L’esthétique de Plotin: de la beauté objective à l’émanation

La beauté comme symétrie et proportion

   Les seules bases d’étude de la pensée stoïcienne sont constituées par les écrits ou critiques de Cicéron, Plutarque, Alexandre d’Aphrodise, Sextus Empiricus, ou des compilations de Diogène Laërce et Stobée. Le stoïcisme est une école philosophique dont l’histoire s’étend sur plus de cinq siècles. Fondé par Zénon de Cittium, il fut une école comprenant des élèves et des scolarques. L’histoire de cette école se divise en trois grandes périodes. L’ancien stoïcisme, IIIème siècle avant J. Christ, cette période est marquée par trois grands noms : Zénon de Cittium, Cléanthe, et Chrysippe. Le moyen stoïcisme, IIème siècle avant J. Christ, marqué par Diogène de Babylonien, Antipater de Tarse, Panétius de Rhodes et Posidonius d’Apamée. La rigueur dans l’ancienne période avait beaucoup diminué en ce moment. Enfin, le stoïcisme de l’époque impériale, 1er et IIème siècles avant J. Christ, cette période était une période essentiellement romaine qui avait délaissé complètement la logique et la physique pour ne s’intéresser qu’à la morale. Et c’est à cette période qu’intervient Sénèque, Musonuis Rufus, Marc Aurèle et Épictète. Disciple de Crates, qui appartenait à la lignée de ces philosophes cyniques dont Diogène le chien fut le représentant le plus célèbre, Zénon le fondateur du stoïcisme est né en 236 à Cittuim dans l’ile de Chypre et mort en 264. Il fut également élève du platonicien Xénocrate et Stilpon le Mégarique. C’est alors à l’âge de 42 ans qu’il fonda sa propre école. Ses élèves furent appelés dans un premier temps, les Zénoniens et, c’est par la suite qu’ils furent appelés les Stoïciens. La coutume donnait toujours à l’école le nom du lieu où elle s’était établie. Le stoïcisme dérive du grec Stoa qui signifie portique, car Zénon enseignait près du portique pœcile qui désignait recouvert de peinture. Zénon mourut simplement comme il avait vécu. En sortant de l’école, il tomba et se cassa un doigt. C’était pour lui un avertissement venant de Dieu, et en frappant la terre de la main, il lui dit : « je viens, pourquoi m’appellestu ? ». Il s’étrangla et mourut. Cléanthe fut son successeur, il mourra de faim en 232, car selon lui, il avait assez vécu. Par la suite, il sera succédé par Chrysippe (280-210). Le stoïcisme comme l’épicurisme68 avaient pour mission d’enseigner à l’homme les critères de certitude susceptibles de lui fournir des règles de vie et d’action capables de le réconcilier avec la nature. Malgré leur opposition, ils ont une devise commune : vivre en accord avec la nature. Ils empruntent ainsi des chemins différents tout en ayant le même objectif. Si l’épicurisme se développait comme un sensualisme et un hédonisme, le stoïcisme vivait en accord avec la nature en acquiesçant à l’ordre des évènements qui expriment la volonté de Dieu. Ce qui se présenta dès lors comme un matérialisme et un rationalisme éthique. Au sein même de ce courant, ils avaient du mal à s’entendre par rapport à l’ordre qu’il convient d’emprunter pour bien étudier la philosophie. Certains comme Diogène Laërce et Zénon adoptaient l’ordre suivant : la logique, la physique et la morale. Alors que Diogène de Ptolémée commençait par la morale, Panétius et Posidonius eux, avaient choisi la physique. Et comme le disait Diogène Laërce, ces trois matières qui constituent la philosophie (la logique, la physique et la morale) peuvent être comparées à un champ fertile : « […], la clôture qui se trouve tout autour c’est la logique, le fruit c’est la morale, la terre où les arbres sont, la physique […] ». Le sage est celui qui conformément à la raison, vit en parfaite harmonie avec la nature. Le monde vit tout comme Dieu avec lequel il est confondu, bien vivre alors est le fait de vivre en harmonie avec la vie universelle. Le monde s’assimile à Dieu et la connaissance permet la réalisation d’une harmonie rationnelle entre l’homme et le monde. Ce qui explique clairement leur pensée esthétique du beau : si bien vivre équivaut à être en parfait accord avec la nature, le beau serait alors rattaché à tout ce qui vit conformément à cette loi. La symétrie et la proportion ne sont rien d’autre dans ce cas que ce qui est naturel, ce qui n’est pas dérangé, ce qui est en accord avec la nature. Logiquement, tout ce qui est en désaccord avec la nature, autrement dit, tout ce qui n’est pas naturel peut être alors considéré comme laid. Dieu même veut que l’homme suive la nature, obéissons à Dieu pour ne pas recourir à sa colère. Cette idée n’est pas véhiculée directement par Dieu, car Dieu ne parle pas comme un humain, mais il le fait par le biais d’un beau messager, un envoyé de Dieu. Ne dérangeons pas ce qui est bien, laissons l’homme beau avec sa beauté, l’homme laid avec sa laideur, restons une volonté libre. C’est pour cela même que Platon conseillait à Alcibiade, qui était réputé d’être beau, de toujours soigner sa beauté. Mais comment doit-il faire pour soigner sa beauté ? En peignant ses cheveux davantage (il les peignait toujours soigneusement), en portant de beaux habits, en sentant un bon parfum, il doit soigner sa beauté en soignant sa conduite, régler sa volonté et supprimer les vices et les mauvaises pensées. Il faut nettoyer l’être qu’on est par nature. Le beau se trouve dans la vue, dans l’ouïe, dans les paroles, la musique, dans les occupations, dans les actions, dans les sciences et les vertus. Certains êtres ne sont beaux que par participation, d’autres par contre sont beaux en eux-mêmes (ceux qui sont en accord avec la nature). Ce qui explique le fait qu’ils sont tantôt beaux, tantôt laids. Ainsi, le fait de connaître ce qui fait la beauté des corps nous sert de guide pour une bonne compréhension de la beauté intelligible. Il faut alors comprendre la participation comme ce : « […], qui n’est ni identification, ni séparation. Elle n’est pas identification parce que le sensible est comme surdéterminé, produit du « mélange » de la matière et de la forme, c’està-dire de leur pénétration réciproque, qui n’est pas juxtaposition ni assortiment, mais « union réelle », de telle sorte que ni l’une ni l’autre ne sont, eu égard au sensible qu’elles composent, suffisantes à le comprendre ». Un ensemble ne peut, en aucun cas, être beau s’il n’est composé que de parties laides, même s’il se trouve être en accord avec la nature. Il faut d’abord qu’il ait de belles parties indépendantes les unes des autres avant d’être belles dans l’ensemble. Ainsi, Plotin pense que la beauté ne peut en aucun cas résider dans la symétrie et la proportion. Et le fait même de soutenir cette thèse équivaut à dire que c’est de leur symétrie et de leur proportion que naît leur beauté. Cela pose un problème car, l’être beau ne sera jamais un être simple, mais composé de différentes parties, ces dernières ne seront pas belles individuellement, mais uniquement par combinaison. L’art de la nature chez les Stoïciens est supérieur à l’art humain. Son but est de créer, d’engendrer et la nature le fait avec beaucoup plus d’ardeur, de justesse et de précision que l’être humain. Tout ce qui est naturel est artistique. La nature n’est pas seulement faite avec art, elle est elle-même supérieure à celui de l’homme: « […], c’est d’abord que le monde soit le mieux fait possible pour durer, ensuite qu’il ne manque de rien et surtout qu’il ait en lui une beauté éminente et toutes les parures ». De ce fait, nous ne pouvons pas réserver à certains objets le titre de forme, car ils ne sont que des imitations et pour les Stoïciens, tout ce qui n’est pas naturel, tout ce qui n’est pas conforme à la nature ne peut pas être considéré comme de la beauté. Le fait de les considérer comme des formes équivaut à penser comme les esclaves de la caverne qui admirent des images qu’ils qualifiaient de réelles. La beauté du monde sensible n’est pas la beauté véritable, mais elle est cependant une imitation réussie de la véritable beauté, elle n’est pas non plus pure apparence, mais elle est essentiellement liée à la vérité. Tout commence par cette beauté sensible, une fois qu’elle est rencontrée, elle nous sert de guide et comme des ailes, elle nous permet de s’envoler et de se souvenir de la véritable beauté qui est celle intelligible. L’art de la nature n’exige pas de travail, ni d’effort, il est l’œuvre de la nature, l’œuvre d’une multitude de dieux qui ne se fatiguent pas dans leur travail. Un dieu ne peut, en aucun cas, réalisait quelque chose qui n’est pas parfaite, même la plus médiocre de sa réalisation est supérieure à celle de l’homme. Il n’a ni besoin de muscle, ni d’os, ni de bras pour bien faire leur travail. Avec eux tout est parfait, rien de ce qui vient d’eux n’est imparfait. Ils ne redoutent pas les chutes, ne craignent pas les maladies, ni l’imperfection. Ces dieux sont doués de la plus belle des formes et placés dans la région la plus pure. La supériorité de l’art de la nature sur l’art humain est indiscutable, car il est plus agencé et plus ordonné que ce qui est imité par les hommes. Mais il y a certains qui pensent le contraire car : « […] ; ils croient qu’Archimède, en imitant les rotations de la sphère céleste, a fait mieux que n’a fait la nature en les produisant, alors pourtant que les mouvements naturels sont, dans les détails, bien mieux agencés que les mouvements imités ». Il faut comprendre que derrière les œuvres de la nature, il y a une autre qui y demeure céleste et divine, qui y réside et la gouverne, qui la règle comme un architecte d’une œuvre aussi grande.

La beauté des choses simples et des incorporels

    Nous entendons par chose simple, tout ce qui n’est pas constitué de parties visibles ou divisibles à l’œil nu ou, tout ce que nous ne pouvons pas diviser en différentes parties avec l’aide des organes de sens : la vue, l’ouïe, etc. Nous pouvons prendre l’exemple des étoiles fixes, des planètes, du soleil, de la lune, des couleurs, de la musique ou des sons. Les Stoïciens distinguent deux sortes d’étoiles : celles qui circulent en trajectoire immuable d’Orient en Occident sans dévier de leurs routes, celles qui accomplissent deux révolutions continuelles tout en gardant la même trajectoire. Quant au soleil, il a un mouvement qui lui permet de remplir la terre de sa lumière pour ensuite la laisser dans l’ombre : c’est le jour et la nuit. La lune fait le même trajet que le soleil. Quand elle s’approche du soleil, sa lumière est très faible, et lorsqu’elle s’en éloigne, elle est pleinement illuminée et belle. Il en est de même pour l’atmosphère, cette dernière éclaire la terre par le soleil qui surpasse en grandeur et en beauté la terre en participant à sa beauté. Il tourne autour d’elle par son levé et son couché, il fait le jour et la nuit. La lune aussi, qui est un peu plus grande que la moitié de la terre fait à peu près le même travail que le soleil. Elle envoie sur la terre la lumière qu’elle reçoit du soleil. Tantôt elle l’éclaire avec une lumière diminuée, elle peut même s’éclipser tout à coup, quand elle rencontre l’ombre de la terre et qu’elle est en face du soleil. Dans le ciel, il y a aussi la lumière des étoiles dites errantes qui ont des mouvements parfois accélérés ou retardés, elles peuvent même s’arrêtaient. Et rien ne peut être plus admirable et plus beau qu’un tel spectacle. Les mouvements les plus admirables sont ceux des cinq étoiles appelées : étoiles errantes ou planètes de nos jours. Leurs mouvements ne sont pas constants, cause pour laquelle, elles sont appelées des étoiles errantes. Elles peuvent se découvrir, elles peuvent être cachées, elles se rapprochent, mais elles peuvent s’éloigner à tout moment. Elles sont parfois rapides, parfois lentes, tantôt elles bougent, tantôt elles restent immobiles jusqu’à un certain moment. Leur mobilité et fonctionnement ne peuvent en aucun cas changer, rien ne peut être changé chez elles. Ces cinq étoiles sont : Saturne ou Phainôn en Grec, Jupiter ou Phaéton, Mars ou Pyroeis, Mercure ou Stilbon et Vénus ou Phosphoros en Grec et en latin Lucifer. Chacun de ces cinq étoiles a un mouvement qui lui est propre, aucune d’entre elles ne s’occupe de l’autre. Mais elles sont toutes belles parce qu’elles sont des créations de Dieu, rien ne peut être changé en elles, elles sont belles et resteront éternellement belles. Il n’y a donc dans le ciel ni désordre, ni concurrence, ni fortune, ni hasard, ni caprice, ni mensonge, ni laideur, tout reste positif et constant. De ce fait, si les choses composées sont belles parce qu’il y a symétrie et proportion dans ses parties, les choses simples, contrairement aux composées sont belles parce qu’elles sont des créations des dieux et ces derniers ne peuvent rien créer de laid. Dans ce cas, on ne parlera plus de symétrie et de proportion dans les choses simples, mais de naturelles, car elles sont créées par Dieu qui nous invite à aimer et à se conformer aux lois de la nature et à ses créations. Par rapport à la beauté des couleurs, qui sont aussi des choses simples sans symétrie ni proportion, elles sont composées de raison et d’idée, c’est cette lumière qui leur permet de dominer toute obscurité y compris l’obscurité de la matière. C’est en ce sens que la beauté du feu est supérieure à toutes les autres beautés : « […] le feu lui-même surclasse en beauté les autres corps, parce qu’il occupe par rapport aux autres éléments le rang d’une idée : il tend à s’élever en hauteur et s’avère le plus léger de tous les corps, et comme le plus proche de l’incorporel ; il est seul à n’accueillir aucun autre corps, alors que les autres l’accueillent en eux ( c’est qu’eux s’échauffent, tandis que lui il ne refroidit jamais) ; et lui est primitivement couleur, tandis que les autres corps ne reçoivent la forme que de la coloration qu’à sa proximité. Il éclaire donc et brille, comme il était une idée. Mais toutes les choses qui lui sont inférieures, et dont sa luminosité vient à effacer l’éclat, ne peuvent par conséquent plus être dites belles, attendu qu’elles ne participent pas à l’idée totale de la couleur ». Les arts dans leurs rapports avec les hommes sont jugés et appréciés par les sens. Dans la peinture, la sculpture, les yeux humains apprécient, voient avec plus de pénétration la beauté des couleurs et des figures que leur ordre ou leur convenance. Les oreilles aussi à travers la voix, les chants et les sons jugent de la beauté et de la diversité des sons (aigus, graves). Il en est de même de l’odorat, du goût et du toucher, ils sont aussi capables de juger de la beauté. En ce qui concerne les sons, il y a des harmonies perceptibles (l’idée des harmonies) qui sont les sources des harmonies et que nous pouvons percevoir par nos organes de sens, par exemple, l’ouïe (les harmonies, la musique, les sons), les yeux (la lumière, les couleurs), c’est l’âme qui s’en charge sans l’aide d’aucun organe de sens, elle les contemple et les juge. C’est le cas des aveugles de naissance qui n’ont jamais vu la lumière ou la couleur. Une âme est naturellement belle, mais elle peut devenir laide par l’addition d’un élément étranger. En plus, par rapport à l’opinion du méchant, il y a bel et bien accord et concordance, mais est-ce qu’on peut réellement parler de beauté dans la méchanceté ? Si tout ce qui est beau est bien, il est dans ce cas absurde de parler de beauté dans la méchanceté, même s’il y a symétrie et proportion dans l’opinion du méchant. En effet, chaque être vivant, dès sa naissance possède la capacité de distinguer ce qui est conforme à sa nature et ce qui s’y oppose. C’est en ce sens que nous pouvons dire que bien vivre avec sa nature et bien vivre avec la nature signifie la même chose. Le Bien est la fin suprême, et c’est le fait de vivre en ayant en sa possession toutes les sciences conformes à sa nature. Le Bien équivaut aussi à l’utile et comme sa vie est entièrement consacrée à la recherche de ce qui est utile, il est toujours heureux : « […], le Bien est ce par quoi, ou à partir de quoi, peut être obtenu l’utile, le Bien c’est ce dont l’utile résulte par accident et le Bien c’est ce qui peut être utile ; il ne faut pas interpréter cette assimilation du bien et de l’utile à la lumière de ce que le pragmatisme ou l’humanisme de Schiller ont pu nous dire, l’utile dont parlent les Stoïciens n’est pas une valeur technique, ce n’est pas la valeur dont l’homme est la mesure : l’utile c’est ce qui va dans le sens de la vie ; dans le sens du destin, dans le sens de la volonté de Dieu ». De ce point de vue, est incorporel tout ce qui n’a pas de corps, mais aussi tout ce qui ne tombe pas sous nos sens. Les Stoïciens distinguent quatre sortes d’incorporels : l’exprimable, le lieu, le temps et le vide.
− Dans l’exprimable, trois choses sont liées : l’objet, le signifiant et le signifié. Ce qui est signifiant, c’est ce que le mot exprime; ce qui est signifié, c’est la parole. Et l’objet est quelque chose d’extérieure. Deux de ces trois choses sont des corps : la parole et l’objet, et le troisième est incorporel. L’incorporel est alors ce qui peut être vrai ou faux.
– Le lieu est incorporel, mais il ne peut pas être vide. Il peut toujours être rempli par des corps ou par autre chose. Il est un espace et un espace peut être rempli.
− Le temps est un milieu indéfini où se déroulent les existences, les changements, les événements et les phénomènes. Zénon définissait le temps par rapport à « l’intervalle du mouvement », ou « l’intervalle du mouvement du monde »78 comme pensait Chrysippe. Le temps est considéré comme un incorporel, car les évènements se déroulent dans le temps, sans être modifiés par ce dernier, ils ne font qu’obéir aux lois du destin.
– Le vide : le monde n’est pas vide et ne peut pas être vide, mais, par contre, il se trouve dans un milieu vide, dans un vide illimité, incorporel, inactif et impassible. Nous pouvons prendre comme exemple d’incorporel, l’âme. Elle est incorporelle car, elle ne peut pas être saisie par nos sens: l’ouïe ; l’odorat, la sensation, la vue, et le goût. Elle est naturellement belle, elle ne peut devenir laide que par addition d’un élément étranger comme les vices : la méchanceté, l’injustice.
L’âme chez Platon comprend trois parties : l’âme des appétits inférieurs qui a son siège dans le bas-ventre, son principe est la déraison et elle a comme vertu la tempérance. Le cœur qui a son siège dans le diaphragme, a comme principe la colère et comme vertu le courage. Et enfin l’âme immortelle qui a son siège dans la tête, son principe est le raisonnement et sa vertu la prudence. Chez Aristote, nous trouvons une division de l’âme qui correspond à des nécessités d’ordre logique : l’âme végétative, sensible et raisonnable. Mais chez les Stoïciens, les distinctions introduites au sein de la nature de l’âme sont d’ordre génétique. Ils distinguent en elle huit parties : l’hegemonikon ou la partie directrice, les cinq sens, la partie reproductrice et la parole : « la partie directrice est comme l’araignée au centre de sa toile qui reçoit des messages de ce qui se trouve à sa proximité ; la partie directrice est comme le corps d’un poulpe dont les autres parties seraient les tentacules ». En d’autres termes, c’est dans la partie directrice que sortent les sept autres parties qui se dispersent à travers le reste du corps. De ces sept parties, les cinq sont constituées par les sens : l’odorat, la vue, l’ouïe, le goût, et le toucher : « la vue est l’esprit qui tend depuis la raison et la partie maîtresse jusqu’aux yeux, l’ouïe est l’esprit qui tend depuis l’entendement jusqu’aux oreilles, l’odorat est l’esprit de la partie maîtresse jusqu’à la surface sensible des choses propres au toucher ». La sixième partie est celle reproductrice et la septième partie est la voix qui part de la partie directrice jusqu’au gosier et aux organes de paroles (la langue par exemple).

La beauté du principe suprême et de l’intelligence

   Dans la pensée plotinienne, le beau a un double sens, il est à la fois dans le sensible, mais aussi dans l’intelligible. Ce qui prouve que nous ne pouvons pas les étudier ensemble car, ils sont d’un ordre diffèrent. Nous allons d’abord étudier la beauté du principe suprême et de l’intelligence ensuite, nous parlerons de l’âme et du monde sensible. Le principe suprême est ineffable et surpasse en beauté toutes les beautés du monde intelligible. Plotin avait procédé à une première division de la beauté. En premier lieu, on avait la beauté de l’intelligence comme première beauté, ensuite la beauté de l’âme et pour finir la beauté du monde sensible. Dans cette première division, la beauté de l’intelligence y est suprême et par conséquent, principe de toutes beautés. C’est par la suite que le philosophe de porphyre a introduit un nouveau concept: l’Un, l’ineffable, l’indicible, le principe premier du beau, supérieur à l’intelligence et à l’âme. L’Un est comme le Dieu de Plotin, par sa puissance infinie ; il est la cause de tout ce qui suit : l’intelligence, l’âme et le monde sensible. Infiniment parfait, il n’a rien fait qu’il n’ait voulu, et tout ce qu’il a fait ne diminue en rien sa puissance, son essence et sa beauté. Sa puissance et la capacité de sa beauté dépassent largement la pensée humaine, on ne peut le qualifier réellement. De ce fait, nous essayerons de le désigner en utilisant tous les qualificatifs nécessaires. Mais toutes ces appellations que nous allons utiliser en réalité ne le conviennent pas, car la grandeur de sa puissance et de sa beauté dépassent largement toutes les dénominations. De la beauté du monde sensible ajoutée à celle du monde intelligible, la raison conclut que celle du principe suprême, autrement appelé l’Un, est supérieur à toutes ces deux beautés. Dans sa pensée du beau et dans la métaphysique plotinienne, la cause doit être plus parfaite que l’effet, par conséquent, le principe suprême est plus beau et éclatant que l’intelligence. Il se présente dès lors comme la cause et l’intelligence l’effet. Il en est de même de l’intelligence et de l’âme mais aussi, de l’âme et du monde sensible. L’Un est plus éclatant que l’intelligence, l’intelligence plus éclatante que l’âme, et l’âme plus éclatante que le monde sensible. Plotin reconnaît qu’il est loin d’être le premier penseur à soutenir ces genres de thèses. Avant lui, il y avait Platon, le père de la philosophie, qui considérait l’intelligence comme le démiurge, comme la cause, et le père de la cause est ce qui lui est supérieur, c’est-à-dire le générateur de l’intelligence, autrement dit le Bien ou l’Un qui est au-delà de l’intelligence et au-delà de l’être. Il savait bien donc que l’intelligence émane du Bien et l’âme, de l’intelligence. Parménide aussi était dans la même lancée, il réduisait à l’unité l’être et l’intelligence avec sa fameuse formule: « l’être est, le non être n’est pas ». Mais l’Un de Platon était plus exact que l’Un de Parménide. Il en est de même d’Héraclite et d’Empédocle, le premier parlait de l’Un comme éternel et intelligible, et le second parlait d’un Un incorporel par lequel ses éléments forment ce qu’on appelle la matière. À travers toutes ces thèses, voici donc ce qu’il faut retenir : « […] il y a d’abord l’Un, qui est au-delà de l’être, tel que notre exposé a voulu le montrer, autant qu’il est possible de démontrer en pareil sujet ; puis, à sa suite, l’Être et l’Intelligence, et, au troisième rang, la nature de l’Âme. Comme ces trois réalités sont dans la nature des choses, il faut penser qu’elles sont aussi en nous». Ainsi, la beauté du principe suprême brille de tout éclat et sa perfection est illimitée. Sa beauté est éternellement vraie, simple, avec une cause première. Il est au-dessus de l’être et n’est ni un aspect, ni un genre. Il n’est pas un genre, mais il est au-dessus de tout genre. L’Un est le principe et la fin de toutes beautés, il les produit infiniment tout en restant immuable dans son essence. Il n’a aucunement besoin des êtres, car il est supérieur à tout être, il ne les contient pas non plus en lui, car il est absolument un, unique et seul. Il les produit par un acte de sa volonté, sans diminuer sa puissance infinie. Cette citation de Jos. Cochez87 nous montre l’indépendance du principe suprême par rapport à ses créations : « Il préfère les comparaisons de la lumière et du cercle, parce que la lumière existe tant qu’existe le soleil, et les rayons, tant qu’existe le centre. D’autre part, le soleil, pour exister, n’a pas besoin de la lumière, ni le centre des rayons, mais inversement la lumière ne pourrait pas exister sans le soleil, ni les rayons sans leur centre. Enfin, et la lumière et les rayons proviennent de leurs principes sans les diminuer ou altérer en quelque manière» . Il y a deux conceptions du principe suprême qui apparaissent chez Plotin. Une première qui considère le principe suprême comme l’intelligence et une seconde qui qualifie le principe suprême comme l’Un, l’ineffable, l’indicible. La beauté de ce principe suprême est au-delà de tous les êtres et de toutes catégories. Il est au-dessus de toute quiddité, voilà pourquoi nous ne pouvons pas dire ce qu’il est. Il est l’Un justement parce qu’il est la négation de toutes pluralités et le premier absolu. L’Un est transcendant mais dans sa perfection, il surabonde sur les êtres qu’il engendre. Il faudra noter aussi que chez Plotin, le Bien n’a pas créé les choses, mais permet de les éclairer pour une meilleure compréhension. Nous savons seulement ce que l’Un n’est pas, d’où la théologie négative, il ne correspond absolument à aucune connaissance, car on ne peut parler de connaissance que quand il y a un être connaissant et un objet connu. En outre, nous ne pouvons rien dire de lui car il est illimité, l’Un est le principe de toute beauté, la cause immédiate. Il est supérieur à l’intelligence et est intelligible. Il est le principe et la source, présent dans tout et en tant que principe, il est le créateur de tout. Il le compare et le désigne sous le nom, mythologique d’Apollon, il n’a ni désir, ni âme, ni pensée, il ne s’intéresse à rien. Il est le plus beau parmi toutes les belles choses du monde, comme une lumière dans la nuit, il alimente toutes les lumières. Plotin le considère comme le roi, la cause universelle, l’intellect. Comme la lumière qui vient du soleil, tout émane de lui, toute beauté est une lumière qui nous vient de l’Un. Bréhier rapporte clairement les propos de Plotin dans la traduction de son Traité 3190 dans la Cinquième livre des Ennéades. Il le dit en ces termes : « […] Plotin rapproche ses trois principes hypostatiques à Ouranos, Cronos et Zeus. Cronos, le dieu qui dévore ses enfants est l’image de la perfection du monde intelligible ou l’intellect littéralement se nourrit des idées, et s’y identifie, Zeus est l’image de l’enfant non consommé par son père, l’âme qui sort de la seconde hypostase pour engendrer le monde sensible. Quant à Ouranos, c’est le père de l’intellect. Celui-ci se trouve donc entre son père, qui lui est supérieur, et son fils qui lui est inférieur […]. Et comme son père est encore supérieur à la beauté il est la beauté première qui subsiste». Nous ne pouvons le nommer que par le terme Un, car il ne peut avoir aucun autre nom. Rien ne peut le qualifier, rien ne peut le déterminer, il n’a ni attribut, ni mélange, il est la beauté suprême et il possède la perfection absolue. Il ne possède aucune qualité, ni quantité, il ne peut être ni en repos, ni en mouvement, il n’est ni science ni objet, il n’a ni figure ni forme. Tous ces attributs que nous venons de citer appartiennent à l’être, alors qu’il  est au-delà de tous les êtres. Tout ce que nous pouvons dire de lui est que sa beauté est supérieure à toutes les autres beautés comme il est supérieur à tous les êtres. Le discours de l’Un est donc un discours qui puise ses sources dans ce qui est en deçà de l’Un. La formulation négative de l’Un consiste alors à refuser tout attribut à l’Un. Étant donné que cette attribution mène à dédoubler l’Un, on ne peut lui attribuer que des prédicats qui lui sont inférieurs. Étant principe et fin de toutes les autres beautés, il les produit par un acte de sa volonté souveraine et reste immuable dans son essence infinie. Le principe suprême est beau en luimême, sa beauté ne fait qu’un avec son essence, il est absolument simple, cause souveraine et volontaire de sa beauté, il est maître de lui-même. La splendeur de son essence manifeste à son intelligence est aimé par sa volonté, la raison de sa beauté n’est pas la splendeur de son essence, celle de sa bonté ou de son unité. Cette citation tirée des Ennéades illustre clairement la supériorité de la beauté de l’Un par rapport à toutes les autres beautés : « L’Un est antérieur aux quelques choses, c’est pourquoi en vérité il est ineffable. Quoique vous disiez vous, vous diriez quelque chose. Or, ce qui est au-delà toute chose, ce qui est au-delà de la plus haute intelligence, ce qui est au-delà de la vérité qui est en toute chose, cela n’a pas de nom, car ce nom serait autre chose que lui. Il n’est pas quelqu’une d’entre les choses et il n’a pas de nom parce que rien ne se dit de lui pourtant nous essayons de nous le désigner en nousmême autant que c’est possible ». Comme le soleil, il déborde et se déverse sans rien perdre de ce qu’il est. Ce qui vient après l’Un est divers, mais lui appartient en raison de son origine. Toutes les beautés émanent de l’un et se dégradent jusqu’à ce qu’elles parviennent au royaume des ténèbres autrement appelé le monde sensible. Tout ce qui vient de l’Un, y émane sans qu’il ait le moindre mouvement. S’il y avait un mouvement entre l’Un et le terme généré, ce dernier serait alors en troisième position. Donc il ne se meut pas, il reste immobile, et si une chose vient après lui, il ne peut venir à l’existence que si elle est éternellement tournée vers lui. L’Un est l’être le plus grand et le plus parfait, il engendre un être moins parfait et moins grand que lui. Ce qu’il y a de plus grand après lui est alors l’être qu’il a engendré. L’intelligence qui est alors le second terme, est le terme le plus grand après lui. Elle voit l’Un et n’a besoin que de lui, mais par contre, lui n’a pas besoin d’elle. Elle n’a donc qu’un supérieur: c’est l’Un. Mais elle est supérieure à toutes les autres choses, car elles viennent après elle : « […], L’âme est le verbe et l’acte de l’intelligence, comme elle-même est le verbe et l’acte de l’Un». L’âme a un verbe indistinct comme image de l’intelligence: «Tout être engendré désire et aime l’être qui l’a engendré, surtout lorsque le générateur et l’être engendré sont seuls; lorsque le générateur est la chose la meilleure qu’il y ait, l’être engendré est nécessairement avec lui n’étant plus séparé de lui que parce qu’il est autre que lui » . Elle doit regarder vers l’intelligence et ce dernier doit regarder vers l’Un. Tout être engendré doit aimer, désirer et contempler son générateur L’intelligence n’est rien d’autre que l’image de l’Un, elle doit être semblable à l’Un comme elle a été engendrée par ce dernier en ayant quelques caractères de lui. Il doit y avoir de la ressemblance entre l’engendré et le générateur, comme il y a de la ressemblance entre le soleil et la lumière. L’Un est comme son nom l’indique un, c’est de lui que vient l’intelligence et c’est elle qui engendre toutes les autres choses. C’est pour cela que les choses qui viennent de l’intelligence sont des essences, car chacune d’elle a une limite et ce par quoi l’être ne doit pas appartenir à l’illimité. L’intelligence est donc digne d’être engendrée par le plus pur des principes, car c’est elle qui engendre tous les êtres, toute la beauté des idées et tous les dieux intelligibles. La relation qui existe entre l’Un, l’intelligence et l’âme est pareille à celle qui existe entre Cronos et Zeus : « […] avant Zeus, vient Cronos, le Dieu très sage qui reprend toujours en lui les êtres qu’il engendre, si bien que l’intelligence en est pleine et rassasiée ; mais ensuite, une fois rassasié, on dit qu’il engendre Zeus; de même l’intelligence engendre l’Âme, quand elle arrive à son point de perfection ». Dans ce cas, il n’est pas du tout possible que l’être engendré soit supérieur au générateur, étant un dérivé, une image du générateur, il lui est forcément inférieur. De ce fait, l’intelligence est inférieure à l’Un et l’âme inférieure à l’intelligence. Le Nous, ou l’intelligence, est l’unité multipliée en autant d’être possible mais qui garde la même unité. Ce qui veut dire aussi que l’intelligence est un principe d’unité des choses multiples, il est aussi un principe de beautés. Autrement appelé monde intelligible, elle émane directement de la beauté suprême. Tous les intelligibles existent dans l’intelligence avec toute la splendeur de leur perfection. C’est un monde qui englobe diverses perfections, des perfections aussi variées les unes des autres et aucune perfection ne se confond à l’autre. Elle est le monde de la perfection absolue, tout ce qui est dans ce monde porte cependant une empreinte de la beauté absolue. Cette seconde hypostase est premièrement et particulièrement belle, elle est belle tout entière, aucune de ses parties n’est laide. Elle reste la plus belle des choses et comprend la nature des êtres. Il est raisonnable d’affirmer que l’intelligence est la première beauté dans l’ordre des êtres, car l’Un est au-dessus de tout être et de toute beauté et l’intelligence émane de lui. Ainsi, il est logique d’affirmer et de considérer l’intelligence comme la première beauté. Ce monde possède une puissance infinie et universelle qui pénètre tout ce qui lui appartient sans rien perdre de sa puissance, mais aussi de sa beauté.

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Table des matières

Introduction
Première partie : La critique plotinienne du beau stoïcien
Chapitre premier : La beauté chez les Stoïciens
1/ La beauté comme symétrie et proportion
2/ La beauté des choses simples et des incorporels
Chapitre II : La beauté au-delà de la symétrie
1/ La beauté du principe suprême et de l’intelligence
2/ La beauté de l’âme et du monde sensible
Deuxième partie : La voie plotinienne du beau
Chapitre III : La beauté subjective
1/ L’expérience esthétique
2/ Les différentes manières de percevoir la beauté
Chapitre IV : La beauté du monde intelligible comme quête intérieure
1/ La beauté intelligible
2/ L’Idée du beau
Troisième partie : L’essence de l’œuvre d’art
Chapitre V : L’émanation et la beauté de l’œuvre d’art au-delà du beau naturel
1/ Les degrés de l’émanation : procession et conversion
2/ La beauté de la création artistique au-delà de l’imitation
Chapitre VI : L’oubli dans la création artistique
1/ La réminiscence plotinienne
2/ La liberté artistique
Conclusion
Bibliographie

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