L’essor de la téléconsultation dans le contexte du COVID

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État des lieux de la situation démographique en médecine générale

La situation démographique au premier janvier 2021 fait état d’une décroissance du nombre de médecins généralistes qui a baissé de 9% depuis 2010 (13). A cela s’ajoute une population de médecins de premier recours vieillissante, dont l’âge moyen est de 50 ans. Ainsi, la croissance démographique annuelle moyenne est négative.
Aussi, des contrastes interrégionaux existent avec une inégale répartition territoriale qui s’intensifie à la baisse au sein des départements déjà déficitaires. Une étude a été réalisée en 2019 par le conseil national de l’ordre des médecins, traitant des déterminants à l’installation des jeunes médecins (14). L’existence d’un service publique et la proximité familiale sont des facteurs déterminants pour le choix du lieu d’installation chez les internes et médecins remplaçants interrogés. Il en est de même pour la présence d’autres professionnels de santé ou d’un hôpital à proximité.
En Normandie, le nombre de médecins généralistes en activité régulière ne cesse de baisser, à l’exception de la Seine-Maritime où son nombre stagne, et du Calvados où il a faiblement augmenté en 2021. Les deux départements ayant subi la plus grande perte entre 2020 et 2021 sont l’Orne et l’Eure (Cf. figure 1 et 2).
Le département de l’Orne est l’un des départements les plus déficitaires pour le nombre de médecins en activité régulière avec une perte de plus de 19% depuis 2010.
La densité médicale moyenne exprimée en nombre de médecins pour 100 000 habitants est de 127 médecins pour 100 0000 habitants. La moitié des départements se situent en dessous de cette moyenne nationale (Cf. figure 3).
L’inégale répartition de l’offre de soins de premier recours, conduirait à penser que les populations vivant dans des zones à faible densité médicale pourraient rencontrer des difficultés d’accès aux soins. Cependant l’accessibilité aux soins ne peut se réduire à la seule notion de densité médicale.

L’accessibilité aux soins : une notion complexe

L’accessibilité aux soins, une notion multidimensionnelle ?

L’accessibilité aux soins correspond à la possibilité d’accéder à un service de soins approprié à ses besoins (15). Jean-Frédérique Levesque, médecin de santé publique et préventive à l’institut national de santé publique du Québec, s’est intéressé à la question de l’accessibilité aux soins. Il la décrit comme une interface entre les caractéristiques du patient en demande de soin, son environnement socio-économique et les caractéristiques du système de santé. Elle ne se résume pas à la simple disponibilité des services de soins.
Pour proposer une offre de soins adaptée, il faut comprendre les déterminants de l’offre et de la demande et en connaitre les différentes dimensions. La visibilité, l’acceptabilité, la disponibilité et l’accessibilité spatiale, l’accessibilité financière et enfin la pertinence sont les cinq dimensions à prendre en compte, selon J- F Levesque. Il met en miroir les habilités nécessaires aux patients pour un accès aux soins adapté. Sa capacité à percevoir, à chercher, à atteindre, à payer le service apporté et enfin à s’engager et s’impliquer dans le soin sont autant d’étapes et de compétences intervenant dans le processus d’accès aux soins. Le patient est donc aussi acteur de l’accès soin.
Figure 4: Concept de l’accessibilité aux soins selon J-F Levesque dans «Patient-centred access to health care: conceptualising access at the interface of health systems and populations ». International Journal for Equity in Health.2013
La visibilité renvoie au fait qu’un patient confronté à un besoin de soin soit capable d’identifier les services de soins existants. La capacité à percevoir les besoins de soins de la population est un corolaire à cette visibilité. L’information adaptée, délivrée au sujet des services existants vient faciliter la démarche d’accès du patient.
Les différents facteurs sociaux et culturels vont venir influencer la capacité du patient à accepter les différents aspects du service proposé (par exemple, le sexe du praticien ou les croyances et convictions associées aux soins).
La dimension de disponibilité et d’accessibilité spatiales fait référence au fait que les services de santé doivent exister physiquement, avec une capacité suffisante pour produire ses services et être accessible en un temps raisonnable. Elle résulte des caractéristiques des équipements (cabinet, bus), des professionnels de santé (qualification), du mode de prestation de service (téléconsultation ou consultation en présentiel). Elle dépend aussi du contexte urbain (décentralisation, système de transport). L’accès est alors limité si les ressources disponibles sont inégalement réparties sur le territoire ou entre les niveaux de soins.
Les contraintes des patients sont elles aussi prises en compte dans cette analyse, comme la mobilité personnelle, la disponibilité des moyens de transport et la flexibilité des horaires de travail. La mobilité restreinte des personnes âgées et handicapées, ou l’incapacité des patients actifs à s’absenter du travail pour consulter un médecin sont des exemples de freins possibles.
L’accessibilité financière est la capacité économique des patients à dépenser de l’argent et du temps pour utiliser les services appropriés. Elle résulte des prix directs des services et des dépenses associées (transport par exemple). La pauvreté, l’isolement social ou l’endettement sont des exemples de facteurs limitant la capacité des personnes à payer les soins nécessaires. La précarité financière peut être un motif de renoncement aux soins (16).
Enfin, la pertinence désigne l’adéquation entre les soins et les besoins du patient en termes de temps de prise en charge, de moyens utilisés et de compétences appropriées.
Des facteurs socioéconomiques, culturels et environnementaux conditionnent donc l’accès aux soins. Mesurer l’accessibilité aux soins est une mission complexe ne se résumant pas à la simple évaluation de l’offre de soins sur un territoire.

L’accessibilité aux soins peut-elle se mesurer ?

L’APL ou indicateur d’Accessibilité Potentielle Localisée, est un indicateur d’accessibilité aux soins (17). Il s’agit d’un indicateur d’adéquation territoriale entre l’offre et la demande de soins de ville. Il permet de mesurer à la fois la proximité et la disponibilité des professionnels de santé. Il peut être calculé à l’échelle d’une commune et tient compte de l’offre et de la demande issues des communes environnantes, de façon décroissante avec la distance.
L’APL prend en compte dans son calcul, un recours dégressif avec la distance entre 0 et 20 minutes et le nombre d’actes réalisé sur une année (18).
Pour tenir compte du lien entre la densité médicale locale et le niveau d’activité des médecins, qui peut varier pour diverses raisons (exercice mixte, cycle de vie, préférences personnelles…), le nombre d’actes pris en compte dans le calcul de l’indicateur est borné à 6 000 actes par an et par médecin. Les actes supérieurs à ce seuil ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’APL. Inversement, un niveau d’activité minimal de 3 600 actes par an est affecté aux libéraux.
Les besoins de recours à un médecin généraliste varient notamment en fonction de l’âge. Pour tenir compte de ces variations, chaque personne est affectée d’un poids qui dépend de la consommation moyenne observée de sa tranche d’âge. Ainsi, l’APL rend comparable l’accessibilité de communes ayant des populations d’âges très différents.
L’indicateur est calculé en nombre de consultations/visites accessibles par an et par habitant. L’APL permet donc de mesurer l’offre médicale disponible sur un territoire de vie. Il peut être calculé à différentes échelles. A L’échelle nationale l’APL est de 3,5 consultations / an / habitant.
Dans le cas du département de l’Orne, l’APL est de 2.4 consultations par an/ habitant. Il est possible de le calculer à l’échelle d’un canton ou d’une commune. Par exemple la commune de Monts-sur-Orne a un APL de 3.0 consultations par an/ habitant tandis que la commune de Juvigny-sur-Orne a un APL de 2.3 consultations par an/habitant. Connaitre les variations inter régionales permet d’adapter la réponse à apporter.
L’APL est un indicateur précis mais qui ne mesure qu’une part des aspects de l’accessibilité aux soins. Comme décrit par Levesque, l’étude de l’accessibilité aux soins comprend l’évaluation des déterminants socio-économiques à l’accès aux soins que ne permet pas l’APL (15).

Quels sont les déserts médicaux ruraux français ?

Définir le rural est complexe. De nombreuses définitions ont vu le jour au fil du temps, l’abordant selon différentes approches (19). Jusqu’en 2020, l’Insee définissait le rural comme « l’ensemble de communes n’appartenant pas à une unité urbaine caractérisées par le regroupement de plus de 2000 habitants ».
Les territoires ruraux sont désormais définis selon la densité de population (20). Ils désignent les territoires peu denses ou très peu denses d’après la grille communale de densité qui permet de classer les communes (21). A cette définition s’associe un critère de type fonctionnel, à savoir le degré d’influence d’un pôle d’emploi. Ce critère caractérise le lien aux pôles d’emploi à travers la part des actifs qui travaillent dans le pôle d’une aire de plus de 50 000 habitants. L’influence d’un pôle d’emploi est mesurée par l’intensité des déplacements domicile – travail (22).
Ainsi quatre catégories d’espaces ruraux se dessinent allant de la commune rurale très peu dense hors influence d’un pôle, aux communes sous forte influence d’un pôle (20).
La ruralité ne s’aborde pas seulement sur un versant géographique mais s’inscrit dans un ancrage local aussi bien socio-économique que démographique (20). L’IRDES (Institut de Recherche et Documentation en Économie de la Santé) s’est intéressé à la problématique d’accessibilité aux soins et à celle des déserts médicaux (23). En 2019, il décrit six classes de territoires de vie établis à partir de différents indicateurs socio – démographiques et sanitaires. L’un des objectifs de l’IRDES est de montrer les inadéquations éventuelles entre offre et besoins de soins, les disparités en matière d’attractivité territoriale, mais aussi de qualifier les espaces qui additionnent des difficultés ou des fragilités.
Le maillage qui a été retenu dans cette étude est celui des territoires de vie découpant la France en 2677 zones. Pour les zones rurales, il correspond au plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès à l’emploi et aux équipements courants. Pour les zones urbaines, il s’affranchit des limites des unités urbaines et redécoupe ainsi les bassins de vie autour des pôles de services intermédiaires.
Établi à partir d’une revue de la littérature, trois dimensions de l’accessibilité aux soins sont retenues dans cette étude : l’offre de soin, les caractéristiques de la population et l’attractivité territoriale.
La première dimension étudiée s’intéresse à l’offre de soin de premier recours décrite à travers l’APL. Elle traite aussi de l’accessibilité à des spécialités médicales en accès direct, ainsi qu’à la proximité d’établissements de santé ou médico-sociaux.
Les caractéristiques de la population sont étudiées à travers des indicateurs démographiques, socio-économiques, sanitaires et relatifs aux caractéristiques des ménages. Ces indicateurs permettent d’identifier les espaces où les besoins de la population sont à priori les plus élevés (fragile, défavorisée …). Les espaces en croissance démographique avec des besoins qui vont augmenter et les espaces à forte saisonnalité (touristiques), dont la demande fluctue fortement, sont également repérés.
L’attractivité auprès des populations et des médecins, structure l’évolution de la répartition de l’offre et des besoins. Elle a été étudiée à partir du solde migratoire, de la part de résidences secondaires, de logements vacants, de locaux éligibles au très haut débit et des distances à des éléments structurants d’attractivité. Ces pôles d’attractivité sont les pôles d’emploi, les pôles de services de proximité et les communes en bord de mer.
32 variables actives sont étudiées à travers ces trois dimensions. Les liaisons entre ces variables permettent d’établir huit axes factoriels à partir desquels est réalisé une classification ascendante hiérarchique qui agrège les territoires de vie deux à deux jusqu’à̀l’obtention de classes cohérentes. Ainsi, six classes ont été établies.

Le cas du département de l’Orne

Le département de l’Orne qui a été choisi, est un bon exemple de « désert médical ». En effet, l’Accessibilité Potentielle Localisée aux médecins généralistes de moins de 65 ans est de 2,40 consultations par an et par habitant en 2018. Il arrive en avant-dernière position devant la Guyane (24).
Le modèle d’exercice des médecins généralistes a évolué. Selon M. Frélaut, ancien directeur de la CPAM de l’Orne, l’exercice libéral solitaire prédominant dans les campagnes n’attire plus les jeunes générations de médecins qui préfèrent le travail en cabinet de groupe. Aussi, ces derniers souhaitent concilier la vie privée et professionnelle en consacrant davantage de temps à la vie personnelle. Notamment, la problématique pour le conjoint de trouver un emploi dans un département économiquement peu attractif comme l’Orne, est un autre frein pouvant expliquer que les médecins partant à la retraite ne soient pas remplacés (25). En effet, entre 2010 et 2020 il existe une décroissance de 19,4 % du nombre de médecins généralistes en activité régulière dans l’Orne (13).
De nombreux territoires de vie-santé ornais sont classés en zone d’intervention prioritaire par l’Agence Régionale de Santé de Normandie afin d’inciter les médecins à s’y installer à travers une proposition d’aides financières (26).
Cette inégalité territoriale d’accès aux soins et plus particulièrement aux soins de premier recours, vient interroger les pouvoirs publics sur les solutions possibles à apporter pour répondre à cette problématique centrale de santé publique. La téléconsultation est proposée comme une des solutions pour répondre à la question des « déserts médicaux ». Qu’en est-il des territoires ruraux peu attractifs aux populations fragiles? Le travail présenté ici a choisi de s’intéresser à l’un de ces territoires majoritairement composés de marges rurales peu attractives aux populations fragiles (classe 2 de la classification de l’IRDES) : La CPTS de l’Orne Est. Pour faciliter la compréhension, parler de « désert médical » rural a été préféré à l’expression de l’IRDES pour désigner ce type de territoire.

La téléconsultation est – elle une réponse aux problématiques d’accès aux soins ?

La fracture numérique

La fracture numérique pourrait grossièrement être définie comme désignant le fossé séparant les personnes bénéficiant de l’accès à l’information et aux services rendus par les technologies de l’information et de la communication (TIC) et ceux n’en bénéficiant pas (27). Mais sa définition n’est pas aussi simple et cette notion est plus complexe à appréhender. De nombreuses définitions existent.
Au début de l’essor du numérique, elle a été appréhendée uniquement dans sa dimension matérielle. Cette perspective mettant au centre de l’analyse uniquement l’équipement, présuppose que son accès conduirait automatiquement à l’usage sans tenir compte de l’environnement socio-économique et culturel (27).
Le développement du numérique a permis de mettre en lumière d’autres aspects de cette fracture. Van Dijk, un sociologue hollandais, analyse ces différents aspects résumés par le schéma suivant (28) : ( Cf fig.10)
L’appropriation du numérique se fait selon différents degrés, chacun de ces degrés peut être un lieu de fracture numérique que Van Dijk schématise ici.
Le premier obstacle à l’usage du numérique est l’accès matériel. On parle de fracture numérique de premier degré (29). Le prérequis à l’acquisition de l’outil numérique selon Van Dijk est la motivation ou l’envie de l’utiliser. Cette dernière pouvant être influencée par différents facteurs d’ordre sociaux, culturels ou psychologiques. Parmi eux, le manque de temps, d’argent ainsi que la technophobie, qui est la peur et la méfiance de la technologie et qui constitue l’un des freins motivationnels (28).
Il existe plusieurs utilisations de l’outil numérique selon les compétences acquises. Plusieurs niveaux de compétences ont été décrits :
– Des compétences liées au support : savoir comment faire fonctionner le support numérique et comment naviguer sur le WEB.
– Des compétences liées au contenu : savoir sélectionner et analyser l’information. Utiliser les outils de communication comme les mails, créer du contenu internet. Enfin, savoir utiliser les ressources
numériques pour atteindre des objectifs professionnels ou personnels.
L’absence partielle ou totale de ces compétences d’usage peut être responsable d’une fracture numérique dite de second degré (29).
Le facteur influençant le niveau de compétence le plus important est le niveau d’instruction (28). Les personnes ayant fait des études supérieures obtiennent de meilleurs résultats dans toutes les compétences par rapport aux personnes ayant un niveau d’instruction inférieur. L’âge est un facteur influençant le niveau de compétence lié au support qui est meilleur chez les plus jeunes. Les capacités cognitives ainsi que l’inégalité d’accès à une formation sont des facteurs pouvant limiter l’utilisation des TIC et créer ainsi certaines inégalités.
En France, en 2019, 83% des ménages français possèdent un ordinateur portable et 96% un smartphone (30). Mais pour quel usage ?
La finalité du « processus d’appropriation » selon Van Dijk est l’usage des TIC. Certains auteurs vont plus loin, pour parler des conséquences et des bénéfices résultant des usages des TIC, ou encore de « performances liées aux usages » (29). Ils parlent alors de fracture numérique de « troisième niveau ou degré » lorsqu’il existe des inégalités liées aux bénéfices des usages du numérique (31).
L’évolution rapide des TIC fait craindre que les personnes non équipées, que ce soit par choix ou non, soient marginalisées d’un point de vue économique et social (29).
J.V Dijk décrit une « Network society » qui pourrait se traduire par une « société en réseau ». Il la définit comme une société qui repose de plus en plus sur une infrastructure combinée de réseaux sociaux et médiatiques. Occuper des positions particulières et avoir des relations suivant cette position devient déterminant pour sa place, ses opportunités et ses chances dans la société. L’inclusion et l’exclusion dans les réseaux sociaux et médiatiques combinés pourraient être un puissant créateur d’inégalité structurelle dans la société en réseau. Il pourrait créer la structure tripartite suivante : (cf. fig.11)
Le noyau de cette image concentrique d’une société en réseau dessine une élite de l’information, avec un accès internet élevé et qui ont des réseaux sociaux et médiatiques très denses, qui se chevauchent. Il s’agirait des personnes avec des niveaux de revenu et d’éducation élevés, et qui occuperaient les meilleurs emplois et les meilleures positions sociales. Cette élite est habituée à vivre dans des réseaux sociaux denses.
La majorité de la population dans ces sociétés a moins de liens avec les réseaux sociaux et médiatiques et moins d’accès, de compétences et d’utilisation d’Internet. Les applications Internet utilisées sont relativement moins sérieuses et plus ludiques.
Enfin, la partie non connectée et exclue de la société qui est relativement isolée en termes de réseaux sociaux et de connexions aux réseaux médiatiques. Ils sont minoritaires. Ils se composent des classes sociales les plus basses. Ils participent beaucoup moins à plusieurs domaines de la société.
Le concept de fracture numérique montre que la vraie valeur d’une technologie doit être dérivée des usages et non des équipements seuls. Elle soulève la complexité de l’utilisation de l’outil numérique impliquant des facteurs à la fois sociaux, économiques et démographiques (32). La dématérialisation croissante des services publiques à laquelle chacun de nous est confronté est un exemple concret responsable d’exclusion par le numérique d’une partie de la population (33).
Le travail présenté ici s’intéresse aux appréhensions de l’utilisation de la téléconsultation du médecin généraliste chez les patients vivant dans un « désert médical » rural. L’inégalité d’accès aux soins rejoint-elle celle de l’accès au numérique à travers le sujet de la téléconsultation du médecin généraliste ?
L’INSEE réalise régulièrement des enquêtes auprès des ménages sur l’usage des technologies de l’information et de la communication. Ils sont interrogés sur leurs pratiques.
En 2019, l’étude de l’INSEE montre qu’il existe en France une disparité territoriale d’équipements avec des « zones blanches » non couvertes par l’offre téléphonique ou internet. Le taux de non équipement est plus élevées dans les zones rurales et urbaines de moins de 10 000 habitants (34). Cela pourrait être un premier frein à l’utilisation possible de la téléconsultation dans ces zones. Parmi les raisons évoquées, l’absence de haut débit est citée par 13 % des non-équipés des communes rurales contre moins de 2 % dans les unités urbaines de plus de 100 000 habitants. Cela montre un réel déséquilibre entre les populations rurales et urbaines. Les autres raisons évoquées dans cette étude sont le manque de compétences à 41 %, le coût du matériel ou de l’abonnement respectivement 32 % et 27 % et enfin l’absence d’offre haut-débit est citée dans 5 % des cas.
Cette disparité territoriale concerne aussi les compétences. En effet, les usagers d’internet des communes rurales manquent davantage de compétences de base en recherche d’information (+ 44 %) ou en communication (+ 72 %) .
La notion de coût matériel est une problématique qui est d’autant plus retrouvée qu’on s’éloigne des pôles d’activités. La population rurale est plus pauvre et elle est représentée par une proportion d’ouvriers plus importante que de cadres. La proportion de cadres augmente au fur et à mesure qu’on se rapproche des territoires sous forte influence d’un pôle (20).
A cela s’ajoute une population de plus de 65 ans plus importante en campagne qu’en ville. L’étude de l’INSEE montre que l’illectronisme est plus important chez les personnes âgées de plus de 60 ans et de plus de 75 ans (respectivement 26,7 % et 67,2 %) (34).
En effet, Les personnes les plus âgées, les moins diplômées, aux revenus modestes, sont les plus touchées par le défaut d’équipement comme par le manque de compétences.

La télémédecine échappe – t – elle à la fracture numérique ?

Dans le domaine de la santé, les technologies de l’information et de la communication se développent de plus en plus. L’utilisation des TIC est un enjeu de santé public à l’échelle nationale et internationale (35). Depuis 2018, les téléconsultations sont prises en charge par la CPAM sous certaines conditions, montrant une réelle volonté des pouvoirs publics de développer cette pratique en médecine générale (36). Ils comptent sur ces outils pour faire face aux problématiques de vieillissement de la population et de ce fait à l’augmentation des maladies chroniques et de la demande de soins. Mais aussi pour répondre aux conséquences de l’inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire (37).
Il existe des bénéfices à l’utilisation des TIC en santé. L’utilisation de la « e-santé » serait associée à un meilleur état de santé à travers la promotion de la prévention primaire (38).
Une méta analyse étudiant l’intervention de la télémédecine dans la gestion du diabète de type 2 montre une amélioration des glycémies, de la prévention et du dépistage de la rétinopathie diabétique (39). Aussi, l’utilisation d’internet pour la santé serait associée à une meilleure qualité de vie (40).
Cependant, l’utilisation des TIC au sein de la population est loin d’être identique pour tout le monde. Régulièrement le CRÉDOC (Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de vie, anciennement Centre de Recherches et de Documentation sur la Consommation) réalise une enquête sur l’utilisation des TIC en France. Elle s’intéresse entre autres au domaine de la santé.
En 2018, la moitié de la population française affirme rechercher des informations sur sa santé ou celle d’un proche en ligne. Les trois principaux déterminants retrouvés concernant l’utilisation d’internet appliquée au domaine de la santé sont l’âge, le diplôme et le niveau de revenus. Les 25-39 ans, les personnes à hauts revenus, les titulaires du baccalauréat et les diplômes du supérieur sont les plus enclins à̀se renseigner en ligne sur des sujets liés à la santé (41).
En 2021, il s’est intéressé à l’utilisation de TIC pendant le confinement et en particulier à l’utilisation de la téléconsultation qui a concerné plus d’un quart des français. Il s’agissait particulièrement de patients jeunes entre 25 et 39 ans. La prise de rendez-vous en ligne et les consultations en ligne ont été plus fréquentes chez les cadres. Cette étude a aussi mis en évidence des différences selon les territoires avec une proportion plus faible d’utilisation de la médecine en ligne des habitants des communes rurales (41).
Là encore, il existe des disparités d’utilisation des TIC d’ordre socio-économique et territorial. Elles font craindre des inégalités liées aux bénéfices de leur utilisation. La fracture numérique s’exprime alors aussi dans le domaine de la santé.

Autour de l’appréhension

Le mot « appréhender » se définit de différentes manières selon le contexte. Il est défini dans le dictionnaire comme « l’action de saisir les choses par l’esprit » ou comme « une crainte encore imprécise d’un risque ou d’un danger » (42). L’angoisse, l’inquiétude et la peur sont des synonymes (43).
Le philosophe Jacques Natanson définit la peur comme une émotion ressentie généralement en présence ou en perspective d’un danger, d’une situation qui comporterait la possibilité d’un inconvénient ou d’un mal qui nous affecterait (44). Les émotions sont à la base de la capacité d’agir, de réagir, de penser et de raisonner. Elles dépendent de contextes culturels, politiques et sociaux (45).
L’étude autour de l’appréhension de la téléconsultation soulève donc des questionnements autour de l’émotion face au changement, à la nouveauté en lien avec une culture du soin de premier recours ancrée depuis des années autour du médecin de famille. Ceci dans un contexte social de difficulté d’accès aux soins.

Matériels et méthodes

Objectifs et problématique de l’étude

La période de confinement durant la crise du COVID a été favorable au développement de la téléconsultation. Les pouvoirs publics ont perçu un potentiel dans cette pratique pour répondre à la problématique de l’accès aux soins des « déserts médicaux ». L’essor de la téléconsultation a été à la source d’apparition de nouveaux questionnements inhérents à cette pratique. En effet, face à la réalité de la fracture numérique en France, n’est-ce pas un moyen de créer de nouvelles inégalités d’accès aux soins ? Comment les populations concernées accueillent cette nouvelle pratique, quelles sont leurs appréhensions ?
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées :
§ La téléconsultation propose un nouveau type de relation médecin-malade auquel les populations rurales naïves de téléconsultations ne sont pas habituées. Ces populations sont déjà fragilisées par l’éloignement de services essentiels dont celui du médecin généraliste de proximité́. La téléconsultation pourrait symboliser un abandon supplémentaire.
§ La pratique de la téléconsultation suggère l’appropriation d’une technique nouvelle de consultation. La fracture numérique existante pourrait être un frein à son utilisation. Étudier l’utilisation des technologies de l’information et de la communication par ces populations permettrait d’apprécier les modalités d’appropriation de celles-ci.
§ Les nouvelles TIC présentent des nouveaux risques liés à la sécurisation des données. Ces populations peuvent être réticentes à l’intervention d’Internet dans le colloque singulier médecin-patient, étant informées de scandales liés à certains hackings ou à la réutilisation de données. L’objectif de cette étude est d’étudier les appréhensions des patients vis-à̀-vis de la téléconsultation du médecin généraliste à la lumière de leur vécu en zone rurale fragile.

Population concernée

Le recrutement a été réalisé du mois de février au mois de juin 2021. Il a concerné les usagers du Médicobus qui est un cabinet médical mobile dans l’Orne. Le Médicobus est un projet mis en place pour faciliter l’accès aux soins primaires dans les territoires fragiles, à savoir l’Est de l’Orne dont 20% des assurés sociaux n’ont pas de médecin traitant. Il répond à des besoins de consultation de médecine générale pour des soins non programmés chez des patients n’ayant pas de médecin traitant ou dont le médecin traitant n’est pas disponible. (46)
Les patients recrutés doivent être majeurs, sans mesure de protection, sans expérience de téléconsultation avec un médecin. Ils sont en situation de difficulté d’accès aux soins puisqu’ils consultent le Médicobus.

Type d’étude

Il s’agit d’une étude qualitative qui a été réalisée par entretiens individuels semi-dirigés. Les entretiens ont été menés en présentiel ou par téléphone par deux chercheurs de façon distincte. Une grille d’entretien permettait d’orienter les questions posées (cf. Annexe 1). Les thèmes abordés étaient le vécu médical, le vécu territorial, l’inclusion numérique et l’appréhension de la téléconsultation. La grille a été modifiée au fur et à mesure de l’étude et de l’analyse.

Analyse

Une méthode d’analyse inspirée de la théorisation ancrée d’Anselm Strauss a été choisie. Après enregistrement, chaque entretien a été anonymisé, retranscrit et codé grâce aux logiciels ONLYOFFICE® disponibles sur le drive sécurisé de l’université́de Rouen. L’analyse se faisait au fur et à mesure de l’étude conjointement par les deux chercheurs. Les entretiens ont été menés jusqu’à saturation théorique des données.

Éthique Règlementaire

L’étude est inscrite au registre de l’université́de Rouen par l’intermédiaire de la déléguée à la protection des données (DPO). Une information écrite était remise aux participants (cf. Annexe 2). L’accord oral des participants était obtenu et enregistré en début d’entretien. Les entretiens étaient totalement anonymisés. Les enregistrements audios ont été détruit après retranscription.

Choix de la revue

Le Médecin généraliste se trouve sur le terrain au premier plan, face aux problématiques de santé publique auxquelles la population est confrontée. Au-delà d’être acteur de santé publique, le médecin généraliste est aussi force de réflexion et de proposition concernant notamment l’organisation du système de soin.
La revue Santé Publique, publie des articles traitant de l’organisation du système de soin (47). Ce travail, qui propose une réflexion autour de la problématique des « déserts médicaux » trouve toute sa place dans cette revue. Son comité de lecture indépendant multidisciplinaire et généraliste permettra une analyse et une vision globale du sujet de publication.
Par ailleurs, cette revue s’adressant aussi aux décideurs de l’organisation de soins, ce travail veut contribuer à une réflexion sur la place actuelle et future de la télémédecine dans l’organisation du système de santé.

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Table des matières

LISTE DES ABREVIATIONS
LISTE DES ANNEXES
I. L’essor de la téléconsultation dans le contexte du COVID
II. État des lieux de la situation démographique en médecine générale
III. L’accessibilité aux soins : une notion complexe
1. L’accessibilité aux soins, une notion multidimensionnelle ?
2. L’accessibilité aux soins peut-elle se mesurer ?
3. Quels sont les déserts médicaux ruraux français ?
4. Le cas du département de l’Orne
IV. La téléconsultation est – elle une réponse aux problématiques d’accès aux soins ?
1. La fracture numérique
2. Existe – t – il une disparité territoriale de l’accès au numérique en France ?
3. La télémédecine échappe – t – elle à la fracture numérique ?
V. Autour de l’appréhension
VI. Matériels et méthodes
VII. Choix de la revue
BIBLIOGRAPHIE

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