caractéristiques physiques du bassin versant d’Oued Guebli
4.1. Les caractéristiques géométriques
5. les conditions climatiques du bassin versant de l’oued Guebli
5.1. Equipement pluviométrique du bassin
5.2. Les données disponibles
5.2.5. Température de l’air
5.3. Diagramme Ombro-thermique
5.4. Méthode d’Euvert (humidité du sol)
5.5. Climagramme d’Emberger
5.6. Bilan hydrique
6. Les caractéristiques hydrographiques du bassin
6.1. Constitution du réseau hydrographique
6.2. Etude de l’écoulement superficiel
6.2.1. Les données hydrométriques
6.2.2. Etude des crues
6.2.2.1. Méthode de l’hydrogramme synthétique
6.2.2.2. Méthode de l’hydrogramme unitaire
6.2.2.3. Méthodes dites empirique
6.2.2.4. Abaques établis par l’A.N.R.H
6.2.2.5. Détermination des hydrogrammes de crues de projet
6.2.3. Apports liquides
6.2.3.1. Formule de l’A.N.R.H
6.2.3.2. Formule de Turc
6.2.3.3. Formule de Samie
6.2.3.3. Apports liquides mensuels
6.2.4. Apports solides
Conclusion générale