Le rythme de la narration dans l’œuvre
Dès qu’on étudie les problèmes de rythme dans une narration, il faut avoir à l’esprit une distinction fondamentale. Le rythme de la narration varie d’un roman à l’autre. En effet, le rythme de la narration est un élément très important. Elle peut constituer le style de l’auteur, mais elle peut aussi être utilisée pour créer une ambiance évocatrice. En effet, pratiquer des ruptures de rythme est d’ailleurs un bon moyen de marquer des transitions narratives. Le rythme narratif en dehors d’une situation de dialogue, le temps de la narration n’est pas le même que celui de la fiction. La pause est un procédé rythmique, c’est cesser de raconter pour expliquer ou décrire. Le sommaire, on contacte en quelques lignes une durée temporelle qui peut être très importante. Le ralenti s’attarde longuement sur une brève période de temps. Dans un récit, le rythme de la narration n’est pas uniforme. Le narrateur ne raconte jamais toute l’histoire. Dans Madame Bovary il y a une variation de rythme : accélération, ralentissement, évocations de longues périodes en quelques mots, etc. Ces phénomènes mettent en évidence le dur travail du style que Flaubert a fait dans Madame Bovary. L’analyse de la vitesse de la narration dans l’œuvre se fait selon quatre procédés rythmiques : la pause, l’auteur interrompt le récit pour introduire un portrait ou une description, une lettre, un dialogue, une explication. Et l’ellipse, l’auteur passe sous silence certains éléments de l’intrigue .Et pour le sommaire, l’auteur résume en quelques phrases une durée plus ou moins longue. Et pour la scène, Flaubert fait vivre au lecteur des événements, comme s’il y assistait. En effet, le rythme permet de montrer la structure d’un récit, et pour Flaubert l’écriture est très important il est obsédé par la notion de style, il réécrivait, raturait, biffait chaque mot, chaque ligne, avant d’être satisfait. Il écrivait lui-même à un de ses amis qu’au terme d’une journée complète de travail, il avait produit un unique paragraphe de quinze lignes qu’il estimait satisfaisant. En effet il fait des ellipses, par exemple il a raconté la vie de Charles de son enfance jusqu’à l’âge adulte en quelque lignes contraire à Balzac et Stendhal qui parlent toute la vie de leurs personnages respectivement dans Le père Goriot et dans Le Rouge et le Noir. Flaubert ne saurait tout dire ; il est tenu d’aller à l’essentiel et donc conduit à sauter purement et simplement beaucoup de moments et de périodes de la vie de ses personnages. Ainsi, Flaubert utilise la pause comme moyen de ralentir le rythme de la narration dans Madame Bovary avec des descriptions et des dialogues ou des lettres ou des scènes comme le faisaient les classiques. Par exemple au début du récit, l’auteur interrompt le récit pour faire une description sur Charles Bovary : « C’était un garçon de tempérament modéré, qui jouait aux récréations travaillait à l’étude, écoutant en classe, dormant bien au dortoir, mangeant bien au quincailler en gros de la rue Ganterie(…).Le soir de chaque jeudi, il écrivait une longue lettre à sa mère, avec de l’encre rouge et trois pains à acheter ;puis il repassait ses cahiers d’histoire, ou bien lisait un vieux volume d’Anarcharsis (…).En promenade, il causait avec la domestique, qui était de la campagne comme lui. » Flaubert ne conçoit pas la description comme moyen de reproduire, copier, transmettre un monde dont il affirme l’existence et le sens ; au contraire il l’utilise comme moyen de reproduire la richesse de son œuvre et pour pouvoir ralentir le rythme de la narration en s’attardant sur des détails. Ainsi, le narrateur fait des descriptions sur la majorité de ses personnages comme sur Emma Rouault : « Charles fut surpris de la blancheur de ses ongles. Ils étaient brillants, fins du bout, plus nettoyés que les ivoires de Dieppe, et taillés en amande. Sa main pourtant n’était pas belle, point assez pale peut-être, et sans molles inflexions de lignes sur les contours. Ce qu’elle avait de beau, c’était les yeux ; quoiqu’ils fussent bruns, ils semblaient noirs à cause des cils, et son regard arrivait franchement à vous avec une hardiesse candide. De manière exemplaire, Madame Bovary se présente comme un laboratoire, un espace où se confrontent et s’affrontent plusieurs rythmiques narratives.
L’ordre de la narration dans l’œuvre
Une histoire se déroule selon un ordre chronologique. C’est une succession d’évènement qui s’est déroulés selon un certain ordre dans le temps. Le récit, c’est-à-dire l’acte de rapporter cette histoire, peut ne pas suivre cette chronologie. On pourrait penser que la tendance spontanée des conteurs et romanciers soit de faire coïncider l’ordre des évènements racontés et l’ordre de leur présentation narrative. Or, c’est le contraire qui est vrai : la majorité des récits ne respectent pas l’ordre chronologique : ils sont anachroniques, soit qu’ils racontent avant ce qui s’est passé après : anticipation, ou prolepses, soit qu’ils racontent après ce qui s’est passé avant : rétrospection, ou analepse. Pour structurer le récit dans Madame Bovary, le narrateur a fait des retours en arrière pour évoquer le passé de certains personnages ou l’origine des actions. Comme le montre cet exemple : « M. Charles Denis-Bartholomé Bovary ancien aide-chirurgien-major, compromis vers 1812,dans des affaires de conscription, et forcé vers cette époque, de quitter le service, avait alors profité de ses avantages personnels pour saisir au passage une dot de soixante mille franc, qui s’offrait en la fille d’un marchant bonnetier, devenue amoureuse de sa tournure…Le père mourut et laissa peu de choses, il en fut indigné, se lança dans la fabrique, y perdit quelque argent, puis se retira dans la campagne ou il voulut faire valoir. Sa femme avait été folle de lui autrefois ; elle l’avait aimé avec mille servilités qui l’avaient détaché d’elle encore d’avantage. » Ce phénomène est régulier depuis l’Antiquité où l’art narratif se reconnait au fait de « jeter d’abord le lecteur dans le milieu du sujet suivant l’exemple d’Homère » : c’est le début in medias res, véritable marque de fabrique du récit classique jusqu’au XIXème siècle. En voici un exemple : Le juge de sa propre cause (une nouvelle espagnole intégrée par Scarron dans Le Roman comique) s’ouvre sur une vision dramatique d’une jeune fille violentée « entre des rochers » par des brutaux. Il faut attendre trois pages, et la libération de la jeune fille pour découvrir les antécédents de cette scène initiale mouvementée. Le début est ici suivi d’un retour en arrière à fonction explicative. Les retours en arrière était fréquent dans l’Antiquité à cause du début in medias res c’est-à-dire le récit commence par le milieu de l’histoire et des débuts in ultima res c’est-à-dire, un récit commençant par la fin de l’histoire. Les retours en arrière sont une technique littéraire populaire que les écrivains peuvent utiliser pour commencer une histoire dans les médias (au milieu des choses), pour ajouter du drame ou du suspense, ou pour renseigner le lecteur sur des informations importantes. En effet, dans Madame Bovary, l’auteur suspend le récit pour raconter la passé du père de Charles Bovary ce qui manifeste un décalage entre l’ordre des évènements. De ce fait, le récit est plusieurs fois coupé pour rapporter des événements antérieurs. L’auteur ne respecte pas l’ordre du récit. Dans un récit il faut être concis, précis, pour que la trame de l’histoire soit cohérente et surtout qu’elle ne s’étale pas sur la longueur. Souvent les auteurs n’ont pas le temps d’expliquer certaines choses indispensables à la narration et à la compréhension sous peine d’être trop long. Dans Madame Bovary l’auteur ne raconte pas tout c’est pourquoi il utilise des analepes ou retour en arrière. C’est un élément passé que l’on intègre au présent, il permet de montrer aux lecteurs qu’ils sont projetés dans le passé. Le retour en arrière apportera donc des informations petit à petit, permettant de comprendre au fur et à mesure le début in medias res ou ultima res. Exemples : « jusqu’à présent, qu’avait-il eu de bon dans l’existence ?Etait-ce son temps de collège, où il restait enfermé entre ces hauts murs, seul au milieu de ses camarades plus riches ou plus forts que lui dans leurs classes, qu’il faisait rire par son accent, qui se moquaient de ses habits et dont les mères venaient au parloir avec des pâtisseries dans leur marchand ?Etait-ce plus tard, lorsqu’il étudiait la médecine et n’avait pas la bourse assez ronde pour payer la contredanse à quelque petite ouvrière qui fut devenu sa maitresse ?Ensuite il avait vécu pendant quatorze mois avec la veuve dont les pieds, dans le lit étaient froids comme des glaçons. » Ici, l’auteur a mis un arrêt sur le récit pour parler du passé de Charles Bovary. Et il oppose les imparfaits au plus-que-parfait. Le plus-que parfait est utilisé pour exprimer des évènements antérieurs à ceux évoqués à l’imparfait. Autrement dit, tout ce qui est au plus-que-parfait s’est passé avant ce qui est à l’imparfait et signale un retour en arrière. Et Michel Raimond y ajoute : « C’est vrai d’un roman au « il » comme Madame Bovary, le narrateur est en quelque sorte situé hors du temps de l’histoire qu’il raconte et il lui est possible, de cette position en surplomb, de procéder à des jeux temporels de deux sortes : retour en arrière ou anticipation ».
L’énonciation dans la séquence narrative
L’étude des marque d’énonciation dans une séquence narrative conduit à distinguer l’auteur écrivain et narrateur. L’auteur est une personne réelle à qui l’écriture à conférer le statut d’écrivain pour le distinguer des autres humains c’est lui le créateur principal, surtout du narrateur. Il est celui qui écrit l’histoire, mais rarement qui la raconte. Un roman est en effet raconté non pas par l’auteur, mais par le narrateur. Ce dernier, étant un être de papier, est la voix qui raconte l’histoire, décrit les lieux, présente les personnages et commente leurs actions. Le récit n’existe que s’il y a ce déroulement de l’être : l’être d’écriture (l’auteur) et l’être de papier organisateur de l’histoire racontée (le narrateur). L’identité du narrateur est en fonction de la nature de l’histoire racontée. Si l’histoire est réelle, le narrateur s’identifie alors à l’auteur et fait son récit à la troisième personne car n’étant pas extérieur à l’histoire. Dans ce cas il est soit le héros soit le témoin. C’est pourquoi on dit que le narrateur est intra diégétique .Par contre, si l’histoire racontée est une simple imagination ou une fiction, l’auteur se distingue du personnage qui fait le récit en conteur. Dans ce cas, il se trouve hors de la fiction et le récit est mené à la troisième personne Il devient un narrateur extra diégétique .comme le dit Gérard Genette : «L’absence est absolue, mais la présence à ses degrés. Il faudra donc au moins distinguer à l’intérieur du type homo diégétique deux variétés : l’une où le narrateur est le héros de son récit, et l’autre où il ne joue qu’un rôle secondaire, qui se trouve être pour ainsi dire toujours, un rôle d’observateur de témoin » Dans Madame Bovary dès le début le narrateur utilise la première personne du pluriel ce n’est pas pour montrer la présence de l’auteur ce « nous » a un caractère autobiographique mais il désigne les personnages. Exemple : «Le nouveau était un gars de la campagne, d’une quinzaine d’années « Nous étions à l’étude, quand le Proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois ». C’est dans cette perspective Gérard Genette dit : « La présence de verbes à la première personne dans un texte narratif peut donc renvoyer à deux situations très différentes, que la grammaire confond mais que l’analyse narrative doit distinguer : la désignation du narrateur en tant que tel par lui-même, et l’identité de personnage entre le narrateur et l’un des personnages de l’histoire » Cependant, Flaubert n’apparait pas dans Madame Bovary il fait son récit à la troisième personne. Il n’exprime aucune opinion et ne commente pas. Il va sélectionner des évènements et les traduire en mots. Cette distance est nécessaire car un roman est une œuvre esthétique et donc il faut la recomposer. On perçoit bien que c’est le narrateur-personnage qui raconte le récit. Cette approche est la favorite de nombreux auteurs. Il faut dire qu’elle parait être la plus naturelle. En adoptant une narration à la troisième personne, l’écrivain aura l’impression qu’il se passe tout simplement de narrateur : il écrit de sa propre perspective, celle d’un individu complètement extérieur à l’action, neutre et détaché. En effet, à la troisième personne, votre place de narrateur est idéale pour décrire et observer l’ensemble des situations de votre roman. Le travail de Flaubert est pour une bonne partie de montrer qu’il ne veut être présent dans son œuvre. Avec les marques absence dans Madame Bovary fait dire à certains critiques que Flaubert est moins présente dans ses œuvres que Balzac. En effet, Flaubert s’est souvent appliqué, dans ses œuvres, tout en déroulant l’action, à démontrer que l’auteur doit se détacher de son roman. Dans Madame Bovary il a, en décrivant la situation du roman, utilisé la troisième personne. Comme le montre ces phrases : « Il rentrait tard, à dix heures(…) il demandait à manger, et, comme la bonne était couchée, c’était Emma qui le servait. Il retirait sa redingote pour diner plus à son aise. Il disait les uns après les autres tous les qu’il avait rencontrés, les villages où il avait été, les ordonnances qu’il avait écrites, et satisfait de lui-même, il mangeait le reste du miroton, épluchait son fromage, croquait une pomme, vidait sa carafe, puis s’allait mettre au lit, se couchait sur le dos et ronflait » Il y a plusieurs verbes conjuguaient à la troisième personne, des indices d’énonciation. D’emblée, nous nous retrouvons dans une histoire racontée par une simple imagination l’auteur ne s’identifie pas au narrateur. Exemple : « Elle s’acheta un de paris,(…)elle faisait des courses dans la capitale .Elle remontait les boulevards(…) elle fermait ses paupières, et elle voyait dans les ténèbres se tordre au vent des becs de gaz(…)Elle s’abonna à la corbeille, le journal des femmes(…)Elle dévorait, sans en rien passer, tous les comptes rendus des premiers représentations(…)Elle savait les modes nouvelles(…)Elle étudia dans Eugène Sue, des descriptions d’ameublements ;elle lut Balzac et George Sand,(…) elle apportait son livre, et elle tournait les feuillets, pendant que Charles mangeait en lui parlant(…) ». En effet, dans Madame Bovary on est directement confronté à des indices d’énonciations(les modalisations), des verbes de sentiment, des marques de jugements surtout (les jugements de valeurs) pour déceler la présence du narrateur et traduire sa subjectivité. Exemples de jugement de valeurs dans l’œuvre : « La veuve était maigre ; elle avait les dents longues ; elle portait en toute saison un petit châle noir dont la pointe lui descendait entre les omoplates ; sa taille dure était engainée dans des robes en façon de fourreau, trop courtes, qui découvraient ses chevilles avec les rubans de ses souliers larges s’entrecroisant sur des bas gris ».
Les points de vue narratifs
Pour analyser un texte narratif, il est nécessaire de déterminer le point de vue à partir duquel sont présentés les éléments de l’histoire .C’est la position du narrateur par rapport aux évènements. En général on distingue trois types de focalisations :
-La focalisation interne : le narrateur maitrise les évènements parce qu’il les regarde avec les yeux et la conscience d’un personnage. Le lecteur découvre le monde représenté à travers le regard d’un personnage. Donc le narrateur emprunte le point de vue d’un personnage et par conséquent le récit devient subjectif ou partial.
-La focalisation externe : le narrateur adopte le statut d’un témoin impartial extérieur aux évènements qu’il raconte. Il se limite à montrer les faits dans leur enchainement .Il ne connait les personnages qu’à travers leurs gestes, leurs actes et leurs paroles.
-La focalisation zéro : le narrateur se construit plusieurs foyers de perceptions pour que rien ne lui échappe des personnages. Il connait leurs intentions, leurs pensées, leurs motivations, leur présent, leur passé, et leur avenir. Comme le dit Gérard Genette : « le parti de focalisation n’est pas nécessairement constant sur toute la durée d’un récit, et la focalisation interne variable, formule déjà fort souple, ne s’applique pas à la totalité de Bovary : non seulement la scène du fiacre est en focalisation externe, mais nous avons déjà eu l’occasion de dire que le tableau d’Yonville qui ouvre la deuxième partie n’est pas plus focalisé que la plus part des descriptions balzaciennes ». La notion de point de vue est issue des travaux de narratologie de Gérard Genette. La question que se pose Gérard Genette est de savoir comment le narrateur conduit la narration. Avec la focalisation zéro ou omnisciente, le narrateur sait tous des personnages et voit tout. Il a même la possibilité de commenter les actes des personnages. Dans Madame Bovary, le narrateur est parfois interne, parfois externe et parfois omniscient. Omniscient car sa vision et sa perception ne sont pas limitées par la perception d’un personnage dans l’œuvre. Cette instance narrative est la plus classique et la fréquemment employé dans le roman français, en raison notamment de sa puissance et de ses intérêts techniques :
-elle permet de passer sans trop de difficultés à d’autres combinaisons (notamment une combinaison hétéro diégétique avec une perspective passant par le personnage) ;
-elle favorite des durées longues et une multiplicité de lieux ;-elle permet de continuer la narration d’une histoire même si tel ou tel personnage meurt ou est inconscient (c’est-à-dire se trouve dans l’impossibilité de percevoir).
Sur la fameuse technique du double point de vue chez Flaubert on peut noter la scène du bal où Flaubert combine subtilement le point de vue d’Emma et le point de vue du narrateur .Donc une omniscience ironique du narrateur : « L’air du bal était lourd ; les lampes palissaient. On refluait dans la salle de billard. Un domestique monta sur une chaise et cassa deux vitres ; au bruit des éclats de verre, madame Bovary tourna la tête et aperçut dans le jardin, contre les carreaux, des faces de paysans qui regardaient. Alors le souvenir des Berceaux lui arriva. Elle revit la ferme, la mare bourbeuse, son père en blouse sous les pommiers , et elle revit elle-même, comme autrefois, écrémant avec son doigt les terrines de lait dans la laiterie. Mais , aux fulgurations de l’heure présente, sa vie passée, si nette jusqu’alors, s’évanouissait tout entière, et elle doutait presque de l’avoir vécue. Elle était là ; puis autour du bal, il n’y avait plus que de l’ombre, étalée sur tout le reste. Elle mangeait alors une glace au marasquin, qu’elle tenait de la main gauche dans une coquille de vermeil, et fermait à demi les yeux, la cuiller entre les dents ». Avec la focalisation zéro, le narrateur peut dans l’œuvre maitriser tout le savoir (il est « omniscient ») et tout dire. Tel Dieu par rapport à sa création, il en sait plus sur tous les personnages, il connait les comportements mais aussi ce que pensent et ressentent les différents acteurs, il peut sans problème passer en tous lieux et il a la maitrise du temps : le passé mais aussi de façon certaine l’avenir. En revanche avec la focalisation interne dans l’œuvre, le narrateur ne peut pas savoir de façon certaine ce qui se passe (et s’est passé) dans la tête des autres personnages et restreints les changements de lieux au trajet de vie du personnage-narrateur. Exemple : « Le lendemain fut, pour Emma, une journée funèbre. Tout lui parut enveloppé par une atmosphère noire qui flottait confusément sur l’extérieure des choses(…) ». Ici le narrateur connait l’ensemble des sentiments d’Emma. Par contre, dans la focalisation externe le narrateur ne peut normalement savoir, percevoir et dire que ce que sait et perçoit le personnage par lequel passe la perspective. On ne sait donc pas ce qui se passe dans la tête des autres acteurs ; on ne peut pas, sans le justifier, changer les lieux ; on ne connait pas le passé de tous les personnages et on ne peut anticiper l’avenir de façon certaine. Les interventions du narrateur tendent aussi à se raréfier (pour ne pas introduire de distance avec la vision du personnage. Exemple de focalisation interne avec le début du chapitre X de La Chartreuse de Parme de Stendhal .Et celui de la focalisation externe avec le début du Cousin Pons de Balzac. Sur le plan linguistique, la focalisation interne s’exprime par : des verbes de sentiments et de perceptions, des phrases complexes l’énonciation indirecte .Les outils linguistiques, qui permettent de reconnaitre la focalisation externe sont : les verbes d’action qui expriment le visible et l’audible, des phrases juxtaposées ou coordonnées exprimant l’enchainement des actions l’énonciation direct mettant les personnages en scène. La focalisation zéro associe les outils de la focalisation interne et de la focalisation externe. Dans Madame Bovary, un exemple tout à fait intéressant de changement de focalisation, très lisible, le passage sur la casquette de Charles où ce dernier est très clairement vu par les autres élèves ; on y trouve un « nous » révélateur du point de vue choisi ici pour un effet de sens facile à décrypter : « Nous avions l’habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, enfin d’avoir ensuite nos mains plus libres ;(…).Mais, soit qu’il n’eut pas remarqué ou qu’il n’eut osé s’y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ces genoux. C’était une de ses coiffures d’ordre composite, où l’on retrouve les éléments du bonnet ,du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton ,une de ces pauvres choses ,enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d’expression comme le visage d’un imbécile(…).Levez-vous, dit le professeur .Il se leva ;sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire .Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d’un coup de coude, il la ramassa encore une fois .Débarrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui était un homme d’esprit ». On voie l’omniscience du narrateur quand le couple Bovary est arrivé à Toastes. Il sait même que les flambeaux plaqué sous les globes de forme ovale sont en argent : « M. et madame Charles arrivèrent à Toastes, vers six heures. Les voisins se mirent aux fenêtres pour voir la nouvelle femme de leur médecin .La vielle bonne se présenta ,lui fit ses salutations ,s’excusa de ce que le diner n’était pas prêt ,et engagea Madame ,en attendant, à prendre connaissance de sa maison .La façade de briques était juste à l’alignement de la rue, ou de la route plutôt. Derrière la porte se trouvaient accrochés un manteau à petit collet, une bride, une casquette de cuir noir et, dans un coin, à terre, une paire de houseaux encore couverts de boue sèche .A droite était la salle, c’est-àdire l’appartement où l’on mangeait et où l’on se tenait. Un papier jauneserin, relevé dans le haut par une guirlande de fleurs pales, tremblait tout entier sur sa toile mal tendue ; des rideaux de calicot blanc, bordés d’un galon rouge, s’entrecroisaient le long des fenêtres, et sur l’étroit chambranle de la cheminée resplendissait une pendule à tête d’Hippocrate, entre deux flambeaux d’argent plaqué, sous des globes de forme ovale ».
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA NARRATION DANS L’ŒUVRE
CHAPITRE 1 : La structure de l’œuvre
1 .Le schéma narratif dans l’œuvre
2. Le rythme de la narration dans l’œuvre
3 .L’ordre de la narration dans l’œuvre
CHAPITRE 2 : Caractéristiques et fonctions de la séquence narrative dans l’œuvre
1. L’énonciation dans la séquence narrative
2. Jeu des temps dans la séquence narrative
3 .Les points de vue narratifs
DEUXIEME PARTIE : LA DESCRIPTION DANS L’OEUVRE
CHAPITRE1 :L’organisation générale de la description dans l’œuvre
1. Caractérisation des personnages
2. Situation des personnages dans l’espace
3. Situation des personnages dans le temps
CHAPITRE 2 : Les fonctions de la description dans l’œuvre
1. La fonction référentielle
2. La fonction symbolique
3. La fonction expressive
CONCLUSION
Bibliographie
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