L’esthétique du funeral doom finlandais dans la presse du web

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Les précurseurs du doom metal

Les précurseurs du genre sont avant tout anglais et américains. Si, à partir des années 70, Black Sabbath est le point départ du heavy metal, il est également le précurseur de l’ensemble des styles de metal existants. Ainsi, le doom metal recycle certains éléments du groupe britannique en en accentuant certains traits, notamment dans l’aspect « gras » du son ainsi que des passages lents de certains morceaux tels que « Hand of Doom » ou encore « Electric Funeral » de l’album Paranoid (1970).
Les groupes, qui s’inspirent de Black Sabbath musicalement, sont, entre autres, Pentagram, qui apparait sur la scène metal américaine en 1971 à Washington, mais dont le succès arriva à la sortie de leur album éponyme en 1985, et Saint Vitus, un autre groupe américain, fondé en 1981, qui connaît le succès à partir de la sortie de son album éponyme en 1984.
Ces deux dernier groupes, considérés comme des pionniers du doom metal, font encore du heavy metal à l’époque où ils sont fondés. Ils émergent dans un contexte où la seconde vague de heavy metal, qui apparait à la fin des années 1970, est déjà bien installée et où de nouvelles variétés de metal sont crées (comme le death metal et le thrash metal)27.
Si, dans les années 1980, la question est définitivement tranchée entre le hard rock et le heavy metal, ce n’est pas encore le cas pour le heavy metal et tous les autres courants de metal qui apparaissent à cette époque. Comme l’évoque Byrnside, cité par Weinstein, la scène est en phase de formation: la musique des différents sous-genres ne se distingue pas encore franchement28 . Pour le doom metal, il faut attendre la formation du groupe suédois Candlemass pour que le courant entre dans sa phase de cristallisation29. Après quelques démos enregistrées, le groupe fait son apparition fracassante dans la scène metal avec son premier album Epicus Doomicus Metallicus (1986). Selon des spécialistes du doom metal, cet album revête une importance fondamentale dans la mesure où il donne le nom « doom metal » à cette scène, même si la musique de Candlemass reste stylistiquement proche du heavy metal apparu quelques années plutôt30.
A partir d’Epicus Doomicus Metallicus, des artistes vont commencer à investir leur créativité dans le doom metal. Par exemple, Cathedral est fondé en 1989 à Coventry et propose dans sa musique une variante appelée stoner/doom metal. Le groupe sort par ailleurs son premier album Forest of Equilibrium en 1991. C’est précisément à cette époque que, dans le Nord de l’Angleterre, la scène death/doom metal naît. Celle-ci va inspirer la création du funeral doom metal en Finlande quelques années plus tard. La scène death/doom débute avec les trois groupes suivants : tout d’abord, Paradise Lost et My Dying Bride, tous deux fondés à Halifax, respectivement en 1988 et 1990 ; et, Anathema, un groupe de Liverpool, créé en 1990 également. Rajoutons à ces groupes le groupe suédois Katatonia, fondé en Stockholm en 1991, d’une importance similaire dans l’univers du death/doom.
De nos jours, un groupe comme Thergothon est considéré comme un pionnier du funeral doom metal. Cependant, à l’époque où le groupe était actif (1990-1993), le courant n’existait pas. Selon Niko Skorpio, un des membres du groupe, le groupe fait du « death/doom metal ». Scorpio précise que l’étiquette « funeral doom metal » est apparue quelques années après, avec notamment Skepticism31. Ce dernier groupe se déclare d’ailleurs influencé par la musique de Thergothon ainsi que celle d’Unholy, un autre groupe finlandais, fondateur d’une extension de l’extrême doom metal, le black/doom metal, nom qui provient de leur première démo The Processus of Black Doom (1990).
Notons également que Thergothon est l’influence principale qui a permis la formation d’Evoken, un important groupe américain, fondé en 1994, oscillant entre le death/doom et le funeral doom, En effet, le nom du projet est une référence explicite à une chanson sur la démo de Thergothon, Ftaghn Nagh-Yog Sothoth (1992), qui a poussé Nick Orlando, le fondateur d’Evoken, à créer son propre projet de death/doom32. Celui précise, concernant le funeral doom metal, en allant dans le sens de Niko Skorpio, que « le terme ‘funeral doom’ est apparu plus tard ». De plus, il ajoute que « c’est Red Stream qui l’a crée pour la description de Skepticism dans leur promo. »33
On peut voir ici brosser les contours d’une scène metal typique, avec sa transnationalité ainsi que l’aspect « microcosme ». Transnationalité car les différents genres musicaux se déversent d’un pays à l’autre, montrant la porosité des frontières culturelles et l’interconnexion à l’intérieur de l’univers metal. Microcosme car chacun de ces courants est non seulement un champ en soi mais draine peu de public et les rares groupes qui y émergent sont de facto en situation de monopole. Enfin, il convient de noter que si le funeral doom est d’abord une étiquette à usage publicitaire, celle-ci a été récupérée par le public, parmi lesquels un certain nombre de musiciens. Cela a permis le développement de la scène et sa propagation à travers l’espace et le temps34.
Avant de nous concentrer plus spécifiquement sur les groupes de funeral doom metal finlandais qui sont étudiés dans ce mémoire, une mise en perspective avec le concept de doom metal s’impose.

Le doom metal

Comme nous l’avons vu plus haut, le doom metal apparaît au même moment que le thrash metal et le death metal. Si, au départ, le style ne se distingue pas nettement avec le heavy metal, le doom metal acquiert rapidement des caractéristiques qui lui sont propres et le différencient des autres variétés de metal. A la différence du death metal, le doom metal va continuellement décélérer le rythme de sa musique.
Deux chercheurs anglais – Niall Scott et Tom O’Boyle – ont théorisé cette approche de la décélération dans le doom metal. Ils s’opposent notamment à l’affirmation de Jean Baudrillard selon qui l’accélération de la culture se fait au détriment de celle-ci et la conduit à sa disparition dans le vide à cause d’une mauvaise utilisation de la technologie35. Au contraire, si les musiques de metal ont tendance à s’accélérer pour conduire jusqu’à un état statique lorsque le son atteint une grande vitesse (comme un bruit blanc), Scott et O’Boyle rétorquent que le doom metal, par sa décélération constante, produit un ensemble qui conduit à un état statique. En effet, cette décélération, par la forme musicale qu’elle prend dans le doom metal, et en particulier dans le drone doom metal36, « autorise l’ouverture d’un espace contemplatif » et « met l’accent sur une réflexion tournée vers soi »37.
Le doom metal représente ainsi une forme de polarité opposée aux styles de musiques rapides et transgressives. D’où la tendance qu’à le doom metal a créer une musique qui conduit vers un état mental différent du metal extrême (death, black metal et grindcore). A l’instar de la polarité rapide du metal, le doom metal connaît une expansion vers des formes extrêmes conduisant hors du metal et, notamment, comme l’expose Scott et O’Boyle, vers la musique bruitiste.

Le doom metal en chiffres

Dans cette section, Metal-Archives.com, un important website de référencement des groupes de metal, a été utilisé pour créer une série de statistique permettant de quantifier le scène doom metal en terme de groupes et à l’échelle des nations ainsi que parmi les autres styles musicaux présent dans le metal.
En fin novembre de l’année 2017, le website indique 119 206 groupes enregistrés, permettant ainsi de cartographier les musiques metal les plus populaires. Le doom metal apparaît à la cinquième position avec 8902 groupes référencés sur le site. Le genre se trouve loin derrière le death metal (40016 groupes recensés), le black metal (30 663 groupes recensés), le thrash metal (25 203 groupes recensés) et le heavy metal (17116 groupes recensés). Bien sur, il faut mettre une réserve sur ces chiffres, certains groupes peuvent se retrouver dans deux – ou plus – étiquettes à la fois, gonflant les chiffres de facto. Cependant, dans la mesure où le nombre de groupes est élevé, il permet d’indiquer des tendances : premièrement, le doom metal n’est pas un courant très populaire parmi les musiciens de l’univers metal ; deuxièmement, ces artistes ont plutôt tendance à créer des groupes de metal tournés vers des musiques rapides et extrêmes, comme le death et le black metal.
Metal-Archives.com permet également d’indiquer les courants les plus populaires à l’intérieur de l’univers « doom metal ». Sur les 8902 groupes de doom metal recensés, le funeral doom metal n’apparaît qu’à la sixième place du classement avec 531 groupes recensés, loin derrière le death/doom metal (2318 groupes), le stoner doom (1318 groupes), le sludge doom (1315 groupes), le black doom (1253 groupes) et le gothic doom (844 groupes).
Ces chiffres indiquent que le doom metal pointe plutôt vers le metal extrême et qu’une large variété de styles différents cohabitent. A partir de ces observations, le funeral doom peut être considéré comme un micro-genre.
Pour ce qui concerne la Finlande, 3650 groupes sont référencés sur le website. Il s’agit probablement de la plus forte concentration de groupes de metal dans le monde par habitants (3650 groupes pour environ 5,5 millions d’habitants)38. Sur les 3650 groupes finlandais, près de la moitié (1773 groupes) se situent dans les dix plus grandes villes de Finlande. Helsinki, la capitale du pays, concentre à elle seule environ 586 groupes du pays. Cependant, parmi les dix villes, certaines concentrent un taux non négligeables comme Tampere (236 groupes), Oulu (192 groupes), Turku (171 groupes) et Jyväskylä (164 groupes), preuve d’une certaine homogénéité dans la distribution géographique des groupes de metal à travers le pays.
Le doom metal représente le sixième courant le plus populaire dans le metal finlandais avec 333 groupes, loin derrière le death metal (1308 groupes). Quant au funeral doom finlandais, il ne représente guère que 28 groupes sur les 531 groupes de funeral doom référencés dans le monde.
Dans le prochaine chapitre, nous allons évoquer le funeral doom dans le cadre de la scène metal finlandais dans le but de montrer son positionnement dans celle-ci à travers l’étude de cinq des 28 groupes finlandais de funeral doom metal (Thergothon, Skepticism, Shape of Despair, Tyranny ainsi que Colosseum).

Présentation des cinq groupes étudiés

Avant-propos

Ce sous-chapitre étudie les cinq groupes de funeral doom finlandais autour desquels se construit la présente étude. L’historique des groupes est analysée aussi bien à l’échelle de l’ensemble du groupe que par l’historique de chacun de ses membres. Ces deux échelles nous permettent ainsi une approche de la scène finlandaise funeral doom et de l’environnement artistique de chacun des groupes.
Quelle méthodologie ? Pour les deux parties, les informations récoltées proviennent des websites américains Metal-Archives.com ainsi que Discogs.com. Ceux-ci fonctionnent sur un modèle similaire à Wikipédia, dans la mesure où les deux médias sont essentiellement participatifs et proposent un contenu basé sur les informations dans les disques des groupes, quand elles ne se sont pas directement communiqués par les groupes et les maisons de disques elles-mêmes. En outre, remarquons que l’utilisation de Metal-Archives.com, tout comme de Discogs.com, permet le croisement des données afin de vérifier la fiabilité d’une information.
Avec l’aide des deux websites, il est, tout d’abord, possible de reconstituer la carrière artistique de chaque musicien, d’étudier leur trajectoire dans la musique et de connaître le contexte général artistique dans lequel ils se situent. Ensuite, ces deux websites permettent de relever le même genre d’informations pour les groupes eux-mêmes afin de retracer la carrière du groupe. A cette échelle, le regard est porté sur l’ensemble de la discographie – rééditions incluses -, les collaborations techniques (studio et graphiste par exemple), la filiation assumée à un groupe phare de la scène ainsi que la place du groupe dans la scène metal à travers les concerts notamment. Tous ces éléments mis ensemble donnent une image générale et un prototype du groupe funeral doom metal à travers des éléments en commun.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Présentation du sujet
1.2 Etat de la recherche
1.3 Problématiques et intérêt de l’étude
1.4 Corpus et définitions
1.4.1 Le corpus
1.4.2 Définitions
1.5 Présentation du plan
2 L’émergence de la scène funeral doom
2.1 De Black Sabbath à Skepticism
2.1.1 Les précurseurs du doom metal
2.1.2 Le doom metal
2.1.3 Le doom metal en chiffres
2.2 Présentation des cinq groupes étudiés
2.2.1 Avant-propos
2.2.2 Thergothon
2.2.2.1 Des musiciens aux parcours variés
2.2.2.2 Un groupe reconnu comme pionnier du funeral doom a posteriori
2.2.3 Skepticism
2.2.3.1 Une carrière dans un seul groupe, Skepticism
2.2.3.2 Gain tardif en popularité
2.2.4 Shape of Despair
2.2.4.1 Des musiciens aux nombreux groupes spécialisés dans la musique metal
2.2.4.2 La locomotive du funeral doom finlandais
2.2.5 Tyranny
2.2.5.1 Des musiciens funeral doom principalement
2.2.5.2 Un succès relatif mais croissant
2.2.6 Colosseum
2.2.6.1 La conclusion d’une carrière musicale
2.2.6.2 Dans la continuité des groupes du funeral doom finlandais
2.3 Portrait de la scène finlandaise de funeral doom metal
3 L’esthétique du funeral doom finlandais dans la presse du web
3.1 Avant-propos
3.2 Critiques francophones
3.2.1 Shape of Despair
3.2.2 Skepticism
3.2.3 Tyranny
3.2.4 Colosseum
3.3 Critiques finlandaises et étrangères
3.3.1 Shape of Despair
3.3.2 Skepticism
3.3.3 Tyranny
3.3.4 Colosseum
3.4 Valeurs esthétiques et traits distinctifs du funeral doom dans le discours de la presse du web
4 Analyse du funeral doom finlandais : prototype et critères esthétiques
4.1 Musique populaire, théorie du prototype et le metal comme niveau de base
4.1.1 De l’analyse de la musique populaire enregistrée
4.1.2 Conception catégorielle : l’utilisation de la théorie du prototype
4.1.3 Tentative de description catégorielle du metal
4.1.3.1 Généralités sur le style metal
4.1.3.2 La guitare et l’utilisation de la distorsion
4.1.3.3 Le rythme
4.1.3.4 La production
4.1.3.5 Le chant
4.1.3.6 L’harmonique
4.1.3.7 Résumé du niveau de base
4.2 Analyse et description prototypique du funeral doom finlandais
4.2.1 Le rythme dans le funeral doom
4.2.1.1 Une grande lenteur
4.2.1.2 L’absence de la double grosse caisse
4.2.2 Les guitares dans le funeral doom : l’absence de palm-muting et de solos
4.2.3 La vocalité : un « hurlé-chanté » typiquement death metal
4.2.4 Les arrangements : l’utilisation systématique du synthétiseur
4.2.5 Le caractère lo-fi de la musique funeral doom
4.2.5.1 Quelques généralités sur le son
4.2.5.2 Comparaison entre deux types de lo-fi
4.2.6 Caractéristiques esthétiques du prototype du funeral doom metal finlandais
4.3 Analyse comparative entre le funeral doom et le death/doom
4.3.1 Les éléments esthétiques du death metal
4.3.2 Le death/doom metal, un dérivé du death metal
4.3.3 Comparaison entre le death/doom et funeral doom
5 Conclusion
5.1 Emergence du funeral doom en Finlande
5.2 Valeurs esthétiques dans le funeral doom
5.3 Synthèse du prototype du funeral doom
5.4 Perspectives pour les futurs recherches
6 Yhteenveto
7 Bibliographie
8 Discographie
9 Annexe
9.1 Analyse des discographies du funeral doom metal finlandais des années 2000
9.1.1 Les caractéristiques esthétiques
9.1.1.1 Le rythme et le jeu à la batterie : la double grosse caisse sporadiquement utilisée
9.1.1.2 Les guitares : apparition du palm muting et de solos ainsi que fort sousaccordage
9.1.1.3 Les arrangements : la création d’ambiance
9.1.1.3.1 Les claviers et le chant en voyelle
9.1.1.3.2 La construction d’ambiances musicales sonores ainsi que sa mise en valeur
9.1.2 La réverbération
9.1.2.1 Qu’est ce que la réverbération ?
9.1.2.1.1 La réverbération sur la batterie : les exemples d’utilisation dans le black et le death metal
9.1.2.1.2 La réverbération sur la batterie dans le funeral doom finlandais
9.2 Le Skepticism des années 2000 : une évolution musicale et sonore attendue par rapport aux autres groupes de funeral doom finlandais
9.3 Synthèse

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