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Identification des lieux d’occurrence des séismes
Selon la connaissance de la tectonique active de la région étudiée, les zones sources peuvent être de deux types (Figure 1.2). Dans les régions à forte sismicité, les séismes se pro-duisent fréquemment, leur distribution en surface et en profondeur délimite les failles qui les génèrent. Les zones sources sont alors des bandes étroites délimitant ces failles. Dans les ré-gions à sismicité modérée comme la France, la sismicité est diffuse et les failles responsables des séismes sont très mal identifiées. Les zones sources sont alors des aires larges, homogènes du point de vue de différents critères (épaisseur de croûte, mécanismes au foyer, champ de contrainte, distribution de la sismicité…). En pratique, les zones sources sont des polygones, il n’y a pas de formulation analytique pour les fonctions de densité de probabilité en distance (fRi (r)), équation 1.1). Les zones sources sont par la suite subdivisées en sous-zones pour les-quelles l’hypothèse de source ponctuelle est possible (distance source-site suffisamment grande par rapport à la taille de la sous-zone).
Les courbes de récurrence sont modélisées à l’intérieur de chaque zone source. Les scé-narios magnitude-distance sont assimilés à des points sources et les hypocentres sont supposés uniformément distribués dans chaque zone, à la profondeur moyenne déterminée pour la zone.
Modélisation de la récurrence
Dans chaque zone source, une loi de récurrence est modélisée à partir du catalogue de sismicité de la zone. Cette loi de récurrence fournit pour une magnitudeM le nombre annuel de séismes de magnitude supérieure ou égale Mà , λM . Le modèle de l’exponentielle tronquée est le plus fréquemment utilisé (représentation graphique sur la figure 1.3) : 1 − e−β(Mmax −Mmin ) λM = λMmin e−β(M −Mmin ) − e−β(Mmax −Mmin ) (1.2)
Il est basé sur l’observation de la décroissance exponentielle du nombre de séismes en fonction de la magnitude (Gutenberg & Richter, 1944). Il est caractérisé par trois paramètres : la magni-tude minimale Mmin, le coefficient de la décroissance exponentielle β et la magnitude maximale Mmax. Les taux des magnitudes supérieures à Mmax sont nuls. Les fonctions de densité cumulée et de densité de probabilité correspondantes sont ainsi :
1 − e−β(Mmax −Mmin ) M | min ≤ max F (m) = P [M < m M m ≤ M ] = 1 − e−β(m−Mmin ) (1.3)
1 − e−β(Mmax −Mmin ) et fM (m) = βe−β(m−Mmin ) (1.4)
Estimation de la probabilité de dépassement
La probabilité pour un couple magnitude-distance (m,r) d’engendrer au site une accéléra-tion supérieure à l’accélération cibleA∗ est calculée à partir de la relation d’atténuation. Celle-ci prédit, pour une magnitude m à la distance r du site, le logarithme de l’accélération engendrée au site. Elle peut être formulée ainsi (Bazzurro & Cornell, 1999) : ln A = g(m, r, θ) + εσln A, ε ∈ [−∞; +∞] (1.6)
La variable θ correspond par exemple au type de sol (rocher, sol sédimentaire). A chaque triplet (m,r,θ) correspond une distribution de probabilité normale du logarithme de l’accélérationln A, de moyenne ln A = g(m, r, θ) et d’écart-typeσln A. La fonction g(m, r, θ) peut par exemple être de la forme : g(m, r, θ) = C1m + C2r − C3lnr + C4(θ) (1.7)
Les paramètres Ci sont calculés par régression à partir d’enregistrements réels. Les accélé-rations étant dispersées, les logarithmes des accélérations sont supposés distribués selon une loi normale ; l’écart-type de cette distribution σln A est calculé à partir des résidus entre va-leurs observées et valeurs calculées (après détermination des coefficients). Les paramètresCi et l’écart-typeσln A varient avec la fréquence ; dans certaines relations d’atténuation, l’écart-type varie également en fonction de la magnitude (Campbell, 1997). Le coefficient C4 est fonction de la nature du sol, les classifications les plus simples séparent les sites rocheux des sites sur sol sédimentaire. Certaines relations récentes établies à partir de larges bases de données proposent une classification des sols plus détaillée (Lussou et al., 2000), distinguent les types de failles ou des phénomènes plus complexes liés à la source (les effets de directivité par exemple, e.g. (Somerville et al., 1997)).
Application sur une source ponctuelle
La méthode de Cornell-McGuire est ici appliquée sur un exemple simple : un site est situé à la distance épicentrale R=25 km d’une source ponctuelle située à 10 km de profondeur (Figure 1.5). Le fait de ne considérer qu’une seule distance simplifie considérablement le calcul de l’aléa. Ce cas simplifié est très proche des cas réels, les études de déagrégation (cf. chapitre 8) montrent en effet que la majeure partie des contributions à l’aléa provient de sources à moins de 60-70 km du site. Dans cet exemple, les paramètres de sismicité sont arbitrairement fixés à 2.11 pour le coefficient β et 0.024 pour le taux de sismicité annuel λ0 = λ(M ≥ 3.5) (le coefficient β calculé sur des données réelles varie en moyenne entre 1.5 et 3.0). Dans un premier temps, les étapes du calcul du taux annuel de dépassement sont détaillées pour les niveaux cibles 150 et 250 gal. Dans un second temps, l’impact du choix de trois paramètres du calcul (magnitudes minimale et maximale, troncature des prédictions de la relation d’atténuation) est abordé. Le pas d’intégration en magnitude est choisi égal à 0.1 de manière à ce que les scénarios (couples magnitude-distance) soient clairement identifiés.
Calcul des taux de dépassement
Pour les deux exemples d’application de la méthode probabiliste suivants, la magnitude minimale Mmin est fixée à 4.0, la magnitude maximale Mmax est fixée à 7.0 et la distribution des accélérations prédite par la relation d’atténuation n’est pas tronquée.
Niveau cible de 150 gal
L’accélération cible est ici de 150 gal. Sur la Figure 1.6 sont représentées les étapes du calcul :
a) Les probabilités d’occurrence des magnitudes entre 4.0 et 7.0 sont calculées avec la fonction de probabilité cumulée de la loi de récurrence (équation 1.3). Ces probabilités sont
conditionnelles, elles correspondent à l’occurrence d’un séisme de magnitude m sachant qu’un séisme de magnitude supérieure àMmin = 4 se produit. La probabilité d’occurrence diminue de manière exponentielle avec la magnitude.
b) Les probabilités de dépassement sont calculées pour les magnitudes de 4.0 à 7.0. Pour chaque magnitude m, la probabilité qu’un séisme de magnitude m à la distance hypocentrale de 27 km occasionne au site une accélération supérieure au niveauA∗=150 gal s’obtient à partir de la relation d’atténuation (équation 1.8). Plus la magnitude augmente, plus la probabilité d’engendrer une accélération supérieure à 150 gal augmente.
c) Les probabilités d’occurrence d’une accélération supérieure à 150 gal, sachant qu’un séisme de magnitudem ≥ 4.0 se produit, sont obtenues en multipliant membre à membre a) et b).
d) Le taux annuel de dépassement de 150 gal est la somme des probabilités de dépasse-ment de c), multipliée par le taux annuelλ(M ≥ 4.0) = 0.0083 (cf. équation 1.5). Le taux annuel λ150gal = 1.58e-4 est reporté sur la courbe d’aléa du site (cercle plein).
Par conséquent, les probabilités de dépassement de c) correspondent auxcontributions relatives de chaque magnitude au taux final. Pour ce niveau cible de 150 gal, la contribution des magnitudes augmente de 4.0 à 5.3-5.4 puis diminue jusqu’à la magnitude maximale 7.0.
Modification de paramètres du calcul
Modifier certains paramètres requis par les modèles utilisés permet d’éclairer le processus de cumul des contributions et l’origine de ces contributions. Les deux premiers paramètres mo-difiés conditionnent la gamme de magnitudes qui va participer au calcul de l’aléa : la magnitude minimale et la magnitude maximale. Le troisième paramètre est la troncature des prédictions de la relation d’atténuation, attribuant une probabilité nulle d’occurrence aux accélérations très peu probables. Augmentation de la magnitude minimale
La magnitude minimale utilisée dans les estimations d’aléa n’est pas toujours mentionnée, alors qu’elle peut avoir une influence forte sur le résultat. Augmenter Mmin revient en effet à réduire la gamme de magnitudes qui contribuent à l’aléa.
La magnitude minimale était jusqu’à présent fixée à 4.0, elle est augmentée à 4.5. Le niveau cible est de 150 gal ; sur la figure 1.7 page 21, les résultats obtenus avec Mmin=4.5 (en rouge) sont superposés aux résultats obtenus avecMmin=4.0 (en noir) afin de les comparer facilement.
a) La distribution de probabilité en magnitude est modifiée, les magnitudes [4.0-4.5[ ne sont plus prises en compte. Pour une magnitude m est calculée la probabilité que, si un séisme de magnitude supérieure ou égale à 4.5 se produit, la magnitude de ce séisme soit égale mà. Ce sont les magnitudes 4.5 qui ont cette fois la plus grande probabilité d’occurrence. Lorsque Mmin=4.0, la somme des probabilités de 4.0 à 7.0 est égale à 1.0 ; lorsque Mmin=4.5, c’est la somme des probabilités de 4.5 à 7.0 qui est égale à 1.0.
b) Les probabilités de dépassement sont identiques, l’accélération cible est la même dans les deux cas.
c) Les probabilités de dépassement sachant qu’il se produit un séisme de magnitude su-périeure à la magnitude Mmin sont modifiées : les contributions relatives sont conservées mais les magnitudes [4.0-4.5[ ne contribuent plus.
d) Finalement, le taux (cercle plein rouge) a diminué, ce qui est logique puisque les ma-gnitudes sont moins nombreuses à contribuer. La somme des probabilités de c) est multipliée par le taux annuel λ(m ≥ 4.5), inférieur à λ(m ≥ 4.0).
Les courbes d’aléa montrent que l’augmentation de Mmin a un impact qui augmente lorsque l’accélération diminue. Au-delà d’une accélération suffisamment grande (250 gal envi-ron pour cet exemple), l’augmentation de Mmin n’a plus d’impact sur les taux annuels (cercles rouges superposés aux cercles noirs).
Diminution de la magnitude maximale
La magnitude maximale diminue de 7.0 à 6.5. Les magnitudes ]6.5-7.0] ne contribuent plus au calcul. Sur la figure 1.8 page 22 les résultats obtenus avec Mmax = 6.5 (en rouge) sont superposés aux résultats correspondants àMmax = 7.0 (en noir). L’accélération cible est A∗ = 350 gal :
a) La distribution de probabilité en magnitude est modifiée, la gamme de magnitude est moins large. Les probabilités des magnitudes [4.0-6.5] ne sont cependant que très légèrement augmentées car les probabilités des magnitudes ]6.5-7.0] (reportées sur [4.0-6.5]) étaient très faibles.
b) Les probabilités de dépassement sont identiques sur l’intervalle [4.0-6.5], l’accélération cible est la même dans les deux cas.
c) Les probabilités de dépassement sachant qu’il se produit un séisme de magnitude su-périeure à la magnitude Mmin sont très légèrement augmentées dans l’intervalle [4.0-6.5], les magnitudes ]6.5-7.0] ne participent plus au calcul.
d) Le taux annuel obtenu (cercle plein rouge) a logiquement diminué.
Les courbes d’aléa montrent que le fait de diminuer la magnitude maximale a un impact très faible sur les faibles niveaux d’accélération≤( 100gal) et un impact plus fort sur les accé-lérations supérieures à 200 gal. En effet, lorsque le niveau d’accélération augmente, les faibles magnitudes contribuent de moins en moins et la proportion de contributions apportées par les magnitudes élevées augmente.
Troncature des prédictions de la relation d’atténuation
Le paramètre qui est cette fois modifié est la fonction de densité de probabilité de l’accé-lération fournie par la relation d’atténuation. Pour chaque séisme de magnitude m et distance hypocentrale r, la relation d’atténuation fournit une fonction de densité de probabilité du lo-garithme de l’accélération (cf. section 1.1.4). Cette fonction est une gaussienne d’écart-type σlog10 A et de moyenne log10 Amediane (utilisation de la relation d’atténuation Berge-Thierry et al. (2003), cf. chapitre 4). La fonction de densité de probabilité delog10 A pour une magnitude 6.0 à 27 km est représentée sur la figure 1.9 (page 23, graphique gauche, courbe grise). La fonction cumulée correspondante est tracée sur le graphique de droite.
Deux calculs sont comparés : dans le premier les probabilités de dépassement sont calcu-lées à partir de la fonction normale sans troncature, dans le second elles sont calculées à partir de la fonction normale tronquée à 2σ au-dessus de la moyenne log10 Amediane. La fonction de densité de probabilité tronquée est renormalisée. Sur la figure 1.9 est tracée, pour une troncature à +2σ, la fonction de densité de probabilité cumulée tronquée et renormalisée (tirets noirs).
Sur la Figure 1.10 page 24, les résultats avec troncature à 2σ (en rouge) sont représentés superposés aux résultats sans troncature (en noir), le calcul est effectué pour une accélération cible de 200 gal :
a) La distribution de probabilité en magnitude est inchangée.
b) Les probabilités de dépassement de chaque magnitude sont légèrement diminuées, celles des magnitudes inférieures à 5.3 sont réduites à zéro.
c) Les probabilités de dépassement sachant qu’il se produit un séisme de magnitudeM ≥
Mmin sont fortement diminuées, elles sont d’autant plus affectées que la magnitude est faible. Ces résultats montrent que les contributions des magnitudes [4.0-5.3] dans le cas non tronqué correspondent à des accélérations situées à plus de2σ au-dessus de la médiane.
d) Le taux final est reporté sur la courbe d’aléa. Il est plus faible que le taux calculé sans troncature. Les courbes d’aléa montrent que la troncature a un impact sur toutes les accélérations cibles, de 50 à 500 gal.
Cet exemple démontre le rôle prépondérant des accélérations très peu probables (situées à plus de 2 écart-types au-dessus de la médiane). Ces accélérations peuvent contribuer très fortement, leurs très faibles probabilités sont en effet compensées par les très fortes probabilités d’occurrence des magnitudes.
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Table des matières
PARTIE I. Méthode de Cornell-McGuire et application en France
1 La méthode de Cornell-McGuire
1.1 L’estimation de l’aléa sismique probabiliste selon Cornell-McGuire
1.1.1 Principe
1.1.2 Identification des lieux d’occurrence des séismes
1.1.3 Modélisation de la récurrence
1.1.4 Estimation de la probabilité de dépassement
1.1.5 Obtention des accélérations
1.2 Application sur une source ponctuelle
1.2.1 Calcul des taux de dépassement
1.2.2 Modification de paramètres du calcul
1.2.3 Conclusions
2 Le code de calcul CRISIS 25
2.1 Mode de calcul
2.2 Subdivision des zones sources
2.3 Intégration en magnitude
2.4 Troncature et renormalisation de la distribution des accélérations
2.5 Set d’accélérations cibles et interpolation
3 Constitution du catalogue de sismicité
3.1 Le catalogue de sismicité instrumental
3.1.1 Choix du catalogue du LDG
3.1.2 Traitement des répliques
3.1.3 La courbe de Gutenberg-Richter
3.2 Le catalogue de sismicité historique
3.2.1 Calcul de la magnitude historique
3.2.2 Extraction de la base de données SisFrance
3.2.3 Caractéristiques du catalogue historique
3.3 Constitution du catalogue combiné instrumental et historique
4 Zonage et relation d’atténuation
4.1 Le zonage sismotectonique
4.1.1 Le zonage AFPS-EPAS (Autran et al., 1998)
4.1.2 Les conséquences de l’utilisation d’un zonage
4.2 La relation d’atténuation
4.2.1 La relation d’atténuation Berge-Thierry (2003)
4.2.2 Base de données et domaine de représentativité
5 Calcul des paramètres de sismicité 55
5.1 Extraction des parties complètes du catalogue
5.1.1 Estimation à partir du nombre cumulé de séismes
5.1.2 Méthode de Stepp
5.1.3 Conclusions et récurrences sur le catalogue [1500-1999]
5.2 Calcul des paramètres de sismicité et sélection des zones sources
5.2.1 La méthode de Weichert (1980)
5.2.2 Application en France : sélection des zones sources
5.3 Estimations des temps de retour des magnitudes
PARTIE II. Quantification et compréhension des incertitudes
6 Mapping b-values in France using two different magnitude ranges : possible non power-law behavior
6.1 Introduction
6.2 Data
6.3 Mapping the b-values
6.4 Results
6.5 Discussion and Conclusion
7 Quantifying uncertainties in French PSHA
7.1 Introduction
7.2 Choice of probabilistic methodology
7.3 Constructing the catalogue
7.4 Selecting the seismic source zones and computing seismicity models
7.5 Probabilistic computations and quantification of impacts
7.5.1 Modelling uncertainties due to magnitude and location determination
7.5.2 On the choice of a Magnitude-Intensity correlation
7.5.3 On the choice of truncating the PDF distribution modelling ground motion dispersion
7.5.4 On the choice of minimum magnitude (Mmin)
7.5.5 On the choice of maximum magnitude (Mmax)
7.5.6 Radius of influence of hazard estimates
7.5.7 Overall variability
7.5.8 Impacts as a function of frequency
7.6 Discussion and conclusions
8 Déagrégation
8.1 Principe de la déagrégation
8.2 Choix de la représentation
8.3 Résultats des déagrégations
8.3.1 Déagrégation 1D en magnitude
8.3.2 Déagrégation 1D en distance
8.3.3 Déagrégation 2D en magnitude et distance
8.3.4 Rayons d’influence
8.3.5 Déagrégation en »
8.4 Conclusions
PARTIE III. Méthodes alternatives
9 Méthode de Woo
9.1 Principe de la méthode
9.1.1 Un modèle de sismicité plus proche du catalogue
9.1.2 Calcul probabiliste
9.2 Application
9.2.1 Choix des fonctions kernels
9.2.2 Choix des sites et des paramètres du calcul probabiliste
9.2.3 Exemples de grilles de taux de sismicité
9.2.4 Etudes d’impacts des choix de paramètres
9.2.5 Variabilité totale
9.3 Conclusions et analyses futures
10 Complémentarité des méthodes probabilistes et déterministes
10.1 Accélération maximale observée dans l’histoire
10.2 Estimation des périodes de retour des accélérations déterministes
10.3 Conclusions
Conclusions et perspectives
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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