Les fibres régénérées [MON75]
Les premières fibres artificielles ont été fabriquées à partir de matériaux naturels pour compenser la production aléatoire de fibres naturelles, par exemple, de fils issus des vers à soie. En 1846, le chimiste allemand Schönbein met au point la fabrication du nitrate de cellulose, ce matériau d’un aspect proche de celui du coton est très inflammable. L’étape décisive de la course à la fabrication industrielle de la soie artificielle a été franchie avec l’invention du procédé de filage par Ozanam en 1862. Après plusieurs tentatives de filage à partir de mélanges complexes comprenant : cellulose, éther, alcool, caoutchouc et résine par Audemar ou Hughes, ce fut Swan qui le premier, en 1883, proposa le filage du nitrate de cellulose dissout dans l’acide acétique. Mais les développements nécessaires à la production à plus grande échelle de fibres de cellulose régénérée sont dus à la persévérance du Comte Hilaire de Chardonnet, le précurseur de la rayonne moderne. Le procédé de fabrication établi en 1885 comprend quatre étapes : la nitration du coton, son filage puis une dénitration pour réduire la grande inflammabilité et explosivité de ce matériau et enfin, une phase de purification.
Le procédé de fabrication de la cellulose régénérée a fortement évolué à partir de 1892 grâce à Cross et Bevan, par l’apparition de la rayonne viscose. La cellulose extraite du bois est traitée par de la soude caustique (ou hydroxyde de sodium) puis du disulfate de carbone et dissoute dans la soude caustique et enfin, extrudée en solution dans l’acide sulfurique permettant la reprécipitation et donc la régénération de la cellulose. D’autres procédés comme l’utilisation de cuprate d’ammoniac ou d’anhydride acétique ont permis l’amélioration de certaines propriétés en particulier la diminution de l’hygroscopie de la rayonne.
La rayonne peut remplacer ou se mélanger avec des fibres naturelles dans toute l’industrie textile : habillement, tapis… De nombreuses études ont été menées pour obtenir des fibres cellulosiques à haute ténacité pour le marché du textile technique en particulier le renfort des pneumatiques. Les recherches ont conduit à deux découvertes majeures pour la rayonne qui seront utilisées, par la suite, pour beaucoup d’autres familles de fibres :
– l’ajout de sulfate de zinc dans le bain d’étirage proposé par Napper en 1912,
– l’insertion d’un deuxième godet d’extraction permettant un étirage de la fibre, proposé par Wilson en 1914.
La rayonne viscose a longtemps été la moins chère des fibres artificielles, ce qui explique la forte croissance de sa production jusque dans les années 60 (en 1963, 3 millions de tonnes de rayonne pour 11 millions de tonnes de coton). Les fibres artificielles ont ensuite été supplantées par les fibres synthétiques au premier rang desquelles le polyamide et le polyester appréciés pour leurs meilleures propriétés mécaniques et leur stabilité chimique.
L’essor des fibres synthétiques
L’Allemagne possédait entre les deux guerres une suprématie dans le domaine de la chimie organique avec de nombreuses sociétés spécialisées dans les produits pharmaceutiques, les colorants et d’autres domaines de la chimie fine. Pourtant, l’apparition de matière synthétique facilement filable est issue des travaux de l’américain W. H. Carothers et de son équipe au sein de Du Pont de Nemours Company dès la fin des années vingt. Il travailla sur les polyesters et les polyamides et créa le NYLON (polyamide 6.6) par polycondensation, le brevet fut déposé en 1936. Par ses caractéristiques étonnantes (élasticité, légèreté, aspect soyeux et brillant), le NYLON conquit le marché textile des Etats-Unis juste avant la seconde guerre mondiale et le monde entier juste après, avec en particulier les bas NYLON très à la mode dans les années cinquante. A la suite des travaux de Carothers, la première fibre de la famille des polyesters, le poly(éthylène térephtalate), plus connu sous le nom de PET, fut développé par Winfield et Dickson au sortir de la guerre. Elle fut commercialisée à partir de 1953 sous le nom de terylène. Dès lors, les fabricants de fibres n’ont eu de cesse de chercher à améliorer les propriétés des fibres synthétiques et d’en réduire les coûts de fabrication en optimisant les procédés de polymérisation, filage et étirage des fibres, ou en proposant d’autres générations de fibres : polyamide 6, polyamide 11, aramide (comme le kevlar). Ces recherches sont motivées par les besoins croissants de renforts de qualité pour les pneumatiques et l’apparition de nouveaux champs d’application dans les cordages, les ceintures, le géotextile….
Compréhension de ces nouveaux matériaux
Parallèlement à l’essor des fibres artificielles puis synthétiques, les matériaux polymères sous forme massive font leur apparition : tout d’abord le caoutchouc vulcanisé par le soufre (invention de Goodyear en 1839), puis la bakélite en 1909 qui est le premier polymère totalement synthétique et enfin, les premiers thermoplastiques dans les années trente. La compréhension de cette nouvelle classe de matériaux que constituent les polymères commence avec l’allemand Hermann Staudinger qui introduit en 1920, le concept de longue chaîne moléculaire, les macromolécules. Mais la source des propriétés mécaniques telles que l’élasticité restait inconnue : Staudinger supposait que les molécules de caoutchouc avaient des formes de ressorts… Il faudra attendre Flory en 1953, pour que le concept de pelote statistique permette de décrire l’élasticité et fasse apparaître le rôle de l’entropie. Les développements nécessaires à la description plus complète de la déformation des polymères seront faits dans les années soixante-dix par de Gennes puis Doi et Edwards avec le modèle de reptation.
Les différentes applications
Les polymères thermoplastiques tels que le polyamide 6.6. et le polyéthylène térephtalate sont utilisés dans de nombreuses applications sous forme massive ou de film, par exemple les bouteilles, les flacons… Dans le domaine textile, le NYLON et le PET ont une grande part de marché avec des volumes comparables à ceux des fibres naturelles ; la production actuelle de fibres de polyester est équivalente en tonnage à celle du coton avec 20 milliards de tonnes en 2000 [DAV01]. Selon la définition des « textiles à usage technique » introduite par l’IFTH (Institut Français Textile-Habillement), ces matériaux répondent à des exigences technico-qualitatives élevées (propriétés mécaniques, thermiques, électriques, durabilité…) leur conférant une aptitude à s’adapter à une fonction technique et à son environnement . Il s’étend sur des segments aussi éloignés que l’agriculture, la construction (béton renforcé par des fibres), l’habillement, les géotextiles, l’industrie (sangles, tapis..), le médical (les prothèses, les sutures), les transports (pneumatiques, courroies, système airbag…), l’emballage, la protection individuelle (gilets pare-balles, casques…) ou les sports et loisirs.
La consommation mondiale de textiles techniques est en hausse constante depuis 1995 tant en valeur qu’en volume. Parmi toutes les fibres polymères, trois types représentent à elles seules plus de la moitié des parts de marché du textile technique : le polyester, le polypropylène et le NYLON . Le polyester et le NYLON sont en particulier utilisés pour la conception de câble, de corde, dans le domaine de l’offshore par exemple mais aussi pour le renfort de structure. La filière la plus importante en volume est le renforcement des pneumatiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1 Etat de l’art
1) INTRODUCTION AU DOMAINE DES FIBRES
a) Les fibres régénérées [MON75]
b) L’essor des fibres synthétiques
c) Compréhension de ces nouveaux matériaux
d) Les différentes applications
e) Les unités de l’industrie textile
2) UN PEU DE CHIMIE
a) Chimie du polyéthylène térephtalate
b) Chimie du polyamide 6 6
3) MISE EN FORME : PROCEDE DE FILAGE / ETIRAGE
4) MICROSTRUCTURE DES FIBRES THERMOPLASTIQUES
a) Introduction
b) Caractéristiques de la phase amorphe
c) Différence PET / Nylon
d) Caractérisation de la phase cristalline du PET
e) Modèle de structure fibrillaire
f) Structure cœur / peau
g) Gradient de contraintes résiduelles entre le cœur et la peau
5) VISION MULTIECHELLE GLOBALE DE LA FIBRE
a) Une image multiéchelle
b) Des méthodes expérimentales dédiées
6) CARACTERISATION MECANIQUE
a) Micromécanisme de déformation lors d’un essai de traction sur fibre unitaire
b) Phénomène de fluage dans les polymères
c) Les essais de fatigue sur fibre unitaire
d) Essais de fatigue de structures complexes
7) LES QUESTIONS POSEES ET LES OBJECTIFS DE LA THESE
Chapitre 2 Méthodes expérimentales
1) MESURE DU DIAMETRE DES FIBRES
2) CARACTERISATION THERMIQUE ET THERMOMECANIQUE
a) Analyse enthalpique différentielle (DSC)
Introduction
Méthode utilisée pour la DSC conventionnelle
Méthode utilisée pour la DSC modulée
b) Analyse thermomécanique (DMTA)
3) LES ESSAIS MECANIQUES SUR FIBRE UNITAIRE
a) Présentation de la machine d’essai mécanique
Historique
Principe de fonctionnement de la machine pour les essais de fatigue
b) Modes opératoires
Essai de traction
Essai de fluage
Essai de fatigue
4) ESSAIS MECANIQUES SUR MECHE DE FIBRES
5) METHODES D’OBSERVATION
a) Microscopie électronique à balayage (MEB)
b) Microscopie optique et biréfringence
c) Méthodes spéciales de préparation d’échantillons
6) ANALYSE DE LA MICROSTRUCTURE PAR DIFFRACTION DES RAYONS X
a) Principe de la diffraction des rayons X
Phénomène physique
Spécificités liées aux matériaux texturés tels que les fibres thermoplastiques
b) Essais aux grands angles
Méthodes expérimentales utilisées
Principe de déconvolution
Obtention des paramètres microstructuraux
c) Essais aux petits angles
Méthodes expérimentales
Traitement des données
Chapitre 3 Etude du matériau brut
1) DONNEES TECHNIQUES DES MECHES ETUDIEES
2) DISPERSION DIAMETRALE DES FIBRES
3) CARACTERISATION DES INCLUSIONS PRESENTES DANS LES FIBRES BRUTES
a) Visualisation des particules en microscopie optique
b) Caractérisation des inclusions
4) ANALYSE MICROSTRUCTURALE PAR DIFFRACTION DES RAYONS X
a) De la position des pics à la maille cristalline
b) Taille apparente des cristallites
c) Orientation des phases cristallines
d) Paramètres de la phase amorphe
e) Obtention de la longue période par diffraction des rayons X aux petits angles
5) MESURE DE LA BIREFRINGENCE
6) CARACTERISATION PAR ANALYSE THERMIQUE DIFFERENTIELLE
a) Fusion des cristallites
b) Suivi de la transition vitreuse
7) ETUDE THERMOMECANIQUE
a) Evolution du module et de la phase
b) Influence de la fréquence de l’oscillation sur la température de relaxation
CONCLUSION